Mon cher Jalk, le problème de notre monde contemporain est tout bonnement que l'esprit n'a pas évolué en même temps que le corps. Pour dire les choses plus simplement, l'adage "science sans conscience n'est que ruine de l'âme" démontre de manière éclatante sa véracité :
- Nous avons créé un système de communication qui peut potentiellement tous nous relier ; nous l'utilisons en premier lieu pour y trouver de quoi satisfaire nos pulsions sexuelles avec les sites pornographiques.
- Nous avons décodé notre ADN ; nous envisageons de nous en servir pour nous ficher.
- Etc.
Circonstance aggravante, ce qui à l'origine est un moyen de simplifier les échanges est devenu une fin en soi, pire, la fin à laquelle tout le reste est subordonnée, je veux parler de l'argent ; la rentabilité est désormais la loi fondamentale.
Tu dis que tu ne vois pas la différence avec ce qui pouvait se faire en cinquante avant JC ? Moi j'en vois plusieurs, de différences. La principale étant le potentiel de nuisance : un dictateur en Egypte antique n'avait pas les moyens qu'ont nos dictateurs contemporains. Ne réalises-tu donc pas que nous sommes trop "évolué" pour notre propre bien ?
Notre connaissance du fonctionnement de notre environnement, de notre propre fonctionnement, à quelle fin l'utilisons-nous ? Bâtir une société aliénante qui érode toute individualité au profit de l'institutionnalisation - le meilleur des mondes, ça te dit quelque chose ?
Et nous osons nous prétendre civilisés.
J'affirme que nous ne sommes pas assez responsables pour détenir ces connaissances.
J'affirme que nous n'avons pas la maturité pour manipuler ces outils.
On ne peut pas responsabiliser l'espèce de manière accélérée - à supposer qu'il soit possible de la responsabiliser tout court, ce qui est un autre débat.
La maturité vient par définition avec le temps, elle ne doit pas être confondue avec les connaissances. On peut rendre les gens plus instruits, mais on ne peut pas les rendre plus intelligents.
Je me fais le chantre de l'obscurantisme. Nous ne pouvons faire en sorte que l'esprit de l'Homme rattrape sa maîtrise matérielle, mais nous pouvons ramener sa maîtrise matérielle au niveau de son esprit.
Tu me prêtes des intentions que je n'ai pas, en t'imaginant qu'après la guerre je vois un Nouvel Ordre Mondial et l'Homme Nouveau ; bien au contraire, c'est à l'antipode de ma démarche, et c'est même précisément pour éviter cela que je veux cette guerre, car c'est ce que je vois en train de se produire, l'Homme avili et remodelé en un rouage docile et obéissant d'une société où le totalitarisme n'est pas politique, visage que nous connaissons bien et avons de bonnes chances de reconnaître, mais économique.
La mondialisation, que certains ne cessent d'encenser, n'est que l'usurpation des prérogatives étatiques des entités politiques par des entités économiques. Le résultat en est que la gouvernance est dès lors entre les mains de personnes, physiques ou morales, qui n'ont pas pour objectif premier le bien public, mais le profit.
Voilà l'ennemi que je vois, l'ennemi qui subordonne ceux qui devraient être nos protecteurs et nos dirigeants, les Etats. Je ne les prétendrai pas parfaits, mais au moins ont-ils pour fonction première et unique notre bien-être, la gestion de nos ressources pour notre mieux, là où les rouages économiques qui les supplantent n'ont aucune préoccupation humaine, et obéissent aux lois abstraites de l'économie débridée visant au bénéfice et n'envisageant les choses qu'en termes purement économiques.
Nous avons nous-mêmes créé une machine folle qui va nous broyer, et nous sommes incapables de nous entendre pour la démonter - c'est un cercle vicieux : la source du problème est que nous accordons trop d'importance au matériel au détriment du spirituel, et le système ainsi engendré a vocation à accroître le bien-être matériel en rognant sur le spirituel. Plus il y aurait besoin que les gens se rendent compte qu'ils s'auto-détruisent, moins ils en sont capables.
La destruction brute reste la seule solution. La machine qui nous menace a besoin d'un certain niveau de développement pour exister ; le recul du développement la tuera. Et ce recul s'obtiendra par la guerre que j'appelle de mes vÅ“ux.
Tu m'objectes le prix à payer ; fatalement, une telle destruction ne sera pas ciblée et emportera avec elle un grand nombre de bonnes choses. Mais face à ce qui est menacé, j'estime que ce prix doit être payé. J'en regrette la nécessité, mais je ne regrette pas de le payer.
Maintenant, sur l'aspect plus historique. Mon cher, quand je parlais de réflexe pavlovien induit par le procès de Nuremberg et le travail de formatage des mentalités qui s'en est suivi, je sais exactement de quoi je parle.
L'idée que la guerre est une chose mauvaise en soi est une idée extrêmement récente. Les prémices s'en sont manifestées lors de la Première Guerre Mondiale, et ont été plus que minoritaires ; elles ont trouvé un terrain de développement favorable après cette guerre, lors de la brutale prise de conscience de ce que permettait le développement technologique, ce qui causa par ailleurs la chute du positivisme, courant de pensée voulant croire que le "Progrès" résoudrait tous les problèmes de l'Humanité, etc. Tiens, j'ai l'impression de me retrouver au début de mon message. Passons.
La volonté que la Première Guerre Mondiale soit "la der des der" est motivée par la découverte du visage que la science contemporaine donne à la guerre ; ce n'est pas la guerre elle-même qui est rejetée, c'est l'idée de tuer deux cents soldats en douze secondes en lâchant du gaz moutarde dans leur tranchée.
Nous en arrivons à la Seconde Guerre Mondiale, et plus précisément à la fin de celle-ci, au Procès de Nuremberg. Au-delà du contexte – le jugement des exactions nazi – qui motive la constitution de ce tribunal ainsi que ses séances, il y a une idée totalement nouvelle : faire de l’acte de guerre un crime en soi.
Réussite totale, soixante ans plus tard, avec quelques dommages collatéraux – nationalisme, etc. comme tu le rappelles en ne pouvant t’empêcher de glisser dans ton message une remarque sur les « égoïstes besoins nationaux ».
La guerre permet précisément de lutter contre la stagnation et donc à terme la décadence qui s’empare de tout ce qui trop longtemps perdure. Il y a certes un prix à payer, mais tout en a. Et la guerre que je considère comme rendue nécessaire aujourd’hui aura un prix d’autant plus élevée qu’elle a été trop longtemps refoulée : plus longue la compression, plus grande l’accumulation, plus terrible l’explosion.
Sans même parler de notre agressivité naturelle et autres constituants psychologiques de l’être humain, nos sociétés ont besoin de la guerre afin d’évoluer, ce qui signifie parfois disparaître pour laisser la place à de nouvelles.
La préservation pour la préservation est dénuée de sens.
Revenons dans le concret. Oui, il est facile de rire des ONG. Tout simplement parce qu’elles sont risibles. Elles s’attaquent aux symptômes, et non aux causes des maux. Pour prendre l’exemple de cette Arche de Zoé qui voulait sauver les petits tchadiens de leur avenir d’enfants soldats : est-ce que tu te rends compte du ridicule – pour rester poli – de la démarche ? Il me semble qu’ils sont accusés d’avoir tenter d’en embarquer une centaine. Sur combien de dizaines de milliers ? Oh, je suis sûr que tu vas me répliquer que les petits ruisseaux font les grandes rivières, etc. Et quand bien même : allons-nous évacuer toute la population infantile du Tchad ? Et cela résoudra-t-il en quoi que ce soit le fait que le Tchad est une dictature, etc. ?
Ce genre d’activité non seulement ne mène nulle part, mais est contre-productif car au final, ce sont des ressources gaspillées, et surtout, elles donnent l’impression à des naïfs dans ton genre que par petites touches, les choses vont s’améliorer.
Ca me donne envie de vomir.
DIO a écrit:
Ma plus grande question en temps qu'inculte obeissant a un complexe pavlovien est la suivante.
Par rapport à la dernier guerre entre pays riche, notre puissance d'armement à considérablement augmenter non ?
Bien plus que notre capacité à nous en protéger ou même à nous soigner.
Si on avait une nouvelle guerre entre pays riche, resterait il suffisament d'humain valide et doué de raison capable de rebatir les nations détruites ?
En plus les moeurs ont également considérablement évolué depuis 45.
De nos jours, la natalité dans les pays riches est des plus basses, me demande si les gens se remettraient à baiser à couilles rabattu pour repeupler avec nos mentalités actuelles...
Bonne interrogation. Si tu as raison et que nous ne serions pas foutus de repeupler, alors c'est que nous sommes tombés encore plus bas que je n'osais le craindre.