Squallll a écrit:
Citer:
Non, Internet et l'informatique ne sont pas spécifiquement des produits de luxe : ils ne sont ni décoratifs ni réservés au divertissement. Ils constituent des outils de travail et de communication clefs. Ils ont changé la manière dont l'humanité fonctionne, de A à Z. Ce n'est pas pompeux de le dire, c'est une réalité qui se vérifie tous les jours, à tous les niveaux. Dans un pays développé, chaque citoyen peut ainsi avoir accès, 24 heures sur 24, à l'essentiel du savoir culturel et artistique de l'humanité
Oui...dans un pays développé
Quel est donc le sens de ce smiley malin ? Tu crois avoir découvert quelque chose ?
Tu vas pas gagner de médaille en soulevant un point déjà évoqué par ton interlocuteur (le "dans les pays développés" n'est qu'un équivalent au niveau national de mon "quand on n'est pas SDF"). On ne base pas les systèmes politiques, moraux, économiques, sociaux sur des modèles pauvres et/ou dictatoriaux. Sinon, si on prend le plus bas dénominateur commun, allons-y, mangeons de la chair humaine. Après tout, c'est ce que les gens perdus dans les Andes loin de toute nourriture doivent faire.
Squallll a écrit:
Outre le fait qu'internet, contrairement à ce que tu sembles avancer, ne donne qu'une illusion de l'exhaustivité
Si tu fais partie des kékés qui passent 100% de leur temps sur Wikipédie et Livre-visage, oui, Internet est bien pauvre. Si tu réalises que les bibliothèques du monde entier sont en train d'être scannées, et qu'une large portion en est en accès libre (et le reste téléchargeable via des sources illégales ou des cracks)...
Internet n'est pas exhaustif ? Alors, qu'est-ce qui est exhaustif ? Il y a cinquante ans, des gens auraient tué pour avoir accès à une telle masse d'information, à pareil réseau de communication. Il y a cent ans, c'était tout bonnement inimaginable. Internet représente un million, un milliard de fois la masse de connaissances brutes de la bibliothèque d'Alexandrie, trésor du monde antique. Et pitié, ne parle pas des informations superflues ou erronées. Ladite bibliothèque contenait, elle aussi, son lot de bêtises.
Squallll a écrit:
c'est également un outil de luxe, et ça je le maintiens. Ça date de combien de temps la révolution internet ? Et son développement dans le privé ? Les années 90-2000, donc en gros, ça fait même pas 50 ans qu'on utilise internet abondement dans les pays développés. À l'échelle de l'humanité, autant dire que ça n'est strictement rien du tout, c'est un luxe incroyable que nous avons par rapport à nos ancêtres. Beaucoup de choses dans l'Occident sont de l'ordre du luxe, oui, la médecine indolore, les moyens de transport ultra-rapides, le simple fait d'être capable de manger de la viande tous les jours c'est un luxe incroyable qu'aucune société il y a tout juste 200 ans pouvait se permettre. On a jamais atteint un tel niveau de confort, donc oui, j'estime que l'Occident tout entier vit dans le luxe, et que le fait de perdre son temps à débattre sur des forums pour jauger de son niveau rhétorique, constitue une infime partie du luxe qui nous environne.
J'aime beaucoup l'argument de la durée. Avec ça, tu peux relativiser n'importe quoi. Par exemple prétendre que l'humanité n'a aucune influence sur la planète (
ce qui est faux, nous avons diminué la luminosité solaire de 22% avec notre pollution atmosphérique, nous remplissons les océans de poison et les vidons de poisson, anéantissons d'innombrables espèces animales et végétales, changeons le paysage en profondeur avec d'immenses ouvrages d'ingénierie, et ne parlons même pas des cultures qui modifient la géologie), parce que "la vie de l'humanité n'est qu'une étincelle comparée à l'âge de la Terre".
Au passage, l'argument de la durée vaut aussi pour la "Décadence" chez les Égyptiens. Je le répète, je le martèle, 2600 ans de souveraineté après le premier inceste royal dans les archives. Si on commence à juger les choses par la durée, nous avons aussi passé davantage de temps nus qu'habillés. Est-ce pour autant juste de juger l'humanité par cette période ?
Donc non, argument de la durée invalidé.
Il est également du devoir de l'homme de bien de t'informer, à sa plus grande tristesse, que tu as été touché par la Décadence. En effet, tu as oublié jusqu'à la définition du mot "luxe". Il signifie "Raffiné et superflu". La révolution informatique n'est pas raffinée, et encore moins superflue.
Pour finir, soulignons l'éclat de lucidité de ce paragraphe : oui, l'Occident vit dans un niveau de confort inégalé depuis le commencement des temps. Mais aussi d'hygiène et de salubrité. La qualité de vie n'est pas un signe de "décadence", c'est un objectif de premier plan pour toute société saine d'esprit.
Squallll a écrit:
Pour autant, je ne suis pas technophobe, et dans son usage purement mathématique et utilitaire, l'informatique est en effet une invention prodigieuse qui offre des perspectives saisissantes, pour autant, je ne vois vraiment pas comment on ne pourrait pas considérer ça comme un luxe. Outil de travail, oui, mais outil dont l'humanité a su se passer pendant des millénaires.
L'humanité a également su se passer des vêtements pendant des millénaires. De chirurgie. De moyens de transport modernes. Tu confonds "luxe" et "avancées techniques". Encore une fois, tu perds de vue la définition du mot.
Mais ton serviteur va te faire un cadeau : considérer que ton raisonnement se tient si on remplace "luxe" par "produit coûteux". Hélas, mille fois hélas, là non plus, ça ne tient pas. L'informatique et le réseau Internet se sont démocratisés, comme précédemment évoqués. Le citoyen lambda a un ordinateur et une connexion. Ou un téléphone intelligent, comme les Indiens.
Squallll a écrit:
Quant à l'état des économies occidentales, eh bien, pour tout te dire, et même si je suis le premier à noter les effets désastreux du luxe par rapport à la distanciation du lien social, j'aime tout de même mon petit confort occidental. Je ne suis pas de ceux qui attendent la crise avec impatience dans l'espoir de tout détruire pour créer une société nouvelle. Je ne trépigne pas d'impatience à l'idée de l'effondrement économique, mais je l'appréhende. Or ce dernier me semble de plus en plus inévitable et ce malgré la très grande résilience du cerveau global. Les États sont endettés, le privé est endetté, les banques ont témoigné de leur incapacité à gérer les affaires de manière honnête et surtout intelligente, qui l'aurait cru, les États-Unis ne produisent plus rien, n'exportent plus rien, et ce n'est certainement pas la nouvelle bulle liée à l'indépendance énergétique du pays qui y changera quoi que ce soit. Je ne crois pas aux délires survivalistes, mais un réajustement des économies occidentales, qui ira de paire avec une certaine baisse du niveau de vie m’apparaît inévitable. Mais si tu avais raison, ça me conviendrait pas mal, en attendant, je me prépare mentalement à des années de galère.
Tu as partiellement raison : il n'y a qu'à espérer que les choses tournent pour le mieux... mais on pourrait également agir en ce sens. On pourrait commencer par mettre les tradeurs en prison, comme en Islande : ce sont techniquement des escrocs et les principaux responsables de la débâcle.
Squallll a écrit:
Citer:
Oh, pitié, pas la Décadence. Tout d'abord, il y a toujours eu une marge d'analphabétisme, qui variait selon l'époque... et qui a, dans la plupart des civilisations, constitué la majorité de la population, étrange de devoir rappeler ça à un discoureur qui se réclame de l'histoire.
Que la population soit analphabète n'a qu'une importance relative par rapport au modèle productif et structurel dans lequel on se place. Si l'ensemble de la population française aujourd'hui était incapable d'écrire, oui, ce serait un problème. Mais au Moyen-âge, et même au XIXe siècle c'est sans importance, ça ne remet pas en cause le système. Par ailleurs, je me place au niveau des élites, celles qui portent le système global, élite qui ne pourrait pas exister sans le peuple pour le nourrir. Et là, très franchement, ça me semble complexe d'affirmer que la décadence tient du mythe. Rien qu'en se plaçant au niveau politique, on a une pléthore d'exemples de régimes s'étant effondrés, minés de l'intérieur. Qui pourra nier que l'empire ottoman, avec son administration corrompu, son incapacité à aligner des armées, était décadent ? Qui pourra nier que la Chine des Qing, incapable de mater ses propres révoltes, à l'administration devenue envahissante au système de cour aussi sophistiqué qu'inutile n'était pas en pleine décadence. Tous les régimes politiques sont mortels, la décadence, ce n'est pas juste un concept de pessimiste, ça tire ses sources d'une connaissances de l'histoire et c'est quelque chose que les Grecs savaient déjà. Après, il y a des systèmes qui durent plus ou moins longtemps. Oui l'Égypte pharaonique a duré longtemps, et après ? La monarchie française aussi. Ensuite, il y a une décadence culturelle, morale, celle liée à la perte de valeur d'une société. Là-dessus, je crois à l'extrême résilience des civilisations, pour autant, elle existe. Il n'y a pas de pays plus méprisable que le Japon, société autrefois extrêmement militarisée, sûre d'elle même, de sa supériorité, balayée par deux bombes atomiques qui ne produit aujourd'hui que de la saloperie pour enfants de 30 ans. Par ailleurs, je suis de la vieille école, je crois à la famille, à la tradition, aux institutions qui donnent un sens à la vie, en cela, oui, l'Occident entier, avec son nombre de divorce ahurissant, sa négation de la tradition, qui imposait un certain stoïcisme face au monde en opposition au "je fais ce que je veux" moderne ne peut provoquer chez moi que de la révulsion
La corruption de l'administration (pitié, bannissons "décadence", terme orienté et nauséabond) n'a rien à voir avec le fantasme de l'effondrement moral. On peut citer d'innombrables illustrations de dégénérescence gouvernementale, administrative, culturelle se produisant dans des sociétés pleines de "valeurs" dans le sens que tu donnes à ce terme. Très près de nous, nous avons l'exemple de la Russie : noyautée par la Mafia, mais prônant de "vraies valeurs".
En vérité, tout comme puritanisme et paraphilies marchent en frères (cf la duplicité de la Bible Belt ou celle de l'époque victorienne), institutions morales rigides et déliquescence des structures politico-économiques fonctionnent de concert.
Ce n'est de toute façon pas la mission de la société que de donner un sens à la vie. Il en va des convictions individuelles.
Squallll a écrit:
Citer:
Toutes les civilisations utilisées comme références de génie artistique, militaire et scientifique par une culture occidentale avide de grands modèles sont, simultanément, autant de beaux exemples de ce que cette même culture considère comme de la dégénérescence : inceste, pédophilie, esclavage, illettrisme, destruction des cultures voisines, hérésie, blasphème, superstition et idolâtrie.
On peut reconnaître que plusieurs civilisations existent, et donc, ayant survécu à l'épreuve du temps ont quelque chose de fonctionnel, tout en les considérant comme incroyablement barbare et décadente. Pour ma part, je n'ai aucun respect pour la civilisation aztèque, et je n'ai aucune raison d'en avoir pour une société qui pratiquait les sacrifices humains et l'anthropophagie.
Quid de la pratique de l'esclavage dans les cultures gréco-romaines ? De la pédophilie institutionnalisée ?
Selon ton aune propre, tu te dois de cracher sur de telles sociétés.
Squallll a écrit:
Citer:
Tout ce qui est en rapport avec l'échange, l'empathie, le soutien à son prochain, mais plus encore avec la politique et la société en générale, la responsabilité de l'individu et celle du dirigeant, ne cesse de mûrir.
En effet, j'ai été vite, l'Occident a bien des valeurs, ce qui est lié à son passé, sa civilisation. La charité, l'individualisme, sont des valeurs héritées d'un certain particularisme, ce qui me pousse à dire que les civilisations sont bien plus résistantes que les régimes politiques, les cycles économiques. Mais les valeurs traditionnelles, celles qui sont largement communes à toutes les sociétés humaines et s'inscrivent dans l'Homme, elles, ont disparu.
Si ces valeurs sont "communes à toutes les sociétés humaines et s'inscrivent dans l'Homme", ne devraient-elles pas se nourrir d'elles-mêmes ? Pourquoi sont-elles absentes chez les Aztèques que tu abreuves d'injures ?
Qu'est-ce qui te permet d'accord davantage de poids aux valeurs traditionnelles qu'aux valeurs nouvelles ? Leur durée ? Argument invalidé plus haut, la pérennité d'un élément n'est en aucun cas la garantie de sa qualité. Leur antériorité ? Là encore, c'est un raccourci, un sophisme de taille, un argument spécieux par essence.
Mais ne désespère pas. Les valeurs ne disparaissent pas, au contraire, elles se métamorphosent et se multiplient. Il y a bien davantage de mérite dans un divorce courageux que dans le mariage persistant de deux individus qui se haïssent. La prise de conscience (récente) de l'existence de l'homosexualité, de l'asexualité, du polyromantisme démontre davantage de respect pour l'individu et induit davantage de stabilité, au final, dans la société, puisque chacun s'appréhende mieux et comprend davantage les besoins d'autrui. Etc.
Au passage, qui refuserait d'échanger ses vieux barils de Mariage contre un seul baril de Laïcité ? Levez la main.
Les valeurs ne sont pas fondamentalement liées au passé et à la tradition. C'est une contre-vérité.Squallll a écrit:
Citer:
Si tu tiens à remonter aux sources, cela dit... Pourquoi le latin, le grec, et pas le sanskrit ? Ou l'égyptien, tiens ? Ou le chinois ancien, à la racine de la plus ancienne civilisation encore "survivante" ?
Je ne sais pas, peut-être parce que ces deux langues ont été la matrice de ce qui a fait notre civilisation moderne. Le Grec, c'est la langue pour lire les classiques (les tragédies, les épopées, les premiers livres d'histoire, les philosophes, des modèles qui peuvent te sembler dépassés mais que des générations d'européens ont appris par coeur), qui ont servi de base à l'érudition et l'éducation pendant des siècles. La latin, tout simplement par l'empire romain, le fait que la langue soit demeurée celle des élites pendant des siècles et soit surtout celle de l'Église catholique, qui a joué un rôle indéniable dans la construction de l'Occident, avec la BIBLE en latin. La civilisation occidentale telle qu'on la connait vient de là. Ça ne veut pas dire qu'elle est figée dans le temps, mais les racines de notre civilisation, elles sont là. Réflexe de la Renaissance ? Peut-être, mais la soif de connaissance pour les modèles grecs ne date certainement pas de là.
La matrice de ce qui a fait notre civilisation moderne ? Laisse-moi te parler de la Mésopotamie. Et des centaines d'autres cultures qui sont à la véritable source de nos valeurs, de notre fonctionnement social.
La civilisation occidentale ne vient PAS des sociétés gréco-romaines. Elle est le résultat d'un immense brassage de cultures,
dont ces deux composantes.
Et quand bien même la Mésopotamie n'aurait jamais existé... Pourquoi rester à tout prix attachés à nos origines ? Pourquoi perpétuer, répéter, imiter des schémas, des images et des concepts sans aucune réflexion, sans tri, sans analyse ? Simplement parce que "c'est le passé", "ce sont les bases", "ce sont les classiques", "des générations les ont appris par cœur" ?
Nous avons été nus pendant des millénaires. Devons-nous rester nus ?
Nous nous sommes entretués depuis l'aube des temps. Devons-nous poursuivre le massacre généralisé ?
De tous temps, nous avons lynché les personnes différentes (couleur de peau, langue, croyances, sexualité). Devons-nous continuer ?
Lors de l'accouchement, nous naissons tous dans le sang et les excréments. Devons-nous prendre un bain de la même nature chaque matin dès le lever ?