Il semblerait qu'il n'y ait pas encore de sujet consacré à cet excellent webcomic, manquement que je m'en vais réparer...
Les deux personnages principaux dans une posture et des costumes qu'on ne voit nulle part ailleurs que sur cette image - couverture du tome 1 de l'oeuvre éditéeC'est à ce moment précis que je me rends compte qu'il va m'être difficile de rédiger un article là-dessus. D'une part parce qu'il est délicat de parler de Gunnerkrigg court (GC) sans faire de spoiler ; d'autre part parce qu'une grande part de l'intérêt de ce webcomic tient dans son
ambiance à laquelle il sera difficile de faire justice dans les limites de ce genre de présentation.
Essayons de commencer par le
commencement : Antimony Carver (Annie pour les intimes) a douze ans lorsque nous la rencontrons pour la première fois. Elle est interne à Gunnerkrigg court, une école dont nous réalisons très vite qu'elle ne colle pas vraiment à l'image qu'on se fait habituellement de ce genre d'établissement. Les événements auxquels Annie se retrouve confrontée sont également pour le moins inattendus : dès le premier chapitre, elle se découvre dotée d'une seconde ombre et se lance dans la fabrication d'un robot à partir de pièces détachées abandonnées dans un coin de l'école.
Avec ce que je viens de dire, le lecteur de fantaisie un tant soit peu expérimenté pourrait commencer à visualiser différentes catégories dans lesquelles classer GC : va-t-on avoir affaire à un cousin de Harry Potter avec Annie jouant le rôle du sorcier à la cicatrice et Gunnerkrigg court remplaçant Poudlard ? A moins qu'il ne s'agisse d'un énième Alice aux pays des merveilles, avec un personnage-témoin servant de prétexte à la mise en scène d'un monde étrange et merveilleux ?
Rien du tout. GC possède une structure narrative toute en finesse, qui va mener de front plusieurs découvertes - aussi bien dans le récit qu'en-dehors de celui-ci.
La première découverte est celle de Gunnerkrigg court. L'école... est difficilement définissable - plusieurs réponses ont été données par certains protagonistes à la question "
Qu'est Gunnerkrigg court ?" au fil de l'oeuvre, mais aucune ne résout vraiment le mystère pour l'heure... - et même si l'on finit par se faire une idée assez claire d'à quoi s'occupe cet étrange établissement, on nage toujours en pleine hypothèse concernant son origine et sa finalité ; en fait, nous avons une assez bonne idée de sa situation présente, mais nous manquons du recul requis pour saisir son passé et son futur.
Ce manque de recul est celui d'Annie. Elle est, dans 90% des cas, notre guide* dans cet univers étrange ; il arrive occasionnellement que l'action se détache d'elle pour suivre un autre personnage, mais cela demeure rare. Nous suivons Annie et découvrons Gunnerkrigg court
en même temps qu'elle car, comme nous le comprenons assez vite, Annie n'a que récemment intégré cet établissement et en sait donc aussi peu que nous sur lui. Mais elle n'est pas un alter ego destiné au lecteur, une enveloppe creuse dans laquelle il peut se projeter pour vivre l'histoire à travers elle ; la seconde découverte que nous propose GC est celle d'Annie elle-même, de son histoire, de sa personnalité en construction - GC inclût en effet le temps dans son récit : il passe certes lentement, mais inéluctablement, ainsi à l'heure actuelle deux années scolaires se sont écoulées depuis que l'histoire a démarré et les personnages ont vieilli en conséquence, ce qui signifie notamment que de pré-adolescente Annie est devenue adolescente tout court, changement loin d'être anodin. Nous découvrons Gunnerkrigg court au quotidien et ce quotidien
est celui d'Annie, celui d'une personne à part entière que nous découvrons donc dans le même temps.
En résumé, le récit de GC entrelace habilement plusieurs niveaux d'exploration de... de quoi, justement ?
C'est précisément ici que je me heurte à l'écueil du spoiler. Comme vous devez l'avoir compris, parler de l'univers de GC, c'est vous gâcher le plaisir de le découvrir en suivant les pas d'Annie, en lisant le webcomic. Je vais néanmoins essayer d'en dire assez pour vous appâter.
GC prend place dans notre monde ; l'auteur situe explicitement son cadre au Royaume-uni. Mais dans le même temps, GC met en scène ce que j'appellerai
l'étrange. Ce n'est pas du surnaturel systématique à proprement parler - nous ne sommes pas en terrain de fantaisie urbaine à la
Dossiers Dresden. Il s'agit plutôt de bizarreries qui se glissent, on pourrait presque dire s'infiltrent, dans le cadre familier de notre monde pour y apporter une touche de mystère... d'étrangeté. Annie, à la fois par son jeune âge et par son flegme tout britannique, accepte sans pour autant se blaser ces bizarreries et les intègre aux situations qu'elle vit. Pour reprendre l'exemple que je mentionne plus haut, lorsqu'elle se découvre une deuxième ombre, sa première réaction est d'en parler aux adultes ; lorsque l'ombre s'avère assez intelligente et indépendante pour se dissimuler aux regards d'autrui, Annie décide de s'adresser directement à elle...
GC évolue beaucoup au fil du temps, et pas seulement dans ses personnages qui grandissent. Au fur et à mesure qu'Annie explore et découvre l'univers dans lequel son internat à Gunnerkrigg court la plonge, les situations dans lesquelles elle se retrouve entraînée - et donc le récit que nous lisons - évoluent pour accompagner sa plongée de plus en plus profonde dans l'étrange qui finit par être intégré dans la vision du monde d'Annie sans pour autant se substituer à notre monde ;
nous ne basculons pas dans l'altérité totale, nous explorons la face cachée de notre monde, nuance subtile mais déterminante pour expliquer le caractère particulier de GC.
Une autre évolution particulièrement notable concerne le dessin. Le style graphique des premiers chapitres est moyen, voire, disons-le franchement, à la limite du médiocre ; mais comme dit le proverbe, c'est en forgeant... Aujourd'hui, et depuis déjà un certain nombre de chapitres, GC possède une qualité graphique tout à fait respectable, à tel point que l'auteur a récemment décidé de s'y consacrer à plein temps et d'en faire son gagne pain - et quand on voit
ce qu'il arrive désormais à produire, on peut le comprendre.
Ah, un dernier argument : la plupart des eltanhirs connaissent mon amour immodéré de la langue anglaise - à la broche avec une pomme dans la bouche
. Pour que je vous recommande un webcomic dans la langue de la perfide Albion... vous pouvez vous dire que ça en vaut vraiment la peine.
* : On notera qu'en théorie, Annie est la narratrice du récit, mais au-delà du premier chapitre, nous ne la verrons plus faire la moindre intervention en voix-off.
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. aujourd'hui je suis encore le développement du comics et je pense acheter les livres. J'aime surtout cette capacité qu'a l'auteur de nous mettre dans l'ambiance, je parle par exemple des autres élèves tels que Zimmy et Gamma ou encore ce fameux garçon qu'on voit dans les premiers chapitres et qui doit partir rejoindre ses parents dans la forêt (Sans faire de Spoilers 
)
