Eltanin

Seriez-vous prêts à  m'accorder un service ? Le nom que je vais vous donner, celui de la personne responsable de tout... vous devez le retrouver. Foncez chez lui, dégommez-le.
Je vous écris de l'hôpital ; j'ai acheté un ordinateur portable qui me permet de continuer à  passer sur les forums, malgré mes membres fracassés. Ma main droite fonctionne encore, à  tout le moins, et si vous estimez que ce n'est que calembredaines, venez me voir à  l'hôpital Alchemilla. Enfin bref. Je pense que je ne tiendrai pas bien longtemps, ici, si quelqu'un pouvait être assez aimable pour m'apporter des oranges, pour mes derniers jours d'existence. Demandez la chambre 237, celle devant laquelle il y a toujours ces deux petites filles vêtues de bleu qui trépigne.
Rappelez-vous... Raphaël Lafarge, chambre 237, Hôpital Alchemilla.
Mais d'abord, je vais vous raconter comment j'en suis arrivé là .

Dès mon entrée dans la salle de cinéma, j'ai senti quelque chose d'étrange. Je me fie à  l'occasion à  mes intuitions ; mais je n'avais rien à  faire de mon après-midi, et j'ai toujours associé ces multi-salles précis à  un certain plaisir du spectacle. Je vais souvent au cinéma aux Champs-Elysées, là  où j'ai, un jour malheureux, croisé les Madnautes pour une sortie "Matrix" à  laquelle je n'étais pas convié et à  laquelle je ne comptais point participer. Mais trêve de souvenirs, reportons-nous sur cette histoire. J'avais donc un pressentiment négatif que j'ai ignoré, et bien mal m'en a pris.

Ce film contient très peu de bonnes surprises. Evacuons-les en vrac : la légendaire séquence en vue subjective réussie (elle manque un peu de rapidité au niveau des déplacements du personnage, mais c'est bien tout) et justifiée scénaristiquement, quelques répliques qui font mouche (notamment l'unique bonne réplique du film de The Rock, faisant explicitement référence aux clichés du cinéma hollywoodien), les nano-murs et l'utilisation maligne du BFG.
Voilà , vous avez toutes les qualités du film.
Respirez à  grands coups, je vais vous brosser le portrait de l'oeuvre en une seule et unique phrase, histoire que vous compreniez ce que je fais sur les rives du trépas.

Le scénario est archi-revu, en aucune manière traité avec originalité, pas le moindre "nouvel éclairage" jeté sur le pitch des humains qui se transforment en gros monstres, j'irai même jusqu'à  dire que j'ai eu l'impression de revoir des péripéties déjà  visionnées une bonne centaine de fois, le traitement des personnages n'est ni rusé, ni viscéral, mais surtout superficiel et convenu (on sent bien là  qu'Hollywood, une fois de plus, injecte le quota syndical de passif et d'échanges sentimentaux sans comprendre que ce n'est pas ainsi que l'on fait naître l'émotion dans un film), tout le monde passe à  la moulinette avec une régularité et une prévisibilité que même les pires slashers n'égaleront jamais, les lumières sont foireuses, les décors semblent avoir été conçus en suivant à  la lettre la formule "beau comme un camion", les réactions de l'équipe sont absurdes, la quarantaine vague, l'ancienne civilisation martienne absolument pas esquissée, les développeurs poussant la paresse jusqu'à  leur donner la même structure osseuse et génétique que les êtres humains (à  moins que ce ne soit une manière très très subtile de faire comprendre qu'ils seraient les ancêtres de la race humaine ayant immigré avec l'arche ? En fait, je pense que le scénariste ne s'est jamais posé la question), les incohérences naviguent entre simples illogismes et aberrations totales grandement réjouissantes (OUI ! Les squelettes des Martiens qui ont été déchiquetés par des monstres conservent la position qu'ils avaient AVANT d'être frappés pendant des millénaires, et sont découverts ainsi pour être placés dans des vitrines qui font joli dans les laboratoires de génétique !), la photographie est inexistante, les maquillages ordinaires et formels, le gore à  peine effleuré, les bruitages sont anodins, la musique remplit son office barbare mais peine à  dynamiser une oeuvre poussive, on a droit à  un combat de catch dans une arène électrifiée et à  des surhommes qui bondissent partout comme des sauterelles, la première heure du film est totalement superfétatoire, non, en fait, tout le film est inutile, bon sang, qu'est-ce que j'ai fait, pourquoi suis-je allé voir ça, comment ai-je pu avoir l'espoir qu'une adaptation de jeu vidéo soit réussie, comment ai-je pu croire que "Doom" serait plus réussi que "Super Mario Bros", "Street Fighter", "Mortal Kombat", "Resident Evil 2 : Apocalypse" et toutes ces bous... merveilles inoubliables, comment ai-je pu oser penser qu'ils se rappeleraient du magnifique bestiaire, qu'ils nous serviraient des Princes des Ténèbres, des sphères rouges volantes, d'énormes araignées mécaniques au corps constitué d'un cerveau, comment ai-je pu supposer que le boss final pouvait être un archi-gros monstre pas beau, qu'est-ce qui m'a conduit à  franchir la porte de cette salle, quand ai-je fait ma première erreur, qu'est-ce qui a sabordé ma journée et m'a conduit à  me suicider, à  ouvrir la fenêtre, à  prendre appui sur le rebord, à  regarder le trottoir en bas et à  sauter, levant enfin les yeux vers le ciel grisâtre que j'aurais dû fixer avant, car il préfigurait le désastre qui s'annonçait ?

Ecoutez-moi... son nom est Andrzej Bartkowiak... c'est lui qui a réalisé "Doom". Vous devez le retrouver et le tuer... pour moi. Vengez-moi...

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