Fanatique de la bande dessinée depuis de nombreuses années (c'est un peu le
Neon Genesis Evangelion de la bande dessinée, pour ma pomme, c'est dire... Le parallèle pourrait être fait sur de nombreuses facettes : auteur maniaque du détail et plus attaché à la qualité de l'ensemble qu'à sa viabilité commerciale, quantité colossale de degrés de lecture, critique acerbe du genre dont le récit constitue la déconstruction, propos philosophique, mise en scène de malade sous couvert de retenue dans les effets - ce qu'on appelle de la maîtrise...), votre serviteur craignait cette adaptation comme la peste...
C'était bien moins horrible que je m'y attendais.
Sur le plan purement scénaristique, comme beaucoup l'ont dit, c'est une excellente adaptation. La direction artistique est également impeccable (le Docteur Manhattan adapté avec de la texture, merveille), à l'exception peut-être des paysages martiens quasi inexistants et fortement hideux, réduits à des bosses impersonnelles (à l'inverse de ceux de la bande dessinée). Les acteurs sont pour la plupart extrêmement bien choisis, tant en termes de physionomie que de jeu, le Hibou, le Comédien et Rorschach sont particulièrement étonnants, on les croirait sortis de l'album par quelque étrange magie.
Hélas, mille fois hélas, la mise en scène est une catastrophe. On ne reviendra pas sur le montage incertain, l'abus de ralenti ou la direction d'acteurs très relâchée (mais que fabrique Ozy ? Et le Hibou dont le jeu joue aux montagnes russes entre les prises...), tout ou presque a été dit dans les pages précédentes, et... je suis d'accord avec tout ce qu'il y a de plus négatif de plus péjoratif. Disons juste, pour vider encore un chargeur de M-16 sur l'ambulance : l'accompagnement musical est non seulement inapproprié, mais hilarant lors du passage "Alléluia" et surtout...
C'EST UN MASSACRE. Snyder a gâché un excellent script.
Finalement, par extraordinaire, malgré tous les efforts de son tâcheron de réal pour accoucher du nouveau
Bad Boys 2 version super-héros, le film fonctionne à peu près.
Dans les grands ratés, sur le plan narratif, les choses qui m'ont choqué :
- Ce n'est pas assez long, surtout au début, où l'histoire lance coup sur coup le Comédien, Rorschach et le Hibou, sautant du coq à l'âne sans s'attarder sur aucun, sans en expliquer aucun, sans en exposer véritablement aucun. Du coup, le spectateur n'a pas d'accroche émotionnelle pour l'atterrissage dans cette uchronie, il subit les "bizarreries" (introduites avec une absence de subtilité rare, voir la télévision au début...) et ne s'attache à rien.
- Paradoxalement, c'est trop dense en termes d'univers, certains éléments auraient DÛ sauter, et Bubastis en premier lieu. Un pote m'a demandé "
Il fout quoi dans le film, le tigre-lynx zarbi ?". La plupart des spectateurs néophytes ne comprennent tout simplement pas la présence du compagnon animal d'Ozymandias. Remplacer le félin OGM par un tigre blanc ou un simple chien aurait réduit les dégâts.
- Des efforts sont faits pour fournir un contexte (le générique de début fournit un efficace succédané des articles et extraits de livres dont est jonchée la BD), mais tout l'appareillage de détails et de complications tant bureaucratiques que légales crédibilisant le comics a été jeté par-dessus bord.
- Dans le même temps, l'accent a été mis sur les exploits des personnages, ce qui place le film le cul entre deux chaises : d'une part, le spectateur de base identifiera très bien Docteur Manhattan comme le seul élément purement fantastique, d'autre part, il verra Ozymandias faire des bonds de cabri ou Rorschach récupérer d'une chute de deux étages comme une fleur, sans la moindre douleur, sans même vaciller, pour se relancer immédiatement sur des policiers...
Ce n'est pas une mauvaise adaptation. Nous sommes à milles lieues de la BD, mais il y a une fidélité de forme, beaucoup de choses ont réussi à passer à l'écran, certains personnages y deviennent magique (les miracles du Docteur Manhattan, le masque de Rorschach)... Dommage que le film soit dépourvu de qualités propres...