Eltanin

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 Sujet du message: [feuilleton]Fragments
MessagePublié: 11 Août 2006, 15:17 
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Songes de louve

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Voir le sujet suivant : http://www.pantagrame.com/eltanin/forum/viewtopic.php?t=2561

Voilà  le début d'un des trois fils qui doivent tresser le projet Fragments

In Tenebris


On me tire de ma rêverie. Une main puissante, qui m’extrait rudement de mon fauteuil. J’entrouvre les yeux et j’aperçois le genre de visage que je ne souhaite pas apercevoir. J’inhale une nouvelle bouffée de vapeur bleutée, une dernière. Son arôme sucré envahit ma bouche, se colle à  toutes les parois sur son passage, avant de s’éteindre. Je me souviens soudainement d’une sorte de cigarette, essayée furtivement il y a longtemps. Ca vous arrachait la gorge avant de faire le moindre effet. On a en a fait du progrès depuis.
L’homme m’arrache à  ma bulle. C’est le moment où je réalise que j’étais bien, plongé dans un rêve agréable. Etrange, tout de même. On le sait toujours après coup, qu’on vivait un moment agréable, et jamais pendant. Il devait y avoir des lieux poétiques, des créatures sublimes. Le genre de filles qu’on ne peut qu’imaginer, en s’aidant de vapeur bleutée si nécessaire. Je sens comme l’effet d’une douche froide. Je devrais avoir la trouille, vu qui me tire de là , mais non, je me sens stupidement énervé. Un si beau rêve, on me le brise. Je paye assez cher pour avoir le droit d’en sortir moi-même, à  petits pas. Mais ce ne sera pas pour ce soir, une deuxième personne me saisit par la taille et m’emmène brutalement dehors.

Si je ferme les yeux, je retrouve un moment des morceaux de rêves, des images fugitives. J’essaye de ne pas penser. Penser serait revenir au présent, songer au futur sans ne pouvoir y faire grand-chose, alors je préfère éviter. Mais les oreilles, elles ne peuvent pas mentir. Les accents du neo, ou retro jazz oriental – comment savoir ? Il n’y a plus vraiment de nom pour ça – se sont évanouis. J’entends juste le bruit irritant d’une grande artère. Les pas, les paroles, je n’ai pas envie de les entendre, de les comprendre. Résultat, chacun me fait l’effet d’un léger coup sur mon crâne, c’est une bataille perdue d’avance, je le sais. On ne peut pas gagner, quand deux molosses viennent vous arracher à  un rêve artificiel.

On me projette rudement sur une banquette. J’aperçois fugitivement une longue silhouette, un engin puissant pour des gens qui ne le sont pas moins. Je soupire. Après tout j’ai le droit de faire mon numéro du gars paumé et complètement assommé. Je m’écroule sans un regard pour les deux baraqués. Un claquement, et nous voilà  partis dans un léger feulement. Quelque chose en moi me dit que je devrais commencer à  m’intéresser à  la situation. Trop tard, pour le coup je suis réellement hors d’état.
Soudain je sens un contact froid sur mon bras, une piqûre fugitive. Je grogne, je crois. Puis je comprends ce que ça signifie. Un overdrive, pour me tirer de la drogue. Mes yeux croisent celui de la brute. Oui je le connais, et je vois un sourire se former sur son visage. Il sait ce que je vais vivre.

La sensation de tremper ses membres dans de l’eau trop froide. On gémit un peu, avant de les enfoncer un peu plus, sous contrôle. Mais là  non, l’eau monte, glaciale à  vous donner une sensation de brûlure, elle irradie mes membres et progresse sans que je puisse faire quoi que soit. Que faire, d’ailleurs, ce foutu truc est en moi, ce n’est pas du liquide ou je ne sais quelle sensation extérieure, ce truc progresse et se dilue dans mon sang. Et parvient à  ma tête. Ma vision se brouille, et je me sens tiré, poussé violemment du fil de mes pensées. Une douleur sourde m’envahit, rebondit avec application entre les replis de mon cortex, se faufile entre mes sinus en m’arrachant des larmes. Et tout redevient net. Ma bouche est encore un peu pâteuse mais j’y vois à  nouveau parfaitement, j’entends la voiture glisser à  toute allure, et mes rêves sucrés sont bien évanouis. La brute me dévisage, elle s’appelle Mike, je m’en souviens à  présent.

« Heureux de vous voir de retour parmi nous, Louis »


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MessagePublié: 11 Août 2006, 18:10 
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S.A.V de Lamenoire
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pour reprendre un slogan connu "J'aime! J'aime! J'aime!"

vivement la suite

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Une lame qui glisse silencieusement hors du fourreau, une gorge ouverte sans un cri, un corps qui glisse sans bruit au sol.

Voila une agréable soirée en perspective...


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MessagePublié: 11 Août 2006, 23:53 
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Songes de louve

Inscription : 09 Juil 2004, 00:25
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Un visage imposant, mais des yeux calmes, presque doux. Inutile de chercher une barbe naissante, être impeccable est tout autant dans sa nature que ramasser des épaves comme moi. De mon côté, mon teint doit reprendre des couleurs plus rassurantes, à  voir son air. Il fait tournoyer négligemment la seringue entre ses doigts, petit tube d’acier d’où s’échappe une fumée blanchâtre. L’aguille rentrée à  l’intérieur est portée au rouge pour désinfection. Il fut un temps où l’opération se passait à  l’extérieur de l’engin, mais les accidents avaient vite fait changer d’avis le producteur. Les accidents et certaines utilisations tordues, à  vrai dire. Protéger les gens contre eux même devenait décidément un métier à  plein temps.

J’avais déjà  connu les joies d’un overdrive. Un nom qui résumait tout. Tout se déroulait en un éclair, trip comme descente, car voyez vous, le temps est trop précieux pour certaines personnes. Des personnes comme le propriétaire de cette limousine. Mike avait rangé sa seringue et sifflotait, les mains croisées sur le ventre. En d’autres circonstances, nous aurions pu être amis, au fond. Il se montrait toujours agréable, mais je savais que ce n’était qu’un vernis. Qu’on lui donne l’ordre, et il ferait n’importe quoi à  son vieil ami Louis.

« Louis, c’est plutôt spécial comme nom. Tu sais d’où ça vient ?
—D’un pays qui n’existe plus. Comme tous les autres.
—T’as bien raison, Louis ! » m’encourage-t-il. Je ne sais pas trop d’où m’est venue la réplique. Le fameux sens de l’humour qui vous vient dans un moment difficile. De quoi se sentir un homme, un vrai dur à  cuire. De toute façon, je n’en suis pas certain moi-même. Si cela peut rassurer les braves gens de savoir d’où ils viennent, et par d’où je veux bien dire les racines, je ne me sens pas trop concerné par mon histoire. Ce serait agiter un fantôme.

Les bâtiments filent à  toute allure derrière les vitres teintées. Je sais déjà  où je me dirige, une chose de moins dont s’inquiéter. Ce n’est pas vraiment une chance, à  vrai dire, puisque ça me laisse d’autant plus de temps pour songer au reste. Le reste… l’histoire d’un gars qui rate le grand aiguillage de la vie, et quitte la voie rapide. Pas tout à  fait sans casse, c’est pourquoi je me retrouve là  ce soir.

« C’est Blackthorn qui me fait chercher n’est-ce pas ?
—Monsieur Blackthorn. Oui, il veut te voir. Non, tu n’as pas le choix.
—Ouf, je suis soulagé de le savoir, vraiment, Mike. » Encore le besoin de crâner. Le moment où jamais de toute façon. Mike et son collègue n’ont pas reçu l’ordre de faire davantage que me tirer du paradis artificiel.

J’aperçois un bout de ciel par la fenêtre. Il est sombre, presque violacé. Quelle distance me sépare de la barrière ? Quelques kilomètres tout au plus, si je me souviens bien. Plus loin, je distingue une série d’aiguilles métalliques. Le quartier gamma, celui où logent les gens comme Blackthorn. Dans quelques minutes, notre véhicule va s’engouffrer dans une de ces immeubles, celui aux reflets argentés. Puis nous prendrons une artère interne, à  toute allure. Et là  les choses se gâteront, à  quelques centaines de mètres au dessus du sol. Entre ciel et terre. J’aurais pu appartenir au ciel, au lieu de ça je suis redevenu un pauvre terrestre, tout juste bon à  monter chez Monsieur Joe Blackthorn.
Je regarde encore Mike, ses joues pleines, ses cheveux clairs et courts. Si nous étions amis, nous ferions une drôle de paire. L’armoire à  glace et le grand maigre, aux traits effilés et aux longs cheveux noirs. Le menton glabre et volontaire face à  ma barbe naissante. Le lieutenant fidèle et le rebelle un peu perdu. Mais Mike est là  pour escorter Louis, ni plus ni moins. Parce que Louis, contrairement à  Mike, Louis s’est fait un paquet d’ennuis.


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MessagePublié: 13 Août 2006, 12:32 
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Songes de louve

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La lumière me brûle les yeux. Mais je ne veux pas baisser la tête dans l'ascenseur, pas devant Mike et l'hôtesse qui nous a accueillis dans la tour. Finalement, est-ce que ça signifie réellement quelque chose? Je passe mon temps dans des endroits sombres. Les lumières des néons sont davantage des éclairs dans l'obscurité qu'autre chose. Les endroits comme le Triangle, qui vous offrent de quoi rêver et tuer vos journées vous donnent en prime la sensation d'être en fin de soirée, quelque soit l'heure à  laquelle on s'y trouve. Il ne faut pas qu'on se sente, et bien…. lucide, j'imagine.

Mais ici, on travaille et il n'y a rien à  dissimuler. Les bureaux de Blackthorn sont inondés de cette lumière crue qui convient à  ceux qui sont encore sur la voie rapide. Ce vieux renard sait bien que les véritables secrets n'ont rien à  voir avec l'apparence et l'ambiance des lieux. Les enfoirés présentent toujours bien, a mon avis.

A une autre époque mon cÅ“ur battait en prenant cet ascenseur. J'étais du genre à  apprécier cette lumière moi aussi. C'était comme tirer le fil des évènements, au lieu de se faire traîner, sans la force de protester. De tout cela, il ne me reste qu'une seule véritable carte : je savais ce qui m'attendait. Je m'étais posé toutes les questions il y a un bail, et j'avais soigneusement rangé les réponses, sous une pile de souvenirs auxquels je ne comptais pas toucher. Visiblement, ce n'était pas le cas de tout le monde. Pour une personne au moins, je n'étais pas un souvenir rangé dans un placard.

Tiens, Mike et la jeune femme ne sont plus là . Je suis dans le couloir qui mène au bureau de Blackthorn. L'avantage d'avoir les réponses, même si on les a fraîchement sorties de l'endroit poussiéreux où notre inconséquence les a laissés, c'est que tout va se dérouler très vite. On doit m'observer, de toute façon. Autant entrer tout de suite.

"Bonsoir, Louis" On pourrait s'imaginer que le bureau d'un type comme Joe Blackthorn s'ouvrirait sur une grande vue plongeante de la ville. Et non, les vitres donnent sur le parc du quartier Gamma. Etonnant n'est-ce pas? Même les gens de sa trempe peuvent aspirer à  la sérénité, j'imagine. A moins qu'apercevoir, deviner, la faune des zones plus défavorisées ne lui convienne pas. Ce qui n'empêche pas de faire venir un spécimen de temps en temps.

"Bonsoir." Joe se tient debout, légèrement appuyé sur son bureau. Pas vraiment athlétique, mais une sorte d'aura, de force intérieure se dégage de sa personne. Je cherche son regard entre les plis de son visage basané. Mais impossible, les deux perles sombres m'évitent. Délibérément. Je me contente de fixer sa barbe courte, piquetée de blanc. Il pourrait la teindre, mais je crois qu'il veut faire son âge malgré tout. Toujours donner cette impression qu'il en sait plus que vous.

"Bien réveillé j'espère? Je te préviens, la soirée risque de se prolonger un peu, en ce qui te concerne." Aucune menace dans sa voix. Comme pour l'éclairage, la forme importe peu devant le fond.
-Si tu le dis. Mes soirées sont un peu élastiques ces derniers temps.
-Tu devrais bosser. Un travail ce n'est pas que l'argent, tu sais. C'est un moyen de structurer tes journées. Tu te lèves en sachant ce que tu vas commencer à  faire, et jusqu'où tu le feras. C'est l'armature sur laquelle tu peux bâtir le reste. Pour ne pas succomber à  la tentation du chaos.
-Je fais des choses, de ci, de là â€¦
-Je t'ai rappelé en partie parce que tu n'as pas de boulot, tu le sais. La bonne nouvelle c'est que je vais t'en proposer un nouveau.
-Trop aimable." Je vois une allée couverte de charbons ardents. Je suis pieds nus.
-Ne me remercie pas encore. Il te reste encore assez d'estime de toi pour ne pas le penser. Et il t'en faudra pour ce que je vais te demander.

Une étincelle d'intérêt vient de s'allumer en moi. Bon sang, je dois vraiment être stupide.


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MessagePublié: 13 Août 2006, 19:57 
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Songes de louve

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"Que peut-on voir depuis ces fenêtres? " dit-il, joignant le geste à  la parole. Un carré de gazon s'étend sous mes yeux. Ce n'est pas la réponse qu'il attend, inutile de se faire des idées. Et comme je n'ai plus trop envie de jouer rebelle, je garde le silence.
"Lève les yeux, Louis. Comme tu le faisais à  une autre époque." Ce ciel étrange qui surplombe Venezia. Et derrière lui, les motifs lumineux de la barrière, surgissant par intermittence.
-La frontière. C'est la réponse que tu attends n'est-ce pas?
-Tu la connais bien. Mieux que nous tous. Je connais tout de Venezia, Louis, bien mieux que tu ne le feras jamais. Mais même moi, ne la connais pas autant que tu as pu le faire.
-On ne la connaît jamais vraiment. Ceux qui le croient y perdent la vie tôt ou tard.
-Bien, bien… jusqu'où es-tu allé Louis?
-Nous avons parlé de tout ça autrefois. Tu le sais bien.
-Argon Prime, la Ceinture Minérale. Kuandong, ValRosso, le triangle. Mais tu n'es pas allé plus loin."

Le voilà  qui vient de renverser mon placard à  souvenir. Les vieilles feuilles poussiéreuses volètent en tout sens et me font tousser. Et je ne peux rien faire, même pas protester. Le fond, toujours, jamais les apparences, chez Blackthorn.

"Est-ce que tu connais la Ceinture Obscure?" Ha. L'étincelle vient de trouver sa source. Il ne tentera même pas de le cacher, il a même appuyé juste ce qu'il fallait ces dernier mots pour que je comprenne. J'ai envie de vapeur bleutée, je crois.
-De nom. Une zone sous industrialisée, et très peu accessible.
-Ce qui fait deux bonnes raisons de ne pas s'y rendre, Louis. Et à  propos de raisons, quelles sont celles qui t'ont valu d'être amené ici, selon toi?
-Me proposer un travail?" Parfois paraître stupide reste encore le plus prudent.
-Allons, Louis… Tu parles là  de ce que moi j'ai à  faire. L'important est que ce boulot soit à  faire. Pas du tout que toi tu en aies un, si tu vois ce que je veux dire.
-Alors disons la frontière. Que je sois un ancien pilote.

Joe semblait songeur, depuis un moment. D'un doigt, il me désigne une chaise mais je secoue imperceptiblement la tête. Pour la première fois depuis un long moment, je le vois esquisser un sourire, pour la première fois depuis que Mike et moi ne pouvons plus être amis, en fait.

"Voilà  en effet une excellente première raison. Mais avant de te laisser réfléchir aux autres, je vais tout de même t'en dire un peu plus.
-Au sujet de cet endroit, la ceinture?
-Quand on se documente sur quelque chose de mal connu, on se demande parfois pourquoi les gens ne sont pas allés plus loin. En tout cas c'est ce que je ferai moi, Louis. Et puis parfois, on découvre que ce n'était finalement que logique. Comme dans le cas de la ceinture.
-Mais toi tu as quelque chose qui t'y pousse.
-Les premiers à  avoir découvert un passage on rapidement réalisé que les gens avaient beaucoup perdu dans les parages. Presque tout le nécessaire à  la vie que nous connaissons, même. Plus d'industrie digne de ce nom, plus de réseau, le retour à  un autre âge. Aucun intérêt commercial évidemment. Et deux autres choses.
-Un sale caractère." En tout cas, j'en aurais eu un, à  leur place.
-Oui, un sale caractère. Et de l'Ether plutôt agité. Nos explorateurs de tout poil ont juste constaté qu'il existait des passages menant plus loin dans la zone, mais guère plus. Nous n'avons même pas idée de la véritable superficie de la Ceinture Obscure.
-Tu n'as donc pas vraiment de raison de t'y intéresser.
-Si, j'en ai une. Ma nièce, Anita."

Si je n'avais pas été le looser dans l'histoire, une foutue variable d'ajustement, j'aurais bien juré apercevoir des larmes dans les yeux de Joe. Je dois valoir un peu plus que ça.


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MessagePublié: 13 Août 2006, 22:54 
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S.A.V de Lamenoire
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tres bon début tout ca

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Voila une agréable soirée en perspective...


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MessagePublié: 14 Août 2006, 06:54 
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Cent mille millions d'années
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En effet, on attend la suite avec impatience !! :)

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Il De Mortneant a écrit:
"...Et puis les nanas, je n'aurais jamais confiance en un truc qui saigne non stop 8 jours sans en crever"


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MessagePublié: 14 Août 2006, 18:25 
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Songes de louve

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-Elle est perdue quelque part dans cet endroit, j'imagine que ça ne peut être que ça." Autant lui tendre la perche, après tout de son humeur dépendra la suite.
-Son appareil a été détourné. La personne qui accompagnait Anita a été relâchée à  Fort Venox. Elle avait été blessée dans l'incident, et ils ont préféré…
-Attends, je t'arrête tout de suite. Fort Venox?
-Le principal point d'entrée dans la ceinture. Un endroit d'où l'on peut encore revenir.
-De quoi savoir à  peine quelle se trouve dans cette ceinture.
-Nous surveillons toutes les allées et venues sur cette voie. Mais nous restons sans nouvelles jusqu'à  présent.
-Désolé, Joe…"

Savoir que cette affaire quitte le strict champ des affaires ne va pas pour me rassurer. D'un côté j'évite sans doute de servir d'exemple, mais qu'attendre lorsqu'on risque de jouer avec les sentiments d'un homme qui vous tient dans son poing?

"Comme je te l'ai dit tu connais la barrière, et tu sais piloter un explorateur de champ.
-Je ne suis pas le seul. Tu dois en avoir déjà  un paquet à  ton service, j'irai jusqu'à  dire que c'est même la clef de ton pouvoir.
-C'est pourquoi j'ai parlé de la première raison.
-Je me doute de la seconde…
-Entre un homme qui ira pour l'argent et un autre qui ira pour sa vie, je compte davantage sur le second, Louis." Blackthorn braque enfin ses yeux dans les miens. Il sait qu'ils sont encore embués, et que je peux le voir. Mais il n'en a cure.
"Je ne suis pas non plus idiot. Entre mourir là  bas et tenter de survivre ici, tu risques fort de choisir la mauvaise solution. Donc je peux t'offrir autre chose que l'argent. Une sorte de rédemption, si tu vois ce que je veux dire… parfait pour quelqu'un a qui on a coupé les ailes.
-Ce qui signifie…
-Revient avec elle ou une preuve de ce qui lui arrivé, et l'explorateur sera à  toi. Mais revenir sans ne sera pas une option."

Je vacille, du moins j'en ai l'impression. L'étincelle vient d'éclore en une flamme bleuâtre. A quoi bon avoir testé les paradis artificiel, si ces quelques paroles peuvent me faire palpiter de joie tout en me donnant la nausée? Crever dans une sorte de trous à  rats ou effacer l'échec de mes dernières années. Comme si quelqu'un avait soudainement monté le contraste, toute cette grisaille qui devient un mélange d'ombres et de lumière violentes. Je me surprend à  tenter de calmer ma respiration.

"Avec ton engin tu étais dans l'élite Louis. Mais tu es tombé, tombé jusqu'à  ramper dans la fange du Triangle. Je peux te remettre en selle, j'espère que tu comprends.
-Cet endroit… doit être l'enfer.
-Imagine des gens pour qui la barrière est encore plus terrifiante que pour nous. Des gens pour qui cette prison est réellement inexpugnable. Des gens qui ne peuvent plus comprendre ce que nous sommes. Oui, si j'ai envisagé un tel accord, c'est bien parce que nous savons qu'il nous faudra un homme… spécial.
-Vous m'envoyez donc chez des barbares? Ou devrais-je dire de pauvres êtres ayant du dégénérer pour survivre. Comment vais-je être accueilli, tel un dieu, un héros venu du ciel? Quelque chose me fait croire que je risque davantage d'être chassé et pris pour un démon. Mais j'imagine que si vous me faîtes cette offre, c'est pour mon bien, comme à  votre habitude. Même si tout cela ressemble furieusement à  une plongée dans les ténèbres.
-On commence à  se prendre pour un héros? Une sacrée plongée, oui. Mais je pense t'avoir exposé toutes les raisons pour qu'il s'agisse de toi.

Blackthorn me dissimule encore quelque chose, c'est patent. Ma sortie théâtrale convenait parfaitement à  cette situation irréelle. On est en train de discuter tranquillement d'un endroit sans civilisation, bordel! Et d'une personne envoyée seule en récupérer une autre sans le moindre indice. Je croyais avoir quitté ce fichu monde virtuel, bon sang.

"Non. Il y a quelque chose qui ne va pas. Je suis un pilote, d'accord. Je suis ton débiteur d'accord. Tu peux me forcer à  aller en enfer. Mais je ne dois pas être le seul. Pas le seul qualifié. Qu'est-ce que tu ne m'as pas encore dit, Joe?
-Tu vois que quand le moment est propice ton esprit sait redevenir plus vif que la normale. Louis, tu n'es pas le seul qualifié. Tu n'es même pas un… mercenaire, dirai-je.
-Et bien?
-Et bien, ce sera toi. Parce qu'Anita te connaît.


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MessagePublié: 15 Août 2006, 01:21 
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Songes de louve

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Mike m'attend dans le couloir, dos au mur. Il fait tournoyer un objet dans sa main, son arme, sans doute. Sans même me jeter un regard, je le vois me décocher un rictus narquois. Le sourire d'un sous fifre ravi d'une trouvaille cruelle de son maître. Mais je ne vois pas ce sourire, je passe à  côté de Mike sans le voir véritablement. Non, Mike et moi ne pourrions pas être amis. Pas plus que je n'aime Venezia.

Je songe à  toute cette vie que je vais laisser derrière-moi. Je ne l'ai pas adoptée, je n'ai fait que la supporter, la rendre plus agréable, plus vivable. Je me sens léger et nauséeux. Je suppose que même sans l'aimer, je m'étais fait à  cette vie. Rejoindre les zones d'ombre de la ville, s'y glisser et s'y lover sous l'Å“il amical de ses habitants. Un rêve si lointain que je l'avais rangé dans un placard poussiéreux vient de ressurgir. J'en ai peur, j'en ai peur car sinon, pourquoi je me sentirais tel que je me sens? Ce n'est pas de la joie, puisque ce n'est pas agréable. Mais ce n'est pas la peur de la mort. Elle viendra en son temps.

"Louis. Tu vas te chercher une autre paire d'ailes? Il te faudra les repêcher bien loin." Il ne me lâchera donc pas. Mais comment pourrai-je lui en vouloir? N'est-ce pas moi qui ai donné, construit l'image du Louis dont il se moque? Après tout, il est bien venu chercher un camé ce soir-même, avant de l'envoyer à  son maître. Un pauvre être à  qui on a soumis une offre terrible, tant les enjeux sont au-delà  de sa vie de merdeux. Un rat qui fera tout pour quitter les ordures, et va se débattre et s'agiter pour faire pencher la balance.

Mike tu te trompes.
"Même en enfer Mike, s'il le faut, même en enfer…" Je ne sais pas ce qu'il a vu dans mon visage ou dans mes yeux, mais il ne répondra pas. Je suis devenu étranger pour lui autant qu'il l'est pour moi. De toute façon, je me sens déjà  loin de tout ça.

Joe a tiré les bonnes ficelles, non seulement pour trouver la personne dont il avait besoin, mais pour lui donner vie en le faisant. Je sais pourquoi je continue de l'admirer. Parce qu'il ne se contente pas de s'appuyer sur ce qu'il a déjà , mais va chercher plus loin. Parce qu'il est capable de m'enfermer dans une cage en me rendant heureux. Dans cette affaire, suis-je un simple prolongement de Joe Blackthorn? Mes repères sont brouillés. Il le sait. Je suis lui et je suis moi. Je vais découvrir les ténèbres pour m'assurer une nouvelle vie, et je le ferai pour lui parce que je n'ai pas le choix.

L'air au pied de la tour me fouette le visage. Venezia, ville d'ombres et de lumière, tu ne décores qu'une prison. J'avais le choix entre cette prison que je connaissais et une nouvelle, que personne n'a exploré. Mais c'est parce que je connaissais les règles de la première, que j'ai choisi la seconde.

Je sais ce qui me rend nauséeux. Ce sont mes tripes, trop longtemps enfermées. Elles découvrent à  nouveau l'espace. Je dois faire vite. Je ne vais pas pouvoir supporter ces sensations bien longtemps si rien ne se passe. On ne doit pas trahir une promesse. Surtout si votre corps entier se met à  y croire. Il faudra partir, vite.

Au loin brille la barrière. Une serrure, pour la clef qu'on m'offre à  nouveau. Ha, en songeant à  tout cela, je me sens poursuivi par deux yeux sombres. Ils sont d'un éclat d'autant plus terrible qu'ils sont emplis de larmes.


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MessagePublié: 16 Août 2006, 22:54 
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Songes de louve

Inscription : 09 Juil 2004, 00:25
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Chapitre I : Ascension mineure

L’air est différent, c’est assez subtil mais perceptible. J’ajuste mes verres teintés, puis mon foulard. C’est un assez vieux foulard rouge sombre, brodé de deux lignes blanches, un héritage de ma période de pilote. En l’espace de quelques jours, souvenirs comme babioles plus ou moins fétiches ont ressurgi. Si les gens de la Catena qui m’avaient accueilli à  bord de l’explorateur m’avaient connu dans l’ancien temps, ils auraient probablement cru voir un fantôme, une image du passé. Cheveux retenus par ce bout de tissu rouge, lunettes d’aviateurs bleuâtres, barbe légère, tout y était.

En me tournant j’aperçois les fines lignes peintes sur la coque de l’appareil, elles dessinent le logo de l’entreprise. Quand tout sera terminé, je m’offrirai le plaisir de le remplacer par un truc plus personnel. A une époque il était impensable que les explorateurs de champs ne soient pas des véhicules personnels. La possession d’une petite élite. Mais il était sans doute inévitable que des organisations finissent par s’en mêler.

Je remarque alors deux personnes qui m’attendent sur la piste. Une piste somme toute primitive, à  peine bétonnée, de quoi laisser un appareil en bon état, ni plus ni moins. Je réalise que je suis toujours debout sur la passerelle, alors que mes passagers sont déjà  partis. La structure mal arrimée au sol tremble en peu sous mes pas, tandis que j’approche. Le premier des deux est un homme de grande taille, les cheveux enfouis sous une sorte de casquette blanche un peu informe. Il m’accueille d’un geste rapide du bras.

« Monsieur Iranegra ? Vous avez fait bon voyage j’espère.
—Très bon. C’est un appareil agréable.
—Ha, vous avez donc déjà  repris le pilotage, parfait, parfait. Je suis Dan Bertel, représentant de Catena à  fort Venox. Et voilà  madame Nadia Dowsky.

Dan fait dans la quarantaine, cheveux bruns coupés court. Au premier coup d’œil je comprends qu’elle est le supérieur, ici. Alors que le regard de Dan avait la neutralité qui sied à  un bon commercial, le sien ne dissimule pas une pointe de condescendance. Je ne me sens pas en pleine forme, et n’ai pas envie de me causer d’ennui en ce moment. Je lui adresse un sourire sans prétentions.

« Je suis en charge de fort Venox. Rien de militaire, ou quoi que ce soit, monsieur Louis. Je gère l’intendance et le reste au jour le jour. Vous vous adresserez à  moi en cas de nécessité.
—Vous minimisez, Nadia . Fort Venox est le seul endroit sûr de toute la région. Vous avez une charge très importante de ce point de vue.
—Vous le découvrirez bien par vous-même. Je vous montre vos quartiers ?
—Non merci, je préfère faire une petite marche.
—Comme vous voudrez. Vous nous trouverez dans le bloc principal » conclut-elle en me désignant une sorte de grand cube grisâtre. »

Je les vois s’éloigner et attendre quelque mètres avant de discuter. C’était sans doute un peu maladroit, mais je ne me sentais pas trop d’humeur à  discuter. Mes pensées tournent à  plein régime.

Mon souffle se fait irrégulier et mes jambes fléchissent. Je m’assois sur la surface sombre de la piste. En quelques jour toute dépendance a disparu de mon esprit, mais mon corps ressent encore les effet de toutes les substances prises pendant mes années noires. Mes mains tremblent légèrement, je les serre entre mes cuisses. Une légère brise s’est levée, bien trop fraîche après la moiteur qui régnait à  l’intérieur du cockpit. Le ciel est couleur ardoise, comme délavé. A l’image de qui semble être fort Venox. Je distingue une grappe de bâtiments grisâtres, réunis autour de ce que Nadia a nommé « bloc principal ». Leur vue m’interpelle. Ils semblent presque en ruines, avec leurs pointes de métal surgissant du plasto-béton. Alors que c’est bien évidemment l’inverse, Fort Venox n’est qu’un embryon de… non pas de ville, disons avant-poste.

Au loin se devine le profil désertique d’une chaîne montagneuse, sa roche nue se fondant presque dans le ciel. Tout semble privé de couleur, ici, le fort ne fait que se fondre dans le paysage. De la végétation se rassemble par endroit, comme pour se protéger de cette brise désagréable. Si cet endroit est bien le point d’entrée de la ceinture, je comprends que l’accueil en ait refroidi plus d’un.

Pourtant, aux dires des gens de la Catena, et si j’ai bien compris la commandante, ce sera le coin le plus agréable à  ma disposition pour un bout de temps. Le vent se rafraîchit tandis que la lumière décline, aussi je préfère ne pas trop continuer dans mes réflexions. J’inspire un bon coup et me lève pour aller vers le bloc principal.


Dernière édition par Loup Celeste le 21 Août 2006, 01:46, édité 2 fois.

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MessagePublié: 17 Août 2006, 23:09 
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Songes de louve

Inscription : 09 Juil 2004, 00:25
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En entrant, une bouffée d’air chaud et humide m’enveloppe. Je soupire en découvrant la galerie révélée par une lumière jaunâtre. Je ne m’attendais pas à  du luxe, mais l’intérieur ne dépare pas avec le paysage. Quelques couloirs plus loin, je débouche sur ce qui semble être une salle commune. Une vingtaine de personnes sont attablées par petits groupes. Les murs sont peints en blanc, et même si le fort reste bien éloigné d’un hôtel, il me semble finalement plus vivable. Je repère la table où se sont installés les gens de la Catena et m’installe à  côté d’eux. Avec Dan se trouvent mes deux passagers, Edward et Lee.

« Alors, comment trouvez-vous le terminus, Louis ? » Edward a été le plus loquace durant notre périple, Lee se contentant de me présenter l’appareil.
—Assez terne, si vous me permettez. Et si j’ai bien suivi on ne peut pas parler vraiment de terminus…
—Les rares voyageurs s’arrêtent à  la vue de ce paysage, je suppose, monsieur Iranegra, répond Dan.
—Ce n’était pas une raison pour ne pas faire du fort un endroit plus accueillant.
—Accueillant ? Fort Venox est une sorte de ville mort-née, si vous voulez mon avis. Je ne sais pas trop à  quand remontent les premières incursions dans la ceinture. A l’arrivée des premiers explorateurs, on a retrouvé quelques constructions en pierre ici, et pas grand-chose d’autre. Cet endroit donnait l’impression de n’avoir jamais été mis en contact avec la diaspora auparavant.
—Et ensuite ?
—Ensuite des investisseurs se sont dit que construire une sorte de tête de pont serait une bonne idée. Et ils ont commencé bâtir le fort. Mais rapidement, le reste de la ceinture s’est révélé plutôt avare en promesses. Elle y a gagné son nom, et la tranquillité.
—Et le fort est resté en l’état.
—Tout à  fait. La machinerie pour être plus autonome a été rajoutée, les locaux rendus un peu plus présentables et c’est tout. Fin de l’histoire. »

Dan me décoche un léger sourire en terminant son récit. Une certaine déception doit se deviner sur mon visage. Je jette un coup d’œil circulaire avant de demander.

« Combien êtes vous ici ?
—Entre une quinzaine et une vingtaine de personnes, en général. Oui, ils sont presque tous ici ce soir. D’ailleurs si vous voulez vraiment – je l’entends appuyer ce dernier mot – vous enfoncer dans la ceinture, ne vous attendez pas à  croiser des foules. Les populations y sont plutôt clairsemées à  ce qu’on dit.
—Et que faites-vous ? Je veux dire, pendant tout ce temps.
—Bonne question. Certains font des relevés ici, partent parfois avec les rares personnes qui veulent tout de même explorer la ceinture. Mais la plupart d’entre nous ne sont là  que pour garantir une présence.
—Rien d’autre ? Vous disiez à  l’instant que cet endroit n’avait pas tenu ses promesses.
—Il ne l’a toujours pas fait. Mais on a considéré qu’il était préférable de maintenir ce point de chute, même s’il est sans objet. Du coup ceux qui veulent faire bonne impression financent notre présence ici. Catena par exemple, histoire de dire qu’on peut venir ici si nécessaire. Juste une question d’image, vous voyez.
—C’est un peu dévalorisant.
—Nous sommes bien payés. Et puis il y aura toujours du monde pour apprécier le calme.

Une rumeur provenant du dehors attire mon attention. Le bruit ressemblant à  des rafales de vent, se rapprochant peu à  peu jusquâ€™à  former une longue plainte.

« Qu’est-ce que… » Je réalise que Lee et Edward discutent ensemble. Seul Dan me porte encore attention.
—Le vent. Il se forme un gradient thermique au soir et au matin. L’air se met à  dévaler les formations rocheuses que vous avez du apercevoir. C’est un peu impressionnant, mais ça ne dure pas très longtemps en général.
—C’est un endroit charmant.
—Désolé de ne pas pouvoir mieux vous offrir, ajoute-t-il en haussant les épaules. Je vous conseille tout de même d’aller y jeter un coup d’œil un jour ou l’autre. La poussière forme une sorte de brume impressionnante. De quoi vous coller des frissons.
—Et c’est pourquoi on ne s’amuse pas à  peindre les bâtiments autrement qu’en gris.
—On ne peut rien vous cacher. » Dan me décoche un nouveau sourire. « Vous seriez peut-être même capable de trouver la petite. »

Je ne réponds pas. Le reste du repas s’achève sans guère de discussion. J’apprends juste qu’Edward et Lee rentreront dans une semaine, avec la navette qui vient ravitailler le fort. Je salue les trois hommes et me dirige vers la sortie. Alors que j’hésite sur la suite, Nadia surgit brusquement devant moi.

« Vous irez dans l’aile C. C’est à  droite en sortant. Votre cellule sera la numéro 34, j’ai déjà  fait installer votre literie. » Elle ne m’a même pas laissé le temps de la saluer à  nouveau.
—Cellule ? Ho j’oubliais de vous remercier.
—Chambre si vous préférez. Vous serez un peu à  l’écart, j’ai supposé que voudriez un peu d’intimité. J’espère que ça ne vous dérange pas.
—Je survivrai.
—J’espère bien, de la part d’un futur héros. Si vous le souhaitez, nous pourrons nous entretenir demain. Je serai ici-même, à  l’étage supérieur.
—Parfait. A demain, donc, madame. »

Je file d’un pas vif et nerveux avant de devoir supporter plus longtemps la moue de la commandante. Pauvres types. Payés à  rester dans un trou perdu, et probablement amusés de ma venue. Nadia et les autres doivent regarder tous ceux qui comptent s’aventurer plus loin avec la même suffisance. Je parie qu’ils osent à  peine faire le tour de leur enclot grisâtre.

Dehors m’attendent les dernières rafales de vent. L’air commence à  se dégager mais on devine les restes du tapis opaque qui devait avoir tout recouvert. Je me sens découragé.


Dernière édition par Loup Celeste le 21 Août 2006, 01:47, édité 1 fois.

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MessagePublié: 19 Août 2006, 01:22 
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Songes de louve

Inscription : 09 Juil 2004, 00:25
Message(s) : 496
Le lit est plutôt confortable, mais Nadia a bien raison, ma chambre a des allures de cellule. Je regarde le portrait holographique posé sur mon ventre. Anita Blackthorn me regarde de ses yeux translucides. Joli Brin de fille. Dire qu’elle était mêlée aux convives lors des réceptions avec Joe, du temps où j’étais en odeur de sainteté chez les Blackthorn. Je n’avais aucune raison de m’intéresser à  une adolescente. Aux dires de son oncle, mon visage serait resté gravé dans son esprit. Je reste sceptique concernant ce dernier aspect, mais il avait l’air d’y tenir. Anita serait prudente et n’accepterait pas si facilement de faire confiance à  un inconnu.

On m’a donné des tirages papier du portrait de la jeune fille. Les habitants de la ceinture ne connaissent pas les hologrammes et il vaut mieux éviter de trop en faire dans l’exotique à  leurs yeux. Je n’arrive pas à  me les représenter, ces populations. L’écueil serait d’imaginer des sortes de déchets humains comme on en trouve au terminus du Triangle. Non, ce sont des gens capables de vivre dans des endroits comme cette parcelle grisâtre et ouverte aux vents.

Je distingue des graffitis sur les murs. La plupart sont fins et presque illisibles, mais un en particulier attire mon attention. « J’quitte le purgatoire » en grandes lettres rageuses. Je cherche une suite éventuelle, en vain. Le sommeil commence à  venir, lentement, mais je n’arrive pas à  arracher mon regard de cette phrase. Purgatoire, un endroit entre paradis et enfer. Sorte de prison sans âme. Pas mal, comme image pour Fort Venox. Ils sont tous là  à  attendre la relève, à  un jeu d’Ether d’une immensité sauvage, et ils n’osent pas sortir.

Pas comme les ravisseurs. Quel genre d’hommes sont-ils ? Ils ont filé vers l’inconnu, après un court et mouvementé passage par ici. En emmenant la nièce avec eux, seule chose dont on soit certain, le reste n’est plus que suppositions, hypothèses. Je n’ai jamais eu à  retrouver quelqu’un auparavant. Il va bien falloir que j’apprenne.

--

Un trou noir. Je me suis réveillé trop tôt, mais je ne parviens pas à  me souvenir de mon rêve. Aucun bruit dehors. La chaleur du dortoir se fait incommodante, aussi je me décide pour une petite ballade nocturne.

Le ciel est d’encre, et seuls quelques lampadaires permettent un semblant de vision à  l’extérieur. Mon pressentiment était bon, à  la fureur du vent a succédé le calme plat. Je respire cet air tranquille, à  la senteur si différente de celui des villes. Les gravillons et la poussière crissent sous mes pas. Le silence est frappant, presque intense.

Une faible lueur apparaît au bord de ce que je dois bien nommer la court. M’approchant peu à  peu je finis par découvrir une silhouette. L’homme fume une cigarette et tente de la cacher en me voyant arriver. Je dissipe ses craintes d’un simple geste et l’invite à  marcher avec moi. Nous déambulons sans bruit, dans l’épaisse pénombre qui a recouvert le fort. Je parviens en me forçant à  distinguer des reflets d’éther, bien plus loin que dans les villes du Triangle. Enfin, avisant un rocher accueillant, il me propose de s’asseoir et nous entamons une discussion. Nous devisons de la fraîcheur de l’air, de cette nuit si calme. J’apprends qu’il se nomme Simon et vit la depuis trois mois. Enfin le voyant sortir une nouvelle cigarette je l’interroge à  ce propos.

« Ca ? Ce n’est pas strictement interdit, mais c’est plutôt mal vu. Alors je préfère me payer une sortie nocturne pour ne pas laisser d’odeur dans les quartiers.
—Ce n’est pas trop fatiguant à  la longue ?
—Ho, non, non, on ne peut pas dire que la charge de travail soit intense ici.
—Ce doit être ennuyant.
—Vous pouvez le dire. On se contente des navettes pour se distraire, ou du passage de gens comme vous.
—Dans le genre inhabituel, l’arrivée de la navette détournée ça a du être marquant.
—Vous plaisantez ? On n’avait jamais vu ça ici. Ils sont apparus par ce coin de ciel, là , et ont filé directement vers la piste. Puis ils ont fait sortir, jeté même, le type qu’ils avaient blessé.
—Directement ? Vous voulez dire qu’ils connaissaient les lieux ? Et vous n’êtes pas intervenus ?
—Oui, ils n’ont pas hésité un instant. La navette crépitait encore quand elle a touché terre. Et puis intervenir, franchement, on n’a même pas eu le temps de bien réaliser. Sans compter les canons de leur appareil, de quoi refroidir toute envie de jouer au héros. »
Simon me jette un regard lourd de sous-entendus. Je reste silencieux. Une navette armée, maintenant. J’ai beau fouiller dans mes souvenirs, je n’ai pas souvenir d’avoir jamais entendu parler d’une telle chose. J’ai bien envie de gratter un peu plus sous le vernis de l’histoire qu’on m’a raconté en m’envoyant ici.
—Ces armes, étaient-elles fonctionnelles ?
—Pour ça, oui ! Au moment du décollage, ils ont lâché une rafale pour nous interdire d’approcher avant leur départ. Vous pourrez voir les traces à  la lumière demain.
—Et la personne relâchée ? Il sera possible de lui parler ?
—Je crains que non. Elle est morte peu de temps après. Ils l’avaient sacrément amoché, vous voyez ? Et dire qu’on a du garder le corps pendant presque une semaine. Ce n’est pas très joyeux ici, d’ordinaire, on n’avait pas besoin de ça.
—Et la suite ?
—Ensuite ? Notre navette de ravitaillement est venue, suivie par un engin de la Catena. Les gars ont fait leur enquête. Et on a appris qu’on nous enverrait quelqu’un comme vous.
—Quelqu’un comme moi… » Je hoche la tête, un peu bêtement.

Pourquoi faut-il que ce merdier semble toujours converger sur ma personne ? La version des faits qu’on m’avait donné était moins sanglante. J’ai désormais affaire à  des personnes bien armées et avec du sans sur les mains. Merci, Joe. Je sens le sommeil revenir à  la charge. Je donne congé à  Simon en espérant une nuit sans rêves.


Dernière édition par Loup Celeste le 21 Août 2006, 01:47, édité 1 fois.

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MessagePublié: 19 Août 2006, 08:51 
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S.A.V de Lamenoire
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Inscription : 03 Mai 2004, 01:42
Message(s) : 945
Localisation : Montauban,France
fichtre! je sens que Louis (nous) n'est (ne sommes) pas au bout de ses (nos) surprises :D

_________________
Une lame qui glisse silencieusement hors du fourreau, une gorge ouverte sans un cri, un corps qui glisse sans bruit au sol.

Voila une agréable soirée en perspective...


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MessagePublié: 19 Août 2006, 18:25 
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Pamplemousse Panchromatique
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Inscription : 28 Avr 2004, 01:00
Message(s) : 6475
Localisation : Paris, France.
Il est toujours enrichissant de se plonger dans la prose de notre cher Loup Céleste, et au fil des années, je crois y prendre de plus en plus de plaisir. Serait-ce dû à  l'amélioration du style ?

Pour tout ce que j'en ai lu jusqu'à  présent, je n'ai aucune critique à  formuler. La sortie théâtrale de Louis m'avait fait sourire, tant je la trouvais déplacée, mais la narration souligne son caractère littéraire, il n'y a donc pas de problème. Les personnages sont bien dessinés, logiques, compréhensibles.

_________________
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MessagePublié: 20 Août 2006, 01:51 
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Songes de louve

Inscription : 09 Juil 2004, 00:25
Message(s) : 496
Ma décision est prise : partir et le plus tôt possible. J’espère bien tirer de Nadia les informations nécessaires en un rien de temps. Depuis ma rencontre avec Simon, je n’ai pu tirer que des banalités des autres employés de Fort Venox. J’ai donc préféré creuser les choses en solitaire. En vaquant du côté de la piste j’ai fini par trouver les traces d’impact. Une douzaine environ, irrégulièrement espacés, sortes de cratères oblongs et noircis. Aucun projectile n’était présent, mais le personnel aurait pu les retirer. En l’absence de corps, puisque la victime avait été rapatriée, il ne me restait plus grand-chose à  me mettre sous la dent.

Il ne me manque qu’un plan des passages débouchant ici. Je pourrai alors me lancer à  la poursuite d’Anita. L’entreprise semble désespérée, sans doute. Mais l’idée de rester au fort plus longtemps me répugne. L’endroit n’a pas l’air menaçant, non… il a cependant un parfum d’exil, volontaire ou pas. Les environs ne sont pas explorés, et ces montagnes ne semblent bonnes quâ€™à  nous envoyer leurs rafales de vent à  la venue de la nuit.

Enfin Nadia apparaît. Son regard s’éclaire en m’apercevant et elle dissimule avec maladresse un début de sourire. Je ne dois pas avoir l’air très frais. Je parie qu’elle espérait que je ne sois pas à  la hauteur.

« Bonjour, commandante.
—Bonjour monsieur Iranegra. Avez-vous passé une bonne nuit ?
—Appelez-moi Louis. J’ai surtout réfléchi à  ma mission, madame.
—Vous êtes un garçon prévoyant. Et qu’en avez-vous conclu, Louis ? » Un petite pointe de joie dans sa voix. Je la trouve malgré tout moins détestable quâ€™à  mon arrivée.
—J’aimerais vous poser quelques questions.
—Allons dans mon bureau, si vous le permettez.

La pièce en question n’est pas très grande. Un double panneau mural fait office d’éclairage dans cette pièce aux meubles métalliques. Seule touche un peu personnelle, quelques concrétions minérales posées sur son bureau. Ces roches à  l’aspect proche du paysage environnant exposent leur intérieur coloré. Louise note mon intérêt et s’empare d’une d’entre elles.

« La couleur grise de la parcelle Venturion provient de son sable. Une poussière générée par l’érosion éolienne que vous avez du noter, Louis. Autrefois cet endroit devait avoir un tout autre aspect, comme l’indique le cÅ“ur de ces échantillons.
—Avant l’exil…
—Avant l’exil et l’apparition de l’Ether. Mais Venturion n’a d’importance quâ€™à  cause de l’Ether, n’est-ce pas ? Vous-même…
—Je n’ai d’importance quâ€™à  cause de l’Ether. Venons-en au fait », dis-je en sortant un lecteur de données. « Avez-vous une carte des passages pour votre région ?
—J’ai bien cela. Mais vous risquez d’être déçu. »
Elle semble contrariée par mon interruption. Nadia souhaite probablement m’exposer ses connaissances à  son rythme, mais je n’ai guère le temps de me prêter à  ce petit jeu.
—La précédente étape m’a menée ici. Il me faut un nouveau point de départ, alors montrez-moi ce que vous avez.

Je saisis la fiche qu’elle me tend, et l’insère dans le lecteur. Durant ce temps, la commandante projette sur le mur l’objet du transfert. Une constellation de sphères apparaît, reliées entre elles par des ponts à  l’image d’une molécule. Louise sélectionne un point de la carte et nous en révèle le détail. Je n’aperçois qu’un petit groupe de quatre parcelles. La première d’entre elles correspond à  Venturion.

« Comment ? C’est tout ce que vous avez à  me donner ? » Je ne cache pas mon désarroi.
—Venturion est reliée au Triangle par le canal que vous avez emprunté pour venir. Trois autres chemins ont été recensés, menant à  des zones différentes.
—Et qui mènent à  leur tour?
—Nous l’ignorons. » Nadia me regarde fixement, comme pour me faire comprendre qu’il sera inutile d’insister. Je serre les poings.
—Vous plaisantez, j’espère. Cette foutue base existe depuis des années et on en saurait pas plus ? Et dire qu’on maintient toute une garnison dans ce coin paumé !
—Savez vous comment sont générées ces cartes ? Elles sont rédigées à  partir de témoignages de gens de votre espèce. Qui sont libres de raconter ce qu’ils veulent, à  leur retour, quand ils reviennent bien entendu. Cette carte provient d’informations recoupées au fil du temps. Tout ce qui concerne ce qui se trouve au-delà  n’a pu être vérifié. Posséder un explorateur de champ rend égoïste, Louis, ça c’est une certitude.

Le regard de la commandante est devenu glacial. Il est temps de sortir ma dernière carte.
—Je ferai avec, si c’est le cas. Quelqu’un sait-il par où les ravisseurs sont partis ? On m’avait affirmé qu’ils avaient laissé un otage en arrivant ici. Mais cette personne est morte. Je trouve cela plutôt étrange.
—On vous aura mal renseigné. Les failles de champ qui mènent à  la ceinture sont proches les unes des autres et personne ici ne s’y connaît un navigation.
—Par conséquence vous ne pouvez pas me dire la direction qu’ils ont prise. Encore heureux qu’on sache qu’ils sont partis dans la ceinture !
—Votre travail commence, « inspecteur », vous pourrez même en profiter pour nous ramener une version plus avancée de cette carte.

Inspecteur, voyez vous ça… Nadia n’a pas réagi à  l’évocation du mort. Soit elle ne savait pas que je l’ignorais, soit elle se contrôle parfaitement, mais j’en doute tant elle semble transparente à  ses sentiments. A qui en veut-elle, au fond ? Peut être bien à  ce que je représente, un pilote… Ces années à  Venezia m’ont fait oublier non seulement ce que j’étais mais aussi la manière dont on me considérait. L’espace d’un instant, je me sens pris de pitié pour elle, un fugitif accès d’empathie. Je ne peux me permettre ce luxe.

Je reprends mon lecteur et marmonne une excuse au sujet de la carte. J’irai prendre des vivres et saluer les employés de la Catena, et plus rien n’entravera mon départ. Je songe à  l’explorateur posé sur la piste, ma vraie richesse. La seule force dont je dispose pour mener ma mission à  bien, pour le meilleur comme pour le pire.


Dernière édition par Loup Celeste le 21 Août 2006, 01:48, édité 1 fois.

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