Il y a des questions qui n’ont pas la chance de pouvoir survenir. Comme le choix de ma destination. Tout à mes pensées concernant ce que j’avais découvert ici, j’avais atteint mon explorateur. Une fine pellicule blanche lui donnait un air étrange, à la manière d’une bonbonne couverte de givre. Le présent m’a alors brusquement rattrapé sous le forme d’un vrombissement sourd venant du lointain. Le vacarme de propulseurs qui se mettent en marche. Un coup d’œil en hauteur confirme mes craintes, car le temps est pratiquement dégagé. Je me précipite dans l’appareil que je souille immédiatement de mes affaires trempées et glaciales. Une visite est imminente, le genre de visite qu’on préfère éviter.
Je résiste à la tentation de lancer la machine immédiatement. Je maintiens un faible régime pour réchauffer les parties sensibles, pendant d’interminables secondes. La zone de sécurité est encore trop loin ! Le vrombissement a reprit au dehors, je l’entends distinctement via les hauts parleurs qui me relient à l’extérieur. A l’instant où la lueur de mes cadrans vire au bleu, j’arrache la navette au sol. La neige disparaît dans un vaste nuage de vapeur en produisant une plainte déchirante. Un peu de visibilité retrouvée, je distingue la menace, sous forme d’un inoffensif petit point dans les hauteurs. Il s’approche en décrivant une grande boucle. Je verrouille mon radar anti-collision dessus et me lance à la recherche des fissures. Le paysage file à tout allure sous le ventre de mon appareil mais je n’ai d’yeux que pour la forme orangée qui évolue sur mon tableau de bord.
Un bourdonnement retentit dans l’habitacle. Le mur ! Aucune ouverture détectée pour le moment, je vire sur la droite avant de monter en flèche. Bien m’en prends car la silhouette de l’appareil ennemi s’illumine de brefs éclairs jaunâtres. La pluie de projectiles se perd dans l’Ether et je le vois amorcer lui aussi un virage serré. Il est probablement moins maniable que mon explorateur ce qui me laisse espérer. Je progresse en zigzaguant, en essayant de rester à son altitude. Le canon que j’ai aperçu tout à l’heure semblait conçu pour tirer au sol, ce qui le forcera à m’approcher en plongeant. Toujours aucune issue n’apparaît aux ultraviolets. Une succession de claquements secs me fait changer de direction. J’ai à peine le temps d’apercevoir les derniers obus supersoniques filer dans le vide. J’ai laissé mon adversaire se mettre en position, tout occupé à chercher une sortie ! Je décide de changer de tactique. Je coupe partiellement les gaz et me laisse tomber en direction de la plaine enneigée.
Rapidement, le vaisseau arrive à ma hauteur et je relance ma course afin de rester sur son côté. Il comprend la manÅ“uvre car il commence une série de virages abrupts, mais je profite de ma plus petite taille pour rester hors de portée. Ce bref répit me permet de reprendre mon objectif principal. D’anciens réflexes me reviennent, peu à peu les sons qui m’entourent se font plus flous, moins présents. J’alterne sans cesse les coups d’œil à la carapace d’Ether et à mon adversaire. Leur pilote n’est pas mauvais, mais je le sens peu habitué à ce genre de poursuite. Pourchasser un autre appareil c’est tout autre chose que de menacer des piétons, n’est-ce pas ? Ma patience se voit enfin récompensée. Je laisse le radar noter la position de la fissure et poursuis ma route dans son sillage. Je vais attendre qu’il quitte cette direction pour lui fausser compagnie.
Quand l’instant se présente, je lance toute ma puissance et file en direction du salut. Je déploie rapidement mes antennes de passage. Je serre les dents au passage du choc que cela provoque et pointe résolument ma navette sur le lent vortex qui se trouve loin devant moi. « Clac clac clac. » Mes turbines hurlent tandis que je change brutalement de direction, encore alerté par le bruit des tirs. L’enfoiré balaye l’air devant lui de ses tirs afin de me couper la route. Je file en spirale, mais ne le voit pas me prendre directement en chasse. Au contraire, il s’écarte afin de continuer à couvrir la route qui mène à la liberté. Je replie mes antennes et reprends de la vitesse. J’enrage de me sentir si impuissant. Je suis meilleur que lui, putain ! Mais il est armé cette ordure, et je ne peux rien faire. Ma colère fait ressurgir d’anciens souvenirs, des images que j’avais enfermées dans mon esprit. A double tour. Je sens la sueur irriter mes yeux… mais tout devient d’une clarté aveuglante.
Je me précipite sur lui. A toute allure. Il semble hésiter et se positionne pour m’abattre sommairement dès que je ferai mine d’aller en direction du mur. Il n’a pas compris que je ne compte pas du tout le faire. Je file directement vers son appareil, il envahit mon champ de vision, je le vois comme si j’étais à quelques mètres malgré la distance. Lentement, je pose les doigts sur les commandes dont j’ai besoin. J’attends cet ultime moment, ce moment où son courage fléchira. Il change encore une fois de route, en vain. Change donc, change ! Juste avant le choc, j’ouvre mes aérofreins et inverse la poussée des moteurs. Je lui passe sous le nez dans un hurlement sonore. Les turbulences happent la navette sans lui laisser la moindre chance. Je pousse un cri sauvage à la vue de mon ennemi tourbillonnant sans contrôle. Je déploie à nouveau les antennes et lance le champ répulsif. Il ne me reste que quelques secondes avant d’arriver au mur.
Une vue arrière me montre le bandit en train de revenir, mais il n’aura jamais le temps de s’orienter correctement. J’accélère droit sur la fissure. C’est sans compter le baroud d’honneur de mon malheureux adversaire. Son canon pivote et arrose au petit bonheur la chance toute la zone. Les projectiles filent tout autour de moi. Non, non, non ! Pas comme ça, pas maintenant, pas après tout ce que j’ai fait ! Pas au bord du mur ! Je sens plus que je n’entends la coque vibrer sous les impacts. Plus rien n’a d’importance. L’Ether nous a englouti, mon vaisseau et moi. Que j’aime ce silence ! Jamais je n’en ai entendu de si beau de toute ma vie. Jamais.
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FIN DU CHAPITRE 3
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