Eltanin

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MessagePublié: 12 Juin 2005, 00:51 
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Extincteur des ténèbres
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Localisation : Dans le coté obscur de la force.
5. Muspellheim.
La coulée de lave qu?empruntèrent les Ases et les Trauméniens se révéla longue et ennuyeuse. Personne ne disait mot dans l?immense barque menée par deux elfes noirs qui commandaient un Troll. Ce dernier maniait l?immense gouvernail plongé dans l?épais remugle de lave liquide, et manoeuvrait ainsi l?embarcation entre les rochers rougit par la chaleur, traversant parfois des éruptions de feu impressionnantes.
Le décor n?avait pas énormément changé depuis le Svartalfheim, si ce n?est la diminution de toute formes de vie, et l?augmentation toute relative de la chaleur. Toute relative, parce que si nous étions sur Terre, il y a longtemps que la chaleur nous aurait tué, songea Séphira Strife, sans toutefois oser se pencher. Mais ici, elle avait simplement la bouche sèche.
Soulblighter était attelé à  la table où reposaient des brocs d?eau qui demeurait fraîche malgré la température environnante, et tous pouvaient se désaltérer sans se gêner. Soulblighter ne se privait pas, regrettant tout de même l?Hydromel du Valhalla, accompagné de Heimdall qui suait à  grosses gouttes. Thor était à  la proue du bateau et semblait perdu dans ses pensées.
« Thor est grand et fort, n?est-ce pas ? »
Séphira se retourna et foudroya du regard Loki, qui mit ses mains en avant en signe de défense exagéré. Elle garda encore son regard noir, pour le moment. Un grand rapace qui semblait fait de pierre criailla dans le ciel orangé, se laissant porter par un vent chaud.
« C?était simplement un moyen de lier la conversation, rien de plus. Vous étiez entrain de le regarder, et j?avais pensé que?
-Vous vous êtes trompés. » Et elle se renferma dans son mutisme. Loki la regarda, sourit, puis se rapprocha d?elle. Séphira leva les yeux au ciel, puis lui montra à  nouveau qu?elle désirait qu?il s?en aille. Loki feignit de ne pas comprendre.
« Muspellheim est un monde à  part, l?informa-t-il. Un monde un tant soit peu hostile, même pour nous autres Dieux. C?est un des plus ancien endroit sur l?Yggdrasil, avec Nifelheim, le monde de la brume. Ou de la glace, par opposition à  ce lieu. Car le Muspellheim est également le monde du feu primordial. »
Séphira continua d?ignorer les interventions de Loki, mais écoutait tout de même son exposé sans le montrer. Elle ne voulait surtout pas qu?il pense qu?elle était intéressée.
« C?est de là  que nous provenons. Tous, autant vous que nous. Les humains, les Dieux, les elfes, les géants, les Nornes, les nains, même l?autre Hrumir avec ses Krr agaçants ! » Sa tentative d?humour tomba à  plat, et il fut le seul à  s?accorder un rire poli. « Nous sommes tous issus de ce monde, et nos ancêtres sont nés de l?alliance entre le Muspellheim et le Nifelheim, il y a bien longtemps? »
Séphira retint sa respiration, attendant la suite. Elle n?osait pas lui lancer un simple regard, mais l?envie la tenaillait. Loki semblait réfléchir, ravivant des souvenirs d?ordinaire oubliés, ou mis de coté. Séphira allait relancer la conversation, lorsqu?il reprit seul :
« Lorsque le feu primordial du Muspellheim rencontra la glace du Nifelheim, les brumes s?ouvrirent et le givre finit par fondre, libérant le géant Ymir et la vache Audhumla. Pour faire bref, car le mythe est fort long à  développer, et au final peu intéressant, les Ases sont nés de ces deux improbables partenaires, et nous vous avons ensuite donné la vie. Nous sommes donc, en quelque sorte, vos grands-parents, et nous retournons maintenant en compagnie de nos enfants dans le monde originel. N?est-ce pas une belle image ?
-Superbe, répondit Séphira sur un ton un peu plus dur qu?elle ne l?aurait voulu. Et pouvez-vous me dire ce qu?il y a, dans ce Muspellheim ? »
Loki élargit son sourire, passa un bras autours de l?épaule de la Trauménienne qui n?osa remuer, ni refuser, et avança sa tête près de la sienne.
« Du feu, de la chaleur, et un géant. »
Comme si le mot avait déclenché le réveil dudit géant, un grondement sourd se fit entendre, venant de l?arrière du navire. Le Troll qui tenait le gouvernail prit peur, malgré les injonctions des elfes noirs ? et les coups de fouet ? et il fit virer l?embarcation sur la gauche, vers un rocher. La table des boissons fraîches se renversa devant Soulblighter, qui regarda l?eau s?évaporer en passant par-dessus bord, fasciné.
Thor s?agrippa au bastingage des deux mains, tentant de discerner le géant dans les alentours. Mais même Heimdall ne le vit pas, malgré ses sens surdéveloppés. Loki tenait toujours Séphira par les épaules, et celle-ci avait totalement oublié que le Dieu lui faisait du rentre dedans, tellement le spectacle qui s?offrait à  elle la clouait au sol.
« Et voici Surt, le géant gardien du Muspellheim. »
Tout d?abord, Séphira crut que ce qu?elle voyait était une coulée de lave, comme celle où ils naviguaient. Mais elle dû rapidement se rendre à  l?évidence : Même dans ce monde, la gravité faisait effet, et la lave coulait rarement de bas en haut. Hors, ce déversement de lave semblait émerger de la rivière bouillonnante, et non y tomber.
Une immense sphère sortit à  son tour, derrière le bateau, manquant de peu de briser le gouvernail. Le Troll, cette fois-ci complètement paniqué, lâcha son ouvrage et couru vers l?avant. Il brisa ses chaînes sans effort et envoya valdinguer ses contremaîtres d?une pichenette apeurée.
Séphira Strife regarda la boule enfler, puis se percer avec une bulle brûlante de lave dont les éclaboussures retombaient sur le pont du navire comme autant de petites pierres chaudes. Et, derrière la bulle maintenant ouverte, se trouvait un ?il écarlate et vivace, qui regardait tour à  tour l?ensemble des intrus qui se trouvaient sur l?embarcation.
Le Troll, sans réfléchir, sauta par-dessus bord et n?eut pas le temps de crier, ni de se rendre compte de son erreur. Le bateau manqua de chavirer lorsque les épaules sortirent à  leur tour. La tête du géant se découvrait peu à  peu, révélant des dents d?une blancheur éclatantes, récifs immaculés au milieu d?un lac de lave épaisse. Ses yeux, désormais tout deux découverts, clignaient de temps à  autre avec des paupières en croûte noircies.
Et ils étaient fixés sur Séphira Strife.
Loki s'écarta de la Trauménienne, qui n?arrivait pas à  détacher son regard de l?immense créature qui apparaissait peu à  peu dans toute sa grandeur. Ce qu?elle avait pris pour une coulée de lave tout à  l?heure était devenu son épée de feu, qui flamboyait maintenant que tout le liquide en fusion était partit. De longues langues de feu montaient de la pointe, tel des serpents affamés et excités.
Le grondement continuait toujours, et provenait du visage du géant, qui souriait toujours de toutes ses dents. Une fois complètement hors de la rivière de lave, il leva son épée et s?étira, comme chacun le fait en sortant de son bain. Des rochers de lave refroidie tombèrent tout autours d?eux, et l?un d?eux brisa la nuque d?un des grands oiseaux qui s?envolaient en piaillant de peur. Il alla rejoindre le Troll.
Surt, car tel était son nom, cessa ses allongements et poussa un long soupir, réchauffant l?atmosphère avec son haleine de feu. Soulblighter agita la main devant son nez, pendant que Thor s?avançait à  l?arrière du navire, pour lui parler.
« Géant Surt, je viens solliciter ton aide, au nom d?Odin.
-AAAAAHHH? THOR? IL Y A BIEN LONGTEMPS QUE JE NE T?AI VU EN CES TERRES ARIDES, TOI ET TES AMIS LES DIEUX ASES.
-Je suis accompagné d?Heimdall et de Loki, et nous sommes ici afin d?obtenir des renseignements sur un vol commis au Svartalfheim.
-HMMMM? gronda Surt. LE FAMEUX VOL CHEZ LES NAINS ? J?EN AI VAGUEMENT ENTENDU PARLÉ, MAIS TU SAIS, DANS MON DOMAINE, LES NOUVELLES NE SONT PAS TRÈS FRAÎCHES UNE FOIS ARRIVÉES.
-Nous voudrions savoir si? commença Heimdall.
-POURQUOI TOUT DE SUITE RENTRER DANS LE VIF DU SUJET ? SERAIT-CE UNE AFFAIRE SI IMPORTANTE QU?ELLE VOUS BRÛLE LES DOIGTS ? JE PRÉFÈRERAI QUE NOUS COMMENÇIIONS PAR LES PRÉSENTATIONS. »
Surt désigna du regard Séphira Strife, ignorant complètement Soulblighter, qui s?était rapproché d?elle. Ce dernier tenait toujours son verre d?eau à  la main, à  moitié vide, et regardait le géant. Sa poitrine gigantesque dégoulinaient encore de roche en fusion, sans même qu?il y prenne gare. Toute son attention était axée sur Séphira.
« Il s?agit de deux combattants nouvellement arrivés au Valhalla, géant. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, la jeune femme se nomme Séphira Strife, et le jeune homme Soulglibhter.
-Soulblighter, rectifia l?intéressé, sans même élever la voix.
-SÉPHIRA STRIFE, HMMM ? QUEL MAGNIFIQUE DÉNOMINATION, POUR UNE HUMAINE. JE SUIS ENCHANTÉ DE VOUS RENCONTRER, JEUNE ET JOLIE DEMOISELLE. VOUS ÉCHAUFFEZ MON ESPRIT COMME AUCUNE FEMME NE L?A FAIT DEPUIS DES MILLÉNAIRES.
-Ouais, vous aussi je suis content de vous rencontrer. » dit Soulblighter, sans même prendre la peine de regarder le géant. De toute façon, celui-ci n?avait d?yeux que pour Séphira, et il n?entendit même pas la pique.
« Si nous pouvions en venir aux faits, géant Surt? reprit Thor.
-VOUS AUTRES DIEUX ÊTES SI PRESSÉS, ÇA EN DEVIENT DÉRANGEANT, grommela le géant en s?asseyant sur un rocher voisin. JE VOUS SERAIS GRÉS DE ME LAISSER M?ENTRETENIR AVEC LA MAGNIFIQUE SÉPHIRA. JE N?AI QUE PEU DE VISITES, SAVEZ-VOUS ? MAIS BIEN SÛR, QUE VOUS LE SAVEZ? »
Le géant affichait un visage rayonnant, et pas seulement à  cause du feu de sa lame qu?il agitait avec délectation, mais grâce à  un faciès radieux qu?il arborait dès que ses yeux rouges vifs effleuraient Séphira. Il semblait prendre un plaisir tout à  fait sadique à  se jouer des Dieux, et ceux-ci commençaient à  perdre patience.
« Géant Surt, tonna Thor, nous sommes effectivement pressé par le temps, et cette affaire en prendra encore beaucoup avant d?être élucidée, alors si nous pouvions abréger les conversations afin que nous puissions obtenir les informations que nous désirons, Odin lui-même vous en sera reconnaissant.
-ODIN LUI-MÊME ? déclama le géant, en faignant la surprise. ET QUE VA-T-IL M?APPORTER, À PART DES ENNUIS ? VA-T-IL ME LÉGUER UNE PARTIE DE SON ARMÉE POUR ME DIVERTIR ? CELA M?ÉTONNERAIT FORTEMENT. ALORS QU?AURAIS-JE EN CONTREPARTIE DE MON AIDE ? »
Les Dieux restèrent muet, et le géant partit d?un rire qui ressemblait à  une avalanche de pierre, un rire qui résonnait dans ce monde comme une sinistre mélopée mortelle.
« Vous désirez de la compagnie, c?est bien cela ? » s?avança Loki. Le géant cessa de rire et examina l?intervenant avec un ?il critique.
« LOKI, FILS DE FARBAUTI, UN GÉANT TOUT COMME MOI, QUE ME PROPOSES-TU EN ÉCHANGE DE CE QUE JE SAIS, SI JE SAIS QUELQUE CHOSE ?
-Vous aurez la jeune personne sur laquelle vous avez manifestement jeté votre dévolu. »
Séphira sentit un frisson glacé la parcourir, malgré la chaleur de l?endroit où elle se trouvait. Elle jeta un regard noir vers Loki, mais celui-ci l?ignora. Elle s?avança et s?adressa directement au géant. Ses jambes tremblaient, mais elle réussit à  contenir l?émotion dans sa voix, sans néanmoins savoir comment.
« Vous me voyez ravie d?être l?objet de tant d?honneurs de votre part, dit-elle en tentant de se mettre au niveau de l?éloquence raffinée des Dieux, mais devenir ainsi votre compagne m?est impossible, car je suis déjà  promise à  quelqu?un. »
Elle attrapa le bras de Soulblighter et se tint tout contre lui. Soulblighter évita de faire basculer son eau, qui tiédissait rapidement, et leva finalement les yeux sur le géant. Surt prit ceci pour un défi, alors que Soulblighter faisait simplement craquer sa nuque.
« VOUS M?EN VOYEZ FORT CONTRIT, à” FEMME À LA DOUCE VOIX. MAIS JE RESPECTE VOTRE ENGAGEMENT, ET LE COMBAT DEVIENT LA SEULE ISSUE À NOTRE DIFFÉRENT. »

*
* *

Thourn passa difficilement par dessus le muret, une fois la nuit tombée. Ce n?était pas dans ses habitudes de faire le mur, surtout celui d?un cimetière, mais il voulait vraiment en avoir le c?ur net. Si ces jeunes gens s?étaient réunis pour un enterrement, alors la personne décédée devait être dans le coin, et cet endroit était le cimetière le plus proche.
Il sauta à  terre en soufflant. C?est plus de mon âge, toutes ces conneries. Le lieu était sinistre, et la lueur fantomatique de la lune donnait à  la scène un aspect irréel, digne des plus grands films d?horreur. Serge s?attendait presque à  voir des mains sortir des tombes, déplaçant les couvercles des cercueils et creusant le sol en s?arrachant les ongles pour revenir à  la surface, attirés par l?odeur de vivant.
Thourn se secoua mentalement la tête. Il n?avait pas à  songer à  ce genre de chose, surtout ici et à  cette heure avancée de la nuit. Il s?avança jusqu?à  la maisonnette qui servait de logis au gardien du cimetière sans faire de bruit. Il se colla au mur, près de la fenêtre entrouverte, et tendit l?oreille. La télévision marchait, donnant les informations de la nuit.
« ?édition de minuit. Au sommaire de ce journal, une mort mystérieuse en Australie, qui en a provoquée d?autres sur une autoroute de la capitale. La jeune femme, au volant de son 4X4, aurait manifestement perdu le contrôle de son tout-terrain et aurait provoqué un terrible accident impliquant plus d?une trentaine de véhicules, donc un bus scolaire.
-Merde, commenta le gardien, avant de bailler.
-Les circonstances de la mort de la jeune femme de trente-six ans seraient encore floues, et l?autopsie semble indiquer que le c?ur se serait arrêté peu avant l?accident. D?autres détails lors de l?enquête menée actuellement qui?
-Déjà  minuit, songea le commissaire, contrarié. Je suis resté plus longtemps que je ne l?aurais pensé, chez ces poivrots. »
Il s?éloigna de l?habitation succincte, et sortit sa lampe torche alors qu?il marchait dans les allées de graviers. Ses pas étaient bruyants, mais le poste de télévision était encore audible de là  où il se trouvait, et Serge doutait que le gardien puisse entendre par-dessus la voix monocorde du présentateur. Il évita simplement de braquer le faisceau de la lampe dans la direction de la fenêtre, seule autre lumière dans le cimetière.
Sans se presser, il passa en revue les pierres tombales une à  une, sans se décourager non plus. Le temps jouait en sa faveur : Personne ne viendrait le déranger. De temps à  autre, il jetait un coup d??il en direction de la cabane du gardien, pour vérifier s?il était assez discret. Ce qui était le cas. Il se voyait mal fuir en courant à  son âge, bien qu?il soupçonnait que celui du gardien devait être plus élevé que le sien.
Les noms se succédaient, mais aucune date ne correspondait à  une mort de quelques mois. Les tombes se suivaient et ne se ressemblaient pas, certaines étant richement décorées, fleuries et propres, et d?autres laissées à  l?abandon par une famille irrespectueuse. Thourn s?attarda un moment sur une simple croix faite de bois, qui ne portait aucune inscription. Il se baissa et redressa la simple rose qui décorait la tombe, posée à  même le sol. Une vieille carte y était posée, devenue illisible sous les multiples intempéries. Il soupira, puis poursuivit.
Au bout d?une heure et demie de recherche, il avait finalement trouvé plusieurs tombes qui pouvaient correspondre. Les noms, les dates de naissance et de décès étaient notés sur son carnet afin d?effectuer les recherches, et Thourn commençait à  se sentir harassé. Harassé et abattu par l?ampleur de la recherche qu?il avait à  accomplir. Mais s?il voulait retrouver Mr.Magnum, alias tant de pseudos, il devait poursuivre.
Il atteignit le bout de l?allée, là  où se trouvaient l?herbe encore vierge de toute fosse destinée à  loger un nouveau trépassé. Il retira son carnet de sa poche et l?examina. Quatre noms, deux filles et deux garçons. Il fit demi tour, toujours en surveillant la fenêtre encore allumée du gardien, et rebroussa chemin en examinant l?ultime rangée de tombes au pied du mur d?enceinte. L?une d?elle attira finalement son attention.
Elle était récente, et donc relativement propre. De nombreux bouquets de fleurs encore fraîches ornaient le tombeau, et Thourn se pencha pour se saisir d?une des cartes les accompagnant.
« A ma très chère Séphy-Roshou, nous te retrouverons. »
Serge eut un hoquet de rire nerveux. Nous te retrouverons. Qu?est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Et c?est quoi, ce nom : Séphy-Roshou ? Il regarda le bouquet de roses rouges, et le retourna. Les fleurs venaient de Brest, ou de la banlieue proche. Département 29, Finistère, se souvint Thourn. Le code postal correspondait. Il fourra rapidement la carte dans sa poche, et nota tout ce qui était intéressant sur son carnet. Son c?ur battait la chamade.
Au fond de lui, il savait que cette tombe était importante, et ce qui suit le confirma.
« Abandonnez. »
Les mots tombèrent comme une chape de béton, et glacèrent Thourn, comme un enfant prit les mains dans un pot de confiture. Une sensation de métal gelé lui coulant le long du dos s?empara de lui, et Thourn n?osait maintenant plus remuer d?un pouce, la main dans la poche, serrant la carte manuscrite, et l?autre tenant le carnet.
Puis ses réflexes de commissaire reprirent le dessus. Il se calma rapidement, et examina la situation non pas avec l??il apeuré du fautif, mais avec l??il de l?enquêteur. Sans faire de bruit, il examina les alentours, mais comme il s?y était attendu, ne vit rien. Le propriétaire de la voix était invisible.
Il se repassa l?unique mot proféré par l?inconnu. Abandonnez. La voix était jeune, grave mais elle était sans commune mesure avec celle qui lui avait parlé en rêve. Inconsciemment, il dissocia les deux personnages : La Voix de son rêve était suave mais possédait des tonalités horripilantes, qui pouvaient rapidement rendre fou à  forte doses. Cette voix était normale, humaine, qui parlait lentement mais fermement.
« Abandonnez cette enquête, commissaire, reprit la voix. Elle ne vous mènera qu?à  des ennuis supplémentaires.
-Ce sont des menaces ? » dit Thourn calmement. Son interlocuteur sembla réfléchir, puis répondit sur le même ton :
« Pas encore, mais nous ne vous préviendrons pas lorsqu?elles seront mises en exécution. Rentrez dans votre département, et laissez les morts à  leurs places.
-C?est digne d?une mauvaise série B, votre réplique, se moqua Thourn.
-Ne prenez pas mes paroles à  la légère, ou vous risquez de vous en mordre les doigts, commissaire. N?oubliez pas ce que je viens de vous dire. »
Thourn s?élança sur l?arbre d?où provenait la voix. Il lui fallu moins d?une seconde pour dégainer, et une autre pour mettre en joue le tronc de l?autre coté. Personne. Il souffla et rangea son arme, jetant un nouveau regard vers la cabane du gardien. Celui-ci fermait les volets, et ce n?était donc pas lui qui s?était tenu là  un instant auparavant. Serge Thourn se pencha et regarda l?herbe foulée au pied de l?arbre.
Il y avait bien eu quelqu?un.
Lorsqu?il sauta le mur pour ressortir du cimetière, s?était assuré avant que personne ne pouvait le voir, il songea de nouveau à  la voix qui l?avait prévenue. Menacée même. Juste lorsqu?il s?intéressait à  cette tombe. Son agresseur n?avait fait qu?éveiller ses soupçons. Il regarda son carnet, et fila vers son hôtel.
Il avait maintenant plusieurs pistes. Séphy-Roshou, la Bretagne, Mr.Magnum, la jeune femme brune à  la natte, et je crois que je peux foutre en l?air les autres noms notés sur mon carnet. Celui-ci suffira amplement. Demain, après une bonne nuit, j?irais à  la piscine, en espérant que ce saoulard ne racontais pas de conneries.

*
* *

Les Dieux débarquèrent sur un sol de pierres dures, seul îlot sur la mer de lave bouillonnante. Mais c?était un vaste îlot, car le géant Surt, qui avait poussé sans peine le navire jusqu?ici, pouvait facilement s?ébattre sur cette plaine de roches refroidies si l?envie lui prenait. Le navire reposait sur le flanc, posé là  par le géant comme un enfant pose un jouet, et les Ases, les deux Trauméniens ainsi que l?équipage se retrouvaient à  terre.
Si les Dieux ne manifestaient aucune incommodité à  passer de l?élément liquide à  solide, les Trauméniens et les membres d?équipage, eux, avaient fort à  faire avec leur estomac qui se rebiffait vaillamment. Surt grimpa sur l?île à  son tour, faisant trembler le sol fragile, et se tint face au groupe.
Loki regarda le géant, ainsi que son épée enflammée, et eut un sourire mauvais. Un sourire diabolique, si tant est que le terme puisse être adapté à  la religion scandinave. Il tournait et retournait la situation présente dans sa tête, et il y trouvait toujours son compte. Bien sûr, si jamais le petit humain arrive à  vaincre le géant, alors mon plan tombera à  l?eau. Mais ça ne risque pas d?arriver. Si l?humain se fait battre, alors tout sera gagné : La fille restera avec le Géant amoureux, et lui sera coincé ici, comme esclave à  tout les coups. J?arriverai à  convaincre Surt de le garder.
« BIEN, CE TERRAIN SERA NOTRE ARÈNE DE COMBAT. TOUS LES COUPS SONT PERMIS, MÊME SI JE SUIS PRESQUE ASSURÉ QUE MON PREMIER COUP SERA ÉGALEMENT LE DERNIER. PERSONNE N?A LE DROIT D?INTERVENIR, QUE CE SOIT EN MA FAVEUR OU EN SA FAVEUR, EST-CE BIEN CLAIR ? »
Les Ases acceptèrent, presque à  contre c?ur. Thor espérait que le principe du Valhalla, qui consistait à  la guérison en une journée de toute blessure aussi grave soit-elle, fonctionnait également dans les autres mondes de l?Yggdrasil, mais le Dieu n?en était pas sûr. Heimdall, lui, gardait sa hache en main, près à  braver l?interdiction du géant pour sauver Soulblighter.
« Tu n?iras pas, Heimdall, même si le géant l?abat, tu n?iras pas.
-Mais Thor, ce vol est peut-être important, mais n?oublie pas que je suis le protecteur des humains, et même morts, ils restent sous mon joug.
-Mais s?ils doivent mourir de la main de ce géant, ou simplement rester ici enchaînés à  lui à  jamais, ce n?est pas à  nous de le décider. » Thor se tu, puis ajouta finalement : « Même si je préfèrerais qu?ils puissent poursuivre avec nous. J?ai l?intuition que ces deux là  sont forts différents des autres humains du Valhalla. »
Le géant se posta face à  Soulblighter, le dominant comme un immeuble de trente étages domine une maisonnette de plein pied, et fit virevolter son épée. Les coups passaient à  quelques mètres de Soulblighter qui ne remuait pas d?un cil. La chaleur dégagée par les coups était suffocante pour Séphira Strife, qui était restée près du navire avec les Dieux, bien loin du combat. Elle n?osait imaginer ce que ressentait Soulblighter.
« EH BIEN, EH BIEN, TU AS DU CRAN, JE PEUX AU MOINS T?ACCORDER CECI, PETIT HUMAIN. MAIS TU RIRAS MOINS LORSQUE J?ABATTRAIS MON POING SUR TA MISÉRABLE CARCASSE. »
Pour seule réponse, Soulblighter leva les poings, et s?autorisa un sourire. Surt découvrit également ses dents toujours aussi blanches, et planta son épée dans le sol, les yeux écarlates rivés sur son adversaire. Puis il se frotta les mains, envoyant des morceaux de roche en fusion tout autour de lui.
« JE VAIS TE FAIRE UNE FAVEUR : JE N?UTILISERAI PAS MON ÉPÉE DURANT CE COMBAT. TU POURRAS DIRE QUE TU AS ÉTÉ VAINCU DE MES PROPRES MAINS.
-Ferme-la un peu, et vient te battre. »
Il est complètement fou, songea Séphira Strife. Les Dieux à  ses cotés semblaient penser la même chose qu?elle, car leurs yeux exorbités trahissaient leur étonnement. C?était la première fois qu?un humain osait sans peur braver un des antiques géants.
« PETIT PRÉSOMPTUEUX. »
Le géant lança sa main à  une vitesse surprenante sur Soulblighter, qui ne vit rien venir. L?immense masse brûlante de plusieurs centaines de tonnes s?écrasa violement sur lui, enfonçant le sol sur un bon mètre. Séphira étouffa un cri, et Thor du retenir Heimdall qui voulait s?élancer. Surt souriait toujours.
Il se mit à  rire, un rire grave et horriblement fort, qui fit trembler l?épave de navire du pont à  la cale, ainsi que les spectateur du combat qui avait tourné court. Un groupe d?oiseaux de pierre, au loin, préféra s?éloigner de ce rire et décolla.
« CE FUT BREF, MAIS INTENSE, brailla le géant Surt, manifestement au comble de la joie. LORSQU?IL REVIENDRA À LA VIE, JE LE GARDERAI EN TANT QU?ESCLAVE. S?IL EST ENCORE EN ÉTAT ! »
Loki exultait intérieurement, et regarda Séphira. Celle-ci réfléchissait à  un moyen de s?en tirer. Elle pouvait prendre la pilule immédiatement, mais elle n?avait encore rien apprit d?intéressant, et elle ne voulait pas laisser Soulblighter dans un tel pétrin. Le géant, la main toujours plaqué sur le sol, eut un sursaut.
« QUE? »
La main se souleva en tremblant, et Soulblighter apparu, égratigné et salit de toute part, mais bel et bien vivant. Et souriant. Un rictus lui couvrait le visage, balayant toute trace de fragilité et de gentillesse. Ses yeux étaient deux boules de fureur axées sur le géant. Il banda ses muscles et repoussa la main sur le coté. Surt, déséquilibré, fit un pas de coté ? qui réduisit un pan de la roche de l?îlot à  néant ? et finit par se redresser.
« Mais encore ? railla Soulblighter. Si c?est tout ce dont tu es capable, alors? »
Le géant couvrit la fin de la phrase de Soulblighter en hurlant. Il s?élança sur lui et lui décocha un immense coup de pied qui le fit voler au dessus du groupe de Dieux. Thor vit fugacement un détail qui lui glaça le sang : Soulblighter souriait encore plus.
Le corps de pantin désarticulé vola en direction d?un gigantesque lac de lave, prenant peu à  peu de la hauteur, mais sans pour autant oublier de redescendre une fois l?apogée de son arc de cercle atteint. Soulblighter attrapa un des rapaces de pierre qui avait eu le malheur de voler dans les environs, qui s?accrocha à  ses serres. Le volatile fit un looping agité avant d?accélérer pour déloger son hôte.
Il fonçait droit sur le géant, mais ne s?en rendait pas compte, trop occupé à  essayer de donner des coups de bec aux phalanges maintenant ensanglantés de Soulblighter. Surt le vit arriver, et rejoignit ses deux mains sur le rapace en colère, le réduisant à  un tas de pierre en une fraction de seconde. L?immense applaudissement résonna dans tout le Muspellheim, et des montagnes s?effondrèrent et des îles s?engloutirent par la force de l?impact.
« Il est là  ! jubila Heimdall en prenant le bras de Thor comme une fillette surexcité devant un boy?s band. Il est vivant !! »
En effet, Soulblighter était vivant, au moins dans ce monde-ci. Il courait sur le bras du géant, un rictus de dément vissé aux lèvres. Ses yeux pétillaient et roulaient en tout sens, tandis qu?il atteignait l?épaule du géant. Ce dernier chercha à  le déloger en se jetant sur le dos, mais Soulblighter s?accrocha à  la clavicule. Il riait à  gorge déployée maintenant.
Un rire de fou, un rire d?aliéné, un rire de défoncé qui est partit dans son monde de rêves, un rire effroyable à  entendre. Le géant, lui, ne souriait plus, et s?envoyait des claques. De loin, la vision était celle d?un homme tentant d?écraser une fourmi, sans y arriver. Et l?image convenait parfaitement.
Soulblighter arriva sur la joue de Surt et hurla en plongeant ses mains dans l?épaisse peau. La croûte de lave séchée craqua et il pu enfoncer ses doigts dans l?épiderme même du géant. Il serra un câble invisible, peut-être un muscle ou une veine géante, et tira de toutes ses forces. Ses muscles se bandèrent, ses tatouages ondulèrent sur ses biceps mit à  l?épreuve, et il arracha une partie de la joue.
Une infime partie physique du géant, mais une colossale partie de son amour propre.
« ESPÈCE DE SALE PETITE VERMINE !!! » s?énerva Surt en envoyant son poing sur son ?il. Il ne réussit qu?à  se rendre borgne en s?aplatissant la paupière de manière violente, et la tête lui tourna.
Depuis le navire, Séphira n?en croyait pas ses yeux. Elle assistait à  un combat assez dantesque, et c?était son compagnon de voyage qui pour le moment menait le jeu. Elle songea à  David contre Goliath, et reprit espoir. Elle n?était pas du genre à  clamer haut et fort sa joie, ou à  scander des encouragements sous forme de slogan, donc elle se contenta de croiser les doigts. Heimdall, lui, hurlait.
« Vas-y petit !! Tu vas l?avoir !! Continue comme ça !!
-Tu ne peux pas te calmer un peu, le vieux ? » grogna Loki, qui songeait déjà  à  un autre plan, dans la mesure ou celui-ci se consumait peu à  peu, sans mauvais jeu de mot. Thor, lui, restait impassible. Mais un examinateur attentif pouvait remarquer un reliquat de sourire sur son visage du coup moins austère.
« Alors, mon gros tas de lave, tu n?arrives pas à  m?attraper ? » Soulblighter se tenait sur le sourcil de l?oeil encore valide du géant, et Surt le regardait avec une haine féroce. « Je te remercie pour les deux baffes que tu m?as mises, en tout cas. Tu ne savais sans doute pas que j?avais une capacité d?assimilation de la douleur hors normes ? Et que chacun des coups que je reçois ne fait que me rendre plus vif, plus fort, plus? »
Il sortit son verre d?eau toujours à  moitié plein, et le tint en l?air.
« ?dingue ? »
Soulblighter jeta l?eau tiède dans l??il du géant, qui hurla de douleur. Il porta ses deux immenses mains à  son visage, et son petit adversaire en profita pour descendre du géant comme sur le plus gros toboggan du monde. Des mondes. Une fois à  terre, il regarda le géant s?effondrer en braillant. La souffrance lui avait fait oublier le combat, mais la chaleur environnante aurait tôt fait de guérir la plaie froide.
Soulblighter avisa l?épée du géant, planté près de sa tête qui fumait, et trouva rapidement la solution. Le géant avait chuté selon les estimations de Soulblighter, et ce dernier acheva son plan en courant de toutes ses forces vers l?épée de feu, avant de sauter sur le pommeau. La vitesse renversa l?épée qui se retrouva bloquée à  quelques mètres de la gorge du géant à  présent vaincu.
« Surt ! beugla Soulblighter, avec son visage de forcené braqué sur lui. Il suffirait que je saute une fois, une seule et unique fois sur ce manche, pour te trancher la tête. Est-ce que tu admets ta défaite, ou veux-tu crever de ma main et de ta propre lame ? »
Surt ouvrit son unique ?il rouge, encore embué par l?eau qui s?évaporait, et regarda Soulblighter. Un instant, celui-ci songea qu?il n?allait pas se rendre, mais le géant savait accepter sa défaite, et leva les mains en signe de reddition.

*
* *

Le jeune homme ouvrit la porte précipitamment et la referma sans faire de bruit derrière lui. Il avait le souffle court après le trajet qu?il venait de faire en courant. Il souffla un instant devant la porte d?entrée, et retira finalement son manteau qu?il jeta sur son lit. Il s?essuya le front sur sa manche, et s?éventa les joues écarlates en se dirigeant vers le petit frigo qui jouxtait la fenêtre. Il se félicita d?avoir prit une chambre d?hôtel avec minibar.
Il ouvrit le frigo et en sortit une canette d?Orangina, qu?il vida d?un trait, avant de la jeter dans la poubelle. Celle-ci retomba bruyamment, et il rentra sa tête dans ses épaules. Le bruit lui vrilla les tympans, dans le silence de la chambre. Il s?assit sur son lit, et reprit lentement son souffle.
« Ce mec commence à  me courir, à  farfouiller partout, dit-il à  voix haute en se penchant pour sortir une seconde canette. S?il continue, je vais devoir sévir. Surtout s?il s?approche de Nina. En plus, il m?a fait courir, je ne pensais pas qu?il était encore capable de remuer aussi vite ! »
Il s?essuya une nouvelle fois le front, et but deux gorgées de sa boisson, tout en pensant que sa filature allait tout de même devoir continuer le lendemain. Il avait le pressentiment que cet homme, ce commissaire, ne lâchait pas prise aussi facilement.
Et Aran Valentine suivait toujours ses pressentiments.

*
* *

Thor s?avança vers le géant, qui se frottait l??il endolori avec de la lave. La solution qu?il s?appliquait devait le soulager, car l?état semi comateux dans lequel il se trouvait le rendait plus enclin à  parler. Et à  révéler ce qu?il savait.
« Alors, géant Surt, gardien du Muspellheim, nies-tu sa victoire ?
-CET HUMAIN, QUI QU?IL SOIT, A BIEN COMBATTU. J?AI ÉTÉ TROP SÛR DE MOI. JE NE REFERAIS PAS LA MÊME ERREUR SI UNE AUTRE OCCASION SE PROFILAIT. JE ME BATTRAIS DE TOUTES MES FORCES.
-Si tu as pu en tirer leçon, dit Thor en regardant Soulblighter, alors cette rencontre aura été profitable pour nos deux groupes. Raconte-nous maintenant ce que tu sais. »
Le géant prit une nouvelle boule de lave entre ses doigts et se l?étala sur l??il, avant de commencer son récit. Heimdall, Séphira et Soulblighter s?approchèrent, tandis que Loki restait un peu en retrait. Attentif tout de même, mais en retrait.
« DEUX FEMMES SONT VENUES, commença Surt. ELLES ÉTAIENT HUMAINES, TOUTES LES DEUX, MAIS J?AI SENTI QUE LA PLUS JEUNE ÉTAIT DIFFÉRENTE. DIFFÉRENTE DE TOUS LES HUMAINS VENUS ICI, UN PEU COMME VOUS DEUX. »
Il désigna de son énorme doigt Soulblighter et Séphira Strife. Soulblighter s?était calmé et son sourire avait presque disparu de son visage. Il apparaissait encore légèrement lorsqu?il regardait le géant à  terre. Séphira regarda son compagnon, se demandant s?il pensait à  la même chose qu?elle. Soulblighter hocha la tête.
« ELLES ÉTAIENT MANIFESTEMENT D?HUMEUR JOYEUSE, EN VENANT DU SVARTALFHEIM. ELLE RIAIENT EN CH?UR. JE NE LES AI PAS APPROCHÉES, JE ME SUIS CONTENTÉ DE LES OBSERVER DE LOIN.
-Comment étaient-elles ? s?avança Séphira Strife.
-LA VIEILLE ÉTAIT HABILLÉE ÉTRANGEMENT, DANS UNE ROBE NOIRE COMME CELLES DES MORTES CIVILES DE HEL. MAIS ELLE AVAIT UN TEMPÉRAMENT DE GUERRIÈRE, POURTANT. ET ELLE AVAIT UN SAC EN BANDOUILLÈRE ASSEZ LARGE ET PLEIN. PEUT-ÊTRE SAGISSAIT-IL DU LARCIN QU?ELLES AVAIENT COMMISES ?
-Elles n?étaient que deux ? demanda Thor.
-OUI. DEUX FEMMES. LA JEUNE, ELLE, AVAIT DES VÊTEMENTS ASSEZ? »
Il est difficile de voir un géant de lave, qui a une couleur de peau particulièrement hétéroclite allant du rouge foncé croûteux au cramoisi vif, il est donc difficile d?imaginer voir une peau ainsi faite rougir de honte. Et c?est pourtant que ce remarquèrent les Dieux et les Trauméniens réunis : Le géant rougit, avant de balbutier :
« ?ASSEZ OSÉS. ILS NE CACHAIENT PAS GRAND-CHOSE DE SON ANATOMIE AVANTAGEUSE. JE PENSE QUE C?ÉTAIT ELLE QUI MENAIT LE GROUPE, QUI ENTRAÎNAIT LA VIEILLE.
-Ses cheveux, s?empressa de demander Séphira. Comment étaient ses cheveux ? De quelle couleur, vous vous en souvenez ?
-ARGENTÉS, AUCUN DOUTE LÀ-DESSUS. »
Cette fois-ci, ils en étaient sûrs. Séphy-Roshou était passée par ce monde, et accompagnée d?une veille femme. On pouvait facilement inférer le vol de l?arme chez les nains, la veille femme séduisant Hrumir et Séphy-Roshou dérobant le trésor après s?être fait enfermer dans le coffre. Il ne restait plus qu?à  les retrouver.
« Par où sont-elles allées, ensuite ?
-ELLES SONT PARTIES VERS LES RAMURES DE L?YGGDRASIL, MAIS JE PENSE QU?ELLES ONT DUES PASSER PAR ALFHEIM AUPARAVANT. C?EST LE MOYEN LE PLUS COURT DE REJOINDRE LES BRANCHES EXTÉRIEURES, SELON MOI. MAIS JE NE SUIS SÛR DE RIEN.
-Alfheim, répéta Heimdall. Le monde des elfes blonds. Espérons qu?ils puissent nous renseigner. Ou au moins nous offrir l?hospitalité.
-Si nous ne trouvons rien sur place, nous irons à  la cime demander à  l?aigle et au faucon, annonça Thor. Ils devraient avoir vu ces deux intruses.
-Géant Surt, reprit Séphira Strife. Vous dîtes qu?elles sont passées par votre domaine, mais comment ont-elles fait ? Nous étions sur ce navire pour notre venue, et les habitants du Svartalfheim ne nous ont pas parlé d?un vol de bateau, en plus de celui de l?arme. »
Les Dieux se tournèrent vers le géant. Celui-ci regardait la petite Trauménienne avec encore un peu de convoitise dans le regard, mais il se retenait.
« VOUS ME DONNEREZ QUOI, EN ÉCHANGE ?
-Imagine plutôt ce que je te donnerai si tu ne réponds pas. » dit Soulblighter en faisant craquer ses jointures ostensiblement. Et en souriant. On ne pouvait décemment pas oublier un sourire aussi mauvais que le siens.
« JE PLAISANTAIS, HUMAIN VALEUREUX. MAIS JE NE VOIS PAS EN QUOI LEUR MOYEN DE TRANSPORT PEUT VOUS AIDER.
-Répondez tout de même?
-ILS ÉTAIENT À DOS DE CERFS. DEUX DES QUATRE CERFS DE l?YGGDRASIL, À LA DEMANDE DE NIDHÖGG, LE SERPENT MAUDIT, QUI VIT DANS LE NIFELHEIM. »

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MessagePublié: 20 Juin 2005, 19:04 
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6. Nifelheim.
IL recommença.
Halvorc, en retrait, suivit une nouvelle fois la scène ? identique à  celle qui s?était passée quelques minutes plus tôt et à  celle qui se passerait dans quelques minutes ? où Shannia se retournait vers IL en prenant un air outré et lui envoyait une claque bruyante sur la joue. Une fois sur deux, le coup portait et IL souriait de contentement, appréciant la douleur de la gifle féminine comme on déguste un bon vin. Dans le cas contraire, il évitait le soufflet et lui pinçait une deuxième fois la fesse.
Halvorc soupira.
Les spectacles et autres distractions amusantes étaient rares ces dernières heures, depuis leur départ du Svartalfheim, et même une scène aussi banale et redondante que celle-ci suffisait à  faire sourire Halvorc et les Vanes qui le suivaient. Njörd et Freyja regardaient les deux humains qui se chamaillaient maintenant.
Halvorc ralentit l?allure pour se mettre à  hauteur des Dieux, qui cessèrent de parler à  voix basse dès son approche. Il ne s?en formalisa pas et resta auprès d?eux, silencieux, quelques minutes, s?armant de patience. Njörd céda avant lui.
« Qu?est-ce qu?il y a ? demanda-t-il.
-Hmm ? dit Halvorc en feignant de sortir de ses pensées. Moi ? Oh, rien, rien du tout. Je voulais simplement savoir de quoi vous parliez, mais je n?en ai manifestement pas le droit.
-Bonne déduction. » conclut Njörd en n?ajoutant rien. Devant, IL reprit son manège et n?évita pas la claque. Halvorc attendit la fin de son râle de jouissance simulé pour retourner à  l?attaque.
« Pourrions-nous au moins savoir les détails de l?affaire ? Depuis que le nain vous a parlé en privé, nous n?avons pas eu la moindre information.
-C?est voulu, l?informa Njörd. De simples humains, même combattant, n?ont d?ordinaire rien à  faire en pèlerinage avec des Dieux. Vous êtes des privilégiés, vous en rendez-vous compte, au moins ?
-Mouais, grommela Halvorc. Mais nous ne pourrons pas vous aider si vous nous dissimulez des indices.
-Mais nous ne voulons pas de votre aide ! » s?emporta le souverain des Vanes. Freyja le retint par le bras, et lui intima par un regard de se calmer, comme seules les femmes savent le faire : Parler par les yeux avec une précision chirurgicale. Halvorc resta encore un moment à  leur hauteur, puis reprit sa place en avant des Vanes. Il frissonna.
Depuis qu?ils avaient traversés un long pont vétuste mais solide pour quitter la forge des Dieux, la température avait chuté sensiblement, comme on pouvait s?y attendre. Le décor avait changé petit à  petit, passant de parois de pierre aux reliefs désolés d?une végétation à  l?abandon, puis d?une forêt sinistre et marécageuse. Une nappe de brume recouvrait le sol jusqu?au chevilles des marcheurs, leur glaçant les pieds.
Les alentours étaient constitués d?arbres clairsemés reliés par une foultitude de lianes humides dégoulinantes de lichen aqueux et moisit. L?humidité les pénétrait à  chaque respiration, chaque pas, chaque mouvement. Quelques rares bestioles indéterminées s?enfuyaient dans la brume à  leur arrivée, ne laissant entrapercevoir qu?une queue flasque ou un membre affolé. Le tout n?était guère appréciable.
« Mais arrête enfin ! geignit Shannia en décollant une ultime baffe à  IL.
-Comment veux-tu que je résiste à  une croupe aussi sublime ? » Accompagnant le geste à  la parole, il attrapa une fesse rebondie dans une de ses mains, ce qui déclencha un nouveau cri outragé de sa victime. Ce cri fendit l?air saturé de gouttelettes froides et quelque chose d?immense remua dans le lointain, écrasant des branchages pourris sur le sol et renversant des souches avec moult craquements.
Njörd s?arrêta et tendit l?oreille. Il savait pertinemment qui pouvait faire autant de vacarmes en ces lieux inhospitaliers, et c?était même le but de leur venue ici, outre le fait que passer par le Nifelheim, pays de la brume et du froid originel, était le chemin le plus court pour aller voir Hel. Mais si le Vanes pouvait éviter de voir le principal occupant du Nifelheim, alors il ne s?en plaindrait pas.
« Un peu moins de bruit, vous deux devant, grogna-t-il. Si vous vouliez vous amuser à  ce type de jeux, alors vous auriez mieux fait de rester au palais.
-Excusez-nous, à” Njörd notre Dieu. » dit respectueusement Shannia en regardant ses pieds, rouge de bas en haut. IL, près d?elle, regardait le ciel couvert et chargé d?eau en se curant le nez. Halvorc ne pu retenir un sourire.
Dans le lointain, un arbre bascula à  nouveau, arrachant les lianes. Le bruit ressemblait à  une jambe broyée, et on imaginait aisément les éclats d?os voleter sous l?impact. L?arbre était encore loin, mais Njörd savait ? sentait ? qu?il se rapprochait. Il commença à  presser le pas, accompagné de Freyja qui comprit rapidement. Halvorc se fit dépasser.
« Pourquoi accélérons-nous, soudainement ? demanda-t-il sans augmenter la cadence.
-Il y a? ?quelque chose, ici, hésita Freyja. Quelque chose que nous aimerions éviter. Si nous ne le rencontrons pas, alors nous vous expliquerons.
-Freyja, s?insurgea Njörd.
-Mais pour ça, continua la Valkyrie, nous devons nous hâter de traverser le Nifelheim.
-Mais peut-être que Nidhögg saura quelque chose, sur cette arme ? »
Les Vanes s?arrêtèrent et dévisagèrent IL, qui affichait un sourire méprisant. Le sourire d?un homme qui vient de démasquer une supercherie et qui montre qu?il a les clefs en mains depuis un moment. Un sourire à  la fois malicieux, charmeur, mais également terrifiant de méchanceté sous-jacente.
Un autre arbre, plus proche, beaucoup plus proche, tomba.
Le temps semblait s?être arrêté sur les derniers mots d?IL. Les Vanes restaient interdits, ne sachant plus s?ils devaient fuir Nidhögg ou cet effrayant humain. Halvorc se rapprocha de IL en regardant les alentours. Nouveau craquement beaucoup plus près. Shannia jetait des regards affolés autours d?elle, accrochée au bras d?un IL hautain, qui fixait Njörd du regard.
Un regard aussi froid que les brumes gelées du Nifelheim.
Et derrière IL surgit le serpent géant Nidhögg, le dévoreur de racines de l?Yggdrasil, la bête nécrophile qui se nourrit des cadavres de Midgard, un des fils monstrueux de Loki rejeté dans les tréfonds du monde des Dieux nordiques. Il survint comme une flèche, émergeant de la brume et éventrant plusieurs arbres sur son passage.
Il se redressa de toute sa hauteur, ses écailles luisantes et moites brillantes sous une lumière blafarde, et ouvrit une gueule gigantesque, dépassant de loin la taille devenue ridicule des Dieux. Il découvrit deux immenses crocs qu?une langue violette fourchue lécha avidement. Une goutte de venin vint s?écraser près des deux Trauméniens, et ils la regardèrent transformer une pierre en une bouillie liquide et fumante.
Nidhögg ferma sa gueule, et fixa tour à  tour ses invités d?un regard de prédateur affamé. Et lorsqu?il parlait, ce fut d?une voix sifflante et acide comme son poison.
« Voyons sssssa, qui avons-nous là  pour le repas de ssssse sssssoir? »

*
* *

(Traduit de l?Italien)
LE MILAN DAILY :
DÉCÈS DE PAOLO CARNE DANS DES CIRCONSTANCES AMBIGUËS.

Le célèbre acteur italien Paolo Carne est décédé ce matin même dans sa propriété situé sur les hauteurs de Milan. Sa femme de chambre l?aurai retrouvé attablé à  son bureau, la tête plongée dans son assiette constituée de deux ?ufs sur le plat qu?elle venait de lui cuisiner pour son petit déjeuner. « Il allait bien lorsque je lui ai donné, je vous le jure ! » déclara-t-elle aux services de polices, qui privilégient plutôt la piste d?un simple malaise qui aurait mal tourné. Les médecins qui ont examinés le corps aurait pour le moment conclu à  un arrêt cardiaque, sans en déterminer les conséquences qui [?]

*
* *

« Oh, alors ssssse n?est qu?une sssssimple visite de politessssse, rien de plusssss ?
-Nous sommes désolés de ne pouvoir rester plus longtemps avec vous, serpent Nidhögg, mais le temps nous fait défaut, éluda poliment Njörd. Nous venons d?apprendre une terrible nouvelle et?
-Le vol d?une arme chez les Nains, au Sssssvartalfheim ? »
Njörd sentit une vague de froid lui déferler dans le dos, comme si la brume qui se bornait à  glacer ses pieds lui était grimpée dessus. Le serpent n?avait pas eu l?air d?en attenter à  leur vie depuis son arrivée, et il se bornait à  converser presque gentiment avec eux cinq. De temps à  autre, sa queue apparaissait de nulle part, un coup ici, un coup là , et lui apportait de quoi se nourrir.
La punition, ou le loisir selon les interprétations de la légende, de Nidhögg lui valait de se nourrir de cadavres venant de Midgard. De la Terre. Une vision de l?enfer comme une autre, mais elle déplut fortement à  Halvorc lorsque le serpent géant croqua dans l?abdomen d?un mort à  la peau grise et flasque.
« Les nouvelles vont vite par isssssi, ausssssi vite qu?une attaque de ssssserpent. » dit Nidhögg en avalant d?un trait les organes à  moitié putréfiés. IL conservera un bon moment l?image d?un long spaghetti ? certainement les intestins ? qui pendouillait de la mâchoire de l?avaleur des morts.
« Nous cherchons donc à  rejoindre Helheim pour demander quelques précisions à  la maîtresse des lieux, continua Njörd sans faire plus attention au sang noirâtre qui dégouttait sur les écailles du serpent.
-Helheim ? répéta Nidhögg. Vous pensssssez que cette petite bâtarde de Hel vous sssssera d?une quelconque utilité sssssur sssssette affaire ssssspéciale ?
-C?est possible, répondit évasivement Njörd.
-Et ne vous est-il pas venu à  l?idée que moi ausssssi je pouvais sssssavoir quelque chose sssssur ce vol ? Sssssi le ou les voleurs venaient de Helheim, alors il ssssse pourrait qu?ils sssssoient passsssés par isssssi, non ? »
Freyja et Njörd s?entreregardèrent, puis haussèrent les épaules. Il n?y avait pas de mal à  lui demander, également, songea le Vanes. Le serpent s?accorda une mimique très humaine en faisant semblant de réfléchir à  quelque chose en attendant la réponse de Njörd, tout en étant à  l?affût du moindre mouvement de fuite.
Shannia était toujours soudée à  IL mais elle tremblait moins que tout à  l?heure. Elle ne quittait pas le serpent des yeux, de peur que celui-ci ne veuille soudainement se mettre à  goûter la chaire vivante, et elle sursautait dès que la longue queue émergeait de la brume pour lui apporter son innommable pitance.
Halvorc ignorait consciemment le serpent, préférant examiner méticuleusement ses mains, des ongles à  la paume, certainement dans un souci de propreté. Ce dédain affiché pour sa personne mettait Nidhögg hors de lui, mais il n?en montrait rien à  ses hôtes. Seulement il leur réservait une petite sssssurprise de son cru.
« Dans mon domaine, commença-t-il en laissant de coté Njörd et Freyja qui ne lui avaient toujours pas donné de réponse, il est très impoli d?ignorer le ssssseigneur des lieux, sssssavez-vous ? »
Halvorc daigna lui lancer un regard innocent, et marmonna un Hmm ? peu intéressé, ce à  quoi le serpent géant répondit en se jetant sur lui. IL et Shannia furent brusquement repoussés par la force colossale du reptile. IL chuta lourdement dans la brume, protégeant malgré tout Shannia d?un choc trop violent. Njörd et Freyja n?eurent pas le temps de cligner des yeux que l?attaque était déjà  terminée.
« Alors sssssale petit insssssecte, dit Nidhögg en enserrant peu à  peu sa prise. Ton insssssipide sssssourire sssss?est disssssipé de ta fassssse, n?est-ssssse pas ? »
La langue froide du serpent caressait à  chaque son en [-s] les joues et le visage d?Halvorc, qui tentait de se soustraire au serpent en gigotant. Sans résultat. Nidhögg recula sa tête aplatie et montra les crocs.
« Si tu crois m?impressionner, c?est raté, éructa Halvorc.
-Je crois sssssurtout que tu n?es plus ssssspésssssialement en posisssssion de demander quoi que ssssse sssssoit. » Il se tourna vers ceux restés à  terre. « Et vous non plus, dorénavant. Sssssi je sssssais quelque chose, il vous faudra sssssatisssssfaire mes caprissssses. Et quoi que vous fasssssiez, de toute fassssson.
-Qu?entendez-vous par là , seigneur Nidhögg ? déclama Njörd sur son ton de souverain. Si c?est cet humain inopportun qui mous intéresse, alors je vous le lègue. »
IL se tourna vers Njörd, qui regardait le serpent droit dans les yeux. Celui-ci le fixa également, semblant peser le pour et le contre de cette idée. Halvorc commença à  ouvrir la bouche pour parler, mais Nidhögg resserra son étreinte et il ne pu qu?expirer longuement, sans qu?aucun son ne sorte.
Je ne savais pas qu?on pouvait mourir étouffé une fois mort, songea-t-il tandis que son esprit dérivait peu à  peu vers l?inconscience. Je vais être un nouveau pionnier : La mort après la mort ! Je serais célèbre, après ça, pour sûr ! Sa tête retomba sur le coté.
IL ne disait rien. Sa première réaction avait été de vouloir libérer Halvorc, mais finalement ce retournement imprévu de situation pouvait servir ses desseins. Shannia, elle, regardait IL en se demandant pourquoi son compagnon ne tentait pas de son sauver son ami, et une image lui revint à  l?esprit : IL qui effaçait une trace de brûlure sur le coffre de l?arme volée, et qui regardait si Halvorc l?avait vu. Elle décida rapidement.
« Relâchez-le ! brailla-t-elle contre toute attente. Il ne vous a rien fait ! IL, mais fait donc quelque chose pour ton ami !! »
IL se trouva désarçonné. Le regard qu?il lança à  Shannia était empli d?incertitude, et celle-ci lui répondit silencieusement en lui intimant de se dépêcher. Elle craignait qu?Halvorc n?aie des séquelles s?il restait trop longtemps sans oxygène. Même s?il était déjà  mort.
« N?ayez crainte, ssssstupide humaine désssssédée, lui dit Nidhögg comme s?il avait lu ses pensées. Il ne risssssque qu?une ssssseule chose sssss?il ressssste sssssous mon emprise : De demeurer à  jamais mon esssssclave. »
Encore mieux, pensa IL. Il ne me restera plus qu?à  me débarrasser des deux autres, ainsi que de cette cruche, et je pourrais rentrer tranquillement. Puis IL ajouta, toujours mentalement : Ainsi, je serais enfin dans Ses petits papiers, au même titre que Lord FireFly ou Radamenthe. J?occuperais une fonction plus importante dans Son plan.
« Laissez-nous une chance de le sauver, alors ! » dit Shannia en prenant son courage à  deux mains. Elle commençait à  envisager que son soupirant, IL, était peut-être animé de mauvaises intentions, et qu?IL ne l?aiderait probablement pas. Elle regarda en direction de Njörd et Freyja mais ne trouva aucune aide d?eux.
Le serpent relâcha un peu sa pression et Halvorc toussa. Shannia attrapa IL par les épaules et le secoua.
« Mais ne vas-tu donc rien faire pour le sauver ? hurla-t-elle.
-Il n?y a malheureusement pas grand-chose à  faire, répondit-IL d?une voix sèche. Attendons vois ce que demande Nidhögg.
-Mais tu pourrais au moins essayer de? » IL l?interrompit en lui envoyant une claque qui lui coupa le souffle. Elle restait, incrédule, à  regarder IL droit dans les yeux, et celui-ci avait le pire sourire qu?elle n?avait jamais vu. Plus tard, dans la nuit qui suivra, elle verra de longues heures durant cette scène qu?elle n?avait malheureusement pas imaginée :
Les yeux de IL qui la regardaient et qui changeaient, comme si des voiles noires passaient devant et derrière l?iris, transformant son regard en un abyme de ténèbres.
« Je vais vous proposer trois énigmes, très sssssimples, reprit Nidhögg. Une pour la vie de ssssse jeune garssssson, la ssssseconde pour vous laisssssez repartir de mon royaume, et la dernière afin de répondre sur la quessssstion de l?arme dérobée. Des objecsssssions ? »
Personne ne souffla mot. Shannia se frottait la joue en regardant ses pieds, Njörd et Freyja restèrent immobiles à  attendre l?énigme, et IL se demandait s?il ne valait pas mieux garder Halvorc encore quelques temps avant de s?en débarrasser. Halvorc, lui, reprenait peu à  peu son souffle.
« Très bien, alors commençons les hossssstilités. »
Nidhögg se plaça plus confortablement et sembla réfléchir à  l?énigme à  choisir. Ses yeux s?ouvrirent soudainement, signe qu?il en avait trouvé une qui correspondait à  ses attentes, puis il l?énonça à  voix haute :
« Un ssssseigneur déssssside de faire une faveur à  un condamné à  mort. Il dit à  ssssse condamné qu'il a le droit de prononssssser une phrase, et une ssssseule, avant de déssssséder. Sssssi sssssette phrase est un mensssssonge, alors il sssssera pendu. Sssssi par contre sssssette ultime tirade est vraie, alors il sssssera sssssimplement noyé. Que doit dire le condamné pour que ssssson bourreau sssssoit dans l?imposssssibilité de prossssséder à  une exécution présssssise ? Vous avez tout votre temps. »

*
* *

(Traduit de l?Américain)
DENVER POST :
UN MOTEL DEVIENT LE THÉATRE D?UNE MORT SPECTACULAIRE.

Au fin fond du Colorado, hier soir, Betty Spinell a été le témoin d?un cas de mort spontanée, alors qu?elle encaissait l?argent d?un client. Ledit client s?était présenté comme étant un représentant en article électroménagers, et il venait de régler la pension pour la nuit en liquide lorsqu?il s?était effondré sans crier gare. La découverte des papiers d?identités du soi-disant représentant devait finalement révéler que. [?]

*
* *

« Je? Je serais pendu? »
Tout le monde regarda avec un étonnement croissant le pauvre corps essoufflé d?Halvorc qui se redressait tant bien que mal. Nidhögg sourit, comme un serpent peut sourire, caressa de nouveau la joue de sa proie avec sa langue. Halvorc n?eut même pas la force de dégager la langue poisseuse. Il avait mal à  la poitrine et sa tête lui tournait.
La réponse de l?énigme avait été donnée à  peine dix minutes après la fin de l?énoncé, et par l?enjeu du débat qui plus est. Shannia remit la réponse dans son contexte, et battit vivement des mains, en sautant sur place.
« C?est ça ! Halvorc a raison ! Si le condamné dit qu?il sera pendu, alors le bourreau ne peut rien faire ! S?il considère que c?est la vérité, il le noiera, donc ça deviendra un mensonge. Et si ce que dit le prisonnier est un mensonge, il devra être pendu, donc?
-?ce qu?il dit aura été la vérité, c?est exact, termina Njörd. La petite a raison, maintenant dites-nous ce que vous savez sur le vol de l?arme, serpent Nidhögg. »
Le serpent déroula son corps et Halvorc tomba face contre terre. Shannia accouru vers lui et l?aida à  s?éloigner de la bête, qui riait maintenant.
« Vous venez jussssste de répondre à  la devinette pour libérer votre ami, rien de plusssss. Je vous dirais ssssse que je sssssais, mais pas avant que vous ayez passsssé mes deux autres épreuves.
-Nous n?avons pas de temps à  perdre pour?
-Ssssseconde quessssstion ! poursuivit Nidhögg sans tenir compte de l?interruption de Freyja. Ssssselle-sssssi conssssserne votre éventuelle liberté de sssssortir d?isssssi entier, alors je vous conssssseille de faire attensssssion. »
Freyja ouvrit de nouveau la bouche pour protester, mais Njörd le retint. Il savait parfaitement que le seul moyen de gagner du temps était de jouer le jeu du perfide serpent, et non de lui forcer la main, sans mauvais jeu de mot.
Shannia avait allongé Halvorc au pied d?un arbre, et seul son torse sortait de la brume. On aurait presque pu croire que tout le bas de son corps avait disparu, tant elle était épaisse. Shannia passa une main sur son front et dégagea les cheveux noirs d?Halvorc de ses yeux. Il reprenait des couleurs normales après son étouffement, et son souffle se calmait peu à  peu.
D?un autre coté, IL regardait Halvorc se remettre doucement. Ses yeux avaient recouvrés un aspect normal, mais ils n?en restaient pas moins embués de colère. Dès qu?on en a terminé avec ce serpent, je fous en l?air cette gamine. Elle gène.
« Lorsssssqu?on en est loin, on y sssssonge pas. Mais plus en sssss?en approche, plus on y penssssse. Et, enfin, quand elle est finalement là , on n?y penssssse plus du tout. Qu?est-ssssse que sssss?est ? »
Tous se creusèrent cette fois-ci la tête à  l?unisson, trop pressés de partir. Le serpent géant s?apporta un nouvel encas qu?il dégusta bruyamment morceaux par morceaux en attendant patiemment la réponse. Seule Shannia n?y réfléchissait pas assidûment, car son esprit était trop encombré de pensées contradictoires pour se concentrer sur cette devinette.
Elle revoyait les yeux de IL qui se transformaient, puis la claque, puis de nouveau les yeux, puis IL qui efface la trace sur le coffre, puis la claque, les yeux, la trace, la claque, yeux, claque, trace, yeux trace claque trace yeux claque traceyeuxclaquetracetraceclaqueyeux? Elle gémit et se prenant la tête à  deux mains.
Au bout d?un certain temps, Nidhögg apporta une longue et épaisse liane qui provenait du ciel. Elle semblait battre de l?intérieur et être chargée de vie propre. Le serpent déroula sa queue et plaça sa tête sur l?immense tubercule secoué de légers tressaillements, et il se mit à  le ronger, déconcentrant les autres.
« Qu?est-ce que c?est? demanda Shannia en oubliant momentanément sa migraine.
-C?est une des racines de l?Yggdrasil, répondit Halvorc en sifflant. Nidhögg ronge jour après jour une des trois grandes racines de l?arbre des mondes, afin d?anticiper sa chute.
-Ne parle pas trop?
-Ça va aller, ne t?en fais pas? » Il déglutit péniblement. « Je ne vois pas quelle est la réponse de cette énigme? L?autre, je la connaissais déjà , mais celle-ci? »
Njörd et Freyja se concertaient dans leur coin, puis hochèrent la tête et se dirigèrent vers Halvorc et Shannia. Ils invitèrent IL à  les rejoindre et exposèrent leur idée :
« La réponse est peut-être la nourriture ? proposa Freyja. On n?y pense pas tout le temps, mais quand on commence à  avoir faim, on a du mal à  oublier. Et lorsqu?on mange, on ne pense plus à  se nourrir, on le fait.
-Mouais, grogna IL. Moi je pensais au sexe, pour la même raison.
-La réponse est forcément de type féminin, puisque dans l?énoncé, Nidhögg a dit : Quand elle est finalement là , on n?y pense plus du tout. »
Tout le monde approuva l?indice de Njörd.
« Personne ne sait ? demanda Shannia. On propose quoi alors ?
-Le sexe, grogna de nouveau IL.
-Je pense que Nidhögg ne nous laissera qu?une seule réponse à  donner, alors nous n?avons pas le droit à  l?erreur, annonça Freyja. Je le connais, ça serait bien son style.
-Mais vous ne pouvez pas le soumettre ? demanda Shannia. Vous êtes des Dieux, tout de même. »
Un silence s?abattit sur le groupe. Les deux Vanes ne dirent rien, gênés, et Shannia préféra ne pas insister. Mais ce fut Halvorc qui répondit à  leur place, proposant sa théorie sur la question : « Je pense que Nidhögg est ici chez lui, et que si les Dieux, qu?ils soient Vanes ou Ases, venaient pour le pourfendre, ou même simplement le brutaliser, ça risquerait de déclencher un conflit, dont l?issue serait le Ragnarök. L?apocalypse version nordique. »
Le serpent géant, derrière eux, mit sa racine de coté.
« Il est intelligent, ssssse petit humain. Et dire que j?ai failli le dégussssster, sssssa aurait été dommage de le laissssser partir, non ? Maintenant, cesssssons les palabres : Avez-vous la réponssssse à  mon énigme, oui ou non ? »
IL se releva et s?avança vers le serpent. Les Vanes, Halvorc et Shannia retinrent leur souffle, persuadé que le Trauménien allait proposer sa version excitée de la réponse, mais il n?en fut rien. IL se campa sur ses jambes, et lança une toute autre solution.
« Il s?agit de la Mort. »
Le serpent tiqua, cette fois-ci. La première fois qu?ils avaient découvert la réponse à  son énigme, il avait été content de trouver un groupe d?égarés un tant soit peu plein de jugement. Mais avoir un groupe capable de répondre correctement à  deux de ses énigmes, il n?en revenait pas.
« Sssss?est exact, marmonna-t-il. Vous êtes donc libres de partir, sssssi sssssa vous chante. Mais sssssi vous voulez sssssavoir ce que je sssssais sssssur ssssse vol d?arme au Sssssvartalfheim, alors vous devrez ressssster encore un peu.
-Nous allons ressssster, railla IL. Envoie la dernière énigme, ssssserpent ! »
Nidhögg dû se retenir pour ne pas enfoncer ses crocs dans la chair de cet humain rebelle qui osait se moquer de lui. Mais Nidhögg savait parfaitement que la dernière énigme leur serait impossible à  réussir. Il passa sa langue fourchue sur ses écailles autours de sa gueule, et formula sa dernière devinette.
« Un champ blanc, une sssssemence noire, 5 humains sssssèment sssssous la direcsssssion de deux autres, la meilleure nourriture qui sssssoit. Quelle est sssssette nourriture ? » Nidhögg découvrit ses crocs immaculés et ajouta :
« Hâtez-vous, ma passsssience a des limites? »

*
* *

(Traduit du Suédois)
AFTONBLADET :
MORTE À NEUF ANS.
Malgré la rapidité exemplaire des pompiers de Stockholm, la petite fille âgée seulement de neuf ans ne survivra pas à  son attaque foudroyante, en pleine rue, qui l?emportera quelques minutes après l?arrivée des secours. La mère de la victime déclara aux pompiers que sa fille n?avait eu aucune maladie en rapport avec son c?ur depuis sa naissance, et personne, pas même les médecins qui se sont occupés de son corps, ne comprenne ce qui a pu arriver à  [?]

*
* *

Un écureuil couru de lianes en lianes, avec une agilité spectaculaire, jusqu?à  ce qu?il tombe sciemment dans la brume. Il réapparu quelques secondes plus tard, aussi rapide qu?avant, et grimpa sur l?échine du serpent sans s?inquiéter outre mesure. Il escalada sans peine les écailles de la monstrueuse bête à  sang froid avant de parvenir sur la tête aplatie de Nidhögg, nullement essoufflé.
Shannia le regardait sautiller sur le nez du serpent géant depuis le sol, toujours auprès d?Halvorc. Ils n?avaient pas trouvé de réponses à  la dernière énigme, ni même une éventuelle idée malgré les indices lâchés par Nidhögg, contre toute attente.
« Sssssette énigme est plus sssssimple à  résoudre lorsssssqu?elle est écrite. » avait-il dit au bout d?une bonne heure de recherche vaine. Puis, encore beaucoup plus tard, alors que l?après-midi était déjà  bien passée, il avait donné un second indice, indiquant que c?était le dernier : « Je ne peux pas pratiquer la réponsssssse. »
Les indices étaient presque pires que la devinette, se dit Shannia. Elle regarda Halvorc, plongé dans ses pensées, qui grattait un sol invisible sous la nappe de brume. IL faisait les cents pas sans raison, semblant réfléchir, mais Shannia se surprit à  penser qu?IL simulait. Elle n?avait peut-être pas tort : IL n?avait aucune idée sur la réponse.
Le petit écureuil s?arrêta de sautiller, et Nidhögg écouta ce que disait l?animal à  fourrure. Puis il éclata de rire.
« Dis à  ssssset ahuri de rapassssse qu?il vaut mieux avoir une longue queue qu?une paire d?ailes pour sssssertaines choses. » IL approuva distraitement.
L?écureuil opina de sa minuscule tête, et redescendit prestement du serpent avant de plonger dans la brume. Il disparut comme il était venu, sautant de lianes en lianes jusqu?à  sortir du champ de vision de Shannia.
« Je ne trouve rien, rien de rien ! » Freyja lâcha un long soupir découragé. « Je suis persuadée qu?il nous a embrouillé avec des indices inutile. Laissons tomber ces informations, et allons voir Hel.
-Tu es sûre ? demanda Njörd quelque peu déçu.
-Tu as une idée de la réponse ? » répliqua violemment Freyja, dont la patience n?était pas le point fort. Njörd dû admettre que non. Il se tourna vers le serpent géant qui riait encore de sa réponse donnée à  l?écureuil, et déclama d?une voix forte :
« Serpent Nidhögg, nous avons répondu juste à  deux de tes énigmes, et nous avons donc gagné la récupération de l?affront fait par cet humain, et le droit de passage sur ton territoire. Nous allons donc partir. »
Le serpent paru sincèrement déçu.
« Vraiment ? Vous abandonnez ?
-Nous ne sommes pas de taille, avoua Njörd. Vous gardez donc vos renseignements, et nous passerons notre chemin. »
Le serpent secoua la tête dans une mimique parfaitement humaine, et s?étira sur toute sa hauteur. Jusqu?au dernier moment, Shannia cru qu?il allait fondre sur eux et prélever une ultime taxe pour le passage en dévorant l?un des voyageurs. Mais Nidhögg n?en fit rien. Il regarda aux alentours, son regard passant sur l?ensemble de son territoire dévasté et froid, puis tendit sa tête vers l?ouest.
« Le passsssage vers le royaume d?Helheim est par là , vous y ssssserez dans quelques heures. Vous pourrez vous reposer une fois mon domaine traversssssé, car il fera moins froid de l?autre coté. » Il découvrit une dernière fois ses crocs enduits de poison. « Sssssachez que je n?avais rien contre vous, mais je n?ai que peu de sssssurprises en ssssses lieux, alors je profite de ssssse qu?on me donne, vous comprenez ?
-Nous vous remercions, dit Njörd en reprenant sa marche accompagné de Freyja.
-Ouais, à  la revoyure. » jeta IL en tournant les talons. Halvorc s?était presque complètement remit et arrivait maintenant à  marcher sans être soutenu par Shannia, qui avait reprit sa place auprès de IL. Mais elle n?était plus collée à  lui, maintenant, elle se tenait à  quelques centimètres de celui qui lui avait donné une gifle.
Nidhögg regarda s?éloigner le groupe avec des remords. Il aurait pu en garder un, celui avec les cheveux rouges qui se moquait ouvertement de lui. Mais quelque chose dans l?attitude de ce dernier lui déplaisait, et il n?aimait pas sentir ce type d?émotions. Malheureusement pour lui, il allait devoir vivre pendant de longues semaines avec cette peur, une fois la nuit passée.
Il se ramena un autre cadavre de femme et en dévora une jambe comme un croûton de pain. « Les deux autres femmes passsssées avant vous étaient plus douées, elles avaient sssssu répondre à  ssssselle-sssssi. »

*
* *

(Traduit du Japonais)
KYOTO SHIMBUN NEWSPAPER :
LE BUS ÉTAIT DEVENU INCONTRà”LABLE.

C?est ce qu?a déclaré un des passagers du bus qui s?est encastré dans la toute nouvelle façade de la Kyoto Station après avoir éviter de peu un nombre incalculable d?accidents. L?ensemble des passagers était sain et sauf, mais le conducteur était décédé. En fait, selon de multiples témoignages, le conducteur, Hideo Nataka, 42ans, était tombé le nez sur son volant avant l?accident, le provoquant lui-même. Aucune des personnes présentes ne peut par contre affirmer que la mort était survenue avant l?impact final, qui acheva certainement le malheureux homme évanoui.
Malaise ou arrêt cardiaque, la question se pose encore pour les [?]

*
* *

Ils atteignirent les bords du Nifelheim avant la nuit, et Shannia n?en fut que plus heureuse. Elle n?avait aucune envie de passer un instant de plus dans cet endroit humide et gelé. Au loin, elle devinait de temps à  autre les mouvements de Nidhögg qui se promenait dans son domaine. Elle l?imaginait facilement entrain de mâchonner un bras ou un tronc humain, tout en persiflant sur leur incapacité à  répondre.
Halvorc s?assit au pied d?un arbre. La brume était devenue bien moins importante, et elle disparaissaient complètement quelques kilomètres plus loin. Au-delà  de cette limite indéfinie s?étendait Helheim. Mais il lui fallait se reposer. Njörd et Freyja déclarèrent qu?ils allaient rester ici pour la nuit, et qu?ils attendraient le petit matin pour poursuivre.
« Il est inutile de continuer dans le noir, nous risquerions de nous perdre. De plus, je n?ai aucune confiance en ce serpent, et en sa parole. Je monterai la garde, je n?ai pas besoin de dormir, pour ma part. »
Personne n?objecta et tous se couchèrent sans un mot. Shannia s?endormit peu de temps après Halvorc, qui restait très faible après sa mésaventure. IL se leva et s?éloigna lentement du camp, sans faire de bruit.
« Où vas-tu ? demanda Njörd dans les ténèbres environnantes.
-Je fais faire un tour, histoire de me changer les idées. Je n?arrive pas à  dormir. »
Njörd ne répondit rien, et IL considéra qu?il donnait son accord. Et puis, se dit-IL, je pense surtout qu?il n?en a rien à  foutre si je me fais choper par ce serpent cachottier. Mais ce n?est pas lui qui va me prendre par surprise.
C?est moi.


*
* *

Nidhögg rongeait toujours la racine de l?Yggdrasil lorsqu?il entendit un bruit derrière lui. Avec la rapidité de l?éclair, il envoya sa queue balayer la source du bruit, mais il ne renversa que les arbres sans vie. Il examina le sol, puis les alentours. Rien. Je dois avoir rêvé, se dit-il. Sssssette journée a été chargée en émosssssions, ssssse qui est rare ssssses derniers temps à  Nifelheim.
Il retourna à  sa racine mais ce qu?il vit lui coupa l?appétit. Il y eut quelque temps après cette confrontation où le serpent Nidhögg n?osait d?ailleurs plus toucher à  cette racine, de peur de le revoir accroché dessus.
IL se tenait debout sur la racine, à  l?horizontal, défiant les lois de la gravité. IL souriait, exhibant des dents autrement plus effrayantes que les deux simples crocs de Nidhögg. Une aura noire l?enveloppait comme de la soie, et il dégageait un sentiment de peur, de puissance et de folie hors norme.
« Coucou, dit-il nonchalamment. C?est le facteur ! »
Il se jeta sur Nidhögg et lui attrapa une narine des deux mains. Sans appui, il appliqua une impulsion de torsion à  ses poignets, et l?immense serpent virevolta dans les airs avant de retomber sur le sol, sur le dos.
« Sur le sol ou sur le do ? dit IL en mimant avec ses doigts les mouvements d?un pianiste. Il est tombé sur le sol, sur le dos ! » À chaque note citée, il imprimait une série de coups de pieds sur le gigantesque reptile qui couinait. Celui-ci s?enroula sur lui-même, et cracha. Il ne fut pas impressionné.
« Qu?est-ssssse que tu veux ?!!
-Simplement des renseignements, répondit IL calmement. Des rensssssseignements qui risque de se transformer en rensaignement, si tu refuses de me répondre. Parce que si les Dieux ne peuvent pas te tuer à  cause du Ragnamachinchouette, moi je n?en ai rien à  secouer, de tous vous éliminer !! »
Nidhögg s?élança sur lui, et IL fit une pirouette au dessus de sa tête qui se planta dans la brume. IL retomba lourdement dessus et s?agrippa derrière ses ouïes. Là , IL commença sa torture. Il plongea ses mains entre deux écailles et l?arracha. Le serpent hurla de douleur.
« Alors, petit scarabée ? dit-IL en prenant l?accent japonais.
-Que veux-tu sssssavoir ? »
IL jubila en entendant les intonations apeurées dans la voix du serpent. IL relâcha l?écaille à  demi arrachée et tapota sur une autre avec ses ongles, produisant un rythme singulièrement agaçant.
« Eh bien, tu pourrais commencer par me dire ce que tu sais sur le vol de cette arme, au Svartalfheim ?
-Je? Je ne sssssais rien ! bredouilla Nidhögg.
-Mauvaise réponse. » IL arracha la seconde écaille avant de la replanter dans la plaie béante. Du sang froid lui gicla dessus, et IL se lécha les doigts, un sourire de satisfaction sur les lèvres. IL mit ses mains sur une autre écaille, et la titilla.
« On recommence : Que sais-tu sur?
-Je sssssais sssssimplement que deux femmes sssssont passsssées par isssssi peu de temps avant que j?entende parler de sssssette hissssstoire.
-Comment étaient-elles ?
-L?une était vieille, et l?autre jeune. Elles venaient de Helheim, et elles sssssemblaient sssss?amuser comme des folles. Elles sssssont venues me voir pour me demander un moyen de trasssssport. Elles ne voulaient plus marcher.
-Ont-elles dit où elles voulaient aller ?
-Non, je sssssuppose qu?elles sssssont allées dans le Svartalfheim, mais je n?en sssssuis pas sssssûr.
-Tu leur as donné une monture ? »
Nidhögg ne répondit pas immédiatement, et IL commença à  tirer sur l?écaille. Un immonde bruit de déchirement se fit entendre, et le serpent coassa.
« Je leur ai posé la même énigme qu?à  vous, mais elles ont sssssu y répondre, alors je leur ai fourni deux ssssserfs.
-Deux cerfs ? répéta IL.
-Oui, Durathor et Duneyr, deux des quatre ssssserfs qui se nourrisssssent du feuillage de l?Yggdrasil. Elles sssssont parties avec, et je n?en sssssais pas plus, je le jure. »
Il lâcha l?écaille et glissa jusqu?au sol. On peut même dire qu?il vola jusqu?au sol tant il ne touchait pas le serpent durant sa descente. Arrivé en bas, il resta en suspension au dessus de la brume et de dos au serpent.
« J?espère que tu ne m?as pas menti. »
Pour toute réponse, Nidhögg fonça sur lui, gueule ouverte. IL se retourna et banda ses muscles. Ses yeux étaient entièrement noirs, et des volutes de ténèbres en sortaient, s?effilochant en suivant le mouvement. Il attrapa le haut et le bas de la mâchoire du serpent et la maintint ouverte. Nidhögg émit un bruit de gargouillis plaintif.
Lorsqu?IL parla, ce n?était plus sa voix, mais un relent de néant.
« Si jamais il s?avère que ce n?est pas la vérité, je reviendrais te rendre une petite visite de courtoisie. Et je te conseille de prier pour que ça soit moi, et non Lui qui vienne. »
Là -dessus, IL relâcha la gueule du serpent et celui-ci couina en se redressant. Il se frotta les mains d?un air satisfait, pendant que ses yeux reprenaient peu à  peu leur couleur d?origine. Puis, avant de disparaître pour rejoindre les Vanes, Shannia et Halvorc, il lui lança une dernière réplique.
« Au fait, la solution c?était l?écriture. Les cinq hommes qui sèment sont les doigts de la main qui écrivent, les deux autres qui dirigent sont les yeux qui lisent. L?écriture est effectivement la meilleure nourriture qui soit, à  savoir celle de l?esprit. Et, effectivement, tu ne peux pas pratiquer l?écriture, vil serpent sans mains. »
Alors Nidhögg, pour la première fois depuis sa naissance, pleura des larmes de terreur pure face à  cet immonde individu.

_________________
La vie est faite d'obstacles à  surmonter pour progresser...
...moi je passe à  côté...


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MessagePublié: 20 Juin 2005, 23:05 
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Pamplemousse Panchromatique
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Localisation : Paris, France.
J'hésite à  me demander si Magnum a pris des drogues pour le point de départ d'une débilité hallucinante de ce chapitre ou s'il tente de se mettre au niveau intellectuel d'IL von Mortnéant. Une telle scène n'a rien d'intéressant ou d'amusant, mis à  part la stupéfaction que déclenche chez le lecteur manga la découverte d'un échange de pincements et de claques digne de l'Ecole Maternelle, le tout assorti d'un pseudo-sous-texte sado-masochiste. C'est aussi dommage pour le personnage de IL, ayant acquis par le passé un semblant de charisme que ce manège fait voler en miettes.
Et la Valkyrie qui s'inquiète des séquelles si Halvorc reste trop longtemps en oxygène... depuis quand les êtres de la mythologie nordique s'y connaissent-ils en médecine ? De plus, son dilemme psychologique est assez grotesque, la claque devenant le symbole de son affection pour IL alors que les circonstances dans lesquelles elle était assenée sont à  l'opposé de toute sentimentalité... peut-être est-ce parce qu'elle s'est attachée à  l'espiéglerie du personnage, mais ça n'a rien de crédible.
Pour revenir à  IL, c'est le moins discret des traîtres, et pas seulement parce que la narration l'indique clairement dès le départ (c'est un parti pris de l'auteur de fournir les identités de la plupart d'entre eux, nous permettant ainsi de profiter de leur double jeu), mais aussi par la manifestation très claire de ses émotions, de sa colère quand Halvorc est sauvé...
Les erreurs grammaticales, de syntaxe ou d'orthographe sont toujours présentes, même si le niveau de français est globalement bon. Cette phrase en témoigne :
"Il plongea ses mains entre deux écailles et l?arracha."

Retenons cependant quelques bons points dans le grand moment de ce texte : l'attaque de Nidhögg par IL.



J'hésite à  considérer cela comme le pire chapitre de "Traumenschar" jamais publié.

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MessagePublié: 26 Juin 2005, 18:03 
Hors-ligne
Extincteur des ténèbres
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Inscription : 14 Juil 2004, 15:32
Message(s) : 651
Localisation : Dans le coté obscur de la force.
7. Alfheim.
Laekh marchait à  grandes enjambées sur le tapis du couloir, slalomant entres les meubles et les piles de dossiers posés à  même le sol avec dextérité. Il avait une mine soucieuse mais déterminée. Il s?approcha du paravent qui masquait le bureau où se trouvait l?ordinateur et se glissa derrière le siège sans trop de bruit.
Il toucha DragonNoir à  l?épaule et celui-ci sursauta. L?enchaînement des derniers évènements, avec la mutinerie d?Halvorc, la condamnation de son salon au profit d?une chambre froide et la disparition de Séphira Strife, tout ceci conjugué mettait DragonNoir dans un état d?épuisement incommensurable. Il était sur les nerfs, dormait peu, s?alimentait encore plus succinctement qu?avant et ne cessait de réfléchir à  un moyen de faire revenir l?idée de Mr.Magnum sur ses rails de départ.
Plus rien de va. Nous avons des Trauméniens égarés parmi les limbes des multiples au-delà , un groupe ici, un autre là , d?autres qui ont été séparés comme Hilde ou Youfie dont nous sommes sans nouvelles, et je sens que je ne vais pas tenir le coup bien longtemps. Il nous faudrait des informations autrement plus importantes que les maigres indices dispensés par Gorgon_Roo, bien que cela constitue un début non négligeable.
DragonNoir en était à  ces pensées lorsque Laekh l?interrompit.
« Excuse-moi de te déranger, mais sais-tu quand Angie et DarKenshin vont rentrer ? Elles sont parties depuis quelques jours, maintenant, et nous n?avons pas de nouvelles?
-Tu as tenté de les appeler ? demanda DragonNoir en se grattant la joue, hérissée d?un début de barbe hirsute.
-Aucune réponse. Je tombe directement sur la messagerie, et le portable de DarKenshin est resté ici, rappelle-toi. »
DragonNoir jura, tandis que Radamenthe passait près d?eux. Celui-ci se dirigea vers la salle à  manger en passant par le salon. Sa main glissa sur trois des quatre congélateurs qui ronronnaient doucement, et sourit. Un sourire enjoué, démontrant parfaitement son état d?esprit : Tout se déroulait comme il le souhaitait. Comme Il le souhaitait, rectifia-t-il mentalement. Même dans ses pensées, Radamenthe pensait à  Lui avec une majuscule.
Il pénétra dans la salle de déjeuner qu?il trouva vide à  l?exception de Lord FireFly, attablé et pensif. Radamenthe tira une chaise et s?assit en face de son collègue, qui afficha également un sourire radieux en entendant les quelques mots que prononça Radamenthe.
« C?est ok, ils avaient été récupérés bien avant que la salamandre n?y pense, et ils sont en sûreté. Chez Lui. »
Lord FireFly hocha la tête, élargissant son sourire, puis la porte s?ouvrit en un violent claquement, et l?un comme l?autre tournèrent la tête vers Viper Dragoon qui braillait, dans un état d?excitation aucunement simulé :
« Elles sont revenues, venez vite ! »
Viper Dragoon ne resta pas plus longtemps en place et rejoignit l?attroupement dans l?entrée. Q-Po, Lord Satana et Arkh étaient là  aussi, pendant que DragonNoir demandait un peu de calme à  l?assemblée. Laekh s?était jeté sur Angie et lui tenait les mains comme si elles risquaient de s?envoler.
« J?ai vraiment cru que je t?avais perdue, comme les autres, lui dit-il. Tu as toujours ta pilule sur toi ? » Elle hocha la tête, et attendit que le silence soit revenu. Sur quoi elle inspira longuement, regarda DarKenshin qui lui intima de commencer, et ouvrit la bouche sur une phrase qui fit presque monter les larmes aux yeux de DragonNoir, de dépit.
« Nous n?avons pas de bonnes nouvelles, annonça-t-elle d?un ton froid.
-Vous n?avez pas retrouvé les corps ? demanda Lord FireFly, prenant un air inquiet.
-Aucun corps. Celui de Youfie est introuvable, malgré que DarKenshin l?ait suivie durant son ultime trajet, et celui de Squall avait lui aussi disparu. J?ai eu énormément de mal à  retrouver une trace de son accident.
-Mais ils n?ont pas pu trépasser sans laisser de corps, et même s?ils s?étaient intégralement consumés, nous aurions pu dénicher des cendres, ajouta DarKenshin. Mais il n?y avait rien.
-Et pour le premier groupe, celui avec Magnum, Fury, Erwan, K-Ro et Haschatan ? dit Q-Po. Vous n?avez pas découvert des restes ?
-Nous avons inspectés les restes de la Renault de Magnum, si tu veux parler de restes. Mais aucun humain n?était à  l?intérieur, selon les rapports que nous avons pu consulter. »
Cette dernière complication plongea l?ensemble de la communauté dans un abyme de perplexité, et personne n?osa ajouter un mot. Ils n?avaient plus de liaison avec les corps spectraux de ces Trauméniens, et maintenant plus non plus de liens physiques ne serait-ce qu?avec les cadavres.
La désolation générale atteignit son paroxysme lorsque Angie prononça haut et fort les sombres pensées de chacun :
« Je pense que nous devons les considérer comme perdus. »
Au fond du groupe, Lord FireFly et Radamenthe ricanèrent silencieusement.
« Pas pour tout le monde? » ajoutèrent-ils tout bas.

*
* *

Heimdall divisa le rocher en deux sans même faire d?efforts visibles. Si on avait demandé à  Séphira Strife de décrire la scène, elle aurait simplement dit que Heimdall avait levé sa hache et l?avait plongé dans le rocher comme s?il avait fendu une simple bûche. Il releva sa hache qui était plus large que les deux Trauméniens réunit et la replaça sur son dos, grâce à  un impressionnant harnachement.
« Quelle force, s?étonna Soulblighter dont le combat contre le géant Surt avait réveillé la langue. Je suis curieux de voir ce que ça donnerait en combat, cette arme. »
Pour toute réponse, Heimdall s?autorisa un sourire et déplaça les deux demi rochers de part et autre de la sortie. La seule sortie du Muspellheim, qui venait d?être bloqué par la chute du géant lorsque Séphira Strife avait refusé de lui donner un baiser avant de partir.
« MAIS POURQUOI DONC ? SUIS-JE DONC SI REPOUSSANT ? lui avait-il dit.
-Disons que votre tempérament est trop ardent à  mon goût, et j?ai peur de me brûler les ailes si je vous côtoie de plus près. » C?était cette remarque qui avait déclenché le relent de colère du géant, qui avait donné un coup de pied dans une montagne avoisinante, de dépit certainement, avant de leur indiquer le chemin, boudeur.
« Allons-y, entrons tous dans cette caverne, dit Thor en reprenant les rennes de la troupe. Nous atteindrons Alfheim dans peu de temps, et il y fera certainement moins chaud.
-Je fermerais la marche, j?ai toujours préféré être derrière. »
Séphira Strife se retourna brutalement, croyant voir un IL hilare, mais elle ne vit que Loki, lui adressant un sourire lourd de sous entendu.
« Qu?y a-t-il ? demanda-t-il.
-Hum. Rien. Vous n?auriez pas un fils ? »

Leur arrivée dans l?Alfheim leur causa un choc : L?environnement du Muspellheim était caniculaire, doté de la quasi-totalité des tons orangés, rouges et bruns. L?air y était étouffant et sec, la faune relativement hostile, et la flore assez peu présente. Pour ne pas dire inexistante tant la seule chose qui poussait chez le géant Surt était les éruptions de lave.
Donc, en toute logique, lorsqu?ils débouchèrent sur une clairière verdoyante au beau milieu d?une forêt ensoleillée, non loin d?un ruisseau dont Soulblighter arrivait presque à  ressentir la fraîcheur, la transition fut assez brutale pour leur arracher un hoquet de surprise. Autant aux Dieux qu?aux Trauméniens.
« C?est stupéfiant, dit Séphira Strife en avançant au centre de l?étendue non boisée. Comment deux mondes aussi différents peuvent-ils se côtoyer ?
-Il faut remarquer que le dépaysement est un peu violent, effectivement, approuva Loki en forçant un peu trop sur les ronds de jambe.
-Mais vous avez l?air aussi étonnés que nous ? remarqua Séphira.
-Nous le sommes, affirma Thor en examinant les alentours. Nous n?avons pas l?habitude de passer d?un monde à  l?autre. Nous préférons nous rendre directement dans le monde où nous avons une question à  régler.
-Nous ne nous baladons pas. » précisa Heimdall en insistant sur le mot ?baladons?.
Soulblighter renifla un moment, les yeux clos, puis se dirigea vers un arbre avec la manifeste intention de se soulager. Il avait trop abusé de la carafe du bateau. Il s?approcha d?un arbre, et poussa un soupir de contentement.
« Euh? dit l?arbre.
-Euh ? répéta Soulblighter tout en poursuivant son office.
-Vous? euh? ?sur mon pied?
-Oh pardon. » Il dévia le jet. L?arbre le remercia gracieusement, puis Soulblighter vit deux bras qui se croisaient à  hauteur de son visage. Il leva alors les yeux sur un visage écarlate ? il ne su dire si c?était de honte ou de colère, sur le coup ? coiffé d?une superbe chevelure blonde et lisse.
« Soyez les bienvenus dans Alfheim, le royaume des elfes blonds. » dit l?elfe.

Le soleil était déjà  très bas dans le ciel lorsque les Ases et les Trauméniens atteignirent le village où résidait Elk?Al, l?arbre arrosé par Soulblighter. Après maintes explications de la part des deux camps ; où Soulblighter avait décrit les nombreux verres d?eau ingurgités sur le bateau dans la fournaise du Muspellheim, et où Elk?Al lui avait démontrer les principes d?une observation cachée sous un déguisement ; l?elfe blond avait finalement accepté de les guider jusqu?à  Drïmfal.
La nuit s?était presque installée lorsque Elk?Al s?était arrêté sans un mot. Séphira Strife l?avait rejoint, et elle avait regardé autour d?elle, sans rien distinguer. La pénombre s?étendait rapidement, et elle doutait d?arriver à  trouver la cité elfe une fois l?obscurité établie. Elk?Al souriait, la dominant de toute sa hauteur.
Sa taille avait aussi été l?objet d?abondants pourparlers quant à  l?erreur de Soulblighter, qui n?avait vu son visage qu?une fois son regard levé à  plus de cinquante degrés depuis la ligne d?horizon, selon les calculs approximatifs de Soulblighter. Et l?elfe avait répliqué qu?il était grand pour son âge, mais que cette hauteur ne l?avait nullement empêché de sentir l?humidité sur sa jambe.
Pour conclure, Elk?Al était grand.
« Nous sommes arrivés ? demanda Séphira Strife. Je ne vois rien.
-Moi non plus, ajouta Soulblighter un peu en retrait. Et n?essaye pas de nous jouer un tour, j?ai vaincu un géant, moi ! »
Heimdall posa une main sur l?épaule de Soulblighter, qui se retourna vers le Dieu. Soulblighter haussa un sourcil en voyant Heimdall lever un index vers les branches, puis suivit la direction du doigt. Il poussa un râle d?étonnement en distinguant les innombrables cahutes qui étaient juchés sur les ramures des arbres.
Elk?Al leva une main et hurla haut et fort :
« Habitants de Drïmfal, voici des voyageurs venus passez la nuit dans notre modeste ville. Les accepterez-vous en tant qu?invités ? »
Une acclamation résolument positive éclata du sommet des arbres, et bientôt, un fourmillement d?animation parcouru les feuillages au-dessus d?eux. En quelques secondes, ils étaient entourés de visages amicaux, tous blonds et tous souriants.
Et ils les emmenèrent dans le village de Drïmfal.

Une immense lune éclairait les cimes des arbres, qui vu de haut recouvraient plus de quatre-vingt dix pour cent de Alfheim. La végétation, même sous cette lueur blafarde et blanche, avait un aspect irréel verdoyant et plein de vie. A de multiples endroits, des petites lueurs flottaient, comme autant d?yeux fixés sur un ciel étoilé et sans un nuage.
Mais en approchant, on se rendait compte que ces yeux étaient en réalité les feux des villes, des villages et des attroupements dans les branchages. Des cités elfes, animés et bruyantes une fois la nuit venue, comme pour contrer les éventuelles menaces des ténèbres. L?un des points était bien plus brillant et plus éclatant que les autres.
C?était Drïmfal. Ici, dans ce village, la fête battait son plein. Les chansons elfiques étaient reprises en ch?ur par des dizaines d?elfes. La boisson coulait à  flot, ainsi que la nourriture qui abondait où qu?on aille. Pas un endroit n?était calme, pas un endroit où des chants ne résonnaient pas, où des fou rires étaient absents, où la gaieté ne rayonnait.
Pas un endroit, sauf un immense balcon, situé aux abords de Drïmfal, suffisamment éloigné de l?épicentre des réjouissances pour préserver un tantinet de silence. Et, accoudée à  la balustrade, se tenait Séphira Strife. Elle contemplait distraitement les étoiles qui, vues d?ici, ressemblaient à  ces innombrables lueurs distinguées dans les forêts de Alfheim.
En fait, elle réfléchissait. Elle pensait. Elle songeait. On ne peut pas dire qu?elle rêvassait, mais son esprit vagabondait. Elle revivait les dernières péripéties depuis sa mort, elle ressassait ses derniers instants sur Terre, face à  un Halvorc armé, elle songeait à  DragonNoir? Séphira pensait à  lui, et il lui manquait. Terriblement. Terriblement plus qu?elle ne l?aurait cru de prime abord, qu?elle ne le se serait autorisée, si elle avait pu maîtriser son manque.
Soulblighter arriva à  ce moment précis, et Séphira réalisera dans quelques minutes que s?il était apparu quelques temps plus tard, il l?aurait certainement trouvé en larme. Elle se permit un reniflement attristé, et ferma les yeux. Arrivé auprès d?elle, Soulblighter leva à  son tour les yeux au ciel. Puis ce fut le silence.
« Ça va ? demanda-t-il maladroitement.
-J?ai connu mieux. Mais en tant que morte, je n?ai pas à  me plaindre.
-Hmm. »
Discuter n?avait jamais été le point fort de Soulblighter. Se battre, il savait. Insulter, il savait. Cracher, vomir ou bien hurler de rage, il n?avait aucun problème. Mais discuter, il réservait ça pour les cas critiques. Et à  voir Séphira seule sur ce balcon de bois, il savait le cas critique. Il serra donc les dents et poursuivit, tant bien que mal.
« Si tu veux, tu peux me parler de tes?
-Je n?ai pas de problèmes, ça va. »
Évidemment, si en plus on lui mettait des bâtons dans les roues, Soulblighter n?allaient pas non plus s?enliser encore plus. Il ferma donc sa bouche, ravalant ses mots, et regarda le ciel. Séphira Strife, dont la réflexion avait été un ton plus sec que prévue, posa sa tête sur ses mains dans un signe d?absolution. On aurait pu croire à  une prière.
« Excuse-moi, je ne voulais pas te parler aussi méchamment, avoua-t-elle.
-Pas grave.
-Je pense que j?ai un peu le blues, c?est tout. J?ai envie de revoir la Terre, la vie, mes amis, le Québec? Raph? ? ?DragonNoir aussi. » Séphira Strife étrangla le pseudo et préféra clore ses lèvres pour un instant.
« Je comprends. » répondit Soulblighter, ne sachant si c?était une réponse approprié ou non. Comprenait-il vraiment ? Il pouvait certainement écouter Séphira Strife, visualiser sa douleur, mais de là  à  la comprendre, il en doutait. Non qu?il n?avait pas les capacités pour, il était même bien plus intelligent que le laissait paraître son manque de conversation, mais c?était le contexte qui lui faisait défaut.
Soulblighter, lui, ne manquait à  personne et personne ne lui manquait.
« Tu veux que je te laisse ? » demanda Soulblighter, gentiment, ce qui provoqua un sourire sur le visage tiré de Séphira Strife.
« Non, ça va aller. À moins que tu ne veuilles retourner t?amuser avec ton ami Elk?Al et ses camarades ? » Elle désigna d?un mouvement de tête la chope qu?il tenait encore en main. Elle était à  demi pleine d?un liquide foncé et sucré, qui ressemblait, selon les papilles de Soulblighter, un de la liqueur de prune légèrement modifiée. Mais tout ce qui comptait, c?était qu?il aimait ça.
« Ce n?est pas mon ami, donna-t-il pour toute réponse. Et je n?ai plus envie de boire. »
C?était un mensonge, et Séphira Strife le savait. Mais lorsqu?il vida ? à  contrecoeur ? sa chope dans les feuillages en contrebas, elle apprécia le geste, et sourit de plus belle. Un silence s?installa, seulement ponctué par quelques braillements provenant du c?ur du village perché, de temps en temps.
Au bout de quelques minutes, Séphira le rompit.
« Je me demande où se trouvent Halvorc et IL, tout de même.
-Sûrement dans le Valhalla des autres Dieux, à  s?empiffrer et à  boire. » On devinait une note de regret dans sa voix. S?ils avaient su qu?au même moment Halvorc commençait seulement à  s?endormir et IL préparait sa visite nocturne particulière à  Nidhögg, ils ne l?auraient pas cru le moins du monde.
« Sûrement, oui, répéta Séphira. Tu penses qu?ils ont trouvé des informations sur Séphy-Roshou ?
-Autres que les nôtres ? précisa Soulblighter. Je ne sais pas.
-Disons qu?ils savent peut-être qui est cette vieille femme qui est censée accompagner Séphy-Roshou durant son périple ? Ou bien qu?ils savent si c?est réellement elle qui a volé cette arme chez les nains ? Et ce qu?elle voulait en faire ? Et également ce? » Elle s?interrompit d?elle-même. « Plus on avance, moins on en sait.
-Ouais, acquiesça Soulblighter sans grand effort.
-Même cette arme volée qu?on recherche, on ne sait même pas ce que c?est ! Le nain, monsieur Krr, ne nous a même pas confié sa nature exacte !
-C?est vrai.
-Du coup, nous voilà  à  la recherche d?une arme dont on ignore tout, fabriquée pour on ne sait qui, pour on ne sait quelle raison, c?est précis non ?
-Non. » Soulblighter, dont les engrenages tournaient à  fond dans sa cervelle, se contentait du strict minimum pour les réponses. Il avait remarqué ces divers éléments obscurs les uns après les autres, mais une fois ceux-ci énumérés à  la suite, les questions se multipliaient. Quelque chose clochait.
« Il faudra en parler aux Dieux, demain, dit-il.
-Leur parler de quoi ?
-Du fait que nous n?en savons pas assez pour mener des recherches précises. Comme si? » Il s?arrêta, perplexe de ne pas y avoir songé plus tôt. Cette idée devenait pour lui une évidence, maintenant. Il hésitait presque à  la formuler à  haute voix, de peur de perturber inutilement Séphira Strife, dans le cas où il se serait trompé.
Néanmoins, malgré toutes ces considérations, il lui donna le fond de sa pensée.
« ? comme si les Nains ne désiraient pas qu?on trouve cette arme. Comme si ils n?avaient jamais voulu de notre aide. »

*
* *

Serge Thourn gara sa voiture sur le parking de la piscine. Sa jauge d?essence était au plus bas, mais il ne voulait pas perdre de temps à  remplir le réservoir avant d?en savoir plus sur cette jeune fille brune à  la natte. Il se dirigea vers l?entrée de la piscine municipale en se demandant s?il allait devoir user de son badge de commissaire, ou s?il pouvait obtenir ce qu?il désirait sans tout dévoiler dès le départ.
Il agrippa la poignée et poussa le battant, qui résista. Lancé, le commissaire s?écrasa sur la porte et se cogna le front et le nez. Il cracha une demi-douzaine de jurons en se massant les deux endroits endoloris et consentit à  regarder les horaires. Puis sa montre. Puis, de nouveau, les horaires d?ouverture.
« Merde, encore un quart d?heure avant que ça ouvre. »
Il fit demi tour et retourna à  sa voiture, s?accordant quelques minutes de réflexion sur le mystérieux homme de la veille au soir, celui du cimetière qui l?avait clairement menacé s?il continuait. Celui-ci s?était manifesté lorsqu?il s?était approché de la dernière tombe ?intéressante? qu?il avait vu, et Thourn sentait que c?était précisément celle-ci que l?homme cherchait à  protéger.
« Tu as fait une belle connerie, si c?est ça. Si tu n?avais rien dit, alors j?aurais très bien pu m?intéresser aux autres avant, mais du coup c?est celle-ci que je vais étudier de près en premier, ça tu peux le croire ! »
Il tapota un moment sur son volant selon un rythme imaginaire et assez peu équilibré, puis aperçut une jeune femme qui se dirigeait vers la porte de la piscine. Il consulta sa montre, et songea qu?elle aussi allait se casser le nez. C?est en se frottant le sien qu?il s?aperçut d?un détail qui donnait un avantage certain à  la jeune femme.
Elle avait les clefs.

« Excusez-moi, l?aborda-t-il soudainement. Vous êtes la gardienne de la piscine ? »
La femme, pas si jeune que Thourn l?avait cru au premier abord, mais relativement bien conservée de corps, leva des yeux soupçonneux sur lui. Il reconnu la pensée qui passa par l?esprit de la femme, qui comportait beaucoup de ?Mais qui est-ce ?? avec un léger ?Serait-ce un pervers ?? et un zeste de ?Il est vieux pour aller nager??.
Serge Thourn s?arma de son plus beau sourire, celui du gentil-commissaire-qui-ne-cherche-que-des-informations-bénignes.
« À qui ai-je l?honneur, répliqua la femme, cinglante.
-Je m?appelle Serge Thourn, et je suis à  la recherche d?une jeune femme qui fait de la piscine ici. J?ai simplement sa description, mais aucune coordonnée? »
Avant qu?il n?ait terminé sa phrase, Thourn était assuré de trois choses : La femme venait de le classer dans les pervers, sa technique d?approche était mauvaise, et il allait devoir exhiber sa plaque de commissaire pour s?en sortir. Il mit la main dans sa poche, et la femme eut un mouvement de recul apeuré.
« N?ayez pas peur, s?empressa de dire Thourn en sortant son badge. Je suis de la police, sur une enquête, et je voudrais simplement quelques renseignements. »
La femme examina consciencieusement la plaque du commissaire, puis se détendit sensiblement, s?autorisant même un sourire.
« Pourquoi ne me l?avez-vous pas montré plus tôt ? J?ai cru que vous étiez un de ces pervers qui cherchent à  avoir les adresses des filles qui nagent ici.
-Rien ne m?empêche d?être un commissaire pervers ! » La boutade était osée, mais la femme partit d?un rire franc qui rassura le commissaire : Elle avait maintenant assez confiance en lui. Il désigna le lieu d?un geste large.
« Vous êtes donc bien la gardienne ?
-Depuis deux ans seulement, oui, acquiesça la femme. Alexandra Dérata, se présenta-t-elle en tendant une main encore ferme.
-Toujours Serge Thourn, répéta le commissaire en lui serrant la main. Je peux vous suivre à  l?intérieur ?
-Avec plaisir, la piscine n?ouvre que dans cinq bonnes minutes, et nous serons plus tranquilles pour discuter. »
Ils se dirigèrent vers le bureau de la gardienne, et Alexandra Dérata fit asseoir Thourn devant le bureau parfaitement rangé. Thourn songea un instant au sien, remplit de paperasses et autres dossiers en cours, et chassa l?image chaotique de son esprit.
« Que désirez-vous savoir ?
-Vous tenez des fiches concernant les utilisateurs de la piscine ?
-Pas tous, non. » Elle réfléchit un instant. « En fait, seulement ceux qui font partie d?un club, ou ceux qui habitent dans la région et qui veulent bien remplir la fiche. »
Serge se renfonça dans son siège, qui était fort confortable. Il n?avait pas songé à  l?éventualité que la jeune fille à  la natte puisse ne pas être fichée ici. Il décida de poser directement la question à  la gardienne.
« Madame Dérata? commença Thourn.
-Appelez-moi Alexandra, voyons. »
Serge songea brièvement que la plaque de police ouvrait énormément de portes, et peut-être même autre chose.
« Alexandra, reprit Thourn. Est-ce qu?une jeune fille brune, entre quinze et vingt-cinq ans, vient nager de temps à  autre ici ?
-Autant vous dire que bon nombre des femmes qui viennent ici sont soit brunes, soit blondes, donc ça fait énormément de suspectes. » Elle ajouta un clin d??il à  sa sortie, et Thourn lui rendit un sourire poli. « Mais je vais regarder dans mes fiches Est-ce que vous auriez d?autres renseignements plus? ?précis ?
-Hélas non. Elle porte les cheveux en natte, une longue natte.
-Je vais voir. » Elle se pencha en avant, découvrant un décolleté plongeant vers le commissaire, qui détourna les yeux en soupirant discrètement. Il n?était pas là  pour ça, et la dernière fois qu?une femme lui avait fait du rentre-dedans, c?était pour l?assassiner, alors il préférait se méfier.
Alexandra Dérata sortit un cahier fourni de fiches, et se mit à  le feuilleter. Serge se tourna vers l?entrée, qui accueillait maintenant les nageurs et autres touristes qui venaient profiter de la piscine. C?est dans ce laps de temps, entre le moment où Serge regarda déambuler les nouveaux venus et le moment où il se retourna en entendant une fiche de papier tomber au sol, que ça se passa.
Il ramassa la fiche et se redressa.
« Vous avez fait tomber celle-ci, Alexan? » Il s?interrompit, posa rapidement la feuille sur le bureau et en fit le tour. Elle était affalée sur le dossier, dans une posture sans équivoque. Thourn l?attrapa par les épaules et la fit pivoter. La tête retomba mollement sur le coté, et un filet de bave coula d?entre ses lèvres.
Serge tâta le pouls, sans résultats, puis examina les iris en soulevant les paupières. « Aucune réaction. Merde de merde, elle est morte? » Thourn reposa le corps dans la position initiale, puis attrapa le téléphone avec un mouchoir avant de composer le numéro de la police locale.
Avant leur arrivée, il avait mis dans sa poche la fiche tombée au sol, qu?Alexandra lui avait tendu avant de succomber. Celle d?une fille brune, avec une grande natte.

*
* *

Un rayon de soleil atteignit paresseusement l??il de Séphira Strife, qui était entrain de dormir. Dans son rêve, elle était de nouveau face au géant Surt, qui voulait l?embrasser. Il s?approchait de plus en plus, sa bouche rougeoyante dont émanaient des remugles de feu, et il finissait par lui envoyer une langue enflammée dans l??il. Elle s?éveilla en sursaut.
« N?ayez pas peur, dit une voix douce. Je ne vous veux aucun mal. »
Séphira plissa les yeux, et n?arriva à  distinguer qu?une vague silhouette qui se tenait face à  elle. Elle ne semblait pas armée, ni animée d?intentions belliqueuses, mais Séphira n?en avait pas moins le c?ur qui battait à  deux cents à  l?heure. Un bruit derrière elle lui fit comprendre que Soulblighter s?était éveillé.
« Soulblighter ! Il y a quelqu?un d?autre dans la chambre !
-Je sais. Je le vois. »
Rassurée par le calme dans la voix de son compagnon, Séphira Strife prit le temps de se frotter les yeux. La vague silhouette devint un elfe blond. Un elfe blond nerveux, même. Séphira remarqua qu?il tremblait des mains, et qu?il ne cessait de regarder par-dessus son épaule. Dehors, l?absence de bruit était totale.
« Tout le monde dort encore, l?informa l?elfe.
-Sauf toi, dit Soulblighter. Qu?est-ce que tu veux ?
-Hier soir, sur la place de Frejël, je vous ai entendu parler. Je ne voulais pas vous espionner, comprenez, mais j?ai entendu une partie de votre conversation sans le vouloir. Et je me suis dit que je pouvais peut-être vous aider. Mais il ne faut pas que vous le disiez à  qui que ce soit, je pourrais être banni de Drïmfal. »
Séphira regarda Soulblighter, qui haussa les épaules.
« Nous t?écoutons, dit-elle finalement.
-J?ai un cousin qui est elfe noir. » commença-t-il. Il avait encore baissé d?un ton, et Séphira en conclu qu?avoir de la famille chez les elfe noirs était probablement très mal vu. Voire même mortel, étant donné l?état de nervosité de leur interlocuteur.
« Il m?a parlé de ce vol, au Svartalfheim. Il a même participé à  l?élaboration de cette arme, pour tout vous dire.
-Est-ce qu?il sait ce que c?est comme arme ? s?empressa de demander Séphira Strife, qui sentait que la discussion prenait une tournure intéressante.
-C?est justement pour cela que je suis venu vous voir : Vous êtes avec des Dieux extrêmement puissants, et des Ases, qui plus est. Je déteste les Vanes. » Il avait encore baissé le volume, et sa voix ne se résumait qu?à  un chuchotement. « C?est pourquoi je voulais vous dire ce que j?ai appris.
-L?arme ! insista Séphira.
-Oui, oui, excusez-moi. Cette arme a été forgée par sept elfes noirs, et les meilleurs, dont mon cousin. Il s?agissait d?un arc capable de perforer tout type d?obstacle, de traverser le meilleur métal, de tuer le plus puissant des ennemis. Cet arc avait une réserve des flèches quasi-infinie, selon mon cousin. Il marchait à  la haine : Si le détenteur est animé par une haine incommensurable, il pourra tirer une infinité de flèches. »
Terrible, songea Séphira Strife en regardant Soulblighter à  nouveau. Celui-ci imaginait également les éventuels dégâts possibles avec un tel engin de destruction.
« Et ceux qui l?ont commandé sont les? »
Un bruit fit se retourner l?elfe blond. Quelqu?un gravissait les marches menant à  la cabane d?à -côté. Le temps que Séphira regarde par la fenêtre, l?elfe blond était déjà  entrain de repartir. Mais Soulblighter s?était élancé, et il l?attrapa par le bras avant de le tirer à  lui. L?elfe blond tremblait maintenant de tout son corps, et des larmes perlaient à  ses yeux. Séphira en eut presque pitié.
« Dis-moi, dis-moi juste qui sont les commanditaires. » dit Soulblighter en le maintenant par les poignets, tout contre lui. L?elfe blond déglutit, puis secoua la tête. Soulblighter serra les dents et le secoua tout entier. Séphira l?arrêta, de peur que son compagnon ne lui fasse faire un arrêt cardiaque, ou quelque chose dans le genre.
« Dis-moi juste qui sont ceux qui désiraient cette arme !
-N? Non !
-Soulblighter, arrête !
-Juste un nom, donne-moi un nom !
-Arrêtez je?
-Soulblighter !!
-Je?
-Donne-moi un nom !!
-Ce sont les Vanes !!! »
L?elfe blond agrippa le bras de Soulblighter et se faufila entre ses jambes écartées, puis il lui grimpa littéralement sur le dos, avant de prendre appui sur son épaule et sauter par la fenêtre. Séphira se précipita pour regarder où était atterri l?informateur, mais elle ne vit rien d?autre que les feuilles secouées par le vent.
Soulblighter s?approcha, redevenu calme.
« Les Vanes.
-Oui. » Séphira Strife s?appuya sur le rebord de la fenêtre. « Ce sont les Vanes qui ont commandé cette arme. »
En arrivant ici, Séphira avait assimilé dans son esprit le nom de Drïmfal en un homonyme anglais : Dream Fall. La chute du rêve, ou la chute de Traumen, selon les traductions. Elle avait eu un mauvais pressentiment en arrivant dans cette ville, et celui-ci ne faisait que s?amplifier.

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La vie est faite d'obstacles à  surmonter pour progresser...
...moi je passe à  côté...


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MessagePublié: 26 Juin 2005, 20:12 
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Pamplemousse Panchromatique
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Inscription : 28 Avr 2004, 01:00
Message(s) : 6475
Localisation : Paris, France.
Quelle qualité en dents de scie ! Ce chapitre-ci est bien supérieur au précédent. Les failles demeurent les mêmes ; on observe cependant une certaine sobriété bienvenue. Dommage que cette retenue ne s'étende pas aux agents de l'entité maléfique (j'ai de terribles appréhensions sur le fait que d'une part, il s'agisse de Ank, et que d'autre part, cet Ank n'ait rien à  voir avec celui de Traumen, son statut de subterfuge mistropheresque étant probablement occulté à  des fins de "narration en mode RPG") : les ricanements silencieux de LordFirefly et de Radamenthe résonnent plutôt comme les rires de méchants de série B qu'autre chose (au fait, il me semble que nous avons là  affaire à  une figure de type oxymore, "ricanements silencieux"... en tout cas dans le contexte).
Alors qu'encore une fois, les artifices demeurent rudimentaires, la mort est une fois de plus traitée avec la dernière des légèretés (magnifique, Serge Thourn qui réagit à  peine au décès d'Alexandra Dérata !) et s'il apparaît comme bien pensé, d'un point de vue dramaturgique, que le camp du Mal avance beaucoup plus vite que celui du Bien (nous nous rappelerons de l'excellent parti pris de "Fullmetal Alchemist" à  ce niveau), nos vaillants paladins manquent décidément de jugeote pour ne pas considérer un instant, devant la disparition de certains des cadavres, qu'il y a anguille sous roche ! Ici, ce n'est pas un simple retard que les Traumeniens prennent sur leurs antagonistes (dont il est sympathique qu'ils appartiennent tous à  l'espèce des traîtres noyautant l'équipe des apprentis thanatonautes) : ils se dotent d'oeillères d'une dimension fort respectable !

C'est tout le mal que je dirais de ce chapitre, car mis à  part ça, c'est ma foi convenable.

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MessagePublié: 04 Juil 2005, 21:49 
Hors-ligne
Extincteur des ténèbres
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Inscription : 14 Juil 2004, 15:32
Message(s) : 651
Localisation : Dans le coté obscur de la force.
8. Helheim.
Le domaine de Helheim était relativement peu différent du Nifelheim. Les arbres englués dans la brume avaient cédés leur place à  des arbres morts, ou en instance de décès. Les lianes avaient disparues, remplacés par quelques buissons disséminés sur un sol sec et gris. De multiples fissures minuscules recouvraient la terre dure et peu accueillante.
Il y avait néanmoins plus d?animation que dans le monde précédent, car de nombreuses villes et villages parsemaient les alentours. Des gens marchaient, se promenaient, allaient et venaient en toute liberté. On aurait presque pu croire se trouver sur Terre, mis à  part le violet fiévreux du ciel illuminé par un soleil malade.
Njörd leur avait expliqué après leur réveil que Hel dirigeait ce monde d?une poigne de fer, se considérant comme une déesse rejetée et se faisant aduler comme telle.
« Mais qui sont tous ces gens, alors ? avait demandé Shannia.
-Les civils, avait répondu Freyja d?un ton neutre. Les combattants, lorsqu?ils meurent, accèdent au Vanaheim ou au Asaheim, mais les civils, les animaux et toutes les autres espèces vivantes viennent ici au moment de leur mort. »
Les personnes qu?ils avaient croisées pendant le chemin étaient effectivement aussi grises et froide que le sol, ce qui ne les empêchait pas de marcher, de travailler, de manger, de rire et de dormir. Le plus étonnant tenait dans le fait que ce monde représentait un au-delà  semblable à  leur vie sur Terre avant leur décès.
« Peut-être est-ce là  le véritable enfer, justement, avait alors dit Halvorc. C?est de recommencer notre vie à  perpétuité. »
Ils avaient traversé deux villages et une ville un peu plus grande avant d?entrapercevoir la tour d?une grande bâtisse, qu?ils avaient finit par rejoindre avant que le soleil blafard n?atteigne le zénith. L?astre pâle éclairait les scènes de la vie quotidienne des personnes comme au travers d?un filtre blanc.
IL ouvrait la marche et inspectait les alentours jusqu?à  ce que son regard ne tombe sur l?immense tour qui s?élevait et qui se rapprochait lentement. La première chose à  laquelle songea IL en la voyant était sa représentation personnelle de la Tour Sombre dans les nombreux romans du même nom de Stephen King. Il voyait cet immense édifice comme il avait imaginé la fameuse Tour Sombre, et IL s?attendait presque à  voir surgir Roland et son ka-têt non loin d?eux.
C?est ridicule, pensa IL. Eux ne peuvent pas voyager si facilement entre les mondes.
« Il s?agit du manoir de Hel, dit Freyja. J?ai bien vu que vous n?avez aucune idée de l?endroit où nous nous trouvons, ce n?est pas bien difficile à  inférer à  vos têtes. »
Halvorc se contenta d?un haussement d?épaules désinvolte.
« Alors, dit-il, des petites explications ?
-Le royaume de Hel concerne uniquement les morts civiles, comme je vous l?ai précédemment expliqué. Pour toute mort de combattants, nous en sommes informés, nous autres Dieux, que nous soyons Vanes ou Ases. Mais c?est ici qu?arrivent les morts civiles.
-Vous pensez que les voleurs sont arrivés ici ? intervint Shannia.
-Comme nous n?avons pas été mis au courant de l'apparition de ces personnages, il est probable qu?ils soient arrivés ici. »
L?idée se tenait. Halvorc, pour qui l?identité d?un des voleurs était claire dans son esprit ? il ne pouvait s?agir que de Séphy-Roshou, pour vouloir dérober une arme ? n?attendit pas plus d?explications et poursuivit son chemin en direction de la tour. Freyja continua son récit, écoutée des autres.
« Hel règne ici et ses lois sont spéciales. Il est possible que nous rencontrions quelques obstacles sur le chemin. » Freyja s?arrêta, puis ajouta à  voix basse : « Il faut dire qu?elle est la fille d?un Dieux Ases, Loki. » IL tiqua, ainsi que Shannia, mais pas pour les mêmes raisons. Shannia connaissait Loki de réputation, et si sa fille était du même acabit, ils n?auraient pas les informations facilement.
« Quel genre d?obstacles ? demanda Halvorc.
-Nous le saurons une fois arrivés, répondit Njörd. Malheureusement pas avant.
-Et c?est ainsi que l?expression Dieu seul le sait perds ici toute sa véracité. » en conclut IL avant d?éclater de rire. Personne ne l?imita.
Une fois le dernier village traversé, où de nombreuses maisons étaient en ruines et abandonnées, Halvorc remarqua que la tour aperçue au loin surplombait un véritable manoir gigantesque qui obstruait l?horizon sur des kilomètres. Les arbres se raréfiaient de plus en plus, et certains semblaient?
« ?écrasés. Ou piétinés. » dit Shannia en se relevant. IL la regardait de loin, en se remémorant la jeune fille fragile qu?il avait rencontrée au Vanaheim. En quelques heures de voyage, elle avait déjà  changée et s?était affirmée. Il se demanda un instant, dans un narcissisme parfaitement naturel chez lui, si ce n?était pas grâce à  lui que la petite humaine s?était tant épanouie.
« Regardez là -bas ! Un fleuve ! » Halvorc tendit la main vers une immense rivière large et houleuse qui coulait quelques centaines de mètres en contrebas de la colline qu?ils venaient de monter. Njörd soupira.
« C?est la rivière Gjoll, un des obstacles évidents qui empêche les égarés de s?aventurer sur le véritable domaine réservé de Hel.
-Obstacle évident ? répéta Halvorc.
-Oui, car nous le connaissons. Mais je sais qu?elle nous réserve des surprises, en ce qui concerne les épreuves.
-J?espère juste ne pas devoir encore répondre à  des énigmes? » maugréa IL.
La rivière Gjoll n?était malgré tout pas si infranchissable qu?on pouvait le croire, car c?était le passage obligé des morts qui entrait dans le royaume de Hel. Elle était souterraine par endroits, notamment à  l?est d?où se trouvait le groupe de voyageurs où elle semblait jaillir du sol. Mais aucun pont n?était visible.
« Comment pouvons-nous passer ? demanda IL. En volant ? J?aurais du prendre ma cape de grosbill alors, zut.
-Il suffit de faire apparaître le pont Gjallarbruen, dit simplement Njörd.
-Oui, comme ça, en claquant des doigts. » Njörd ignora le sarcasme de IL et s?avança au bord du fleuve qui s?écoulait avec ferveur. Il leva les bras et inspira longuement.
« à” Modgud, gardienne du Helheim et servante des Dieux, obéit à  Njörd le Vanes et découvre le voile du Gjallarbruen? Maintenant ! »
Au début, rien ne se passa.
Puis, Halvorc aperçut une jeune femme sur l?autre rive, qui se tenait face à  eux. Il eut du mal à  en distinguer les traits, bien que celle-ci soit immobile. C?est alors que son ?il fut attiré par un autre détail : Près de la jeune fille, des morceaux de bois apparaissaient. Et ces planches s?unissaient pour former un pont, un pont colossal qui enjamba la rivière en quelques secondes. Lorsque la dernière planche fut dévoilée, une voix s?éleva de derrière eux.
« Si vous voulez bien vous donner la peine de traverser? »
Halvorc se retourna vers la jeune fille qui venait de sortir de nulle part, et il comprit immédiatement pourquoi il n?avait pu distinguer ses traits : Elle n?en possédait pas. Son visage pâle n?avait ni yeux, ni nez ni bouche, et seul ses longs cheveux noirs tressés le décoraient. Pourtant, se dit Halvorc, elle vient de parler !
« Modgud? siffla Freyja.
-Vous vouliez passer, dit Modgud sans bouger. Je n?ai fait que vous obéir.
-Si jamais c?est une tentative pour?
-Les personnes qui tente de passer dans ce sens sont rares, dit Modgud en interrompant Freyja. J?ignore complètement les réactions de mon Gjoll. »
Freyja lui jeta un dernier regard torve, puis s?engagea sur le pont, suivit de Njörd, IL, Shannia et Halvorc qui fermait la marche. Modgud, elle, ne bougea pas.
Le pont craquait, mais ne tremblait pas sous les assauts de l?eau qui tempêtait en dessous. Des fines gouttelettes arrosaient les voyageurs, mais sans dommages. Le Gjallarbruen tenait bon. Il était extrêmement long mais aussi assez étroit, obligeant le groupe à  avancer en file indienne. C?est lorsqu?ils furent arrivés au milieu que tout dérapa.
Une vague heurta le pont, qui tangua dangereusement. IL perdit un instant l?équilibre, mais Shannia lui tint le bras pour qu?il évite de verser par-dessus la rambarde. Njörd se retourna pour s?assurer que tout le monde était encore là , et il remarqua que Modgud avait de nouveau disparue du paysage.
Sous le pont, la rivière se déchaînait de plus en plus. De véritables vagues déferlaient sur eux, manquant à  chaque instant de les renverser. Halvorc s?accrochait avec peine à  la rampe de droite, trempé de la tête aux pieds. Des seaux d?eau se déversaient sur lui, lui collant ses cheveux noirs dans les yeux et alourdissant ses vêtements. Njörd fut balayé par des trombes d?eau et se retrouva allongé sur le pont.
« Accrochez-vous !! hurla IL.
-Il faut faire demi-tour ! ordonna Freyja qui s?était déjà  retournée. C?est un piège !
-Nous sommes arrivés à  la moitié de pont, et il est préférable de continuer ! » Freyja regarda Halvorc, qui avançait petit à  petit, les mains agrippés à  la balustrade. Ils se situaient effectivement au milieu du pont, et revenir sur la rive de départ à  cause d?une instant de panique était complètement idiot. Elle se baissa pour soutenir Njörd et avança à  son tour.
IL fermait maintenant la marche, Shannia devant lui. Le Gjallarbruen, auparavant immobile, tanguait maintenant sous les assauts des vagues. Shannia jeta un coup d?oeil derrière elle, et elle vit que IL la regardait.
« Qu?y a-t-il ?
-Rien? Si. Merci pour tout à  l?heure. »
Shannia détourna le regard et continua sa marche. Elle avait retenu IL par réflexe, lorsqu?il avait failli tomber dans les eaux tumultueuses du Gjoll. Non qu?elle l?aurait abandonné à  son triste sort, mais ce n?était pas pour lui qu?elle l?avait fait. Son récent changement d?attitude l?inquiétait, surtout envers son compagnon Halvorc.
« Nous sommes bientôt arrivés ! cria Njörd par-dessus le bruit de la rivière. Restez groupés et tenez-vous bien ! »
Au moment exact où IL posait le pied sur la terre ferme, le pont disparu et la rivière se calma. On aurait presque cru à  une film en accéléré, tant la transition fut brève. Les bouillonnements se stoppèrent, et les vagues moururent, laissant le cours d?eau calme. Aucune trace non plus du Gjallarbruen. Ni de Modgud.
« Si jamais je la retrouve, celle-là ? menaça Halvorc en reprenant son souffle.
-Elle est de l?autre coté. »
Tous suivirent des yeux l?index de Shannia pointé sur la berge d?où ils venaient, et ils virent Modgud et son visage lisse qui riait aux éclats.

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Nina éteignit sa télévision.
Elle avait remarqué les inquiétants décès surmultipliés des derniers jours, mais voir sans cesse relatées ces morts dans les journaux télévisés lui donnait la nausée. Elle préférait plutôt l?éteindre que de continuer à  regarder s?empiler les cadavres. Sans qu?elle puisse en être sûre, elle avait en plus l?impression que ça avait un rapport avec elle.
Avec Traumen, et les excursions dans l?au-delà .
Elle décida d?appeler Aran.
« Allô ? répondit ce dernier au bout d?une unique sonnerie.
-C?est moi. Comment vas-tu ?
-Et toi ? Tu n?as reçu la visite de personne ? »
Nina resta quelques secondes muette, se demandant ce que signifiait cette question. Était-il jaloux, ou tout simplement inquiet ?
« Non, de personne. Pourquoi ?
-Rien. Simple intuition. Il y a des morts bizarres un peu partout, et j?avais peur pour toi, voilà . Si jamais un mec louche te tourne autour, n?hésite pas à  m?en parler, hein !
-Oui ! Oui, bien sûr? Quelque chose te tracasse, toi, non ?
-Non, rien. »
Mais Nina n?était pas dupe, et elle sentait qu?Aran ne lui disait pas toute la vérité. Elle contourna l?obstacle, se promettant d?y revenir au plus vite. Elle changea son téléphone d?oreille et reprit :
« Tu es chez toi ?
-Hein ? Euh? Oui, pourquoi ?
-Tu regardes la télé, là  ? »
Aran, dans sa chambre d?hôtel, alluma le poste. Il n?avait pas voulu lui dire qu?il se trouvait non loin d?elle, de peur de l?inquiéter plus encore. Tout comme il ne comptait pas lui dire qu?un policier lui tournait autour. Il espérait même que Thourn avait lâché prise, après l?épisode du cimetière la veille.
« Non, je ne regardais pas, mais maintenant ça y est. C?est les infos.
-Justement ! Tu as remarqué les divers décès un peu partout dans le monde ?
-C?est pas nouveau, tu sais. Il y a des guerres, des?
-Non, je parle des morts inexpliquées ! »
Aran ne voulait pas en parler, mais évidemment Nina était déjà  au courant : Ces décès étranges se propageaient comme la peste, et Aran aussi y voyait un signe de mauvais augure. Il acquiesça à  contrec?ur.
« Tu penses que ça peut être en rapport avec nos excursions dans l?au-delà  ? demanda-t-elle. Que c?est de notre faute ?
-Non, je ne pense pas, la rassura-t-il. À moins que nous ayons formé malgré nous une colonie de fans qui veulent mourir pour découvrir l?au-delà  ! »
La touche d?humour fit mouche, et Nina se détendit. Avec le recul, elle se rendit compte que son idée n?avait aucun fondement, et qu?elle s?était fait du mouron pour pas grand-chose. Elle soupira, et au même moment la sonnette de chez elle tinta.
« Je dois te laisser, on sonne. Bye !
-Qui est-ce ? répondit immédiatement Aran. Si jamais c?est un policier, dis-lui de? » Mais Nina avait déjà  raccrochée. Aran jeta le combiné sur son lit, puis s?allongea sur le dos. Il hésitait entre saisir son manteau et aller la rejoindre, ou patienter ici. Il espérait que c?était un simple ami venu lui rendre visite, mais son c?ur battait la chamade.
Chez elle, Nina ouvrait la porte à  un Serge Thourn souriant.

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Le passage du Gjoll les avait fatigués, mais ils n?abandonnèrent pas pour autant leur objectif. Le manoir de Hel était de plus en plus proche, et même si leurs vêtements étaient encore trempés, ils poursuivirent leur route. Freyja leur avait dit que bien d?autres embûches risquaient d?arriver, et le petit groupe se tenait sur ses gardes. L?épisode du pont avait tout de même marqué les esprits.
« On aurait du prendre des chevaux, dit IL. Nous aurions gagné du temps.
-Sauf que nous ne serions pas passés entre le Svartalfheim et le Nifelheim, dit Njörd. Je te rappelle que le passage dans la roche est relativement étroit, là -bas. »
IL ne répondit rien. Il se contenta de regarder Halvorc qui, lui, n?avait aucune peine à  avancer : Ses vêtements étaient en majeur partie de cuir, et l?eau ne l?avait donc pas ralenti bien longtemps. Seuls ses cheveux démontraient qu?il avait été mouillé.
Aucune trace de vie de ce coté-ci du Gjoll. Pas d?arbres, pas de village ni aucun autre élément dérangeant le paysage si plat et froid, mis à  part l?immense manoir et une colline sur leur droite. Derrière eux, le ricanement de Modgud avait disparu, et avec lui les sons des remous de la rivière qui avait tenté de les happer.
« Une fois arrivés là -bas, pensez-vous que Hel sera en mesure de nous informer ? demanda Shannia. Si elle refuse, que ferons-nous ?
-Nous ne pourrons pas faire comme avec Nidhögg, répondit Njörd. Autant j?ignore totalement si ce serpent savait réellement quelque chose, autant je pense que Hel possède forcément des informations. C?est elle qui est chargée des morts, ne l?oublions pas?
-Et si elle n?a aucuns renseignements à  nous fournir ? »
Tous se tournèrent vers Halvorc.
« Je m?explique : Imaginons que ces voleurs ne soient pas apparus ici, comment pourrait-elle être au courant de quoi que ce soit ? Nous prenons pour point de départ une idée qui est peut-être erronée !
-Non, lâcha Njörd. Si quelqu?un est venu dans l?Yggdrasil, alors il est soit apparu dans Midgard où les Dieux sont venus le chercher, soit ici.
-Sauf si c?est un Dieu qui a fait le coup. »
Njörd et Freyja ne laissèrent rien trahir extérieurement de leur étonnement face à  cette remarque. Mais ils se demandèrent tout deux quelle erreur ils avaient commise pour que ce simple humain pense ça.
« Tu as une idée de l?identité des voleurs ?
-Aucune. Et comme vous-même nous cachez des informations, nous avons peu de chances d?avancer. »
La tension était cette fois-ci palpable, et personne n?osait plus dire un mot. Njörd et Halvorc se fusillaient du regard. Loin d?eux, un grognement sourd se fit entendre.
« Qu?est-ce que tu oses insinuer ? cracha Njörd.
-Depuis notre départ du Svartalfheim, nous n?avons pas eu une once d?information, ni des endroits visités, ni de vous. Qu?est-ce que vous a dit le nain lors de votre petite réunion à  laquelle nous n?étions pas désirés ?
-Il voulait s?entretenir d?affaires privées.
-Qui n?avaient rien à  voir avec ce vol ? »
Njörd cilla, et Freyja s?approcha de lui pour le soutenir.
« Hrumir n?aime pas les humains. Il voulait simplement nous parler en étant plus à  l?aise, et votre présence l?aurait gênée.
-Et quelle est la part de vérité dans ce mensonge ? rugit Halvorc en changeant de cible. Comment pouvons-nous être sûr que vous ne venez pas d?inventer cette histoire d?allergie aux humains ?
-Il faut simplement nous faire confiance ! s?insurgea Njörd. Et puis, de toute façon, nous n?avons pas de compte à  vous rendre !
-Ah ça non, en ce qui concerne les comptes à  nous rendre, ça vous ne l?avez pas fait. Si ces affabulations sont vraies, alors qu?est-ce qui vous empêche de nous révéler point par point votre petite discussion privée ? »
Un hurlement terrifiant vint interrompre la réponse de Njörd. IL se retourna vers la colline, d?où montait la clameur. Il y distingua une caverne sur le flanc, puis adressa une question silencieuse à  Freyja.
« Je pense que c?est Garm, le loup de Hel. » répondit-elle.
Un second hurlement s?éleva de la caverne, puis le loup en sortit. Freyja avait eu raison en leur indiquant la nature de ce monstre : Il était fin et élancé, sa longue queue battait l?air, ses crocs ressortaient de ses babines retroussées et s?apprêtaient à  déguster ses proies que fixait ses deux yeux rouges. Mais ce qu?avait omis de préciser Freyja, c?est que Garm était un loup géant de plusieurs mètres de haut.
Et ce loup géant bondit dans leur direction.
La distance était encore beaucoup trop longue pour tenter d?atteindre le manoir, mais aucun autre abri n?était présent à  proximité. Njörd songea un instant à  rebrousser le chemin jusqu?au Gjoll, mais qu?allaient-ils faire une fois là -bas ? Le pont avait disparu et il était aussi dangereux de vouloir traverser le Gjoll à  la nage que d?affronter Garm.
« IL, qu?est-ce qu?on va faire ? piailla Shannia en s?accrochant à  son bras.
-Je crains qu?il ne nous reste qu?une solution? » IL repoussa Shannia et se mit devant elle, comme pour la protéger. Shannia avait vu IL en action au Vanaheim, lorsqu?il avait mis à  mal plus d?une dizaine d?individus sans peine. Elle recula près de Njörd et Freyja.
« Qu?est-ce qu?il va faire ? demanda Freyja.
-Il va se battre, je pense. Ou au moins le distraire pour nous laissez le temps de? Mais que fait Halvorc ? »
IL vit Halvorc le dépasser à  toute vitesse et courir à  la rencontre de Garm. Sans aucune arrière pensée de bon jeu de mot, il songea : Mais il est fou, il se jette dans la gueule du loup ! Qu?est-ce qu?il veut faire ?
Halvorc accéléra et rejoignit en un rien de temps le loup qui ne prêta pas la moindre attention à  lui. Garm lui sauta par-dessus et continua de courir à  la rencontre du reste du groupe. Halvorc entendit Shannia crier. Il réfléchit à  la tournure que la situation venait de prendre, et modifia son plan en courant vers le loup géant.
Au prix d?un effort surhumain qu?il imputa à  sa considération de Trauménien, il arriva à  avancer assez vite ne serait-ce que quelques minutes pour lui donner le loisir d?attraper la queue de Garm dans un de ses larges battements. Le loup ralentit, sentant une présence intruse sur lui, et tourna sa tête monstrueuse vers Halvorc.
Sans attendre et en profitant que la sensation de vitesse avait cessé, Halvorc remonta la queue jusqu?au bas du dos de Garm, qui s?immobilisa complètement. De là  où il était, Halvorc remarqua que le flanc de l?animal était déjà  blessé sur une importante surface : Les poils étaient roussis et la chair brûlée. Garm devait souffrir, mais également être en colère.
Le loup ouvrit une gueule béante sur Halvorc et les crocs passèrent à  quelques centimètres de son bras. Garm n?osait pas y aller trop franchement de peur de se mordre lui-même, et cela donnait un avantage certain à  Halvorc, qui en profita pour exhiber son arme : Une faux apparue dans ses mains, comme par enchantement.
Le loup, sentant peut-être la menace, secoua son arrière-train pou se défaire de son intrus. Halvorc s?accrocha à  une touffe de longs poils durs et lisses, mais il commença à  glisser. Alors il planta rapidement mais profondément sa faux dans les blessures encore récentes de Garm, qui hurla de douleur.
« Mais il est complètement fou, il va se faire massacrer ! cria Shannia. IL va l?aider !
-Je pense qu?il a un plan en tête, dit IL sans bouger. Il n?aurait pas agit ainsi sinon. »
Si effectivement IL savait qu?Halvorc avait un plan pour partir ainsi à  l?encontre d?un tel monstre, IL ignorait totalement la nature de ce plan, et si tout ceci en faisait partie. De plus, secrètement, il espérait que celui-ci tombe à  l?eau. Shannia, de son coté, doutait de la sincérité de IL. Elle se rappelait encore de son refus d?aider Halvorc lors de l?épisode du serpent, et elle décida d?agir à  nouveau. Elle fonça vers le loup en sortant elle aussi son arme : Une longue et fine épée relativement légère.
Halvorc évita soigneusement les dents effilées du loup géant et se demanda comment il allait faire pour redescendre au sol entier. La faux était toujours plantée dans le monstre, et ne semblait pas vouloir s?en déloger. Il vit Shannia courir vers eux, et pesta.
« Elle ne pouvait pas se mêler de ses affaires, elle ? »
Son cerveau enclencha la seconde et une idée risquée lui vint. Mais il n?avait ni le choix, ni le temps, alors il l?exécuta. Il prit appui sur ses jambes, s?enroula de longs poils autours de la main libre, et enleva d?un geste sec la lame de la faux, libérant un jaillissement de sang écoeurant. Garm beugla de nouveau, puis se jeta sur le coté. Halvorc vit le sol lui sauter à  la figure, et sauta à  son tour.
Heureusement pour lui, il atterri sur le dos du loup qui était allongé sur le sol. Garm se frottait la plaie sur la terre aride dans l?espoir d?atténuer la douleur, hélas sans résultat. Le sang s?écoulait dans les crevasses du sol. Halvorc sauta à  terre et s?éloigna rapidement du monstre, rejoignant Shannia.
« Il est mort ?
-Non, juste calmé pour un moment. Pourquoi ne vous êtes-vous pas enfuis, tout à  l?heure ? À quoi sert ma diversion si vous ne vous barrez pas ?
-Eh bien, nous pensions que? Eh bien?
-Vous pensiez mal, voilà . »
Halvorc passa à  coté de Shannia et marcha en direction des autres. Shannia regardait ses pieds, confuse, ne sachant comment interpréter les mots d?Halvorc. Elle avait l?impression que celui-ci voulait la remercier d?être resté, mais qu?il préférait râler plutôt que de dire des paroles gentilles. Et Shannia savait que IL, s?il lui avait dit ce genre de phrase, aurait pensé ses mots et pesé ses paroles.
Elle se retourna et fut presque étonnée de trouver un Halvorc qui l?attendait.
« Tu viens ? dit-il avec un demi-sourire.
-Je? J?arrive? » Elle lui sourit en retour, rougissante. Le sourire d?Halvorc s?envola et il se mit à  courir vers elle. Shannia recula d?un pas, et Halvorc la heurta violemment, juste avant que la patte griffue de Garm ne s?écrase par terre. Le loup grogna de dépit.
« Barre-toi, va les rejoindre, et cette fois-ci : Allez-vous en !! »
Shannia se redressa vers Halvorc qui s?évertuait à  attirer l?attention du loup. Ce qui fonctionnait, car l?immense bête ignorait Shannia comme on ignore un caillou. Halvorc regarda une dernière fois Shannia et lui lança un regard énervé. Sans plus attendre, elle se releva et courut vers les autres.
Halvorc sauta sur le coté pour éviter un nouveau coup de griffe et roula sur lui-même avant de se remettre debout. Il se remercia mentalement de s?être inventé un corps aussi souple sur Traumen. Une fois qu?il fut sûr que le poisson était bien ferré, il fit un brusque demi-tour et se mit à  courir vers la rivière Gjoll.
Garm le suivit en boitillant, n?allant plus aussi vite que tout à  l?heure. Le loup gagnait du terrain, mais Halvorc espérait arriver à  la rivière avant de se faire dévorer. Il jeta un coup d??il au groupe, qui venait de retrouver Shannia.
« Il faut partir, allons au manoir tandis qu?il fait diversion ! »
IL saisit l?occasion au vol.
« Oui, allons-nous-en ! S?il survit, il nous rejoindra au manoir, ou bien nous le retrouverons en sortant. Et si le loup le rattrape?
-Eh bien, termina Freyja, il deviendra simple civil et restera dans le royaume de Hel pour l?éternité. »
Le silence tomba sur eux, puis ils se mirent à  courir vers le manoir sans plus un mot. IL, lui, songeait que cette alternative était assez plaisante.

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Il ouvrit la fenêtre sur une matinée ensoleillée. L?horizon était dégagé, aucun immeuble ou autre bâtiment ne venait obscurcir sa vue sur les champs et les prairies alentours. Il adorait la campagne. Au début, il s?en rappelle encore, c?était plus par nécessité qu?il avait immigré ici, mais il s?était acclimaté sans peine à  son nouvel habitat.
Il inspira une immense bouffée d?air frais et vivifiant. Son envie première était de crier, de crier au monde son bonheur. Tout fonctionnait comme il le désirait, et il y avait bien longtemps qu?il ne s?était pas sentit aussi bien. De plus, personne ne l?entendrait ici. Seulement les vaches du pré voisin, et encore. Il n?était même pas sûr d?obtenir un meuglement approbateur de leur part.
Il se retourna et se dirigea vers sa chambre où trônait un ordinateur allumé, dont l?écran scintillait d?innombrables étoiles en mouvement. Il s?assit devant son bureau et bougea la souris. La veille du moniteur se désactiva, et le fond d?écran noir apparu. Seuls deux icônes apparaissaient : l?une nommée Traumen, dont le symbole était barré, et l?autre était le « e » d?Internet Explorer.
Le curseur voleta de l?une à  l?autre, puis resta en suspension au dessus de l?icône en deuil Traumen. Et il se mit à  siffloter.
« Il va être temps que j?entre en scène. »

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Njörd fut le premier à  atteindre le seuil du palais. Freyja s?arrêta auprès de lui, et intima aux deux autres de ne pas dépasser une certaine limite. Le palier du manoir était une immense pierre noire qui semblait luire. Mais dès qu?on la fixait, cette lueur disparaissait et la dalle semblait normale.
« Qu?est-ce qu?il y a ? demanda Shannia. Pourquoi s?arrête-t-on ?
-C?est le manoir de Hel, dit Njörd. Et je pense que nous sommes en présence de Fallanda foradb, la pierre d?épreuves et de dangers.
-Fallanda forADB, ça doit être comme Séphy-Roshou ADB : dangereux. »
Personne ne releva la remarque incompréhensible pour les trois quarts du groupe. Njörd inspectait les alentours, soucieux de ne voir personne. Il n?osait pas non plus poser un pied sur la dalle. Arrivés devant le manoir, ils étaient à  nouveau bloqués. Derrière eux, l?immense loup avait disparu. Ils n?avaient pas suivit l?affrontement, et ils espéraient tous ? sauf un - qu?Halvorc avait réussit à  s?en sortir indemne.
« Bon, alors que fait-on ?
-Je ne vois aucune épreuve, ni aucun danger, remarqua IL en se grattant la joue.
-Ça ne veux pas dire qu?il n?y en ai pas, ajouta Freyja.
-Alors il ne reste qu?une chose à  faire : tester. »
Sans hésiter IL poussa Shannia sur la dalle. Celle-ci trébucha dans une ultime tentative pour ne pas marcher sur la pierre, mais finit par tomber tout de même. Njörd plissa les yeux, et Freyja détourna le regard. Ils étaient intimement persuadés que quelque chose de terrible allait arriver. Pour la même raison, IL ouvrait grand les yeux.
Mais Shannia, immobile sur la dalle, ne se faisait pas déchiqueter, ne se faisait pas tuer, ne se faisait pas découper, ne disparaissait pas, ne fondait pas, ne hurlait pas de douleur. Elle restait allongée, rien de plus. Elle se releva, aussi hébétée que les autres, puis traversa la dalle lentement. Arrivée devant l?immense porte, elle se retourna.
« Je crois que la voie est libre. » dit-elle la voix encore tremblante de peur.

Ce fut cet ultime acte de trahison qui poussera Shannia à  la révolte, plus tard. À partir de ce moment là , elle se contenta d?ignorer IL et ses multiples tentatives de réconciliation.
« Mais puisque je te dis que je savais qu?il n?y avait aucun danger ! s?expliquait-il.
-De toute façon, s?il y en avait eu, tu n?aurais pas eu à  t?excuser à  qui que ce soit, alors cesse immédiatement d?aligner tes arguments sans fondements. »
La garce, songea IL. Elle prend de plus en plus confiance en elle, et il est hors de question qu?elle commence à  entraver ma progression. Je me suis déjà  débarrassé de Halvorc, alors ce n?est pas une simple humaine, combattante ou non, qui va me casser les pieds. Pourquoi a-t-il fallu que les pièges soient vraiment hors service ?
« Regardez, là  ! »
Njörd leur montra deux silhouettes prostrées sur le carrelage de marbre sombre du sol. Ils s?approchèrent avec précaution. Il s?agissait d?un homme et d?une femme, tout les deux face contre terre, et visiblement assommés. Shannia s?agenouilla près de la femme et la retourna avec précaution.
« C?est Ganglot ! s?écria Freyja. L?autre doit être Ganglati, à  coup sûr !
-Qui ? demanda IL.
-Les serviteurs de Hel, l?informa Njörd. Et si les pièges du manoir ne fonctionnent pas, voilà  l?explication : Personne n?est là  pour les faire fonctionner. Il a du arriver quelque chose à  Hel, c?est sûr. »
Ils pressèrent tous le pas jusqu?au trône où Hel siégeait normalement, mais ils ne trouvèrent personne. Aucune trace des ustensiles de malheur qu?Hel affectionnait, qui déclenchaient les famines, les maladies ou les disputes dans son royaume. Ils avaient presque visités l?intégralité du manoir lorsque IL eut une idée.
« Et ce lieu n?a pas de cachots ? »

Lorsqu?ils arrivèrent dans les sous-sols du manoir, ils entendirent un faible murmure. Les clefs étaient accrochées à  leur clou, juste à  coté des geôles. Une simple porte en bois, qui s?ouvrit en grinçant comme dans toute bonne série B, et qui découvrit sur un vaste couloir. Le murmure se transforma en plaintes, puis en sanglots lorsqu?ils atteignirent la cellule.
Au fond croupissait une jeune fille qui pleurait. Elle était recroquevillée et se balançait d?avant en arrière, les yeux dans le vide. Ses cheveux étaient sales, et elle aussi. L?odeur emplissait le couloir, comme si elle n?avait reçu de visite, de soins ou de nourriture depuis des mois. Ce qui, ils l?apprendraient plus tard, était le cas.
La jeune fille releva un ?il sur eux, puis sembla recouvrer une étincelle de vie : Elle se jeta contre les barreaux et hurla d?une voix éraillée par la souffrance.
« Sortez-moi d?ici, sortez-moi de cette cellule, je vais lui faire payer, à  cette folle !!
-Hel ? demanda Freyja. C?est bien toi ?
-Qui veux-tu que ça soit, sombre idiote ? Ouvre-moi ! »
Njörd ouvrit la porte et Hel sortit en trombe. Elle avait retrouvé son instinct en quelques secondes, et elle dépassa tout le monde sans même un remerciement. D?un pas vif, elle marchait vers la sortie. Le groupe la suivit pour tenter d?avoir des explications.
« Hel, qu?est-il arrivé ?
-Je suis furieuse. Fu-ri-euse. Où sont Ganglati et Ganglot ?
-Je pense qu?ils sont en haut, à  l?entrée du manoir. Quelqu?un ou quelque chose les as assommés, ils sont évanouis. »
Hel s?arrêta en haut des marches et se retourna. Ses cheveux étaient hirsutes, et elle était sale, mais elle gardait une aura d?impérialisme qui fit reculer Shannia. Freyja, devant elle, soutint son regard, mais on pouvait deviner qu?elle n?en menait pas large.
« Ces deux chiennes s?en sont aussi prises à  eux ? Bien. Très bien. Elles vont voir ce qu?il en coûte de s?attaquer à  Hel, fille de Loki et reine du royaume de Helheim. Et dire qu?elles ont osés me mettre dans ma propre prison. Vous vous rendez compte ? Ma propre prison ! À moi ! Hel?
-?fille de Loki, reine de chez toi, et tout le tralala. On sait. »
Hel foudroya du regard IL, qui regardait innocemment le plafond. Tout porte à  croire qu?elle mit son envie de meurtre de coté pour le moment, car elle poursuivit sa marche accélérée, passant porte par porte et arrivant au hall principal.
« Combien de temps tu es restée dans ta cellule ? demanda Freyja.
-Je n?en sais rien. Des jours, des semaines, des mois? Aucune idée. Toujours est-il que je n?ai rien reçu depuis mon emprisonnement. Je meurs de faim et de soif. » Elle tourna sa tête vers Freyja, tout en marchant. « Oui, je sais parfaitement que nous pouvons survivre sans nourriture ni boisson, mais j?aime manger et boire. »
Shannia remarqua alors un détail pourtant flagrant qu?elle n?avait pourtant pas noté : Hel était scindée en deux. Une moitié était normale, d?une couleur de peau rosée et douce avec un oeil bleu-vert magnifique, un demi nez fin et gracile accompagné d?une moitié de bouche sensuelle. Mais l?autre moitié dénotait, avec une peau tirant sur le bleu, granuleuse ou écailleuse, de ce que Shannia pouvait en voir, et des traits féminins mais monstrueux.
Hel arriva devant une porte, qu?elle ouvrit en prononçant une formule compliquée. Njörd et Freyja l?avaient vue en passant, tentée de l?ouvrir, mais ils n?avaient pas réussis à  la faire bouger.
« Ce sont mes appartements personnels, dit Hel. Installez-vous ici le temps que je me refasse une beauté.
-Ça risque de prendre du temps? » se moqua IL. Hel s?arrêta, serra les poings, puis fit demi-tour et s?avança sur IL. Elle cogna son index sur son torse.
« Si vous êtes trop pressé, môssieur l?inconnu aux cheveux rouges comme le pénis d?un porc en rut, je vous en prie, partez devant. Nous n?avons nul besoin d?une langue de vipère en ces lieux, et mon humeur est bien trop généreuse envers les simples d?esprit pour vous châtier. J?ai d?autres affaires bien plus urgentes, comme de retrouver ces intruses, pour vous accorder ne serait-ce qu?une infime seconde de plus d?attention. »
Elle pivota et alla se préserver des regards derrière un paravent richement décoré. Shannia pouffait de rire, tandis que IL, piqué au vif, reniflait de mépris. Freyja fit une ultime tentative d?explications :
« Quelles sont les intruses dont tu parles ?
-Deux femmes. Une vieille et une jeune, qui sont apparues là , comme ça. Je ne sais ni d?où elles viennent, ni où elles vont, mais elles vont me trouver sur leur passage, ça tu peux me croire. Je les retrouverais.
-Elles sont apparues avec les autres mortes, c?est ça ?
-Non, justement ! s?écria Hel. Elles sont apparues dans mon hall d?entrée ! Un instant, elles n?y étaient pas, et celui d?après, elles étaient là  et elles saccageaient tout.
-Comment étaient-elles ?
-Une vieille habillée avec plein de frous-frous assez étranges, et une jeune qui était très légèrement vêtue. Je pense que la jeune était la chef, parce qu?elle n?arrêtait pas de rire aux éclats en cassant tout autours d?elle. C?est merveilleux, c?est merveilleux, disait-elle. Et hop, un miroir par ici, un vase par là ? »
Njörd regarda Freyja, qui hocha la tête. Ça correspondait à  la description que Hrumir avait faite des voleuses.
« Le fait est que quand je leur ai envoyé mes gardes pour les envoyer dans mes cachots, elles les ont tous mis en pièce. Alors je me suis déplacé, et c?est là  que?
-Que quoi ? dit Freyja après quelques secondes de silence.
-Rha !! Qu?elle m?a flanqué une raclée, voilà  ! La jeune aux cheveux argentés qui m?a mis à  mal et qui m?a enfermé dans ma propre prison !! Chez moi !! Je vais l?exterminer ! »
IL imaginait la scène telle qu?elle avait du se passer : Séphy-Roshou accompagnée d?Erzébeth Bathory qui mettait à  cas le manoir d?Hel en riant, puis qui enfermaient la reine de ce monde dans sa prison avant de partir semer la dévastation ailleurs. C?était sûrement elle la responsable du vol au Svartalfheim. Nous sommes entrain de remonter à  la source de leur apparition, voilà  ce qu?on fait.
Au même instant, Hel sortit de derrière le paravent. Elle s?était lavée, habillée et parfumée, et son aura de souveraine s?était démultipliée. Hel portait une robe simple et noire, rehaussée d?un corset étroit et également noir, qui gonflait sa poitrine relativement petite. Elle avait coiffé ses longs cheveux blonds et les avait attachés avec un ruban. Noir.
« Allons-y, dit-elle d?un air décidé.
-Où ça ? demanda Njörd.
-Et bien, comme manifestement personne ne sait où se trouvent ces deux garces, nous n?avons qu?à  aller interroger l?aigle au sommet de l?Yggdrasil, celui qui voit tout. Vous pouvez rester là , si cela vous sied. J?irais seule.»
Elle jeta un regard méprisant vers IL.
« Je serais forcément mieux accompagné sans lui. »

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La vie est faite d'obstacles à  surmonter pour progresser...
...moi je passe à  côté...


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MessagePublié: 06 Juil 2005, 02:39 
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Pamplemousse Panchromatique
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Inscription : 28 Avr 2004, 01:00
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Localisation : Paris, France.
Chapitre moyen. Mis à  part la remarque assez baroque sur la chevelure de IL (et arghifiante pour tout joueur de "Xenogears"), tout ce qu'il y a à  signaler, c'est la duplicité de plus en plus évidente de ce même personnage. Que quelques menus indices de la trahison filtrent jusqu'à  ses compagnons, rien de plus logique... mais quand il en vient à  jeter certains alliés droit dans des pièges dont il "suppose" qu'ils sont désactivés, cela devient risible. Qu'aurait-il dit si Shannia avait fini en charpie ? "J'l'ai pas fait exprès" ? Et dans le cas de l'alternative qui s'est finalement produite, la situation devient encore plus évidente : comment diable pouvait-IL savoir que la dalle était hors service ?
On observe néanmoins une amélioration du soin apporté à  l'ambiance.



[quote=Mr.Magnum"]
« Hel règne ici et ses lois sont spéciales. Il est possible que nous rencontrions quelques obstacles sur le chemin. » Freyja s'arrêta, puis ajouta à  voix basse : « Il faut dire qu'elle est la fille d'un Dieu[barrer]x[/barrer] Ase[barrer]s[/barrer], Loki. »[/quote]

Je me demande si ce type d'erreur finira un jour. A défaut d'être capable d'assurer un travail de relecture pointilleux (bizarre, ton niveau en français est pourtant convenable), trouve-toi un bêta-lecteur, Magnum, par pitié.

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MessagePublié: 11 Juil 2005, 18:56 
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Extincteur des ténèbres
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Inscription : 14 Juil 2004, 15:32
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Localisation : Dans le coté obscur de la force.
9. Jotunheim.
Les Ases écoutèrent attentivement les idées de Séphira Strife et de Soulblighter. Ceux-ci avaient longuement réfléchi sur le fait de leur parler ou non de ces impressions, de ces idées qui leur semblaient confuses. Ils parlèrent du pressentiment de Séphira vis-à -vis de cette ville, du sentiment de malaise qui semblait émaner des nains, ils parlèrent de leur rencontre avec l?elfe blond effrayé et bien évidemment de la révélation qu?il leur avait donnée.
« Les Vanes seraient à  l?origine de la création de cette arme ?
-Selon ses dires, oui, confirma Séphira. Et je ne pense pas qu?il ait des raisons de nous mentir. Il m?a paru on ne peut plus sincère.
-Et, poursuivit Thor, toujours selon lui, cette arme serait un arc tirant des flèches de haine pure et capable de mettre à  mal n?importe quel ennemi ? »
Le silence des Trauméniens attesta de la véracité des dires. Les Dieux se consultèrent du regard, puis se levèrent simultanément. Thor prit de nouveau la parole en marchant.
« Allons-y. Vous nous avez ouverts les yeux, avec vos paroles pleines de bon sens. Retournons au Svartalfheim interroger Hrumir.
-Quand on y pense, ajouta Heimdall, c?est vrai que nous n?avons pas été sollicités par Hrumir lui-même, mais par un de ses serviteurs. Je pense que celui-ci devait plutôt aller prévenir les Vanes, et non venir nous informer.
-C?est pourquoi un autre elfe noir a dû être envoyé chez les Vanes, et Hrumir leur a certainement donné tout les détails. Il s?est contenté de nous livrer le strict minimum, en gros, pour ne pas perdre la face. »
Tous approuvèrent. Ils débouchèrent sur la place du village où les attendait un regroupement d?elfes blonds. Le chef du village, dont le front s?ornait d?un superbe diadème argenté s?avança à  leur rencontre, sourire aux lèvres. Séphira jaugea ce sourire un peu trop ostentatoire pour être franc.
« J?espère que vous ne désirez pas nous quitter si tôt, tout de même ? Les réjouissances viennent seulement de débuter ! Nous sommes tellement ravis d?accueillir des Dieux dans notre humble village?
-Nous vous en sommes reconnaissants, dit Thor, mais nous avons appris quelques informations qui nous obligent à  quitter Alfheim plus tôt que prévu.
-Mais? commença le chef. Mais un Dieu est toujours endormi dans son logement, et il serait discourtois de le réveiller alors qu?il n?a pas son quota de repos. »
Le fameux Dieu endormi était parfaitement réveillé. Il surveillait la scène de sa chambre, un large sourire sur le visage. Les elfes blonds lui obéissaient à  la perfection, et ils arriveraient à  les retarder assez de temps. Il le faut, sinon Son courroux retombera sur moi. Et je n?ai aucune envie qu?Il s?occupe de mon cas, je préfère encore que Sa colère soit dirigée sur eux, plutôt que sur moi.
Loki retourna sur son lit et s?allongea, les yeux dans le vague. Il frissonna en pensant à  Lui et à  Ses méthodes de persuasion. Et à  Sa voix. La Voix. Loki avait voulu Lui résister, au début, mais il était impossible de Lui faire face bien longtemps. Il avait cédé, mettant son ego de coté. Mais si ce qu?Il lui avait promis en retour arrivait vraiment?
« Laissez-le dormir, alors, mais laissez-nous passer ! dit Séphira sur un ton aimable.
-Vous ne repartez pas ensemble ? demanda un des elfes.
-Si on peut éviter, non, répondit Heimdall.
-Plus un pas ! » cria le chef en brandissant une lance. Il tremblait de toute part, ainsi que la dizaine d?elfes armés qui les tenaient en joue. Leurs regards trahissaient une peur profonde, ancrée dans leurs gènes. Mais les Dieux sentaient également qu?ils agissaient sous les ordres de quelqu?un d?autre. Sous la contrainte.
« Ils veulent nous retarder, dit Séphira Strife à  Thor. Je savais que ce village était un traquenard. La chute du rêve.
-La chute du rêve ? répéta Thor sans saisir le sens.
-On va encore se battre ? ricana Soulblighter en faisant de nouveau craquer ses jointures. Vous me laissez le chef, là , avec son joli javelot ?
-Elfes blonds de Drïmfal, dans le royaume d?Alfheim, tonna Thor. Vous nous avez offert l?hospitalité, le repos et la nourriture, et nous vous avons remercié. Mais si vous vous mettez en travers de notre chemin, alors vous nous verrez obligés d?employer la force. »
Le discours eu son effet : Trois des elfes en seconde ligne s?enfuirent sans demander leur reste. Les autres se regardaient dans l?espoir que l?autre soit le premier à  baisser son arme. Mais le chef ne fléchissait pas.
« Très bien, dit Thor. Vous m?en voyez navrés. Heimdall ?
-Je m?en charge. »
Thor s?écarta et Heimdall avança en faisant tournoyer sa hache dans les airs. La double lame sifflait, et produisait un son proprement effrayant : On aurait cru entendre les gémissements des âmes qui avaient trouvées la mort avec cette arme. Les elfes, en face, étaient au comble de la peur. Leurs cheveux voletaient derrière eux, soufflés par le vent de la hache qui virevoltait de plus en plus vite.
Puis, Heimdall poussa un hurlement de rage pur et se lança sur les elfes. Le chef ferma les yeux mais ne bougea pas d?un centimètre, alors que derrière lui ses archers couraient en tout sens. Heimdall prit appui sur son pied droit, qu?il cala fermement sur le sol de bois et lança sa hache à  la verticale. Elle rasa l?elfe blond en chef et alla s?encastrer dans le sol à  ses pieds, explosant les lattes de bois.
« Allons-y ! » lança Thor.
Heimdall arracha son arme, dégageant une issue de secours où Thor, Séphira et Soulblighter sautèrent, suivis de Heimdall. Ils chutèrent dans les branchages, ces derniers ralentissant leur chute. Arrivés au sol, ils purent souffler.
« Bien joué, Heimdall, dit Séphira Strife. Jusqu?au dernier moment, j?ai cru que tu allais tous les éliminer.
-J?aurais préféré, grogna Soulblighter dans son coin.
-Ne traînons pas plus longtemps ici, dit Thor. Ils pourraient nous pourchasser, bien que la leçon qu?Heimdall vient de leur donner devra suffire à  les dissuader. Direction, le Jotunheim.
-Nous n?allons pas interroger Hrumir ? demanda Séphira.
-Nous allons prendre un raccourci pour y aller, dit Heimdall. Je pense qu?il est inutile de retourner voir le géant Surt, n?est-ce pas mademoiselle ? »
Ils rirent de bon c?ur, puis reprirent la route. Soulblighter regardait encore le village haut perché, et pensa à  voix haute :
« Et Loki, alors ? Il n?y a pas de risques ?
-Aucun, répondit Thor en le dépassant. Ils voulaient seulement nous retenir, et tant qu?il dort, ils ne lui feront rien.
-Rien que pour ça, je ne les remercierai jamais assez ! Ils nous ont débarrassé de ce freluquet prétentieux ! » Heimdall éclata de rire à  sa propre sortie. Soulblighter regarda encore en l?air, à  travers les branches, croyant deviner le trou dans le plancher de la place du village. Puis il baissa les yeux sur la route et accéléra pour rejoindre ses compagnons.
En haut, les elfes blonds regardaient par l?ouverture pratiquée à  la hache. Ils virent le petit groupe reprendre la marche. L?un des archers donna du coude au chef du village.
« On les poursuit ? demanda-t-il.
-Non. Inutile. Nous dirons à  Loki qu?ils se sont enfuis avant que nous ne puissions y faire quoi que ce soit, et voilà  tout. Envoie juste quelques hommes dans la forêt, pour lui faire croire que j?ai lancé la chasse.
-Aargh.
-Derek ? dit le chef en se retournant. Der? » Il vit tout d?abord le corps étendu sur le sol, puis la tête qui roulait, puis les pieds. De grands pieds. Des pieds qui ne portaient pas les bottes de son clan. Et avant même de lever la tête vers l?Ase en colère, il savait qu?il venait de vivre ses derniers instants.
Loki, ivre de rage et de peur, enfonça sa main nue dans le ventre du chef.

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* *[/center]

« Mais où se trouve Garm ? Est-ce qu?elles l?auraient également réduit à  l?impuissance ? Les garces. Les sales petites garces ! »
Personne n?osa faire de commentaires. Shannia guettait les alentours, à  la recherches du corps du chien géant, ou à  défaut celui d?Halvorc, mais elle ne vit rien. IL la rejoignit et l?enlaça d?une main.
« Je crois qu?il est inutile de songer à  le retrouver. »
Shannia se dégagea violement de son étreinte.
« Ne m?approche plus jamais, toi. Je ne sais pas ce que tu mijotes, mais je me pose de plus en plus de questions à  ton sujet. À savoir, même, si tes motivations sont bien les mêmes que celles de ton compagnon.
-Mon compagnon défunt, paix à  son âme. »
IL souriait. Shannia remarqua que les Dieux s?étaient éloignés d?eux, et qu?elle se retrouvait à  l?écart avec un homme qui l?avait presque envoyé à  la mort seulement quelques heures auparavant. Elle commença à  prendre peur.
« Halvorc est peut-être encore ici, parmi nous, répliqua-t-elle.
-Ou peut-être a-t-il été dévoré par le chien géant, où bien s?est-il noyé dans le fleuve en tentant de lui échapper. Peut-être même qu?il est?
-Il est là  !! » Shannia courut vers une silhouette qui titubait à  leur rencontre. IL écarquilla les yeux, incrédule. Non, ce n?est pas possible, ça ne peut pas être lui ! Il n?a pas pu buter à  lui seul ce putain de chien géant, c?est pas vrai ! Dites-moi que je rêve !!
« Qui c?est, celui-là  encore ? grommela Hel.
-C?est un des nôtres, il nous accompagnait et il a? » Freyja choisit prudemment ses mots avant de poursuivre. « ?fait diversion pour que nous puissions passer entre les griffes de Garm, tout à  l?heure.
-Et il est encore en vie ? s?étonna Hel. Il va falloir que je sévisse, il se ramollit. »
Halvorc, hors d?haleine, posait un pied devant l?autre en vacillant, manquant de chuter à  chaque pas. Lorsque Shannia lui sauta dans les bras, il ne put garder l?équilibre et s?affala sur le sol. Shannia, tout en s?excusant, l?aida à  se remettre debout, et le soutint en attendant que les autres arrivent.
« Tu as réussi à  le tuer, c?est fou !
-Je ne l?ai pas tué, haleta Halvorc. Il est dans le Gjoll, certainement un peu plus bas. Je l?ai entraîné jusque là , puis je suis grimpé sur le pont? et là , la tempête de tout à  l?heure a recommencé et l?a happé. Et ensuite j?ai? »
Halvorc tourna de l??il, mais Shannia l?empêcha de tomber. Elle l?assit sur le sol, l?appela plusieurs fois, et il finit par se réveiller. Il retrouvait des couleurs peu à  peu, reposant ses jambes éreintées. Njörd, Freyja et Hel les rejoignirent en premier, tandis que IL traînait la patte derrière eux.
« Tu as survécu ! s?exclama Njörd. C?est merveilleux d?avoir à  son actif un élément aussi fort, dans son armée, n?est-ce pas ?
-Il a jeté le chien dans le Gjoll, pour s?en débarrasser, leur dit Shannia. Il a réussi à  courir jusqu?à  la rivière sans se faire rattraper !
-Garm mérite des coups de fouet. Je m?en occuperai dès que cette affaire sera réglée. Bon, ce n?est pas tout ça, mais on pourrait accélérer un peu l?allure ? »
Njörd et Freyja suivirent Hel qui râlait toujours, tandis que IL s?approchait d?Halvorc pour l?aider à  son tour. Halvorc le repoussa sans ménagements.
« Shannia m?a raconté l?épisode de la dalle, cracha Halvorc. Je ne sais pas ce que tu veux exactement, mais nous en discuterons lorsque nous aurons retrouvé Séphy-Roshou, ou au moins lorsque nous reviendrons sur Terre.
-Mais Halvorc, se défendit IL, elle raconte n?importe quoi ! Si jamais les pièges s?étaient déclenchés, j?aurais été largement assez rapide pour la sauver, tu connais mon personnage Trauménien, c?est un grosbill puissance deux cents !
-Alors pourquoi ne pas y être allé toi-même, sur cette dalle ? »
La répartie cloua le bec de IL, et il regarda Halvorc et Shannia s?éloigner en serrant le poing. Il avait cru se débarrasser de cet inopportun avec Garm, et Halvorc s?en était sorti. Il avait cru en finir avec cette fouineuse de Shannia, et les pièges ne s?étaient pas déclenchés. Maintenant, ils étaient près de mettre la main sur Séphy-Roshou, et ça n?était pas bon pour Ses plans. IL ne voulait même pas imaginer Sa fureur si jamais ils ramenaient Séphy-Roshou d?entre les morts avant que Son plan ne soit achevé.
Heureusement que je L?ai prévenu, déjà , et j?espère juste qu?Il a commencé à  prendre ses dispositions. Rien ne tourne comme on veut, ici. Pourvu que Séphy-Roshou soit déjà  loin de ce monde. Ce serait déjà  ça de pris.
IL se remit en route, en tentant de calmer sa fureur.

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* *[/center]

Le Jotunheim était paisible. Intégralement différent des autres mondes de l?Yggdrasil par une foultitude de détails, il s?imposait tout de même par sa taille et par la surveillance assidue dont il faisait l?objet. En effet, si les autres mondes étaient tous en paix les uns avec les autres, mis à  part quelques dissensions passagères, le Jotunheim était en guerre latente avec le reste des peuples.
Vivant en autarcie, ce monde avait été légué en tant que territoire, ou prison, des Géants. Ces monstres ont été refoulés aux limites des mondes habitables et séquestrés dans le Jotunheim par Odin, afin de les avoir en permanence sous les yeux dans une optique de prévention continue.
Ce vaste territoire, à  la mesure de ses habitants, restait assez insolite : Une immense montagne s?élevait en son centre, dominant les plaines vertes de l?Est. Au Sud s?étendait un désert peu habité, alors que l?Ouest était parsemé de vallées et formait un paysage ondulé et fortement prisé des Géants. Le Nord était recouvert d?une neige éternelle et immaculée. Le tout était entouré d?eau.
De toutes les bordures du Jotunheim, celle qui devenait de ce fait la plus étrange était l?extrémité Sud, où le désert aride s?enfonçait presque subitement dans une eau limpide. La partie Nord était, elle, recouverte de banquise, et des icebergs dérivaient lentement dans les deux autres ?parties? du Jotunheim, fondant au fur et à  mesure. Le résultat était assez étrange à  contempler : Le Jotunheim donnait ainsi l?impression d?un condensé de panoramas.
Le désert du Sud, où régnait une température proche de celle du Muspellheim, vit soudain apparaître un groupe de voyageurs. Ils émergèrent du sable et se retrouvèrent ainsi sous un soleil de plomb. Séphira s?épousseta les cheveux.
« Argh, ils sont pleins de sable, c?est malin !
-Je comprends pourquoi Heimdall nous a dit de profiter de la fraîcheur de la forêt, juste avant de sauter dans le trou, dit Soulblighter.
-Ne vous en faites pas, dit Thor. Nous n?allons pas traverser ce désert par des voies normales, nous allons emprunter la route des Ases. Ce royaume est trop dangereux, même pour nous. Les géants peuvent nous submerger d?un instant à  l?autre. »
Ils se mirent en route vers un des bords du Jotunheim, pendant que Thor leur racontait que des routes accessibles uniquement des Ases avaient été érigées pour permettre un passage sécurisé dans le Jotunheim, et aussi permettre d?accroître la surveillance à  l?intérieur de ce monde sans risques.
Soulblighter regarda l?immense montagne qui surplombait l?horizon derrière lui, puis l?immense océan dont ils s?approchaient. Puis son ?il fut attiré par un mouvement sur sa droite. Il scruta les êtres qui couraient dans leur direction : Il distingua deux masses à  peu près égales, l?une poursuivant l?autre.
« Je les ai vu aussi, dit Heimdall en utilisant sa vue imbattable.
-Deux géants qui viennent nous saluer ? demanda Soulblighter.
-Non : Le premier groupe est constitué de trois femmes et trois hommes. Je pense les reconnaître, mais je préfère ne pas savoir.
-Et le deuxième groupe ? » demanda Thor, qui s?était arrêté également.
Séphira les rejoignit, et plissa les yeux. Elle ne voyait pas grand-chose de précis, dans toute cette chaleur ambiante qui déformait les objets éloignés. Heimdall se lissa les poils de la barbe, en souriant.
« Le deuxième groupe est en fait une seule et unique personne : Il s?agit d?un géant de feu, au même titre que Surt. »
Séphira Strife tressaillit. Thor jaugea la distance qui leur restait à  parcourir jusqu?à  la route divine, et commença à  lever une main pour annoncer la reprise de la marche. Il ne voulait pas avoir affaire avec les géants, même pour sauver des vies. Mais son geste fut interrompu par Soulblighter, qui lui sauta sur le bras et tira Thor au sol.
« Attention !! »
Une immense boule de feu passa à  l?endroit même où s?était tenu Thor debout l?instant d?avant. Thor remercia Soulblighter en se relevant, puis attrapa Heimdall par le bras.
« Allons-y. Ça devient dangereux. »
Ils se mirent donc à  courir vers la route qui survolait le Jotunheim, conduits par Thor qui savait exactement où elle débutait. Derrière eux, le groupe poursuivi par le géant en colère gagnait du terrain. Soulblighter, qui surveillait d?éventuelles autres boules perdues, finit par reconnaître les pourchassés.
Il tapota la main de Heimdall, qui lui jeta à  peine un ?il.
« Je sais, dit-il dans un soupir. S?ils arrivent à  le distancer suffisamment, nous les ferons monter avec nous, en sécurité. Mais je ne peux pas risquer la vie de Thor, ou la mienne, pour si peu. Nous risquerions de déclencher le Ragnarök avant l?heure.
-Mais et si un Vane meurt, il se déclenchera également, non ? »
Heimdall ne répondit pas. Thor aperçut bientôt une silhouette près de l?eau, et il lui fit signe. La silhouette répondit par le même signal, puis elle s?affaira dans le sable. Lorsque le groupe des Ases la rejoignit, la gardienne de la porte avait ouvert le passage.
« Allez-y, dit-elle. Dépêchez-vous, je sens un géant en approche.
-Nous savons. » dit Thor.
Le passage s?ouvrait dans l?air comme une porte sur un autre monde. Sauf que cet autre monde était en fait un simple tube transparent qui passait au dessus du Jotunheim. De l?extérieur, le tube n?était pas visible. De l?intérieur, on le distinguait plus nettement. Et Séphira Strife, en s?y engouffrant, se doutait que ce passage était immatériel et donc indestructible. Une sorte de dimension parallèle. Elle fut soulagée une fois à  l?intérieur.
Soulblighter la suivit, puis Thor y pénétra ensuite. Heimdall regardait encore au loin le groupe qui, hors d?haleine, n?arrivait néanmoins pas à  semer le Géant furieux. Une autre boule de feu traversa l?air en grésillant. La phrase de Soulblighter résonna dans ses oreilles en un écho de conscience déplaisant.
Mais et si un Vane meurt, il se déclenchera également, non ?
Dans un soupir, Heimdall leva sa hache, et prit son élan. L?arme fit deux tours dans le vide, puis s?élança en direction du groupe, qui approchait. Heimdall leur hurla de se dépêcher, et ils puisèrent dans leurs dernières forces pour accélérer.
Le géant reçut la hache sur le plat dans le visage, et il tomba à  la renverse. La hache poursuivit sa lancée, puis revint en tournoyant, passant une seconde fois au dessus du groupe de coureurs épuisés. Heimdall regarda passer Hel, Njörd, Freyja et trois humains inconnus près de lui, tandis qu?il récupérait agilement son arme. La gardienne s?approcha de lui.
« Dois-je les faire monter également ?
-Oui. Note tout ça sur le registre, et referme vite la porte. Le géant n?est qu?assommé, et il pourrait bien être mécontent lors de son réveil. » Il marqua une pause. « Je veux dire, encore plus mécontent qu?actuellement. »

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* *[/center]

DragonNoir toqua à  la porte de sa propre chambre. Ces derniers temps, avec la mobilisation de son appartement en tant que quartier général des Traumenschar, il ne se sentait curieusement plus chez lui. Des gens allaient et venaient en permanence, s?affairant à  diverses tâches aussi variées qu?obscures. Et retrouver quelqu?un dans cette surmultiplication de personnages relevait de l?ultime quête annexe d?un RPG : impossible à  achever.
Ou presque.
« LIF, c?est toi ? Je peux entrer ? »
Un marmonnement positif lui répondit, vaguement. Il ouvrit la porte et aperçut le Ionisateur Fou affalé sur son lit, les yeux mi-clos et sans lunettes. DragonNoir dût presque faire un effort pour le reconnaître sans son éternelle monture ronde. Il referma la porte derrière lui, pour préserver un semblant d?intimité à  la pièce et à  la conversation qui allait suivre.
DragonNoir n?acceptait pas qu?on considère les Trauméniens dont on était sans nouvelles comme perdus. Il refusait qu?on les abandonne ainsi à  leur triste sort, et il avait ruminé un stratagème de longues heures durant pour les récupérer. C?est ainsi qu?il avait eu une idée. Une simple idée, mais qui pouvait fonctionner.
« J?ai besoin de tes services, LIF. »
Le jeune homme se redressa tant bien que mal, et se gratta pensivement la tête, tandis que DragonNoir lui développait oralement son idée. Une lueur d?excitation apparut bientôt dans ses yeux. Le Ionisateur Fou remit ses lunettes qui traînaient par terre : Il était à  présent tout à  fait réveillé. Et il souriait.
« Penses-tu que c?est réalisable ? demanda DragonNoir.
-Eh bien, eh bien, pour le savoir, il me faudrait agir en tant que Ionisateur Fou, je pense. Mais j?ai déjà  ma petite idée sur la chose. En accumulant les fréquences radios comme des ondes et en les entrelaçant comme des cordelettes, on pourrait former une corde électromagnétique capable de traverser la matière, et peut-être même les dimensions?
-Euh LIF ?
-Oui ? répondit l?intéressé comme si on le tirait d?un rêve.
-Fait à  ton idée, mais si tu veux partir pour la réaliser, ne le fais pas seul. Préviens-moi avant, d?accord ?
-Hmm? » Le Ionisateur Fou calculait déjà  mentalement les différents moyens de compresser les systèmes d?émissions d?ondes, et on sentait qu?il avait réduit sa capacité de communication avec l?extérieur au minimum. DragonNoir resta un instant auprès de lui, puis s?en retourna à  son ordinateur, pour terminer de mettre au point les prochains voyages.
C?est parfait, songea-t-il en s?installant devant son moniteur. Si LIF arrive à  nous mettre au point un moyen de communication entre les morts et les vivants, nous aurons fait un grand pas. Un immense pas, même?

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* *[/center]

Shannia se retrouvait un peu exclue de toutes les conversations qui animaient le tube maintenant bondé de monde. D?un coté discutaient IL, Halvorc et deux autres personnes qu?elle ne connaissait pas, et de l?autre se trouvaient les Dieux, Ases contre Vanes, qui dialoguaient d?une manière assez violente. Et elle, pauvre Shannia, ne savait plus où se mettre. Elle avait l?impression de ne plus avoir sa place ici.
Elle songeait à  ces dernières heures, ces derniers jours, passés avec IL et Halvorc. Elle avait passé des années sur Terre à  vivre une vie monotone, puis des siècles au Vanaheim à  s?entraîner et s?ennuyer, et elle avait l?impression d?avoir plus vécu en ces quelques temps que le reste de sa vie. Ou de sa mort.
« Vous quoi ? beugla Heimdall en faisant sursauter Shannia. Vous voulez aller voir Vedrfolnir, celui qui voit tout ?
-Tout à  fait, répondit Njörd. Et quel mal y a-t-il à  cela ?
-Aucun, admit Thor. Mais sachez que vous nous devez la vie sauve.
-Que cherchez-vous exactement ? demanda Heimdall en ayant déjà  sa petite idée. Pourquoi décider ainsi d?aller voir Vedrfolnir, surtout en compagnie de cette bâtarde ?
-Heimdall ! réagit Thor.
-La bâtarde a été mise en prison, a été humiliée par des vulgaires humains, comme ceux vous accompagnant ! Et la bâtarde veut réparation, soumission et souffrance pour les deux voleuses qui ont eu l?affront de pénétrer mes terres.
-Des voleuses ? s?enquit Thor. Je crois que nous avons à  parler?
-Shannia, tu peux venir, s?il te plaît ? »
Shannia se retourna vers Halvorc, qui venait de l?appeler. Les trois autres humains la regardaient approcher, intimidée. Halvorc la présenta aux autres.
« Enchantée. Je suis ravie de ne plus être la seule femme ici, maintenant. Je suis Séphira. Séphira Strife, mais tenons-nous en au Séphira.
-Et moi, c?est Soulblighter, mais tu peux m?appeler? ?Soulblighter. »
Shannia esquissa un sourire poli.
« Donc, vous enquêtez également sur cette affaire de vol chez les nains ? demanda Séphira. Nous n?avons pas appris grand-chose, mis à  part que vos patrons doivent en savoir plus que nous tous réunis.
-Les Vanes ? demanda Halvorc. Ils ont discutés avec un nain, et ils ont refusés de nous dévoiler l?essence de la conversation.
-Et vous pensez vraiment que c?est notre Séphy-Roshou qui est à  l?origine de tout ceci ? » demanda Séphira Strife. Personne ne répondit. Ils étaient pourtant tous persuadés qu?elle était passée par cet au-delà , mais ils ignoraient qui était cette seconde femme qui l?accompagnait. Les questions étaient encore nombreuses.
« Séphira ? Soulblighter ? Venez vous et vos amis, nous avons à  parler. » dit Thor.

Ils marchaient depuis un bon moment, maintenant, dans le tube invisible qui dominait le Jotunheim aux multiples paysages. Ils avaient vu en repartant le géant qui avait poursuivi les Vanes encore étourdi qui se relevait et repartait en titubant. Halvorc lui avait envoyé un ?Peuh !? méprisant, et tous les Trauméniens avaient ri.
Ils passaient maintenant au dessus de la montagne qui était au centre du royaume des Géants. La route des Ases avait pris progressivement de l?altitude jusqu?à  être plus haute que la cime du mont, ce qui avait considérablement facilité et raccourci le voyage, que ce soit au niveau du temps ou de la distance.
Les informations avaient été mises en commun durant la première partie de ce voyage. Les Ases avaient confiés leurs renseignements aux Vanes, leur expliquant comment ils avaient été mis au courant, le passage au Svartalfheim, Hrumir, le géant Surt au Muspellheim, puis la tentative de retardement à  Alfheim.
« Pourquoi les elfes blonds vous auraient-ils retenus ? demanda Freyja. C?est un peuple pacifique qui, d?ordinaire, ne cherche pas les ennuis ?
-C?est vrai, mais il est manifeste qu?ils avaient été menacés pour accomplir cette besogne, soupçonna Thor. Loki est resté là -bas.
-Mon père ? cracha Hel. J?espère qu?ils ne se sont pas attaqués à  lui, car il sera certainement moins clément que vous. Il les tuera tous un à  un. »
Ensuite, les Vanes concédèrent à  leur tour les renseignements accumulés. Halvorc s?approcha de Njörd, lui jetant un regard mauvais.
« Qu?y a-t-il, petit humain ? Tu voulais savoir ce qui avait été dit durant cette conversation avec Hrumir ? Te voilà  servi. Mais si je le fais, c?est simplement parce que les Ases nous permettent d?emprunter cette route. »
Njörd et Freyja leur expliquèrent qu?ils avaient commandés cet arc pour contrer les éventuelles attaques des Géants du Jotunheim, en prévision d?un combat futur. L?aveu n?était pas des plus convaincants, mais les Ases l?acceptèrent tout de même. Hrumir ne devait pas prévenir Odin, mais un de ses elfes noirs avait pris les devant et il avait envoyé un messager à  Asaheim pour l?informer.
« C?est pourquoi nous avons rapidement été éconduits par Hrumir, en conclut Heimdall. Il nous a dit ce qu?il voulait qu?on sache, puis il s?est précipitamment esquivé?
-?pour nous parler, à  nous, annonça Freyja.
-Ensuite ? demanda Thor. Qu?avez-vous trouvé ? »
Njörd poursuivit, leur détaillant l?épisode avec Nidhögg et ses énigmes ardues, puis l?arrivée à  Helheim et la rencontre avec Hel. Cette dernière prit le relais et raconta la survenue des deux voleuses, leur main mise sur ses employés et insista sur leur brutalité.
« Surtout celle aux cheveux argentés, ajouta-t-elle après un moment de réflexion. Elle m?a giflée, même, avant de m?enfermer. Et elle riait, la chienne, elle riait !
-Donc, résumons ce que nous savons. » dit Thor.
Juste à  ce moment là , ils passèrent au-dessus du sommet de la montagne. Le paysage changeait du tout au tout, passant d?un désert sec et brûlant aux plaines enneigées du Nord. La température chuta sensiblement, comme si le groupe était entré dans un sas frigorifique imperceptible, mais pourtant bien présent.
« Nous savons que deux voleuses sont arrivées chez Hel, dans son manoir, et elles ont tout dévasté. Une jeune fougueuse aux cheveux argentés, et une plus âgée. Elles ont ensuite mis à  mal Garm, le chien de Hel, avant d?aller au Nifelheim chercher deux cerfs pour voyager plus rapidement. C?est bien ce qu?a dit Surt, n?est-ce pas ?
-Tout à  fait, affirma Séphira Strife. Ce sont ses mots. »
IL garda pour lui la petite précision concernant Nidhögg, que c?était le serpent lui-même qui avait fourni les montures au deux voleuses.
« Ensuite, elles sont allées au Svartalfheim afin de dérober l?arme des Vanes, sans but précis. Peut-être est-ce simplement un hasard ?
-Aucune idée, admit Njörd.
-Pour finir, elles sont passées par le Muspellheim, où le géant Surt les a vu, de loin, puis nous n?avons plus de nouvelles. Je pense que le résumé est complet ? »
Tout le monde acquiesça. Puis le voyage continua silencieusement, laissant chacun à  ses pensées. IL se rendit compte à  cet instant que ni Halvorc ni Shannia n?avait parlé de son comportement à  Soulblighter et Séphira. Oubli ou faveur, IL se réjouit intérieurement. Dès qu?une occasion se présentera, il la saisira, et cette fois-ci pas de quartiers.
« Quelqu?un arrive. » déclara Heimdall sans préambule.
Au bout de quelques minutes, le reste du groupe entendit effectivement le bruit d?un galop de cheval. Ils s?arrêtèrent, et bientôt un coursier apparu à  toute vitesse. Il ralentit à  leur approche, et descendit de son destrier avant même l?arrêt complet de ce dernier. Il courut le reste du chemin jusqu?à  Thor et esquissa une révérence.
« à” Dieu Thor, nous avons un problème extrêmement urgent. Odin lui-même désire votre retour au Asaheim au plus vite.
-Que se passe-t-il ? demanda Thor. »
Le coursier, un simple humain du Valhalla, reprit sa respiration.
« Les morts? commença-t-il. Les morts affluent en grand nombre, il en arrive énormément. Nous avons envoyé un messager à  Helheim, mais Hel sembla avoir disparue.
-Évidemment, puisque je suis là . Qu?y a-t-il encore, dans mon royaume ?
-Je vous prie de m?excuser, je ne savais pas que?
-Abrégez, abrégez ! s?impatienta Hel en moulinant des poignets.
-La population des morts augmente de manière disparate. Les gens semblent mourir de plus en plus rapidement, et si rien n?est fait, la place viendra à  manquer !!
-On dirait presque, murmura Heimdall, que le destin est devenu fou. Les gens meurent comme on tranche les fils de la vie. »
La métaphore fit mouche. L?ensemble des Dieux, Vanes et Ases, eurent ensemble la même vision, la même idée.
« Le Wyrd ! » s?exclamèrent-ils en même temps.

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* *[/center]

Il referma soigneusement la porte de sa demeure, une immense habitation qui avait autrefois été une ferme. Ce style de bâtiment était très courant dans la région, mais l?opportunité d?en posséder une avec les hectares de champs qui l?entouraient était déjà  plus rare. Mais il était un de ces élus.
La voiture l?attendait déjà , moteur en route et prête à  partir. Il s?agissait de faire vite, et bien. La route risquait d?être longue, et il voulait à  tout prix arriver juste au bon moment.
« À point nommé, je vais arriver. Tel un surhomme tranchant l?adversité pour sauver la plèbe fort ennuyée. » Il sourit, puis se yeux changèrent, rien qu?un instant. Quelques secondes où il articula d?une voix noire : « Ou tel un balayeur éradiquant ces vulgaires mouches à  merde de la surface du globe. »
Le temps sembla s?arrêter, il vit les arbres et la voiture devant lui se dédoubler, puis se détripler. Puis le vertige cessa, et il se remit en route. Il se cala confortablement à  l?arrière et dit à  son chauffeur :
« Allons-y. Direction Paris. »

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MessagePublié: 16 Juil 2005, 23:01 
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10. La toile du Wyrd.
DragonNoir regarda le Ionisateur Fou trembler, puis ouvrir les yeux. Il se redressa sur son séant, haletant, et regarda autour de lui. DragonNoir lui tint le bras, et le Ionisateur Fou se calma quelque peu. Il se détendit et se passa une main dans les cheveux.
« Pfffiou? C?est toujours aussi ignoble, le retour. La pilule mise au point par Hilde a peut-être un goût dégueulasse, mais au moins elle ne donne pas d?étourdissements lors du retour parmi les vivants.
-Mais tu sais très bien qu?il faut les économiser, dit DragonNoir. Tant que nous n?aurons pas retrouvé Hilde, elle ne pourra pas nous en fabriquer d?autres. Et sans elles, autant tous nous suicider immédiatement.
-Je sais, oui, admit le Ionisateur Fou. Et je sais également que me tuer pour que je réalise ne servait à  rien, car j?aurais atterri dans un au-delà  x ou y, alors que là  j?ai pu mettre au point sans trop de mal ton idée de base. »
DragonNoir s?assit sur le bord du lit, et le Ionisateur Fou se tourna vers lui, dos au mur. Il retira ses lunettes et les essuya sur un pan de sa chemise à  carreaux.
« Il y a juste un problème que je n?ai pas réussi à  résoudre, alors il va nous falloir contourner l?obstacle.
-Je t?écoute. » DragonNoir était de plus en plus content d?avoir confié cette tâche au Ionisateur Fou. Il avait apparemment terminé, et en seulement quelques heures. Peut-être détenait-il une des clefs qui permettra de sauver les Trauméniens disparus.
« Pour ce qui est de la réalisation en elle-même, tout est terminé : J?ai confectionné une petite douzaine d?émetteurs-récepteurs pas plus gros qu?un kit main libre de téléphone portable, et qui se porte à  l?oreille. Autonomie de deux semaines, avec pile à  uranium condensé et possibilité d?enregistrement des conversations.
-C?est parfait, LIF. Parfait. » DragonNoir jubilait, et le Ionisateur Fou bomba inconsciemment le torse.
« Le centre névralgique qui permet de relier les oreillettes, c?est ton ordinateur, tout simplement. Il permet de faire basculer les fréquences, de connecter tel appareil avec tel autre, de sorte que toute conversation soit possible. Celui qui est devant l?écran servira d?opérateur de liaison, en quelque sorte. J?y ai même installé un lecteur mp3, si jamais on veut balancer de la musique à  ceux qui sont en train de faire des recherches? »
Le Ionisateur Fou s?interrompit de lui-même en voyant le visage dubitatif de DragonNoir, qui ne considérait manifestement pas la fonction baladeur des oreillettes comme une priorité. Il toussota, puis poursuivit.
« C?est là  qu?intervient le problème que j?ai annoncé. Je n?ai pas réussi à  traverser le seuil de la mort à  ici, avec mes appareils. J?ai modifié ton ordinateur dans l?au-delà , mais pas dans ce monde-ci, et il n?est donc malheureusement pas possible de dialoguer avec les morts sans être soi-même décédé, ou au moins partit comme moi je l?étais. »
Le Ionisateur Fou poussa un soupir triste de l?homme abattu.
« Ce qui signifie que mon installation nécessite un mort permanent pour fonctionner. Comme je suis le seul à  connaître son fonctionnement, ça implique que je doive rester sur place un maximum de temps.
-L?utilisation est compliquée ?
-L?interface est un mix entre le logiciel de MSN, et un répartiteur audio de base. Les conversations sont numérisées et enregistrées automatiquement, en format audio et en format texte. Les seules choses un peu ardues à  assimiler concernent les manipulations des fréquences pour les faire coïncider, et ainsi mettre en relation les oreillettes.
-Tu penses pouvoir former quelqu?un, sinon ? »
Le Ionisateur Fou réfléchit un instant à  la question. Avoir une seconde personne capable de maintenir le réseau en place serait d?une grande aide, au cas où il lui arriverait quelque chose. Et le Ionisateur Fou ne comptait pas rester ici sans rien faire : Il voulait repartir pour une nouvelle mission, dès que possible.
« Si ce quelqu?un est gentil avec ma calculette chérie qui est reliée au système de données de l?ordinateur, alors pourquoi pas ? »

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« Que se passe-t-il ? » tonna Thor en entrant dans la petite chaumière qui servait d?habitation aux trois Nornes. Heimdall avait expliqué aux Trauméniens, durant le rapide voyage à  cheval jusqu?aux racines de l?Yggdrasil, que trois jeunes femmes représentaient les symboles du passé, du présent et de l?avenir.
Urd est la plus âgée et représente le passé. Elle a l?apparence d?une vieille femme, voûtée et ridée, et est celle qui est chargée de garder la maison lorsque les deux autres Nornes doivent sortir.
Verdandi est l?incarnation du présent. C?est une grande et belle femme, aux cheveux longs et au visage d?une beauté presque divine. Elle s?occupe de la préparation de l?onguent pour guérir l?Yggdrasil des morsures de Nidhögg.
Skuld est une petite fille et symbolise le futur. Elle ressemble à  n?importe quelle autre petite fille d?une dizaine d?années, à  la voix aiguë et au comportement agité. C?est elle qui va chercher les ingrédients nécessaires aux mixtures de Verdandi.
Les trois Nornes ont deux buts principaux. Le premier est de maintenir l?Yggdrasil en vie, en combattant Nidhögg tous les jours et en guérissant les plaies de l?arbre de vie avec de l?eau de la source Urd, qui coule non loin de leur demeure, et en la mélangeant avec de la terre. Elles ne peuvent rien faire d?autre.
Leur seconde charge concerne le destin des hommes, des vivants. Elles tressent toutes trois les fils du passé, du présent et de l?avenir, les combinant pour former le destin de l?univers tout entier. Ces fils sont piochés dans le Wyrd, une dimension accolée à  celle de l?Yggdrasil, où les Nornes attrapent les fils du destin pour les relier. Le seul et unique passage pour le Wyrd se trouve chez elles.
« Il n?y a personne, grommela Njörd en ressortant de leur chambre. On croirait qu?elles sont parties depuis des siècles, au moins.
-Je vais voir dehors ! proposa Freyja avant de sortir.
-Peut-être sont-elles allées soigner l?Yggdrasil ? demanda Halvorc en récitant sa leçon.
-Pas toutes les trois, répondit Heimdall. Verdandi y va, obligeamment, et parfois Skuld part avec elle. Mais Urd est trop vieille pour les accompagner, alors elle reste ici.
-Mais elle n?est pas là , constata Soulblighter.
-Il a dû se passer quelque chose? dit Thor. Allons dans le Wyrd. »
Un amoncellement de silence lui répondit. Thor, la main posée sur la poignée de la porte descendant à  la cave, là  où se trouvait le passage pour la toile du Wyrd, les regarda tous un par un. Chacun baissait les yeux, même Njörd.
« Auriez-vous peur ?
-Thor? débuta Heimdall les yeux toujours rivés sur ses pieds. La toile du Wyrd est une dimension dangereuse, et même nous risquons de nous perdre, sans les Nornes pour nous guider. On raconte qu?elles-mêmes n?y vont jamais, et se contente de récupérer les fils du destin par un orifice au rez-de-chaussée.
-Quelque chose se passe avec les fils de la toile du Wyrd, les morts affluent de toutes parts, civiles et combattantes. Nous ne pouvons pas laisser tout ceci continuer ! »
À nouveau, personne ne répondit. La porte derrière eux s?ouvrit dans un fracas de bois et Freyja bouscula tout le monde pour se placer au premier rang.
« Elles ne sont pas dehors, mais j?ai trouvé deux des quatre cerfs. Durathor et Duneyr. Et ils sont morts. »
Thor jeta un ?il effrayé par la fenêtre. On lisait sur son visage la peur, pour la première fois. La peur de savoir qui pouvait arriver à  dompter un cerf de l?Yggdrasil, s?en servir et le tuer une fois arrivé à  destination. Qui, ou quoi.
« Que ceux qui veulent venir avec moi le fassent, et que les peureux restent. »
Puis Thor ouvrit la porte et s?y engouffra, surmontant sa peur et s?armant du plus profond des courages. Il n?espérait plus qu?une seule chose : Qu?Odin vienne à  sa rescousse et impose sa force de Dieu des Dieux.

Le bas des escaliers donnait sur le vide. Un vide noir comme le jais et profond comme l?espace. Mais un vide solide, un vide sur lequel on pouvait se tenir debout, et marcher. Thor posa donc un pied sur ce vide spécial et avança. La descente des escaliers avait été longue et le nombre de marches incalculable. Les fils blancs avaient commencé à  apparaître une dizaine de minutes après être passé par la porte.
Soulblighter faillit en casser un, comme on brise une toile d?araignée gênante, mais Heimdall avait arrêté sa main avant qu?il ne tue.
« Lorsque tu brises un de ces fils, un homme ou une femme, sur Terre, meurt. Voilà  pourquoi nous sommes ici : Pour empêcher cette ?uvre de destruction, et non pour y participer ! N?est-ce pas ? »
Soulblighter avait ensuite fait bien plus attention où il mettait ses mains, sa tête, ses pieds et tout ce qui dépassait. Les autres membres du groupe firent de même, et la longue descente ne fut entachée d?aucune maladresse. Les fils, qui contrastaient de leur blanc presque lumineux avec les ténèbres du vide, avaient été de plus en plus nombreux au fur et à  mesure de l?avancée, pour former par endroits des amoncellements inextricables de vies qui se chevauchaient telle une bacchanale sexuelle dans les milieux autorisés.
Thor avança au milieu des fils, les évitant tous non sans difficultés. Heimdall fut le premier à  entendre le rire de dément, mais bientôt tous le perçurent. C?était un rire empreint d?une folie dévastatrice, un rire nuisible, le rire d?une personne dont la santé mentale échappe à  tout contrôle. Quelque chose d'abominable.
Une flèche fila près de l?oreille de Thor. Elle scintillait dans la noirceur environnante, tout comme les fils du destin. Elle en trancha un à  hauteur de Séphira, qui étouffa un cri de dégoût lorsqu?elle vit du sang s?écouler de la cassure. Derrière elle, Shannia l?aida à  continuer à  avancer. En bon dernier, IL commençait tout juste à  se poser des questions.
Merde. J?aurais dû aller la chercher moi-même, cette arme, au lieu de jouer les gentils et de rester avec ces blaireaux. Maintenant, c?est trop tard. Trop tard pour les éliminer sans m?attirer les foudres divines. Ha ha, les foudres divines, en parlant de Thor? Pourquoi je n?ai pas fait comme ce crétin de Loki ? Lui au moins est resté tranquillement dans son coin à  attendre que le temps passe?
« Qu?est-ce que c?était ? demanda Soulblighter.
-C?était une flèche de l?arc qui a été volé. Une flèche de haine pure. »
Heimdall ramassa le morceau de fil qui dégoulinait de sang écarlate. Un sang qui ne tarderait pas à  brunir et s?arrêtera de couler, tout comme le c?ur de cette personne, sur Terre, s?est arrêté de battre. Séphira Strife n?arrivait pas à  détacher son regard du fil tranché.
Après quelques minutes de slalom entre les fils, et deux autres flèches de haine aperçues, Heimdall vit enfin leur ennemi pour la première fois. Et en guise d?ennemi, il s?agissait plus précisément d?une ennemie : La seconde femme, celle qui accompagnait Séphy-Roshou, celle qui portait des vêtements d?un autre quand et d?un autre où, Erzébeth Bathory se trouvait là  à  tirer sur les fils du destin tendus autour d?elle.
Elle se tourna vers eux, et son rire enfla encore plus, comme si elle s?attendait à  leur venue ici bas. Ses yeux roulaient en tous sens, et elle était écarlate.
« Ha ha ! Vous voilà  enfin ici, me rejoindre pour cette orgie de sang ! Vous désirez participer ? Aucun problème ! Je n?ai besoin que d?une seule chose, pour être la plus heureuse et la plus belle des femmes ! »
Elle fit apparaître une flèche dans sa main. Rouge.
« J?ai besoin de sang? »

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* *[/center]

Serge Thourn s?installa dans la pièce principale de l?appartement de Nina. La pièce était claire, bien agencée et meublée, mais on devinait un manque de place assez important. Sans que ce salon ait été surchargé, il était tout de même bien rempli. Serge posa ses mains croisées sur la table, au centre, et attendit que la maîtresse de maison revienne.
Elle l?avait accueilli avec un sourire, ce qui n?était pas dans les habitudes du commissaire lorsqu?il dévoilait ses intentions. La plupart des personnes devenaient méfiante, ou tout le contraire : Elles se transformaient en petits larbins susceptibles de faire le moindre des caprices du fonctionnaire de police qu?ils recevaient chez eux.
Un peu comme Alexandra Dérata, qui lui avait carrément fait du rentre-dedans.
Le médecin expert avait conclu à  un arrêt cardiaque, bien que la victime n?ait eu aucun antécédent. La cause de la mort satisfaisait peu Serge Thourn, tout comme le médecin, mais les faits étaient pourtant ainsi. Thourn eut beau dire, expliquer, comme s?était déroulé la scène, le c?ur n?en avait pas moins lâché sans raison. L?image qui venait dans l?esprit du commissaire était celle d?un fil tranché net.
Thourn avait laissé la police locale s?occuper de cette affaire, préférant se concentrer sur la raison pour laquelle il était à  Nantes. Même si son esprit de policier n?avait pu s?empêcher de faire le rapprochement entre cette mort et les menaces voilées de son interlocuteur du cimetière, même s?il n?avait pu que noter les similitudes entre le décès de Dérata et ceux des centaines d?autres morts de part le monde, il voulait absolument éviter de se disperser.
« ?où voulez-vous plutôt du café ?
-Pardon ? »
Serge n?avait même pas entendu que Nina était revenue de la cuisine et qu?elle lui parlait, trop perdu dans ses pensées. Il s?excusa et lui dit que le thé lui convenait parfaitement.
« Très bien, dit-elle. Combien de sucre ? Ce sont des petites tasses.
-Deux tout de même, répondit le commissaire. J?ai toujours adoré le sucre. »
Nina lui renvoya un nouveau sourire et lui tendit le sucrier. Thourn se servit et touilla distraitement son thé en continuant visuellement le tour de la pièce. Nina s?assit en face de lui, puis remua à  son tour sa cuillère. Serge l?observa discrètement.
La jeune femme était brune et arborait fièrement une immense natte qui lui tombait gracieusement dans le dos. Elle portait une paire de lunettes qui mettaient en avant ses magnifiques yeux verts, et souriait en permanence. Malgré la chaleur toute relative du printemps, un pull en laine lui recouvrait les épaules.
« Bien, dit-elle après avoir bu une gorgée de thé brûlant. Que puis-je faire pour vous ? »
La question était tombée sans préambule, et Serge en fut déstabilisé. Le sourire de Nina le déstabilisait, également. Ainsi que l?atmosphère qu?elle avait distillée dans la pièce : Chaleur, douceur et bien-être. Thourn eut soudain le sentiment de se faire mener par le bout du nez, et préféra se lever pour casser l?ambiance. Il fit le tour de la table en marchant, lentement, feignant un intéressement déplacé sur les murs.
Nina souriait toujours.
« Si je suis là , commença-t-il, c?est tout d?abord à  cause d?une jeune femme. Une jeune femme décédée récemment, et dont la mort a attiré de nombreuses personnes ici même, à  Nantes. Et parmi elles, une bien précise que je cherche à  retrouver, ainsi que vous. »
Serge Thourn espéra deviner un léger tremblement dans sa voix lorsqu?elle répondit.
« Une jeune femme décédée récemment ? Non, je ne vois pas. Vous savez, j?habite ici depuis quelques temps, maintenant, et je ne suis pas venu exprès pour voir un décès, mais pour des raisons scolaires.
-N?êtes-vous pas allé à  un enterrement ?
-Je me vois mal aller à  un enterrement d?une personne que je ne connais pas. »
Serge guettait toujours l?effondrement du sourire, mais en vain. Nina ne baissait ni sa garde, ni ses pommettes, et Thourn s?en trouvait fort embarrassé. Il continua le tour de la table, passant derrière Nina qui buvait son thé à  petites gorgées, et allait ouvrir la bouche pour reprendre lorsqu?elle le devança :
« Votre thé va être froid, monsieur Thourn. »
Première erreur, ma petite !
Serge afficha à  son tour un sourire narquois et s?assit en face d?elle. Il but longuement et ne reposa sa tasse qu?avec un fond de thé tiède. Puis il croisa les mains au dessus et posa son menton sur l?entrelacs de doigts.
« Je n?ai pas souvenir de vous avoir donné mon nom, mademoiselle. Juste mon insigne et ma profession. »
Là , Serge n?inventa pas le rouge qui montait rapidement aux joues de Nina. Il n?inventa pas non plus l?appel à  l?aide qu?elle effectuait en fuyant son regard, ni le tremblement dans ses mains lorsqu?elle reposa également sa tasse, vide. Il venait de reprendre les rennes de l?interrogatoire, et ça lui plaisait.
Nina, de son coté, commençait à  sentir les effluves de panique lui titiller le ventre, et elle n?avait qu?une seule envie : Se tirer de son appartement afin de mettre fin à  cette épuisante conversation. Mais il lui fallait se reprendre. Elle avait fait une erreur, mais elle devait la réparer. Ses yeux furetèrent et trouvèrent enfin une solution.
« C?est ce qui est noté sur votre badge, celui qui dépasse de votre poche, là . »
Serge se redressa brusquement, comme si un tisonnier chauffé à  blanc venait de lui être appliqué sur une fesse. Il jeta un ?il à  sa poche de chemise, et soupira intérieurement. Un partout, la balle au centre.
« Exact, vous êtes très observatrice.
-Ce sont les lunettes, répondit-elle avec un clin d??il. Vous devriez en porter aussi, vous trouveriez peut-être votre proie ? »
Elle avait conscience de jouer avec le feu en le narguant ainsi, mais elle n?avait pas pu réprimer cette saillie tranchante. Son sourire était également revenu, plus radieux que jamais. Quant à  sa panique, elle s?était retirée.
« Revenons-en à  la défunte. Vous m?affirmez donc que vous n?avez aucun membre de votre famille qui est décédé ces derniers mois ? Ou même un ami proche ?
-Aucun, mentit Nina. Je n?ai même pas souvenir de la date du dernier enterrement où j?ai assisté, pour tout vous dire.
-En novembre dernier, peut-être ?
-Ça ne me dit rien. »
Serge repensa soudainement au petit mot qu?il avait dérobé sur la tombe. La dernière tombe intéressante du cimetière, et également celle qui avait été la plus protégée. Il s?attendait presque à  voir la jeune fille devant lui tomber, morte, comme la gardienne de la piscine quelques heures plus tôt. Il n?osait pas la quitter des yeux.
« Vous désirez un autre thé ?
-Non merci.
-Je vais m?en faire un, vous m?excusez ? »
Nina se leva et partit avec sa tasse. Elle fit chauffer l?eau dans sa bouilloire et lava rapidement ses couverts. Derrière elle, Thourn sortit la petite carte et la relut.
« Est-ce que vous savez qui est Séphy-Roshou ? »
Elle laissa choir sa sous-tasse qui se brisa sur le carrelage. Serge se leva pour lui venir en aide, mais elle le remercia d?avance. Elle ne voulait pas qu?il voie les tremblements de ses mains, ni qu?il ne s?approche trop d?elle. Thourn ne se rassit néanmoins pas. Il venait à  nouveau de marquer un point, et il ne fallait pas qu?il perde la main.
« Je pense que ça doit être un pseudonyme, ou quelque chose comme ça. Le genre de faux nom qu?une adolescente emploie pour aller sur Internet, afin de préserver un semblant d?anonymat, ou de se donner un nouveau rôle dans le jeu de la vie. »
Il s?était finalement placé juste à  coté d?elle, et Nina n?arrivait plus à  bouger. Elle regardait, impuissante, les morceaux de l?assiette sur le sol. Thourn s?accroupit à  coté d?elle, pour mettre son visage à  hauteur du sien.
« Ou bien pour aller sur un forum ? »
Pure coïncidence ou destin, c?est à  ce moment exact que la porte s?ouvrit. Thourn, au comble de l?excitation, fit face à  la porte et porta une main à  son holster. En face de lui, le jeune homme s?arrêta, la main encore sur la porte. Le regard qu?il lançait au commissaire n?avait rien de la surprise, ou de la peur : Il était chargé de haine.
« Qu?est-ce que vous faites là  ? cracha Aran.
-Je suis commissaire de police, dit Thourn en refermant son holster. J?enquête sur?
-Je vous prierai de sortir d?ici.
-Mais c?est l?appartement de cette jeune fille, et non le vôtre.
-Monsieur Thourn, pouvez-vous vous en aller, je ne me sens pas très bien. »
Thourn fixa Nina, qui simula un sourire fatigué, mais néanmoins un sourire, à  son adresse, et murmura un ?excusez-moi? assez sincère pour que le commissaire baisse les bras. Il contourna la table et sortit, sous les yeux assassins d?Aran. Une fois la porte refermée, il se rua sur Nina et l?aida à  se relever.
« Ça va, lui dit-elle. Je me suis juste un peu affolée.
-Ça serait arrivé à  n?importe qui, la rassura-t-il. Laisse, je vais ramasser. Est-ce que tu as été obligée de lui dire quelque chose d?important ? »
Nina secoua la tête.
« Mais il en sait déjà  beaucoup. Il m?a parlé de Séphy-Roshou, il sait que c?était un pseudo, qu?elle était sur un forum? Et il m?a dit qu?il recherchait une personne.
-Qui ? demanda Aran en jetant les débris de la sous-tasse.
-Je ne sais pas. Il a juste dit : L?enterrement de cette jeune fille, il parlait de Séphy-Roshou, même s?il ne le sait pas je pense, l?enterrement de cette jeune fille a attiré beaucoup de monde : Une personne que je recherche, et vous. »
Aran se demanda quel pouvait bien être ce Trauménien que recherchait Thourn. Il était d?ailleurs à  mille lieux de penser qu?il pouvait s?agir de Mr.Magnum. Il s?approcha de Nina et l?enlaça. Elle reposa la tête sur lui.
« Ne t?en fais pas, tu as été très bien. Il se doute certainement de quelque chose, mais il n?a rien de bien précis. Le jour où il découvrira l?ampleur de Traumen et de notre projet est encore loin d?être arrivé, et d?ici là  nous aurons certainement déjà  ressuscité Séphy-Roshou, et tout sera terminé.
-Espérons-le? » chuchota Nina.
Et, derrière la porte, l?oreille collée au battant, Thourn inscrivit sur son carnet les mots Traumen, projet et ressusciter Séphy-Roshou, avant de souligner trois fois ce pseudo.

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* *[/center]

Rien ne se passe comme prévu? Je ne comprends pas où tout s?est retourné contre moi, mais je ne peux plus rien faire? Je ne sais pas ce que? Hein ? Quoi ? Rentrer, tous ? Vous voulez dire? ?maintenant ? Mais il reste encore la carte Loki, et?
?
?oui, je comprends. Excusez-moi de Vous avoir déçu, je? Je vais les faire revenir. Comment ? Vous êtes en route ? Vous arrivez chez DragonNoir ? Ah, eh bien je? Oui. Oui? Nous serons rentrés, d?accord. Erzébeth se fera maîtriser, je pense, par Thor, Heimdall ou Njörd, si besoin est. Oui. Oui oui. Je ne pense pas que? Gnnh? Non, pas ça? Rrrhhh? Arrêtez je? Gnnnh? Khhh?
Je ne?
Gnnnnhhh?
?
?oui, je saurais apprécier ma punition, je la mérite?

IL sentit la communication se couper, et le lien télépathique s?envola. La douleur également, et il pu rouvrir les yeux. Personne ne l?avait vu. IL essuya d?un revers de manche les larmes qui avaient coulées sur ses joues, puis renifla. La douleur de l?humiliation était plus forte encore que la souffrance physique.
Mais, à  Le croire, je vais encore devoir en baver?

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* *[/center]

« Chauffeur ! Pourrions-nous nous arrêter un instant ? »
La voiture enclencha le clignotant et se rangea sur la voie de droite, puis sortit sur une aire de repos. Les autoroutes avaient ceci de pratique : On y trouvait de nombreux endroits où se reposer, se délasser, ou téléphoner.
Il sortit du véhicule et s?étira. La chaleur n?était heureusement pas encore excessive, mais il sentait déjà  ses vêtements coller à  lui. Sa peau pâle était moite, et il s?essuya le front avant de sortir son portable, tout en s?éloignant de la voiture. Le chauffeur, adossé à  la portière, le suivait des yeux.
Il s?installa devant une table de pique-nique, chassa une mouche qui voletait innocemment autour de lui, regarda les alentours puis ferma les yeux. Lorsqu?il les rouvrit, ses pupilles avaient disparues sous d?immenses iris de jais. Un sourire mauvais vint enlaidir son visage. Une autre mouche, ou la même, revint tourner autour de lui.
Il composa un numéro de tête sur son téléphone et le mit à  son oreille. Au bout de trois sonneries, on décrocha.
« C?est moi, tonna la Voix. J?ai donné l?ordre à  IL de rentrer. Préparez-vous à  passer à  la phase deux, je vous rejoins d?ici quelques heures également. » Il écouta patiemment ce que lui répondit son interlocuteur, tout en suivant la mouche des yeux. Puis il répondit : « Vous serez cinq pour emmener les corps. »
Il écrasa la mouche avec une rapidité inhumaine, l?attrapant en plein vol dans sa main et la broyant cruellement.
« Je vais contacter Pasteqman. »

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* *[/center]

« Les Nornes sont là  ! » s?écria Freyja en désignant trois corps étendus sur le sol. Une vieille femme, une autre d?âge mur et une petite fille, empilées pêle-mêle, étaient inconscientes. Elles ne semblaient pas blessées, mais on pouvait facilement deviner que leur sommeil n?était pas naturel.
« Laissez-les, ces petites pimbêches qui voulaient m?empêcher de nous amuser ! Elles n?ont que ce qu?elles méritaient !
-Ferme-la, toi !! »
Erzébeth, l?arc bandé, s?arrêta de rire et dévisagea Hel avec une grimace de haine. Celle-ci s?avança vers la vieille femme, une des premières tueuses en série de l?histoire de l?humanité, et se planta fermement devant elle les poings sur les hanches.
« Je te reconnais, la vieille rombière : Tu étais avec la jeune garce qui a réduit en miettes mon manoir, mes laquais et même mon chien !
-Oh, c?est toi ! cracha Erzébeth en levant de nouveau sa flèche rouge. Je me demande pourquoi Séphy-Roshou ne t?a pas tuée, lorsque nous sommes arrivées ici. »
Le pseudo prononcé fit sursauter les quatre Trauméniens présents. Ils venaient enfin d?avoir une preuve directe de ce qu?ils recherchaient. Séphy-Roshou était donc bien arrivée ici, avec cette femme, mais elle était repartie. Halvorc s?avança à  son tour.
« Ne t?approche pas trop ! s?inquiéta Shannia.
-Reste en dehors de ça, humain ! lâcha Hel sans cesser de fixer Erzébeth.
-Mais je vais réparer son erreur, et je vais te faire goûter à  la haine. Ma haine ! »
Tous entendirent la corde de l?arc se tendre, et gémir sous la tension exercée. Tous s?accordaient à  penser que l?arme forgée par les Nains du Svartalfheim était loin d?être une arme classique, tant les hurlements d?effroi sous-jacents leur vrillaient le crâne. On avait presque l?impression que l?arc souffrait.
« Où est passée Séphy-Roshou ? demanda Halvorc tout en approchant, pas à  pas, de la folle armée.
-Qui es-tu, toi ? Éloigne-toi ou bien tu seras la prochaine cible de ma haine !
-Elle est repartie, n?est-ce pas ? continua Halvorc. Elle est repartie, elle a tué les deux cerfs et elle vous a laissé là . Seule. »
Erzébeth relâcha un peu la corde. Pas énormément, mais un peu tout de même. Halvorc fit un pas de plus, sous l??il atterré de la troupe derrière lui. Hel s?écarta. L?arc commença à  trembler, et la flèche rouge laissait des sillons luminescents dans les ténèbres autours.
« Elle a tué les deux cerfs ? demanda Erzébeth d?une voix mal assurée.
-Elle les as tué après vous avoir demander de vous amuser ici, pour vous empêcher de fuir. » Le regard d?Halvorc était dur, et il la tenait sous son emprise. Il savait pertinemment que, s?il détournait les yeux, elle relèverait son arc et tirerait. Ce qu?il adviendrait de lui, Halvorc, il n?osait trop y penser.
« Vous mentez ! Elle m?a dit qu?elle reviendrait me chercher, qu?elle était juste allée s?assurer que personne n?arrivait !
-Pourtant, nous sommes là . Elle non. »
L?arc vacilla encore, plus nettement. Personne n?osait dire un mot, tant Halvorc se débrouillait adroitement pour déstabiliser leur adversaire. Freyja avait ranimé les trois Nornes, et elle les avait emmenées derrière les Dieux, pour les protéger. Urd leur avait alors raconté comment s?était déroulée leur arrivée.
« Dès qu?elles ont eu posé pied chez nous, j?ai su qu?elles n?étaient pas des messagers, ou des humaines habituelles. Cette vieille femme m?a menacé avec l?arc, et elle m?a ensuite assommée. Verdandi et Skuld étaient parties chercher de l?eau à  la source.
-Lorsque nous sommes revenues, continua Verdandi d?une voix douce, elles nous ont menées ici, dans les toiles du Wyrd. Et nous y avons découvert le corps de Urd, inconsciente. Cette folle faisait déjà  des ravages, et tirait des flèches sur les fils du destin. La jeune fille aux cheveux argentés lui a alors annoncé qu?elle allait jeter un ?il dehors, et juste après ça elle m?a également étourdie, ainsi que Skuld. »
La petite fille acquiesça, les larmes aux yeux. Devant, le combat entre Erzébeth et Halvorc faisait toujours rage, mais une rage particulière : Une rage silencieuse et maîtrisée. Halvorc soutenait toujours le regard fou de la tueuse en série, et cette dernière ne baissait pas son arc maléfique.
« Elle va revenir, lâcha-t-elle finalement. Elle va revenir, et elle va tous vous exterminer, jusqu?au dernier ! Elle peut le faire, je l?ai vu à  l??uvre ! Elle est invincible?
-?et elle est également orgueilleuse, narcissique et solitaire, termina Halvorc. Très solitaire, et il est même étonnant qu?elle vous ait supporté tant de temps.
-Vous ne la connaissez pas ! hurla Erzébeth en relevant son arc et en pointant la flèche sur Halvorc. Vous ne la connaissez pas comme moi je la connais !!
-C?est vrai. Je la connais bien mieux que vous. »
L??il droit de la vieille femme eut des soubresauts de folie, tandis que ses sourcils se rejoignaient dans un froncement inquiétant. La flèche s?illumina de plus belle, prenant une teinte sanguine impressionnante. Halvorc, le nez à  quelques centimètres seulement de la flèche, dû même plisser les yeux.
« TU MENS, ESPÈCE DE SALE MENTEUR !! MENTEUR !!! »
Elle baissa finalement les bras, et la flèche perdit de son éclat. Halvorc, bien malgré lui, sentit un soupir sortir de sa bouche. Erzébeth Bathory tomba à  genoux, le corps secoué de sanglots, mais tenant toujours son arc dans une main. Shannia se précipita sur Halvorc et lui sauta au cou, dans un élan d?affection qu?elle ne se connaissait pas.
« Tu as réussi !
-Bravo, dit sobrement IL.
-Tu aurais pu te faire tuer, espèce de grosse ! dit Séphira Strife en riant nerveusement.
-Même si tu es déjà  mort, ça peut être dangereux, non ? » dit même un Soulblighter qui utilisa ainsi son quota de mots pour la journée. Halvorc, soutenu par les autres, se fit féliciter à  tout va. Il n?en revenait pas lui-même d?avoir pu ainsi tenir tête à  une folle qui le menaçait. Il remercia mentalement son personnage de Traumen. Jamais dans la réalité il n?aurait pu être aussi brave? ?et aussi fou.
Derrière Erzébeth Bathory, une ombre remua. Une ombre que personne n?avait entendu descendre les escaliers, une ombre que personne n?avait remarqué pendant qu?elle faisait le tour du groupe, une ombre que personne n?avait vu éviter les fils avec adresse, une ombre dans les ténèbres, invisible parmi l?invisible, et qui se penchait maintenant à  l?oreille de la tueuse en série, murmurant des mots doux.
« Erzébeth Bathory? Belle et terrifiante, et maintenant réduite à  l?état de larve pitoyable. Vaincue et dominée par un simple humain aux belles paroles, quelle déchéance pour une dame de votre rang et de votre prestance? »
Bathory se tourna vers l?homme derrière elle, et aperçut une face horriblement belle. Horriblement belle, parce que tellement parfaite qu?elle en devenait effrayante. Loki esquissa un sourire atrocement séduisant, et lui posa une main sur l?épaule. Le contact était chaud et désagréable, mais Erzébeth ne pouvait s?en soustraire.
« Ne me dis pas que tu l?as cru ? Dis-moi plutôt que tu fais semblant de pleurer pour mieux les berner, et ainsi relâcher leur attention. Comme maintenant. Ainsi, il te suffit de lever ton arc magique? »
Erzébeth affermit sa prise et se redressa, dans l?indifférence générale.
« ?de le bander avec une flèche de haine? »
La flèche rouge réapparut.
« ?encore plus irritée que la dernière? »
Elle se mit à  luire comme jamais.
C?est là  que Soulblighter s?aperçut que l?arc était pointé sur Halvorc.
« ?et tu lâches tout, maintenant. Le tour est joué.
-Je vais te réduire au néant dont tu n?aurais jamais dû sortir, sale petite vermine !!! » exulta Erzébeth Bathory en retirant ses doigts, envoyant la flèche écarlate en plein sur la tête d?Halvorc, là  où sa haine était principalement dirigée. Aucun besoin de réellement viser, ou d?être particulièrement bon en tir à  l?arc, la flèche atteignait son but.
Soulblighter se jeta sur Halvorc, et la flèche ne lui arracha que quelque mèche de ses cheveux. Elle poursuivit néanmoins sa course, droit vers un nouveau but. Loki sourit de plus belle, se permettant même un ricanement de jubilation. Les autres, tous les autres, furent saisit d?un effroi sans limite.
Le Ragnarök, l?Apocalypse du monde nordique, la chute des Dieux et leur disparition, allait débuter bien plus tôt que prévu.
La flèche fonçait vers Thor, paralysé.

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La vie est faite d'obstacles à  surmonter pour progresser...
...moi je passe à  côté...


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MessagePublié: 17 Juil 2005, 07:11 
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Pamplemousse Panchromatique
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Inscription : 28 Avr 2004, 01:00
Message(s) : 6475
Localisation : Paris, France.
Ca, c'est du cliffhanger.
La conclusion de ce chapitre est excellente, et il faut bien ça pour rattraper les lignes qui précèdent.


Sautez le spoiler si vous ne voulez pas lire du mal de ce texte.

[spoiler]Entre un syndrome OOC (Out Of Character) qui foudroie littéralement Halvorc et Séphira, un passage décrivant les trois nornes du temps que tu as mis au présent alors que le texte est au passé simple de narration et à  l'imparfait, une mise en scène inégale (l'arrivée du boss final très bien préparée malgré la Grosse Voix de Méchant en caractères gras qui me rappelle de tristes souvenirs de mes premières fics, tandis que le passage où Nina casse sa vaisselle parce que Serge l'a troublée est à  se taper la tête contre les murs tant c'est cliché et mal réglé), une relative indigence du style (quelques belles envolées, mais l'emphase n'est pas soutenue par un travail sur le rythme des mots), une grosbillisation pas mieux gérée qu'avant (oui, le boss sans nom est trop fort, même un Dieu nordique ne peut lui résister !) et quelques mauvais dialogues, c'est... quelque peu... perfectible...[/spoiler]


Ce qui rattrape tout, c'est la brutalité qu'acquiert le texte à  présent que les chapitres de "rallonge artificielle de durée de vie", pourrait-on dire, sont loin derrière (et, espérons-le, disparus à  jamais, je ne veux plus lire de passages de pur remplissage comme ça :cry: ). Les péripéties mordent, les images frappent, les paroles cinglent. Il y a de l'ardeur dans ces lignes, de l'action, enfin, et il y a davantage d'âme dans un paragraphe où cette chère Bathory se croit sur un stand de tir que dans tout le chapitre de massacre débile des Dames Blanches ! Car l'important, bien sûr, n'est pas que la scène décrite comporte des explosions, une fusillade, quinze éventrations ou que sais-je encore, un combat épique contre un monstre géant... l'important, c'est qu'il y ait du sens là -dedans, que les protagonistes se battent pour quelque chose, que l'on ressente du vécu dans leur cheminement. A partir de là , on peut rendre un dialogue de deux adolescents devant une télévision plus passionnant pour le lecteur que le choc frontal de deux armées comptant chacune des millions d'hommes.



En quelques mots : "Traumenschar", c'est mieux qu'avant.

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MessagePublié: 19 Juil 2005, 21:02 
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Songes de louve

Inscription : 09 Juil 2004, 00:25
Message(s) : 496
quelle abnégation dans la critique :lol:

magnum, quoi que tu en penses, ton fan numéro semble bien être DN ;)

cela dit j'espère bien n'être jamais inclus dans cette histoire :vitri:

[spoiler]
PS : à  ceux qui courent vers mon post, et non pas de textes de LC sur la section (ne me haissez pas, je sais :oops: :lol: )[/spoiler]


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MessagePublié: 25 Juil 2005, 14:11 
Hors-ligne
Extincteur des ténèbres
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Inscription : 14 Juil 2004, 15:32
Message(s) : 651
Localisation : Dans le coté obscur de la force.
11. Ragnarök ?
Il fit se garer la voiture non loin de la résidence de DragonNoir. Il sortit et vérifia l?adresse. Il était bien arrivé, sans encombre. Personne n?était dans la rue, personne qui pouvait le reconnaître, aucun Trauménien. À première vue. Seul un homme habillé entièrement en jean, marchait sur le trottoir. Cet homme le dévisageait.
Il détourna le regard et leva les yeux sur l?immeuble. Son humeur s?était quelque peu assombrie depuis son arrêt improvisé sur l?autoroute. Il ne se rappelait plus vraiment de ce qu?il y avait fait. Son chauffeur lui avait dit qu?il avait passé un coup de téléphone, mais il ne se rappelait plus à  qui, ni pourquoi.
Ce n?était pas la première fois que ce genre d?amnésie passagère lui arrivait, et cela avait le don de l?énerver passablement. Les meilleurs médecins s?étaient penchés sur son cas, mais sans succès. Il en était venu à  l?accepter, mais chacune de ses absences était pour lui synonyme de torture : Qu?avait-il fait ? Qu?avait-il dit ? Qu?avait-il pensé ?
L?homme vêtu de jean ralentit à  son approche.
Certaines pouvaient durer seulement quelques secondes, d?autres des heures. Et à  chaque fois, il ne se sentait pas partir. Il se retrouvait dans divers endroits, diverses situations, parfois compromettantes, et souffrait de vertiges et de nausées. Puis tout ceci passait, et la vie reprenait son cours normal.
Il regarda sa montre, et son c?ur accéléra. Pour la première fois, alors qu?il se dirigeait vers l?appartement de DragonNoir afin de les aider, il se sentit partir. Réellement partir. Il sentit des doigts froids lui serrer le c?ur et l?âme, et presser comme un simple fruit. Et il s?entendit parler à  cet inconnu en jean, juste avant que tout bascule.
« Tu es prêt ? dit la Voix. Allons-y. »

[center]*
* *[/center]

Qu?est-ce qui s?est passé? ?
« Attention ! Attention vous allez lui faire mal !
-Je crois qu?elle a déjà  mal, crétin ! »
Qu?est-ce que j?ai fait ? Pourquoi tout est trouble autour de moi ? Pourquoi je n?ai même pas la force d?ouvrir les yeux ? Je ne me souviens pas?
« On doit rentrer. On doit rentrer maintenant, pendant qu?elle est encore en vie? Enfin? Vous me comprenez ! »
IL ? Rentrer ? Sur Terre ? Que s?est-il passé ?
« Et si elle rentre avec cette blessure sur Terre ? Qu?est-ce qu?on fera ? »
Halvorc? Ah, mais pourquoi mes paupières sont elles si lourdes ? Je me souviens d?Erzébeth, de son arc, et de Soulblighter qui sauve Halvorc, mais ensuite? Thor?
« Et bien si elle rentre sur Terre avec cette blessure et qu?elle meurt à  nouveau, on lui aura donné au préalable une autre pilule, et ainsi aucun problème. Là , je ne sais pas ce qu?il se passe lorsqu?on meurt en étant déjà  mort. »
Je meurs ?
« Et je n?ai pas de pilule en surplus. Qu?elle la prenne maintenant, on verra avec les autres, une fois revenus.
-Si elle tient le coup. »
La flèche? Sur Thor? Oh non, je me souviens? Qu?est-ce qui m?a prit?
« Mais qu?est-ce qui lui a prit de faire cette connerie? On en a rien à  foutre de leur Ragnarök, à  eux autres ! Sauf votre respect?
-Je comprends. »
Thor. Il est en vie. Je? J?ai compris?
« Mais cette jeune personne m?a sauvé la vie, et ainsi celle de nombreux autres Dieux, bien que l?heure de notre combat ne soit que reportée.
-Même Heimdall n?a rien pu faire !
-Crois-moi, petite Shannia, si j?avais pu sauver Thor, si j?avais senti la chose arriver, je serais à  terre en lieu et place de cette petite. »
Je l?ai sauvé. Je me suis interposée. Et maintenant?
« Odin n?a pas eu le temps de m?expliquer clairement votre situation, mais vous devez repartir, au plus vite.
-Oui ! Allons-y, repartons !
-Ne soit pas si pressé, IL. Tu étais juste à  coté d?elle, et tu aurais pu l?empêcher de faire cette connerie.
-Eh ! Ho ! Arrêtez les gars, ce n?est ni le moment, ni le lieu pour se fritter la tronche. »
Et maintenant, je me sens mourir.
« Prenons notre pilule et barrons-nous d?ici. »
Je me sens mourir, et je suis terrorisée.
« Partir ? Vous devez partir ? Maintenant ?
-Oui, Shannia. Et nous sommes pressés par le temps? Désolé?
-Ce n?est rien, Halvorc? Ce n?est rien? »
Bruits de bouches, de mastication. Tout s?embrouille. J?ai l?impression de me revoir entrain de flotter dans les airs, comme lorsque nous sommes arrivés sur l?Yggdrasil. Ou était-ce sur Midgard ? Je ne me souviens plus? Aaahh? Cette flèche? Mon ventre?
« Mais où a-t-elle fourré la sienne ?
-DTC ?
-IL, ce n?est vraiment pas le moment ! »
Qui me touche ? Qui me fouille ? Halvorc ? Soulblighter ? IL ? Un Dieu ? Un Ange ? Ou peut-être un des démons qui a aspiré Hilde dans un des nombreux Enfers existants? Je ne veux pas? pas ici? DragonNoir !
« La voilà  ! Je lui donne?
-Dépêche-toi, je me sens partir. »
On tripote mes lèvres, on ouvre ma bouche. Ce n?est pas très agréable. Mais au moins, je me sens encore vivre, si tant est qu?on peut se considérer vivante une fois morte assassinée par une hache? Douleur dans le ventre? On veut que j?avale ça, mais je n?ai plus de salive? Je sens mes poumons s?oxygéner, mais pas assez pour leur dire?
Leur parler?
J?ai vu Loki, et il est peut-être encore là ?

« Je n?y arrive pas? Ah ! Ça y est ! Je pense qu?elle l?a avalé. »
Il est coincé dans ma gorge.
« Oh merde, c?est pas super agréable, comme sensation.
-Normal, IL. On rentre. On ressuscite. Faudra demander à  Jésus et Lazare si pour eux, c?était agréable. Oh, ma tête tourne?
-J?ai soif. »
Je ne l?ai pas avalé. Comment leur dire ? Ma langue est lourde. Mes paupières, mes bras, mes jambes, mon esprit. Il est lourd. Je sens la pilule se dissoudre néanmoins, dans le peu de salive qu?il me reste. J?ai une chance.
Il le faut.

« Je m?assois, les gars, désolé. Je me sens patraque.
-Regarde tes pieds, Halvorc ! Ils s?estompent !
-Tout comme tes mains, IL.
-J?ai soif. »
Elle est tombée, je crois. Je l?ai avalé. Ça doit marcher, je me sens partir. Ça doit marcher. Il faut que ça marche ! DragonNoir, il le faut !
« Bon, j?arrive plus à  bouger, je me sens partir.
-Et dire qu?on n?a même pas eu le temps de dire au revoir à  tous nos amis !
-J?ai s?
-La ferme, Soulblighter ! »
Pourvu qu?on se retrouve tous chez DragonNoir.
Pourvu qu?on revive.
Pourvu qu?


Halvorc fut le premier à  disparaître entièrement. Puis ce fut le tour de Soulblighter, qui grommelait à  voix basse qu?il avait tout de même soif, et enfin IL. Shannia s?approcha de Séphira, fiévreuse et toujours aussi?
?matérielle. Elle se tourna vers Thor.
« Vous croyez que?
-Ça a marché, regarde. »
Séphira Strife disparut lentement, en bonne dernière, mais aussi complètement que les trois autres Trauméniens. Shannia se leva et regarda vers les fils. Il était d?ailleurs difficile de faire autrement. Elle lança un soupir triste au vide environnant.
Derrière elle, Erzébeth Bathory se débattait dans les bras de Njörd et Freyja, qui avait récupéré son âme. Hel et eux s?étaient disputés pour l?obtenir, mais les Vanes avaient fini par l?emporter, non sans céder quelques privilèges à  la fille de Loki.
Loki, justement, remontait en sifflotant l?escalier. Il allait rejoindre une de ses nombreuses concubines de part l?Yggdrasil et se détendre, soit en copulant avec, soit en la battant à  mort, comme il aimait. En ce moment, il comptait simplement regagner son appartement, sans autre chose en tête que de disparaître un moment.
Ce qu?il ignorait, c?est que les représailles allaient arriver bien plus tôt que prévues. Une fois qu?il fut à  Asaheim, dans son immense demeure richement décorée, et qu?il s?était installé sur son trône, il s?accorda un bref instant de répit. Il claqua des doigts pour qu?une servante vienne lui octroyer quelques massages, et attendit.
Son esprit vagabondait, sans songer une seule seconde que la personne qui approchait pouvait être quelqu?un d?autre que sa servante légèrement vêtue, sans penser que cette personne avait un sourire mauvais de l?homme qui doit accomplir une mission sanglante qui lui plaît, sans penser que son existence allait bientôt basculer dans le cauchemar.
Derrière lui se dressa brusquement Albert Fish, le tueur en série. Le hurlement de Loki ne dépassa pas les portes de la salle où il ne reviendrait probablement jamais.

[center]*
* *[/center]

Jamic accepta facilement de servir d?opérateur téléphonique inter-Trauméniens, lui qui se sentait un peu mis à  l?écart et voulait se rendre utile. Il fut formé en une heure par un Ionisateur Fou survolté, qui ne cessait de l?abreuver de recommandations aussi nombreuses qu?utiles, parfois dans l?ordre, souvent comme elles lui venaient. Mais Jamic s?en sortit parfaitement bien dès ses premiers essais en solo.
« Surtout, lui dit le Ionisateur Fou, tu surveilles en permanence cette jauge, sur le coté de l?unité centrale. Si jamais elle dépasse les 78%, tu passes les transmissions sur le mode automatique, tu relayes les ondes en mode nano-octets, pour éviter les perturbations, et?
-?et j?inverse l?alternateur de réception, je sais, termina Jamic. Ensuite, j?attends que la jauge redescende en dessous de 50, et là  je peux débrancher ta calculette pour la mettre en veille quelques temps.
-Une heure ! intervint le Ionisateur Fou. Une heure minimum. Ensuite, tu peux la rebrancher, elle aura rechargé ses accumulateurs internes, et elle aura soufflé aussi un peu. C?est qu?elle est énormément mise à  contribution, ma petite puce? »
Le Ionisateur Fou effleura amoureusement les touches de sa TI-89 custom, et Jamic cru presque entendre un ronronnement de satisfaction en réponse. Il mit ça sur le compte de son premier voyage en tant que mort. Et espéra réellement que ce fut le cas.
« Une fois que tu l?as rebranché, tu peux tout remettre comme avant.
-Très bien, je crois que j?ai compris.
-Pas de questions ?
-Aucune. »
Le Ionisateur Fou lui avait finalement dit que si jamais un problème apparaissait, Jamic pouvait simplement revenir l?appeler, et il viendrait le résoudre dans l?instant. Ensuite, ils étaient rentrés dans le calme tout relatif de l?appartement de DragonNoir. Un calme d?autant plus relatif qu?ils allaient être les témoins d?énormément de bouleversements, dans les heures qui allaient suivre.
Le congélateur numéro un sonna l?alerte chaleur.

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* *[/center]

Halvorc ouvrit les yeux sur un monde de froid, une ère polaire et givrée.
Sa première pensée fut simpliste, mais dans le ton : Zut, se dit-il, à  force de penser nordique, manger nordique et bastonner nordique, me voilà  débarqué en Norvège? Le froid environnant le fit frissonner, réveillant ainsi son épine dorsale et la plupart des nerfs de son corps qui se dégelait plus rapidement que la normale.
C?est ainsi qu?il prit conscience qu?il avait froid, que ses membres étaient douloureux et engourdis, et qu?il était manifestement entouré d?innombrables bacs en plastiques. Les pensées suivantes concernaient la résolution des différents problèmes précédemment cités, ainsi qu?une petite question toute simple qui lui trottait en tête : Mais où suis-je ?
Ses bras furent les premiers à  être dégelés entièrement, et les muscles reprirent leurs fonctions de mouvement dès qu?Halvorc réussit à  se souvenir de la façon efficace de les bouger. Puis se furent ses mollets, qui se contractèrent sous d?horribles crampes. Les larmes du Trauménien gelaient encore sur ses joues, mais la souffrance devenait pour lui le symbole de sa renaissance. Il revenait à  la vie.
La vie, avec son lot de joies, de peines, de douleurs physiques ou morales. La vie, avec ses réussites triomphantes et ses échecs cuisants. La vie, avec ses instants fugaces de bonheur parfait, et ses longs temps d?incertitude qui vous triturent le ventre. La vie. La vraie, la véritable vie. La seule et unique vie.
Halvorc entendit des sons étouffés au dehors, en plus de celui d?une alarme quelconque. Il remua une jambe et délogea un bac à  glaçon qui vint s?écraser sur son pied. Ses doigts, aux ongles encore bleus, se posèrent sur le couvercle du congélateur et exercèrent une pression. Une voix étouffée, à  l?extérieur, dit quelques mots incompréhensibles pour lui.
Il poussa à  nouveau, mais il n?arriva qu?à  s?arracher un grognement de rage et d?impuissance. Ses muscles ne s?étaient encore pas remis, et un mal de tête lui martelait le crâne. Il se représentait un cerveau dans un micro-onde, chauffant, chauffant jusqu?à  l?extrême, et se demanda si sa boîte crânienne exploserait sous la pression d?un cerveau en train de bouillir. Il chassa les résultats mentaux des tests.
« Zette vois-zi, z?est la ponne? »
Il prit de nouveau appui sur ses pieds qu?il sentait encore pris par le froid, et poussa. Mais pas seulement avec ses mains, mais avec son dos. Un immonde bruit de succion plus tard, il réussit enfin à  déplier complètement ses jambes.

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* *[/center]

Soulblighter ouvrit les yeux sur un monde caramel.
S?il avait été encore dans son corps Trauménien, avec sa conscience Trauménienne et ses capacités, il aurait deviné aisément la nature exacte du liquide ambré qui lui voilait la vue, ainsi que le degré d?alcool, la marque exacte de la bière et peut-être même son origine.
Mais Soulblighter était redevenu humain. Humain, et surtout vivant. Il resta un moment interdit, examinant chaque bulle, chaque morceau de liquide gelé étalé devant lui. Puis il sentit sa nuque craquer, et une aiguille chauffée à  blanc lui transperça la colonne vertébrale. Comme si ça ne suffisait pas, la douleur s?écoula ensuite comme des milliers d?araignées dans l?ensemble de son corps.
Il voulu hurler, mais ne réussit qu?à  émettre un halètement plaintif, dont il ne fut même pas sûr qu?il soit sortit de sa bouche ou de son esprit. Soulblighter se concentra sur la bière solide, comptant les bulles, les classant de la plus grosse à  la plus petite, tandis que le mal s?atténuait et que ses muscles se crispaient.
Il sentit une vague de chaleur lui transpercer les bras et les jambes, puis put enfin dégager sa tête de la substance gelée. La bouteille avait manifestement explosé sous la pression du liquide réfrigéré. Il se demanda qui avait été assez bête ? bien que Soulblighter ait employé un autre mot que bête dans son for intérieur ? pour mettre une bouteille pleine dans un congélateur. Il songea au gâchis et en fut triste.
Puis une autre question s?imposa à  son esprit en plein réveil. Une question amenée par un fouillis inextricable de relations et de raisonnements : Si la bière avait explosé, c?est qu?elle avait gelé. Si elle avait gelé, c?est que la température était en dessous de zéro. Ainsi, la bière se trouvait bien dans un appareil de type congélateur. Si Soulblighter pouvait voir la bière, c?est qu?il était lui-même dans le congélateur.
La question était donc la suivante : Après celle concernant l?être stupide qui avait été mettre de la bière dans un congélateur, Soulblighter voulait maintenant savoir qui avait été assez abruti pour le mettre lui dans ce même congélateur. Et dès que ses jambes, cuisses, mollets et pieds furent assez ressaisis pour être mis en branle, il s?activa afin d?en connaître la réponse au plus vite.

Halvorc descendit du congélateur, grelottant et aveuglé par la lumière, la véritable lumière du jour. Ses sensations étaient décuplées après ce séjours de plusieurs jours dans l?au-delà . Il sentait les odeurs des autres personnes qui le soutenaient. Il touchait leurs bras, leurs mains protectrices, leurs corps sécurisants. Il voyait la lumière filtrer à  travers ses paupières closes. Il goûtait sa salive au goût amer et fermenté. Il entendait le brouhaha, les paroles, les exclamations, les questions, et le bruit d?un congélateur qu?on ouvre.
Et un sixième sens, aussi bref qu?imprécis, lui donna une image clair de ce qui se déroulait sous les yeux des autres Trauméniens : Soulblighter émergeait de son congélateur, manquant de peu d?assommer Lord Satana avec le couvercle, et il retombait mollement au fond de l?appareil réfrigérant, trop épuisé pour se maintenir.
« Il est en vie, crachota Halvorc. Il est en vie? »

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* *[/center]

IL ouvrit les yeux sur un monde de ténèbres.
Sa première réaction, due à  son instinct animal enfoui au plus profond de chaque être, fut de se dégager de ce qui l?étouffait. Il n?arrivait pas à  respirer, à  emplir ses poumons d?air. La panique l?emporta sur la raison, et il commença à  lutter. Mentalement. Car son corps refusait de lui obéir. Il sentait son bras collé à  ses voies respiratoires, bouche et narines, les obstruant involontairement.
Il roula des yeux, incapable de bouger, songeant que sa dernière heure était peut-être arrivée. Pour la deuxième fois, songea-t-il. Cette pensée farfelue le calma, et il découvrit avec soulagement qu?il pouvait respirer un peu d?air s?il s?y prenait doucement. Le fin tissu de son tee-shirt ne se collait à  sa bouche que s?il aspirait l?air trop violemment. Il se contraignit donc à  réguler sa respiration.
Je l?ai bien cherché, après tout. J?ai tout foiré, alors que j?avais les clefs en main dès le départ. C?était peut-être une punition divine pour avoir trahi mes compagnons ? Hmpf? Divine, oui, peut-être ? Mais quels Dieux ? Quel panthéon de divinités ? Si chacune existe selon les croyances, comment savoir si? Gnnnh !!!
Le système nerveux de IL se remit en route, comme les autres, et des larmes de douleur se cristallisèrent sur ses yeux. IL cligna plusieurs fois des paupières pour les chasser, et serra les dents. Punition divine ou non, ça fait foutrement mal ! Une fois libéré de son supplice, IL parvint à  remuer ses jambes, et ses bras. Il retira son avant-bras de ses lèvres, et pu enfin avaler une longue goulée d?air froid.
Il dégagea son autre bras et réussit tant bien que mal à  se retourner, et c?est ainsi qu?il découvrit l?intérieur du couvercle du congélateur.
Quel accueil chaleureux, pensa IL avant de pousser.

Halvorc regarda Soulblighter qui peinait à  ouvrir les yeux. Entourés par une effervescence de Trauméniens agités et enveloppés dans des peignoirs tièdes, les deux revenants goûtaient de nouveau aux joies de la lumière, de la chaleur et du bruit. Mais ils étaient heureux d?être là .
« Argh. Ça fait trop mal.
-Je sais, mais tu verras, tu vas vite pouvoir voir à  nouveau. »
Prit dans l?élan général de bien-être, Halvorc posa une main encore froide sur l?épaule détrempée de givre de Soulblighter. Celui-ci leva un regard plissé vers son compagnon, et sourit. On pouvait lire dans ce sourire un océan de gratitude, envers Halvorc et envers tous les autres qui le soutenaient en ce moment même.
DragonNoir allait et venait en tout sens, quelque peu débordé par la soudaineté des retours. Il apportait des boissons chaudes, tout en s?évertuant de calmer les ardeurs des Trauméniens trop pressés d?avoir des réponses.
« Vous avez retrouvé Séphy-Roshou ?
-Quels Dieux avez-vous rencontré ?
-Ça fait comment de mourir ?
-Comment c?est, le monde des scandinaves ? »
Les deux Trauméniens, à  peine revenus de leur périple, affrontaient alors leur pire épreuve : les interrogatoires de leurs semblables. DragonNoir imposa le silence, et il fut écouté. Au bout de quelques minutes. Longues minutes.
« Tout d?abord, est-ce que tout s?est bien déroulé ? »
Ce fut Halvorc qui répondit. Soulblighter sirotait son chocolat chaud avec ardeur, savourant chaque gorgée de chaleur avec un plaisir non dissimulé.
« Mis à  part quelques problèmes d?ordre mineur, tout a été comme sur des roulettes. Est-ce que? » Il hésita à  poser la question. « Est-ce que Séphira est déjà  réveillée ?
-Aucune idée, mais moi je le suis. »
Et IL se mit à  tousser avant de tomber à  la renverse, rattrapé in extremis par Gorgon_Roo qui eut le réflexe chanceux.

*
* *

Séphira ouvrit les yeux dans un monde de chaos.
Aucune lumière, ou presque, mais une sensation de mouvement incessante. Du bruit, des paroles, des éclats de voix. Peu de rires, plus de pleurs. Elle tâtonna de la main sur une terre désolée, sèche et qui avait une sensation étrange. Une sensation diffuse. Comme si cette terre, où elle était allongée, n?existait que parce qu?elle croyait qu?elle existait.
Séphira tenta de ne pas penser l?inverse, et se hâta de faire virer ses pensées sur un autre sujet. Une main l?effleura, comme pour répondre à  ses attentes. Elle se retourna en une seconde, sur le qui-vive, et ce qu?elle vit comme une silhouette d?homme recula, manifestement effrayé par tant de rapidité.
« Excusez-moi, bredouilla-t-il.
-Non, répondit-elle sèchement. Je veux dire, c?est moi qui suis un peu nerveuse.
-Vous venez d?arriver, dit l?homme. Je vous ai vu apparaître?
-Apparaître ? » répéta Séphira Strife. Les derniers événements se remirent en place, et elle revit en quelques secondes Erzébeth tirer, Soulblighter sauver Halvorc, puis elle sauver Thor. Puis, la pilule, et la sensation d?engourdissement qui la gagnait.
Pourvu qu?on reparte tous d?ici, avait-elle voulu penser à  la fin. Mais elle n?en avait pas eu le temps. Et maintenant, elle avait atterri dans un autre monde, apparemment. Un monde assez peuplé, de ce qu?elle pouvait en juger par le nombre des personnes présentes autour d?elle. Une image lui traversa soudainement l?esprit.
Sous les yeux étonnés de l?homme inconnu qui l?avait abordé, Séphira se mit à  retourner toutes ses poches, puis à  se faire une fouille corporelle, le tout en jurant en québécois. La scène insolite dura quelques minutes, puis elle abandonna, manifestement dépitée.
Je ne l?ai pas. Je ne l?ai plus. Je ne peux plus rentrer. Le fait que j?ai avalé cette satané pilule n?a rien changé : La flèche de cette vieille folle m?a bel et bien tuée une seconde fois. Et me voilà  avec un troupeau d?âmes errantes. La joie?Le bon coté, c?est que je suis toujours consciente, et dans mon enveloppe corporelle de Trauménienne. J?ai peut-être encore une chance de rentrer sur Terre.
« Ahem.
-Hmm ? Quoi ? Pardon, vous disiez ?
-Je vous demandais comment vous étiez morte ?
-Ah. C?est un peu compliqué, en réalité. » Elle toussota. « Si je vous dit que je me suis suicidé avec trois amis à  moi pour en sauver une autre décédée mystérieusement, et qu?arrivée dans le monde des Dieux nordiques, une folle armée d?un arc maléfique m?a transpercé d?une flèche, vous me croiriez ? »
Ce fut au tour de l?homme de tousser. Puis il lui sourit.
« Ça a le mérite d?être moins ennuyeux que de mourir en achetant un journal. Je me présente : Dan Sofres, et c?est ce qui m?est arrivé avant que je me retrouve en ces lieux inconnus. Je suppose que vous n?avez aucune explication ? »
Séphira avait en réalité des milliers d?explications possibles, mais elle préféra se taire. Tout ceci était bien trop compliqué. Elle haussa les épaules et secoua la tête en signe de dénégation. Sofres acquiesça poliment, puis l?invita à  le suivre parmi la foule.
« Plus le temps passe, plus nous sommes nombreux. Vous êtes, à  ma connaissance, la dernière à  être arrivée. J?ai formé un petit groupe de? ?disons d?explorateurs, pour tenter de comprendre le pourquoi et le comment de notre venue ici.
-Vous avez déjà  une idée ?
-Aucune, répondit Sofres aussi sincèrement que possible. Nous n?avons aucun lien, aucune origine similaire, aucune nationalité commune, ni passion collective. En effet, rien ne nous relie ensemble. » Il marqua une pause.
Séphira en profita pour l?examiner, à  la sombre lumière diffuse qui venait à  la fois de partout et de nulle part. Dan Sofres avait une trentaine d?année, bien qu?on avait singulièrement des difficultés à  distinguer ses traits. Assez fin et élancé, il semblait tout de même assez robuste. Il portait un costume beige et un chapeau assorti.
Sofres se tourna vers Séphira.
« C?est peut-être ça, le lien ! Rien ! Rien ne nous uni, et c?est pour ça que nous sommes tous là  ! Je retiens l?idée, bravo. »
Il reprit sa marche, et Séphira ajouta farfelu à  sa liste d?adjectifs dans la description de Sofres. Ils arrivèrent vite devant un petit groupe de cinq personnes, dont une petite fille. Séphira se présenta succinctement, omettant volontairement les détails de son arrivée.
« Moi je m?appelle Hideo Nataka, dit un homme d?origine asiatique. J?étais entrain de conduire mon bus, lorsque je suis arrivé ici.
-C?est toujours comme ça, grommela un petit moustachu dans son coin. On est tranquille chez soi, devant son petite déjeuner, et on se retrouve balancé dans les emmerdes. Si je mets la main sur celui ou celle qui a fait ça? »
Séphira dévisagea un instant de trop le petit râleur, qui remua sa moustache en signe de désapprobation. Sofres intervint.
« Il s?agit de Paolo Carne, un acteur italien de l?ancienne époque?
-?je t?en foutrais, moi, de l?ancienne époque, jeune abruti?
-?et il est arrivé ainsi tout comme nous, sans raison apparente. » termina Dan Sofres sans même prendre en compte l?interruption. Par habitude, supposa Séphira. Son regard fut attiré par la petite fille, qui se cacha derrière les jambes d?une femme qui devait être à  peine plus âgée que Séphira. La femme lança un sourire.
« Excusez-là , elle est très timide. Elle n?a pas dit un mot depuis son arrivée, et nous ne savons même pas son nom. Nous l?appelons Isabelle.
-Bonjour Isabelle. »
La petite fille enfouit sa tête dans la cuisse de la jeune femme, qui éclata de rire en caressant la tête de l?enfant. Séphira comprit à  cet instant qu?elle n?était pas la mère de la petite, mais qu?elle avait prit le rôle sans peine. Sofres reprit la parole pour présenter le dernier membre du groupe : Un homme encore plus âgé que Carne, mais sensiblement plus posé et calme. Il sourit en tendant une main ridée et molle à  Séphira.
« Clyde Barrow, j?étais un représentant quasiment à  la retraite. Trimer toute une vie pour mourir quelques semaines avant les grandes vacances, y a intérêt d?être philosophe pour garder le sourire !
-Ou complètement con, approuva à  sa manière Paolo Carne.
-N?avez-vous pas noté une chose étonnante ? » demanda Dan Sofres à  Séphira Strife. Celle-ci regarda tour à  tour les six personnalités disparates qui composaient le groupe, mais ne trouvait pas de remarque intéressante à  faire.
« Nous sommes tous différents ? tenta-t-elle en paraphrasant l?idée de Sofres.
-Exact, et tous une nationalité différente. Pourtant, nous arrivons à  communiquer sans mal, et à  nous comprendre. »
Séphira se rendit compte de la justesse de cette observation. Un italien, un américain, une suédoise, une québécoise, et tous arrivaient à  correspondre sans mal, à  se comprendre. Elle n?eut pas le temps de plus s?interroger sur cet état de fait qu?un autre événement se produisait. La lumière baissa légèrement, puis une autre fit son apparition, dans le dos de Séphira Strife qui vit tout le monde basculer dans l?orange.
Une source de lumière chaleureuse et couleur soleil couchant venait de faire son apparition. La totalité des personnes présente apparaissait sous un nouveau jour à  Séphira, et elle pouvait à  présent prendre la mesure de l?immensité de la plaine recouverte d?individus décédés. Elle en frémit.
« Ça arrive souvent, chez vous, ça ? demanda-t-elle sans même se retourner.
- Non, on n?a même jamais vu ça, répondit Sofres. Vous avez une idée sur la nature de ce phénomène ?
-Aucune. »
Aucun être ne semblait bouger, paralysé par la vision d?une immense gueule béante et lumineuse. Seul les membres du groupe de Sofres, associé à  Séphira dorénavant, se regardaient les un les autres, formant tous inconsciemment la même question : Devons-nous y aller ou non ? Et se répondant tous mutuellement : Oui.
Alors le petit groupe de maintenant sept personnes, mené par Dan Sofres, se dirigea vers la puissance illumination cuivrée qui pulsait vers l?horizon.

*
* *

L'agitation était à  son comble dans l?appartement de DragonNoir : Les Trauméniens, excités par les quelques paroles prononcées par Halvorc, commençaient à  reprendre espoir et donnaient de la voix pour exprimer leur joie. On a retrouvé la trace de Séphy-Roshou, avait-il dit clairement avant de demander à  prendre du repos. On les avait alors mis dans une des pièces reconverties en chambre pour qu?ils puissent récupérer de leur voyage.
Q-Po était lui aussi débordé par l?effervescence qui bouillonnait autour de lui. Il avait déjà  dû par trois fois bousculer des Trauméniens et élever la voix pour pouvoir ne serait-ce que traverser un arpent de salle bondée. Et il songeait, à  raison, que tout ce brouhaha n?était pas forcément bon à  long terme.
« J?abhorre tout particulièrement ces démonstrations futiles et autres débauches outrancières de liesse, fit une voix dégoûtée près de lui. Et cette promiscuité, tout ces gens qui se touchent, c?est? ?répugnant.
-Affirmatif, répondit Q-Po à  Lord Satana.
-Il nous faut trouver un abri dans les plus brefs délais, sans quoi je crains de ne plus répondre de mes actes. Je risque même de dépérir. » Lord Satana fit une pause, pensif. « Est-il possible qu?il existe un au-delà  pour les êtres décédés dans ce type de circonstances ?
-Je doute avoir l?envie de tester, pour tout te dire, grommela Q-Po en franchissant un mur de Trauméniens heureux. Et pour le bunker, je propose le bureau du père de DragonNoir.
-Mais c?est prohibé !
-Je donne mon autorisation. »
Ils réussirent tant bien que mal à  atteindre le bureau, dont la porte était simplement claquée, et non verrouillée. Q-Po s?y engagea, suivit par Lord Satana qui jeta un ultime regard méprisant sur les étreintes réjouies avant de refermer la porte.
« Il en arrive en permanence? soupira DragonNoir qui avait déjà  élu domicile dans le bureau. Les Trauméniens appellent ceux qui ne sont pas encore là , et ils arrivent par vague. Je crains que l?appartement ne finisse par exploser.
-On ne peut pas les blâmer d?être heureux d?avancer? » commença Q-Po. L??illade que lui lança Lord Satana lui fit changer la fin de son discours. « ?néanmoins, un peu plus de calme ne ferait pas de mal.
-Une chance qu?Haschatan ne soit pas là , ou bien il aurait eut tôt fait de dévaliser le peu d?alcool que nous possédons. »
Il marqua une pause en se frottant les tempes. Q-Po prit ses aises et s?assit en face de lui, et Lord Satana préféra rester debout, adossé contre le mur dans une posture de réflexion. DragonNoir releva la tête, observant quelques instants ses deux compagnons, puis décida que le moment était finalement bien choisit.
« Je vais profiter de votre présence à  tout deux pour vous faire part d?une recherche que j?ai mené en compagnie de LIF et Jamic. Il s?agit de? »
Quelqu?un toqua à  la porte du bureau. DragonNoir ravala la fin de sa phrase, et invita le nouvel intervenant à  entrer. Arkh ouvrit la porte et passa simplement la tête. Lui aussi recherchait aussi le calme, mais un bureau avec trois autres personne était déjà  trop occupé pour lui. Il ne prononça que le strict nécessaire :
« Quelqu?un pour toi, à  la porte. »
DragonNoir s?excusa auprès de Q-Po et Lord Satana, puis retrouva le bruit et le mouvement en émergeant du bureau. Il traversa la foule et rejoignit tumultueusement la porte, tout en songeant que les derniers arrivants devaient être d?autres Trauméniens enrôlés par téléphone pour venir s?amuser.
Mais DragonNoir se trompait : Il s?agissait effectivement de Trauméniens, mais ils n?avaient aucunement été invités. Ils s?étaient invités, eux-mêmes. Il ouvrit la porte sur un petit adolescent replet à  la face rubiconde et transpirante, accompagné d?un autre jeune homme habillé entièrement en jean. L?adolescent exhiba un sourire carnassier.
DragonNoir le reconnu immédiatement.
« T? Toi ? »



FIN DE L?ÉPISODE 5 : MYTHOLOGIE SCANDINAVE.

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La vie est faite d'obstacles à  surmonter pour progresser...
...moi je passe à  côté...


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MessagePublié: 26 Juil 2005, 10:06 
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Pamplemousse Panchromatique
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Encore mieux. Peut-être pas encore ce que tu peux écrire de meilleur, mais on est loin du niveau moyen (douce médiocrité ?) de certains des chapitres précédents.
Guère de choses à  ajouter. Toujours les mêmes caractéristiques, OOC vibrant, mais qui se remarque moins de par l'intérêt suscité chez le lecteur par des évènements ô combien plus intéressants que les précédents, trame linéaire malgré un traitement qui réserve quelques bonnes surprises (la sortie des réfrigérateurs, assez fort, il faut le reconnaître), effets de style assez communs et outranciers (la mise en scène du sort de Loki, à  la limite du roman de gare) et on conclut par un cliffhanger commun, alors que l'on n'a guère eu droit qu'au fumet du fameux Ragnarök.
[spoiler]Les intentions de ce cher Méchant deviennent paradoxalement plus nébuleuses à  mesure qu'elles s'éclaircissent... à  croire qu'il souhaite le chaos pour le chaos, la destruction et le gain de pouvoir à  travers une foule de manigances, sans guère d'autres objectifs. Curieux et guère passionnant.[/spoiler]
Donc, toujours mieux. On repère moins de bourdes, c'est plus fluide... la recette prend davantage.

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MessagePublié: 31 Juil 2005, 18:12 
Hors-ligne
Extincteur des ténèbres
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Inscription : 14 Juil 2004, 15:32
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Localisation : Dans le coté obscur de la force.
ÉPISODE 6 : MAL?

1. ?dans sa peau.
1 Lui.
« Comment ça va, le gros ?
-Ça roule ? »
Les trois gamins s?esclaffèrent bruyamment à  la répartie cinglante du plus grand d?entre eux. Comme tous les jours, il les ignora, et poursuivit sa route. Il avait toujours été la victime de railleries sur son embonpoint de la part de ses camarades de classe, le tout le plus souvent accompagné de regards méprisants, voire de bousculades innocentes.
Et aujourd?hui, alors qu?il entrait en sixième dans un tout nouveau collège, il se rendait compte non sans un accès de tristesse, que rien n?allait changer pour lui. Les mêmes têtes brûlées le suivaient depuis l?école primaire, et ils ne comptaient manifestement pas le lâcher de sitôt. Il ferma les yeux et soupira le plus discrètement possible.
Un coup de pied, pas extrêmement fort mais suffisamment puissant pour l?envoyer à  terre, le fit crier avant de plonger sur le trottoir. Nouveaux ricanements satisfaits. Il resta le nez collé sur le bitume, insensible aux injures, et regarda les paires de pieds qui le dépassaient. Il sentit le mollard gluant et chaud couler sur ses cheveux en bataille, et ne put réprimer un sanglot de rage impuissante. Ses poings se serrèrent, vainement.
Ils étaient partis.
Il resta ainsi, dans l?indifférence générale des passants, et sortit un mouchoir en tissu de la poche de son anorak flambant neuf. Il le posa sur sa tête et frotta énergiquement, jusqu?à  en avoir mal au cuir chevelu. Ensuite, il consentit à  se lever. Il essuya ses larmes qui avaient tracé deux sillons propres sur ses joues salies par le sol et rangea son mouchoir. Il remarqua une déchirure sur le bras de sa doudoune.
Bof. Maman m?en rachètera une, de toute façon.
Il épousseta ses jambes et reprit sa marche. Ses cheveux étaient douloureux, son genou ? qui devait être écorché ? le lançait, et son amour-propre lui faisait également mal. Mais comme tous les jours, il avançait. Solitaire très tôt, il n?avait pas ou peu d?amis, et les rares qu?il se faisait étaient pour la plupart intéressés par ses facilités scolaires. Ils ne restaient pas longtemps avec lui.
Il arriva devant la grille de son nouveau collège, et fixa un moment les innombrables enfants et adolescents qui composaient une partie de la nouvelle génération. Il remarqua les fortes têtes, dont la bande qui le bousculait depuis toujours, les neutres qui pouvaient se fondre partout sans trop se faire remarquer, et les faibles. Les soumis. Son espèce.
Il franchit les grilles en baissant les yeux.

2 Eux.
Les jours reprirent leur emploi du temps scolaire réglé comme du papier à  musique, dispensant les matières et les professeurs parmi les heures de cours. Le Français, les Mathématiques, la Biologie, la Géographie, l?Histoire, le Sport, l?Anglais, l?Espagnol ou l?Allemand, ainsi que diverses options comme la Musique ou l?Art Plastique. Les habitudes reprirent rapidement leur place après la période des grandes vacances estivales.
Il était bon en tout. Il n?y avait aucune connaissance qu?il ne pouvait assimiler et, comme en primaire, il devint rapidement la coqueluche des professeurs. Il accumulait les bonnes notes aux contrôles, savait ses leçons sur le bout des doigts, et en quelques semaines seulement, son nom devint un synonyme de réussite.
Malgré cela, les brimades continuaient lors des intercours, des récréations et une fois sortit de l?enceinte du collège. Ainsi qu?en cours de Sport, où son intelligence ne pouvait pas l?aider à  sauter les haies, à  courir plus longtemps ou à  se tenir à  la force de ses bras sur les barres parallèles. Son obésité lui causait du souci, mais il en avait toujours été ainsi, et il ne s?en souciait guère. Ses notes dans les autres matières lui valaient une immunité diplomatique dans la discipline sportive.
Mais cette exonération de remontrances sévères vis-à -vis de son professeur d?éducation physique et sportive ne l?empêchaient pas d?être la tête de turc de la sempiternelle bande qui lui cherchait des crosses. Eux aussi étaient devenus réputés dans le milieu, mais pas pour les mêmes raisons : Le groupe de trois avait perdu un des membres, qui avait préféré se ranger du coté des neutres, mais il avait récupéré un sinistre individu, redoublant, qui avait rapidement gagné la place de leader.
Jacques Lainé avait lui aussi été dans la même école primaire que les autres, mais il avait un an de plus. Il était en deuxième année de sixième. Grand, plutôt bien bâtit et avec un physique avantageux dont il abusait sans compter avec la gent féminine, c?était le type même du rebelle qu?on trouve dans chaque salle de classe, cancre, dans le fin fond de la classe et recherchant toujours de nouveaux moyens pour braver l?autorité.
Sébastien Muñoz s?était greffé à  lui. Il avait été l?ancien ?chef? des élèves dissipés, mais il avait sans remords laissé sa place à  Lainé. Typé, une peau mat et un visage doux et avenant, il restait indétrônable lorsqu?il s?agissait de négocier avec les adultes, qui ne se méfiaient pas de son regard d?ange aux yeux bleus. Il gardait une place de choix.
Seuls les professeurs connaissaient le nom de Tony, une immense brute musclée et aux origines portoricaines évidentes. C?était la force de frappe de la bande, s?occupant de menacer et de mettre les menaces à  exécution. Si son esprit était relativement étroit, il compensait par un sens de l?obéissance et du respect hors normes. Il avait le même âge que Lainé, mais son redoublement s?était effectué quelques années plus tôt.
Le dernier à  avoir intégré la bande était un dénommé Benoît Blanchot, qui effectuait les basses besognes de ses camarades sans rechigner. Il avait de longs cheveux blonds filasse et arborait en permanence un sourire mi-amusé mi-étonné qui lui donnait un air benêt du plus bel effet. Et Benoît était en effet loin d?être une lumière. D?une taille moyenne, il n?avait que la peau sur les os, et peu de choses pour combler les cavités restantes. Le résultat était une fusion entre un fil de fer et une autruche attardée.
Il était donc le souffre douleur de ces quatre là , mais il avait prit son mal en patience, et espérait que la roue allait tourner, un jour ou l?autre. Mis à  part ceux-ci, les autres élèves étaient assez effacés pour être inintéressants, et rares sont ceux qui lui adressaient la parole. Il ne s?intéressait pas à  eux, et eux à  lui. Seules deux autres personnes de sa classe sortaient du lot commun, à  ses yeux :
La première était un solitaire, comme lui. Mais si lui n?attirait pas les autres, Guillaume Dastein rejetait ceux qui venaient à  lui. Dastein ne voulait pas de leur compagnie, Dastein était seul tout le temps, et il aimait ça. Il était vêtu de la même façon tout les jours, dans les tons sombres, et ne décrochait un mot que quand il le fallait absolument. Il était moyen en classe, discret et personne ne pouvait arguer le connaître vraiment. Il était fasciné par ce Guillaume Dastein et par son attitude désinvolte et hors des autres.
La deuxième personne était une fille. Elle s?appelait?

3 Julie.
Il l?avait vu dès la rentrée, cette jolie blonde aux yeux clairs. Bien qu?il soit encore trop jeune pour souffrir des affres de l?Amour avec un grand A, les sentiments qu?il vouait à  Julie Ulm étaient forts et puissants. Les semaines et les mois étaient passés, et ses émotions n?avaient cessé de croître. En début d?année, une fois les vacances de Noël passées, elle lui avait parlé pour la première fois.
« Tu peux m?aider pour cet exercice ? lui avait-elle demandé durant une heure d?études libres entre deux cours. Je n?arrive pas à  répondre à  cette question. »
Elle avait pourtant un bon niveau, mais le sien était encore meilleur. Il lui avait donc expliqué, bafouillant, rouge comme une pivoine, et elle l?avait remercié. Le soir, une fois rentré chez lui, il avait commencé à  consigner leur rencontre, leurs paroles, leurs échanges, dans un journal intime. Ce journal le suivra des années, et deviendra le seul témoin de sa vie. Un confident privilégié.
Jusqu?aux vacances de Pâques de leur première année commune, il se contentait de ces rencontres aussi courtes qu?insignifiantes, mais qui pour lui devenaient une drogue. Il voulait à  tout prix se faire remarquer d?elle, même si sa timidité maladive lui interdisait de faire le premier pas. Il en souffrait, mais il aimait cette souffrance.
Il la convoitait donc de loin, l?observant en cachette, rêvant d?elle dans un sommeil humide et agité, et se retrouvait à  chaque fois paralysé et bégayant lorsqu?elle venait lui demander quelque chose. Et bientôt, cette relation à  sens unique attira l?attention de la bande de Lainé, qui se moquaient ainsi d?elle et de lui, tant et si bien que la jolie Julie vint de moins en moins quérir son aide pourtant précieuse.

4 Retour chaotique.
Un jour, justement, où il s?était décidé à  voir Julie de son propre chef, et où Jacques Lainé et ses acolytes les avaient une nouvelle fois publiquement humiliés, il rentrait chez lui en ruminant de sombres pensées. Il n?était pas dupe, et il se doutait que si Julie rechignait de plus en plus à  le voir, c?était de leur faute, à  eux, ces quatre crétins qui n?avaient pour seul loisir que de l'injurier et de le mettre plus bas que terre.
Alors qu?il tournait, comme tous les soirs au coin de la rue qui menait chez lui, un pied se dressa en travers de son chemin. Il ne l?aperçut que trop tard, plongé dans ses pensées de vengeance, et s?étala lamentablement par terre, sous les hurlements de triomphe de Benoît Blanchot, qui levait ses bras maigres au ciel en beuglant de rire.
« Eh, v?nez voir les mecs, j?ai pêché une baleine !
-C?est pas une baleine, c?est le gros tas. Une baleine, t?aurais eu moins de risque de te faire péter le pied, sûr ! »
Les éclats de rires débiles fusèrent à  nouveau, et il sentit une pointe de pied s?enfoncer doucement dans les replis de ses côtes. Il tourna la tête de coté, et vit Lainé avec un sourire déplaisant sur son faciès qui commençait à  se remplir de boutons d?acné.
« Alors, gros tas, tu rentres chez toi à  pied ? Pas trop essoufflé de faire de la marche tous les soirs, comme ça ? »
Il ne répondit pas, et Lainé appuya encore son pied. Il serra les dents et les poings. Il ne voulait pas pleurer. Pas devant lui, surtout. Derrière, Muñoz et Blanchot riaient à  n?en plus finir, tandis que Tony surveillait les rues avoisinantes afin d?éviter une irruption imprévue.
« Peut-être que tu fais un régime ? poursuivit Lainé en retirant son pied. Peut-être que c?est pour plaire à  la belle et douce Julie ?
-Ne lui fait rien, elle n?y est pour rien. »
Lainé se baissa et le regarda dans les yeux. Les larmes lui brouillaient la vue, mais il soutint le regard méchant de son bourreau. Lainé lui attrapa une touffe de cheveux, et il lui tira la tête en arrière d?un coup sec. Il ne put réprimer un cri de douleur, et les larmes lui échappèrent pour couler sur ses joues.
« Mais c?est qu?il se rebiffe, le gros !
-Fous-lui un pain ! s?esclaffa Blanchot avant de se recevoir un coup de coude dans l?estomac par Muñoz.
-Tu y tiens, à  cette Julie, hmmm ? Alors pour ça? » Lainé se redressa de toute sa hauteur et le toisa. « ?il va falloir perdre ce que tu as ici !! »
La violence du coup de pied le projeta sur la chaussée, et il roula sur lui-même avant de se retrouver à  regarder le ciel. Ses côtes avaient pris feu en lui, et sa respiration était coupée. Il entendit vaguement Muñoz qui demandait à  voix haute s?il n?avait pas été trop fort sur ce coup là , puis il reconnu la voix de Tony qui leur intimait de courir, car quelqu?un arrivait.
Il se releva, pantelant, cherchant lui aussi à  se cacher de la personne qui allait tourner au coin. Par honte, mais aussi pour éviter toute question gênante. Il clopina sur quelques mètres, une fois le trottoir rejoint, et reprit son souffle. Tout le flanc droit le lançait à  chaque battement de c?ur. Il fit encore quelques pas, puis se pencha rapidement dans un jardin voisin pour vomir un liquide jaunâtre teinté de sang.
Il s?essuya sur sa manche, et rentra chez lui, maudissant les autres, maudissant la vie et se maudissant soi-même.

5 Le libraire de la rue Brouillard.
Lorsqu?il faisait le chemin tranquille, sans autres contrariétés que le temps qui virait à  l?orage ou une déviation de la route pour cause de travaux urbains, il avait deux escales où il ne manquait jamais de s?arrêter.
Le premier arrêt était la Boulangerie de madame Pasquin, où il achetait de quoi manger durant le trajet. Elle était située près du collège où il se rendait, et faisait la moitié de son chiffre d?affaire sur la vente de friandises aux étudiants. Et même si elle ne se montrait pas particulièrement aimable avec lui, il y passait le plus souvent possible, pour s?acheter deux ou trois pains au chocolats, ou des bonbons.
« Encore venu te goinfrer de bonbons ? » grommelait-elle à  chaque fois qu?il entrait dans son établissement. Elle changeait son discours en un ?bonjour? courtois seulement si d?autres clients étaient présents avec elle. Il la soupçonnait de ne pas l?aimer à  cause du relatif confort financier dans lequel il se trouvait. Mais était-ce de sa faute, si ses parents préféraient lui donner de l?argent de poche tout les jours plutôt que de s?occuper de lui ?
La seconde étape où il marquait une pause était une librairie, la seule de sa ville. Il aimait s?y rendre, flâner entre les rayonnages de revues aux sujets variés et intéressants. Il feuilletait les magazines de science-fiction, jetait un ?il aux bandes dessinées, glanait quelques informations dans la presse spécialisée. Il adorait cet endroit, qu?il considérait plus comme un chez lui que sa propre maison.
« Salut toi, déjà  fini l?école ? disait le libraire avec un sourire dès qu?il le voyait traverser la rue et entrer dans sa boutique.
-L?école est terminée, mais je poursuis mes études ici ! » répondait-il toujours, sans changer la phrase d?un iota, même s?il passait le dimanche matin et que tout deux savaient pertinemment que le collège était fermé. Le libraire était un véritable ami, à  ses yeux. Il lui parlait de tout : Ses embrouilles avec la bande à  Lainé, ses contrôles ratés ou réussis, ses envies, ses idées, ses problèmes.
Il lui avait même parlé de Julie, et le libraire le poussait tous les jours à  aller de l?avant, avec elle, qu?il surnommait affectueusement ?sa copine?.
« Si tu ne lui parles jamais, à  ta copine, avait dit le libraire un jour, ça ne risque pas d?avancer des masses !
-Mais je voudrais bien, moi, avait-il répondu. Mais ça va lui attirer des ennuis. Jacques Lainé ne va pas arrêter de l?emmer? de l?embêter.
-Tu sais, des gros mots, j?en ai entendu des pires que ça. » Et il ponctuait sa phrase d?un clin d??il, ce qui faisait rire le jeune garçon aux éclats. Ils s?étaient liés d?amitiés par hasard, se découvrant des passions communes pour les livres, la presse et les bandes dessinées. Et, au fur et à  mesure, leur relation s?amplifia, pour devenir ce qu?elle était.
Le libraire faisait office de père et de mère.
De famille.

6 Accord parental absent.
Chez lui, c?était toujours la même chose, et ce depuis des années : Fils unique, il avait l?impression de vivre seul dans son immense maison. Ses terrains de jeux étaient limités à  sa chambre, la salle de bain, les toilettes et la salle à  manger, le restant de l?immense habitation étant la plupart du temps vide.
Son père était courtier en bourse, et n?était jamais chez lui plus d?une demi-heure d?affilée dans la journée. Il passait de temps en temps prendre des dossiers, consulter ses mails ou arracher les feuilles de son fax personnel, mais il n?accordait que rarement du temps à  sa femme et son fils. Tout juste un simple baiser distrait, et encore.
Sa mère, elle, était présente, mais pourtant plus absente que son père. Elle occupait son temps en séances de remise en forme, en séances de bavardage autour d?un thé entre amies, en séances de stretching, en séances de télévision, en séances de repos découragé et pour finir les journées : en séances de levage de coude. Elle ne faisait pas les repas, elle ne se consacrait pas à  la maison ou aux autres, tout n?était qu?égoïsme.
Il s?était donc élevé seul. Une employée de maison lui avait préparé ses repas durant des années, mais il avait récemment prit l?initiative de se faire à  manger, seul, aussi. Il était, par obligation, rapidement devenu autonome et n?attendait plus rien de ses parents. Les rares fois où il les voyait se comptaient sur les doigts de la main, souvent à  l?occasion d?un repas officiel en compagnie des collègues de son père, ou bien lors de grandes réceptions hautaines où il était contraint d?assister.
Il avait apprit à  se laver, il avait apprit à  cuisiner en observant les servantes, il avait apprit à  se gérer seul de bout en bout, et cette façon de vivre, même si elle ne lui plaisait pas, lui semblait normale. Juste un mauvais moment à  passer. Il avait mené ses études d?une main de maître, sans recevoir ni sermons ni éloges de ses parents. Il n?avait jamais pu avouer, étant petit, qu?il était le seul de sa classe de maternelle dont le père n?avait pas prit le temps de lui apprendre à  lacer ses chaussures.
Il l?avait fait seul.

7 Déprime.
Sa chambre était son refuge, avec la librairie. Mais dans cette pièce où lui seul pouvait entrer, il savait qu?il pouvait se laisser aller totalement. Rire s?il en avait envie, pleurer si son c?ur était empli de chagrin. Et, ces derniers temps, depuis son entrée au collège, son c?ur débordait de tristesse en permanence.
Les premiers temps avaient été durs, avec la nouvelle bande qui s?était formée dès les premiers jours de la rentrée. Il en avait souffert, mais il avait tenu bon. Les insultes, les moqueries sur son poids, sur sa différence, il connaissait, ce n?était pas nouveau. Il savait comment les prendre, comment les ranger de coté dans son esprit, comment les oublier, ne serait-ce qu?un temps, et expulser sa douleur une fois chez lui, dans sa chambre.
Mais il n?avait pas été préparé à  ce nouveau sentiment, celui qu?il ressentait face à  Julie. Il n?avait pas compris immédiatement, bien que son esprit lui avait facilement fourni le mot amour en guise de réponse. Mais il n?avait pas voulu se l?avouer. Il ne cessait de penser à  elle, et il commençait à  croire qu?il arrivait à  tenir le coup grâce à  ses sourires, à  ses mots. Il se demandait jusqu?où il serait prêt à  endurer ces souffrances, pour elle.
Mais en cours d?année, les brimades s?étaient accentuées, et l?épisode du coup de pied dans les côtes s?était répété plusieurs fois depuis le premier incident. Julie n?en savait rien, mais elle était elle aussi en danger.
Il rentra donc dans sa chambre, en cette fin d?année scolaire, en cette fin de sixième, à  l?aube des mois d?été où vacances riment avec chance. Mais lui voyait ces mois estivaux comme un calvaire qu?il fallait supporter. Bien sûr, il n?aurait plus de problèmes avec Lainé, Muñoz, Tony ou Blanchot, mais ses activités en ressortaient grandement réduites, et l?ennui le guettait rapidement.
Il pouvait facilement s?occuper avec ses consoles de jeux, avec ses livres, avec ses jeux de sociétés, et même en avoir une panoplie de nouveaux. Il suffisait de demander à  sa mère, entre un cours de gym et une partie de bridge, et il aurait dès le lendemain tous les cadeaux qu?il désirait. Mais il n?avait personne avec qui les partager. Personne avec qui parler, en dehors de son journal et de son libraire.
Il envoya un coup de pied abattu dans une manette qui s?écrasa sous le radiateur, puis se jeta sur son lit, où il resta étendu, haletant après la montée des escaliers conduisant à  sa chambre. Il posa ses mains sur son ventre rebondit, et le caressa pensivement. Puis il envoya son poing dessus, et grimaça de douleur.
Il se haïssait. Il haïssait ses parents, ses amis, sa vie, tout. Il se frappa vigoureusement l?estomac, les côtes, se martelant de plus en plus violemment, se meurtrissant les chairs et l?âme. Il ne se rendit pas compte tout de suite qu?il pleurait. Il s?arrêta enfin, ahanant, le ventre couvert d?ecchymoses rouges vives. Il souffrait, mais il souriait. Il attendit que la douleur se dissipe, puis roula sur le coté et sortit un coffret de sous son lit.
Son journal intime.
Il l?ouvrit à  la page du jour, et chercha un crayon sur son bureau, non loin. Il tomba sur un stylo Mont-blanc puis le jeta au loin. Il avait en horreur ce stylo pour riche, que son père lui avait offert distraitement pour un anniversaire. Il finit par trouver un crayon de papier, abandonné en classe par un élève étourdi. Il regarda la mine émoussée, mais ne prit même pas la peine de le tailler avant d?entamer la rédaction de son journal.

Aujourd?hui était le dernier jour cette fastidieuse année de sixième. J?ai tant bien que mal réussit à  éviter Lainé et ses copains, ce qui me permet d?affirmer avec joie que cette journée n?a pas été si néfaste que ça.
Je n?ai pas vu Julie aujourd?hui. Je crois qu?elle m?évite vraiment. Le libraire m?a dit que je devais aller la voir chez elle, mais je ne sais pas où elle habite. Mais il m?a rétorqué que j?étais largement assez intelligent pour ouvrir les pages jaunes. Je vais peut-être le faire, je ne sais pas. Je n?arrête pas de penser à  elle.
Tout comme Lainé et sa bande, mais différemment. Ils ne me font pas peur. Mais si je pouvais? Ah? Si je pouvais?


8 Vengeance.
?je leur ferais ravaler leur langue jusqu?à  ce qu?ils étouffent.



Note : Je pars demain matin pour une semaine de vacances, je ne pourrais donc pas poster le chapitre suivant de Traumenschar samedi 6 août. En contrepartie, le samedi 13 août sera gratifier de deux chapitres, pour combler le retard prit. Sur ce, à  bientôt !

_________________
La vie est faite d'obstacles à  surmonter pour progresser...
...moi je passe à  côté...


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MessagePublié: 31 Juil 2005, 19:26 
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S.A.V de Lamenoire
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Inscription : 03 Mai 2004, 01:42
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Localisation : Montauban,France
en gros, les deux qui se trouvent devant la porte a la fin du chapitre précédent ne sont pas des trauméniens, et là , tu commence a nous raconter d'ou ils sortent. C'est bien ca?

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Une lame qui glisse silencieusement hors du fourreau, une gorge ouverte sans un cri, un corps qui glisse sans bruit au sol.

Voila une agréable soirée en perspective...


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