2. …heur.
14 Coup de téléphone.
« Séphy-Roshou est décédée. » dit la voix à l’autre bout du fil. De retour dans Sa maison de campagne, Il reconnut immédiatement la voix d’un de ses nouveaux petits protégés. Il Se leva et, téléphone à l’oreille, écouta patiemment l’homme raconter ce qu’il savait sur le décès d’une des emblèmes de Traumen.
« Est-ce le moment que nous attendions ?
-Je pense, oui, répondit-Il. Je pense que c’est exactement ce qu’il Me fallait pour mettre en route ma petite mascarade. Continue sur cette voie, et reste avec eux. Je t’enverrai du renfort en fonction de leur décision. »
Une fois le téléphone raccroché, Il descendit de Sa chambre et sortit de la maison pour une petite promenade nocturne. Il était dans un état d’excitation intense, car le moment qu’Il attendait depuis des mois arrivait enfin. Séphy-Roshou était morte, pour une raison encore inconnue, mais qu’Il ne tarderait pas à découvrir.
Son pouvoir grésillait dans Son corps, et quiconque l’aurait vu déambuler dans ces chemins de campagne aurait cru apercevoir un fantôme, tant Il irradiait de lumière. Heureusement pour Lui et Sa discrétion, personne ne s’aventurait en pleine nuit à la campagne, car tout le monde se levait tôt.
Le lendemain, certains des agriculteurs découvrirent avec stupéfaction des parcelles de leurs champs qui avaient brûlées, comme si on avait tracé un chemin avec une boule de feu de taille humaine.
13 Fury.
Fury avait les yeux grands ouverts dans son lit.
La voix du lutin ne l’avait pas lâché depuis la fin de la conversation du restaurant avec Mr.Magnum et les autres, et il ne s’était pas retenu de lui seriner sans fin les mêmes âneries :
Elle est morte ! Tu t’en rappelles, hein ? Morte. Tu n’oublieras pas, ne t’en fais pas, je serai là tous les jours, toutes les heures pour te le dire, te le rappeler : morte. Froide. Un cadavre. Tu te souviens comme elle était froide quand tu l’as frôlé ? Son cÅ“ur aussi était ainsi, froid, mort, ce cÅ“ur qui t’a aimé, qui a battu pour toi.
Fury ne luttait plus contre la voix. Elle l’envahissait, ne résonnant plus simplement à ses oreilles, mais dans sa tête, dans son être, dans son âme toute entière. Le lutin
Morte.
qu’il imaginait dansait sur sa cervelle comme on piétine un tas de fourmis. Et il piétinait effectivement toute pensée rationnelle avec ses
Froide.
pensées horribles et pénétrantes. Le pire, songeait Fury, c’est que ce petit démon avait raison, et c’était là le plus difficile à avaler : il avait raison de A à Z. Séphy-Roshou, la femme qu’il aimait depuis longtemps était morte et enterrée.
La voix changea alors soudainement de forme, et son ton, plus dur et ferme, devint subitement très éloigné du lutin excentrique incarné tout d’abord. Elle faisait maintenant plus songer à une sorte d’ombre noire, une ombre dominatrice et puissante, à la voix enjôleuse mais néfaste, pouvant provoquer la folie à long terme.
Et Fury commença à écouter cette nouvelle voix.
« Magnum a peut-être la bonne solution. Les Trauméniens ont accepté, et ils vont t’aider à la retrouver. Pars avec la première expédition, avec Mr.Magnum pour ne pas qu’il fasse de bêtises avec ta belle une fois retrouvée. Reste avec lui et toute la troupe. Et avec de la chance et de la volonté, tu la retrouveras. »
Le lit grinça, et Fury laissa échapper un petit cri de surprise. Il avait somnolé, et imaginé qu’une voix, une voix noire mais apaisante, lui avait parlé de se joindre à Mr.Magnum lorsqu’ils organiseraient le premier départ. Mais avait-il rêvé ? Avait-il vraiment entendu cette voix ? Il se tourna sur le côté, et tenta de se rendormir.
La nuit porte conseil, songea-t-il.
Il termina son verre de soda et le reposa sur Son bureau, près du clavier. Un courant d’air fit voleter les rideaux, et Il frissonna. L’hiver s’installait lentement, mais sûrement. Mais pour Lui, la chaleur et l’excitation qui Le transportaient depuis quelques temps L’empêchaient littéralement de ressentir la chute récente de la température.
Il vivait sur un petit nuage.
Un petit nuage noir.
12 Les Dames Blanches.
Il raccrocha et posa Son portable près de Son clavier. Devant Ses yeux, Traumen périclitait et vivait même ses derniers jours, et c’était plus ou moins Son Å“uvre. Il voyait les adeptes d’Ank qui floodaient en Son nom et qui avaient contribué malgré eux à la chute de ce forum. Mais pour Lui, ce décès n’était pas une fin, mais un départ.
La réunion qui avait eu lieu en novembre, pour un autre décès, marquait plutôt un début. Son début, même. Un gigantesque plan se mettait en place dans Son esprit, et les querelles internes qui apparaissaient entre les membres ne pouvaient que Le servir. Mais plus tard. Bien plus tard. Pour le moment, Il Se concentrait sur l’appel qu’Il venait de recevoir.
Le premier groupe allait voir les Dames Blanches.
Il Lui fallait un homme à Lui dans chacun des groupes qui partiraient en expédition. Ce groupe-là était déjà infecté et les autres le seront, Il y veillera. Son espion, Son traître, savait déjà comment les retenir plus longtemps dans le royaume des morts. Il lui devait énormément de choses, à ce traître, et Il devait bien avouer que sans lui, Il n’aurait pas pu faire grand-chose.
Et cet état de fait L’énervait.
Il n’aimait pas être dépendant d’un autre, ce n’était pas dans Sa nature. C’est pourquoi Il avait parlé à Fury. C’est pourquoi Il allait également faire la même chose avec Mathilde, ou Myat’Ala, alias la grande reine des Dames Blanches. Et si jamais il prenait l’envie à ce traître de retourner une nouvelle fois sa veste, Il le devancerait.
Il attrapa la souris et rafraîchit la page internet.
Il attendait qu’Angie sonne le glas.
Et dans ses appartements, Myat’Ala rêva d’une voix sombre et suave. Une voix qui prenait tantôt les accents de son pays natal disparu il y a plus de cinq cents ans, parfois les intonations de ses proches, présents ou passés. Une voix indéfinissable.
La Voix.
Quatre hommes et une femme vont arriver. Ils vont prétendre chercher une personne qui n’existe pas, une femme. Débarrasse-t-en dès que possible. Ils sont dangereux. Envoie les hommes ‘en bas’, dans votre fosse, aussi impuissants que possible. N’hésite pas à employer les grands moyens. Garde la femme et fais-en une puissante Dame Blanche, mais qu’elle ne parte plus jamais de chez toi. Je ne le répèterai pas.
Deux jours plus tard, une voix dans Sa tête le fit Se réveiller en sursaut. C’était la voix de son espion, qui L’appelait. Il Se frotta les yeux, S’assit sur Son lit et lui répondit.
Qu’y a-t-il ? Nous sommes bien arrivés, dit le traître. Comme tu l’avais dit, ils se sont tous transformés sans problèmes. Nous sommes en route pour le village. Parfait. Une fois sur place, trouve un moyen de les retenir. J’ai déjà le meilleur moyen : nous sommes partis sans qu’un moyen de retour ait été décidé. Ha ! Hilde était en train de plancher dessus, mais elle n’avait encore rien mis au point. Nous sommes officiellement perdus. Tant mieux. Par contre, il y a un problème avec Fury.
Il ferma les yeux, un sourire sur les lèvres. Il ne pensait pas qu’il le remarquerait si vite. Il l’avait mal jugé.
Un problème ? répéta-t-Il. Quel problème ? Je crois que quelqu’un tente de l’amadouer, de le posséder. Il semble parfois comme… …perdu dans ses pensées. À l’écoute d’une voix. Comme la Tienne. Si jamais tu découvres quelque chose, fais-le Moi savoir, c’est compris ? Je ne désire pas qu’un inconnu se mêle de Mes affaires. Bien.
Il rompit le lien entre Lui et son espion et Se cala plus confortablement dans Son fauteuil. Puis il ajouta à voix haute, à l’attention de son envoyé :
« Je ne veux personne dans mes affaires, pas même toi. »
11 Lord FireFly.
Lord FireFly déposa le dernier corps calciné dans la salle frigorifique et referma la porte. Son compagnon s’alluma une cigarette et en souffla une longue bouffée dans le couloir pour sortir du bâtiment. Lord FireFly aurait préféré avoir eu IL pour faire de boulot, mais on ne discutait pas Ses ordres. IL était pour le moment chez DragonNoir, et lui était là , avec Pasteqman, aussi aimable qu’une porte de prison, en train de trimballer les corps des Trauméniens qu’ils avaient extraits de la carcasse de la Renault cinq de Mr.Magnum.
« Bon, ça, c’est fait ! » dit-il.
Pasteqman ne répondit pas et termina sa clope en refermant la porte à clef. L’entrepôt appartenait avant au Patron, mais il avait été réquisitionné pour garder les corps des morts au frais. En attendant. Lord FireFly se demandait simplement quoi.
« Tu as une idée de Ses intentions ?
-Aucune, répondit Pasteqman.
-J’aime bien quand tu parles longtemps, comme ça. »
Lord FireFly entra dans la camionnette et enclencha sa ceinture. C’est à ce moment précis qu’Il leur parla.
On vient de m’informer que Squall était également parti les rejoindre. Je n’aime pas ça, mais nous allons en profiter. Changement de plan : Pasteqman, tu vas aller chercher le corps de Squall. Il devrait se trouver dans une morgue quelconque, depuis le temps qu’il est parti. Il regrettera sa précipitation.
« Oui. » répondit-il simplement en s’allumant une nouvelle cigarette. Lord FireFly le regarda, puis dit à voix haute :
« Et moi ? Je fais quoi ? »
Toi, tu vas aller rendre une petite visite à Myat’Ala. Elle semble ne pas M’écouter convenablement. Charge-toi de lui faire peur, et évite de trop te faire remarquer auprès du groupe de Trauméniens.
« Ça marche ! » dit-il joyeusement, trop heureux de quitter Pasteqman. « Salut la Pastèque, à la prochaine ! » Puis, sans crier gare, il s’évapora dans un claquement de réalités.
Lord FireFly se matérialisa dans la chambre de Myat’Ala et la regarda se torturer les méninges. Elle se remettait en question, et Il avait raison : Ça n’était pas bon. Il sentit la bévue qu’elle allait faire, à savoir libérer les prisonniers et leur permettre d’en réchapper. Alors il intervint et parla d’une voix empruntée :
« Tu t’es encore laissée bernée, Myat’Ala… »
Lord FireFly la vit lâcher le loquet et rester immobile, face à la porte. Il avait prit Sa voix exprès, pour la faire réagir, et cela avait marché. Il recommença :
« Tu t’es encore laissée avoir par un de ces hommes avec leurs belles paroles, leurs longues phrases enrobées de bons sentiments… »
Lord FireFly sentit qu’elle était troublée. Il força un peu sur son esprit et lut ses pensées. Elle se demandait si elle était bel et bien éveillée. Il s’approcha à sa gauche.
« Oui, tu es réveillée, ajouta-t-il. Et pendant que tu es en train de réfléchir, de penser, là , dans ta chambre, les prisonniers s’évadent, tuent et détruisent ce que tu as bâti. »
Il ignorait si c’était vrai ou non, mais il pouvait entendre des bruits de luttes avec son ouïe surdéveloppée. Il ajouta à ses paroles une onde de douleur qui la fit serrer les dents. Lord FireFly sourit : Il aimait la puissance, il aimait soumettre les autres. Il aimait les voir souffrir, et plus encore sous sa forme Trauménienne.
« Une de tes filles vient de mourir des mains de ton assassin… »
Et là , il se délectait du châtiment qu’il lui infligeait. Il restait, invisible à ses yeux, derrière elle, et fut finalement surpris lorsqu’elle lui fit face sans le voir, les yeux chargés de peur mais également de combativité. Elle se colla à la porte.
« Je sais que vous êtes encore là . »
Lord FireFly attendit juste un instant, pour la faire douter, puis lui répondit : « Tu penses qu’ils t’ont ouvert les yeux sur des fautes, Myat’Ala ? Tu penses sincèrement t’être fourvoyé durant ces années, ces siècles ? Tout ce pourquoi tu t’es battue durant cinq cents ans, tout ce que tu as construit, tu n’y crois plus ? »
Il lui envoya une migraine carabinée, pour la déstabiliser encore plus.
« Je sais que tu as mal, Myat’Ala. Au plus profond de ton être, de ton âme bafouée et violée comme ton corps, tu as mal. Et quelle est la cause de ce mal, de cette douleur lancinante qui te vrille l’esprit ? » Il marqua une pause, comme pour lui laisser le temps de répondre, puis poursuivit : « Les hommes. »
Il lui faisait mal, il le voyait : son visage, rougit par la douleur, était constellé de gouttelettes de sueur et ses doigts laissaient des traînées blanches là où elle appuyait. Elle gémit. Il sourit.
« Ton meurtrier t’a fait souffrir il y a des années, et tu avais réussi à te venger, continua-t-il. Et maintenant, qui vient de te remettre en question ? Cinq hommes venus sciemment de la Terre, cinq hommes venus exprès chercher la mort sur une autoroute dans une voiture, cinq mâles qui n’espéraient qu’une chose en te rencontrant : te soumettre. »
Lord FireFly avait obligeamment insisté sur le dernier mot, et il vit Myat’Ala tomber à genoux, soufflante, haletante, dégoulinante de transpiration. Cette fois-ci, il attendit patiemment une réponse, tout en resserrant sans cesse son emprise sur elle. Elle releva lentement la tête, tremblante, et répondit d’une voix étranglée :
« Je ne… pense pas qu’ils aient totalement tort… »
Lord FireFly fut, pour la seconde fois, surpris. Il ne pensait pas trouver une Myat’Ala si forte, et il relâcha imperceptiblement sa prise. Elle en profita et rouvrit les yeux, fixant le vide devant elle d’un regard implacable : « Je me suis concentrée sur… sur ma vengeance personnelle durant toutes ces années !! Et j’ai tué… Oui, j’ai tué des centaines, des milliers d’innocentes sous ce prétexte !! »
Lord FireFly se dégagea complètement d’elle, stoppant les douleurs qui lui vrillaient le crâne. Il lui fallait changer de méthode. Il recula.
« Il est temps de cesser de remuer le passé et de changer de comportement !! » hurla-t-elle au vide. Un vide qui n’en était plus un : Lord FireFly, ménageant ses effets, apparut quelques pas devant elle. L’aspect de la chambre changea du tout au tout, passant du terne au brillant, et il dû presque mettre sa main devant ses yeux pour ne pas être ébloui. Myat’Ala le regardait comme on regarde un monstre de foire.
Il fit le tour de la pièce des yeux, redécouvrant l’endroit sous un autre jour. La chambre était maintenant bien plus jolie que lorsqu’il était invisible.
« Ah, c’est tout de même plus beau lorsqu’on est matérialisé, s’exclama-t-il.
-Qui êtes-vous ? demanda Myat’Ala, méfiante.
-Vous n’avez pas besoin de le savoir, dit-il d’un air mystérieux. Puis son visage s’éclaira de joie : J’ai toujours rêvé de dire ça, moi !
-Alors dites-moi au moins ce que vous faites dans ma chambre ! Et comment vous y êtes arrivé ! Et aussi…
-Holà , holà , ma belle. On se calme. »
Lord FireFly fit quelques pas et s’assit sur le lit de la femme, qui le regardait avec rage. Il prenait la scène avec désinvolture, mais restait sur ses gardes.
« Là est tout le problème, tu sais, reprit-il. Tu te poses trop de questions. Et ce n’était pas vraiment prévu au programme de mon cher patron. Enfin, je dis patron, ce n’est après tout qu’un titre honorifique, rien de plus. Je ne Lui dois rien. Il a simplement eu besoin de moi, et j’ai accepté. Mais nous nous éloignons du sujet, hein ? »
Mathilde ne répondit rien, attendant la suite.
« Bien, dit Lord FireFly en se relevant et en arpentant la pièce, faisant froufrouter ses vêtements violets à chaque pas. Tu sais ce qu’il avait prévu, mon patron ? Que tu exécutes purement et simplement ces nouveaux venus. C’est pour ça qu’il t’a envoyé ces rêves complètements débiles toutes ces nuits.
-Pourquoi aurais-je dû les…
-Ferme-la !! Ferme-la, ferme-la, FERME-LA !!! »
Lord FireFly sentit son corps prendre le dessus sur sa raison et, en un quart de seconde, se retrouvait avec une envie de tuer cette femme dépassant toute autre désir. Il sentit la puissance couler en lui, vers son bras, où un claquement de ses doigts aurait suffit à faire envoyer valser la moitié de la pièce.
« Tu sais comment je m’appelle ici, dans ce type de Monde ? Littéralement, mon surnom peut se traduire en ‘feu volant’, mais toi, tu peux m’appeler Lord FireFly. C’est bien parce que c’est toi. »
Il esquissa un sourire, et lui fit un clin d’œil. Elle ne bougea pas, inconsciente d’à quel point elle était passée prêt du trépas. Il rangea ses mains dans un des nombreux replis de son vêtement imaginé, autant pour les oublier que pour éviter de faire une autre bêtise.
« Je dis simplement ça parce que je suis capable de bien des choses, ici. Notamment de réduire à néant ta petite armée de femmelettes et toi avec.
-Ça ne risque pas d’arriver. Il te faudra me passer sur le corps avant.
-Bien entendu. » répliqua Lord FireFly. Et il se rua sur elle. Myat’Ala évita le premier coup en tournant sur elle-même, puis elle fit de nouveau face à lui. Il était debout, adossé au mur, comme s’il n’avait pas bougé. Il se curait un ongle avec un air sentencieux.
« Je voudrais simplement que tu comprennes qu’il te faut suivre Ses ordres, et les éliminer. C’est tout ! Je n’ai tout de même pas besoin de te faire un dessin ? »
Myat’Ala sortit ses griffes et sa figure se muta en un masque monstrueux. Sa voix, bien plus lourde qu’avant, le menaça :
« Il est hors de question que j’obéisse à quelqu’un sans en comprendre les motifs. Et ce groupe d’individus m’a l’air plus respectable que le vôtre.
-Ça me chagrine, rétorqua Lord FireFly. Je dois vraiment en venir aux mains pour que tu comprennes ? Lorsque tu seras à mes pieds, rampant pour que j’arrête tes souffrances, tu repenseras à ce que tu viens de dire. »
Il plissa les yeux et envoya une nouvelle onde de douleur dans le crâne de Myat’Ala, qui hurla. Son corps reprit sa forme initiale et elle tomba dos au mur. Lord FireFly regarda la porte, s’attendant à voir débarquer les autres dames blanches. Il pourrait les éradiquer en un simple geste, mais ce n’était pas dans Ses intentions. Il se jeta sur Myat’Ala dans l’intention de la faire taire.
« Cesse de hurler ainsi, espèce de sale garce ! » ordonna Lord FireFly en s’approchant d’elle, les mains en avant. Mais elle continuait d’appeler au secours sans discontinuer. Il sentit les autres rappliquer et grogna, se rendant compte qu’il n’arriverait plus à en tirer quoi que ce soit. Il leva une main et marmonna un charabia incompréhensible, juste au moment où la porte s’ouvrit avec fracas, libérant des dizaines de femmes qui protégèrent toutes Myat’Ala.
Elles encerclèrent rapidement leur reine, lui offrant une protection de leur corps, alors que d’autres prenaient position devant Lord FireFly. Leurs griffes étaient de nouveau longues et effilées, et leurs visages avaient repris cet aspect bestial et affamé découvert lors de l’attaque de l’hôtel.
« Bon, je vois qu’il est grand temps de partir. » dit Lord FireFly, toujours un bras levé tel un grotesque salut militaire. Il avait fini de réciter sa formule, et une mince aura sombre l’entourait maintenant, s’amplifiant de plus en plus. Un sourire narquois barrait son visage, happé peu à peu par les ténèbres qui l'enveloppaient. Sa main s’agita.
« Bye bye… »
Mr.Magnum pénétra le premier sur les lieux et Lord FireFly vit son faciès étonné le reconnaître indistinctement. Il pesta tout en s’enfonçant dans la brèche ouverte entre les Mondes, puis se retrouva de nouveau sur le parking devant lequel il était parti. Il souffla longuement, tout en reprenant ses esprits. Les voyages entre les Mondes lui donnaient toujours ce sentiment de flottement pendant quelques minutes.
Puis il sentit une présence derrière lui. Il se retourna et Lui fit face.
« Comment ça s’est passé, FireFly ? » dit-Il.
10 Albert Fish.
Il leva un regard noir vers Son écran d’ordinateur : Ses hommes de main, Lord FireFly, IL, Radamenthe et Pasteqman en tête, n’avançaient pas plus que les Trauméniens. La seconde expédition allait partir, Youfie voulait aller dans le monde des Dames Blanches, et Séphy-Roshou restait introuvable.
En face de Lui, Pasteqman, immobile, porta la main à sa poche de chemise.
« Je t’arrête tout de suite, on ne fume pas ici. »
Sans un mot, il remit sa main dans sa poche. IL était à ses cotés et se triturait les doigts nerveusement. Sans prévenir, Il Se tourna vers lui.
« Qu’est-ce quez tu peux Me dire sur le monde des Serial killers qu’ils vont visiter sous peu, IL ? Et Je te prierais d’exclure ce qui n’est pas intéressant. »
IL toussota, avança d’un pas et se redressa dans une simulation de salut respectueux. Il n’aimait pas être l’objet de Son attention, et restait d’ordinaire le plus en retrait possible pour éviter les éventuelles représailles et autres punitions de Sa part.
« Hem, alors euh, voilà ce que j’ai comme infos : Séphy-Roshou est bel et bien passée par ce Monde-ci avant de repartir, mais accompagnée.
-Accompagnée ? répéta-t-Il avec incrédulité. Accompagnée de qui ?
-Une certaine Erzébeth Bathory. Une tueuse en série qui prenait des bains de sang de femmes qu’elle avait préalablement…
-Je Me fous de savoir qui elle était, mais Je veux savoir pourquoi ? Pourquoi elle ? »
IL sentit le peu de confiance qu’il avait s’évaporer.
« Je… Je ne sais pas, bégaya-t-IL.
-Des traces de son passage ?
-Oui, des rapports. Les tueurs en série sont très organisés, là -bas. Ils tiennent des fiches d’entrée, de sortie, et ont des archives impressionnantes.
-Qui gère tout ça ?
-Leur chef, ou leur roi, enfin… Leur patron, c’est Jack l’éventreur, bien évidemment. Mais celui qui gère le tout, c’est Albert Fish. Il est relégué au secrétariat des admissions, mais c’est lui qui s’occupe de tout, en arrière plan. »
IL attendit une réaction, et vit qu’Il réfléchissait.
« Tu vas y retourner, dit-Il finalement. Et tu vas modifier les rapports. Non, mieux, je fais engager Fish pour qu’il le fasse. Il n’aura qu’à dissimuler les autres, et les Trauméniens verront les faux. Radamenthe n’aura même pas à les duper très longtemps. Parfait. »
Il se renfonça dans sa chaise et se tourna vers son ordinateur. Pasteqman et IL attendirent quelques minutes, puis Pasteqman marcha d’un pas dégagé vers la porte, suivit de IL. Une fois dehors, il put d’allumer une cigarette.
« Tu penses qu’Il me hait ? »
Pasteqman haussa les épaules.
« C’est pas très bon, hein, le regard qu’Il m’a lancé tout à l’heure. »
Pasteqman eut un sourire narquois et secoua la tête. IL poussa un long soupir.
9 Serge Thourn.
« Tiens tiens, comme c’est intéressant. » dit-Il en cliquant sur un article qui parlait des derniers morts du tueur en série : quatre adolescents.
Quatre Trauméniens, rectifia Ank en Lui. Dont un acquis à ta cause. Tu as déjà envoyé Pasteqman sur place pour récupérer les corps ?
« Oui, répondit-Il d’une voix distante absorbé par Ses pensées. Oui, mais Laekh Traumen est déjà sur place et il ne peut rien faire sans se faire démasquer. » Il fit une pause, parcourant des yeux quelques lignes de l’article. « Ce qui est intéressant, c’est que notre bon ami le commissaire Thourn s’occupe de cette affaire de Trauméniens assassinés. »
Il clôtura la fenêtre de l’Internet Explorer et alla s’allonger sur Son lit. Les yeux fermés, Il se lança à l’assaut des pensées de Thourn. Celles qui concernaient une affaire passée, qu’Il avait remarqué lors de leur courte entrevue quelques mois auparavant. Mais au final, ces quelques souvenirs pourraient Lui être d’une aide précieuse pour ralentir les Trauméniens.
Il attendit alors le moment propice pour s’immiscer dans l’esprit de Serge Thourn, à l’instant où celui-ci, fatigué de cette affaire qui n’avançait pas, plongeait dans un sommeil qui aurait dû être réparateur.
Et Il lui envoya les images de son passé.
Des images d’Autrefois.
8 Youfie.
Il ouvrit la porte de Sa chambre d’un geste de la main. Ce n’était pas comme la chambre qu’Il avait habité en ville, pendant des années, mais la règle était demeurée inchangée : personne n’y entrait et la porte restait verrouillée qu’Il soit ou non dedans. Le verrou cliqueta alors, sans que quiconque ne l’ait actionné, et la porte s’ouvrit silencieusement.
Lord FireFly se tenait là , impressionné et apeuré par le message télépathique qu’Il lui avait adressé. Un message d’une simplicité enfantine, mais chargé de menaces sourdes et violentes en second plan. Une éventuelle deuxième écoute lui aurait permit de préciser son sentiment de malaise, mais Il ne parlait qu’une fois.
Dans dix minutes devant la porte de Ma chambre.
Simple, clair, et on ne peut plus sans appel. Lord FireFly était en train de rêvasser chez DragonNoir, l’esprit occupé par les formes alléchantes de Youfie qu’il avait vu lors de leur entretien privé quelques minutes auparavant, lorsque l’appel l’avait sortit de sa rêverie. Et il s’était exécuté sans demander son reste, prétextant une envie pressante.
Il faut que je me rappelle de revenir dans les toilettes de DragonNoir, et pas repasser par la porte, se dit Lord FireFly, toujours sur le pas de la porte. Quelqu’un de plus malin que les autres pourrait remarquer une étrangeté de la sorte.
« Entre. » dit-Il sans même lui jeter un regard.
Lord FireFly regarda l’encadrement de la porte. Il s’imagina presque des dents y pousser qui le dévoreraient lorsqu’il passerait le cadre de bois. À sa connaissance, personne n’avait jamais pénétré dans Sa chambre. Personne n’en était ressortit pour le raconter, au moins.
Il hésita encore.
« Tu es devenu sourd, Lord FireFly ? »
L’entendre prononcer son nom, son pseudonyme, fut le déclencheur. Il leva sa jambe, la sentit plus lourde qu’à l’ordinaire, puis la reposa sur la moquette de la chambre. Le mouvement était donné, et l’autre pied suivit avec difficulté, mais suivit. Il arrivait presque à marcher normalement lorsqu’Il lui demanda de s’arrêter.
« Sais-tu, commença-t-Il, pourquoi Je t’ai fait venir ? »
Lord FireFly, redevenu élève face au professeur, enfant face aux parents, fidèle face à son Dieu, fit non de la tête.
« Non, hein. C’est normal, après tout, tu n’es pas forcément habitué à ces missions, à leur importance, aux règles qu’il faut suivre et aux erreurs à ne pas faire…
-Je suis désolé si j’ai…
-Silence ! »
La Voix le réduisit au néant. Il baissa de nouveau les yeux sur ses pieds. Le mot, le simple mot, sonnait encore en écho dans son crâne. Il se retenait pour ne pas trembler. Le mot qui lui venait à l’esprit était péteux. Oui, je suis un péteux, un petit péteux.
« Dans les erreurs à ne pas faire, il y en a une qui se nomme Soupçon. Elle peut s’expliquer ainsi, dans les grandes lignes : Ne jamais… »
Lord FireFly sentit un éclair lui déchirer l’estomac.
« …, ô grand jamais… »
La brûlure s’agrandit et lui lacérait le corps du bas ventre au torse. Il gémit.
« …, faire quoi que ce soit… »
Chacun des mots élargissait la plaie béante de la souffrance, et donnait l’impression à Lord FireFly que ses organes se muaient en bouillie putréfiée.
« …qui puisse permettre à l’ennemi… »
Des larmes lui coulèrent sur les joues, et il les regarda s’écraser sur la moquette, immobilisé par une douleur tellement puissante qu’il en aurait préféré mourir. Et il n’osait pas utiliser ses pouvoirs pour la contrer, de peur que les représailles soient pires. Il avait une punition, et il l’acceptait.
« …d’avoir des soupçon sur tes actions ! »
Le dernier mot se répercuta dans la moindre parcelle de sa chair et il tomba à genoux, avant de basculer tête la première sur la moquette. Un filet de salive et de vomissure mélangé lui dégoulina de la bouche et s’étala sur la moquette, qui absorbait lentement mais sûrement le liquide épais et nauséabond.
Du haut de Son siège, Il soupira et daigna enfin Se tourner vers le corps inconscient de Lord FireFly. Il leva une main et exécuta une chorégraphie gracieuse de son index. Le corps de son subordonné se souleva, porté par une force invisible, et quitta la pièce. La porte se referma, à clefs, et on entendit le bruit sourd d’une chute sur le palier.
« J’espère qu’il aura saisi l’importance d’éviter au maximum de se faire remarquer par sa future victime. Sa prochaine mission sera d’aller lui-même chercher le corps de Youfie, après son accident. Il n’aura qu’à être avec elle au moment de l’impact, puisqu’il aime tellement cette jeune fille. »
Il jeta un regard dégoûté sur la tache.
« Il va falloir que Je change de moquette. »
7 Mythologie Nordique.
La tête de Loki émergea des draps avec une grimace de terreur. À ses cotés, une humaine couina en dormant et se colla à lui. Il ne la remarqua même pas. Les yeux grands ouverts, il fixait le plafond, s’attendant à tout. Il n’avait jamais fait de cauchemars, il n’avait même jamais rêvé. Il venait de le faire pour la première fois, et il n’aimait pas ça.
Cette Voix difforme.
Il repoussa sans ménagement la femme qui ne se réveilla même pas, trop épuisée pour ouvrir un Å“il. Il se glissa hors du lit et gagna la porte-fenêtre dans le plus simple appareil. Une fois sur le balcon, sa nervosité décrut. Il respira longuement au grand air et, une fois quelque peu calmé, rentra dans ses appartements.
Il s’assit sur le bord de son lit, parmi les draps froissés et encore chauds de leurs ébats, et posa une main sur une cuisse qui dépassait. Le gémissement qui survint lui parut rauque. Prit d’un doute, il retira les draps avec violence et découvrit Radamenthe, qui frissonna.
« Voyons, tu pourrais être un peu plus doux ! »
Loki se releva et dévisagea l’inconnu. Radamenthe, en caleçon, se mit en tailleur sur le lit et lui sourit. Loki n’aima pas ce sourire.
« Mon boss a besoin de tes services… » lui dit-il en préambule.
6 IL
Il toussota mentalement.
« Nous avons retrouvé la trace de Séphy-Roshou, FireFly. Tu comprends ce que ça veut dire exactement ?
-Qu’Il sera enfin content de toi ? » répondit Lord FireFly dans un sourire. L’image du visage de IL vacilla.
« Je te parle sérieusement ! On a retrouvé la trace de Séphy-Roshou ! Dans le monde nordique, chez les dieux scandinaves !
-Et je te le répète aussi sérieusement : C’est bien.
-Sauf que je suis avec une troupe Trauménienne. »
Lord FireFly reconsidéra la situation, puis hocha silencieusement la tête. « Je te Le passe, dans ce cas là . Bonne chance !
-Merci. » dit piteusement IL. Il n’avait pas réussit à se débarrasser des éventuels témoins de ses agissements, et maintenant ils se doutaient de quelque chose. Alors, plutôt que d’aggraver les choses, IL s’en était remit à Lui.
« Qu’y a-t-il ? répondit-Il d’une voix impatiente. Tu Me déranges en pleine conférence avec les actionnaires du Patron, si tu veux tout savoir.
-J’ai retrouvé la trace de Séphy-Roshou. »
IL devina qu’Il S’éloignait de ses invités et S’isolait dans Son bureau. Au bout de quelques secondes de silence, IL osa relancer la conversation :
« Vous êtes toujours là ?
-Tu n’en rates pas une, IL. Pas une. »
IL s’abstint de tout commentaire, bien que sa nature de dissipé cherchait à reprendre le dessus. IL se mordit la lèvre inférieure.
« Si encore tu M’avais annoncé ça avant que les Trauméniens n’y soient, J’aurais enfin pu t’adresser des félicitations en bonne et due forme, mais là …
-Mais je peux essayer de…
-Je lis dans tes pensées. Tu as déjà essayé de, IL. Et tu as déjà raté, d’ailleurs. Maintenant, ils ont des soupçons, et c’est extrêmement gênant. Je vais être obligé de me déplacer et d’avancer la séquestration.
-Je suis désolé, dit IL.
-Pas autant que Moi. »
La communication mentale s’estompa puis se rompit entièrement. IL se retrouva seul, de nouveau, et essaya de deviner à quelle sauce il allait être mangé.
5 Préparation.
Le lendemain, Il avait relativisé l’information qu’IL Lui avait transmit. Séphy-Roshou était bel et bien passée par le monde des Dieux Nordiques, et grâce à cette piste Il avait déjà pu remonter le trajet qu’elle avait emprunté. Il Lui fallait la retrouver avant les Trauméniens, afin de la maintenir inaccessible, comme une carotte devant un âne.
IL avait fait une bourde, voire de nombreuses bourdes, mais au final IL n’avait fait qu’avancer l’échéance. Les enlèvements se feraient plus tôt que prévu, et ça n’était pas plus dérangeant que ça. Seulement il Lui fallait Se montrer, c’était irrévocable.
Il ouvrit la fenêtre sur une matinée ensoleillée. L’horizon était dégagé, aucun immeuble ou autre bâtiment ne venait obscurcir Sa vue sur les champs et les prairies alentours. Il adorait la campagne. Au début, Il S’en rappelait encore, c’était plus par nécessité qu’Il avait immigré ici, mais Il S’était acclimaté sans peine à Son nouvel habitat.
Il inspira une immense bouffée d’air frais et vivifiant. Son envie première était de crier, de crier au monde son bonheur. Tout fonctionnait comme Il le désirait, et il y avait bien longtemps qu’Il ne S’était pas sentit aussi bien. De plus, personne ne L’entendrait ici. Seulement les vaches du pré voisin, et encore. Il n’était même pas sûr d’obtenir un meuglement approbateur de leur part.
Il Se retourna et Se dirigea vers Sa chambre où trônait Son ordinateur allumé, dont l’écran scintillait d’innombrables étoiles en mouvement. Il S’assit devant Son bureau et bougea la souris. La veille du moniteur se désactiva, et le fond d’écran noir apparut. Seules deux icônes se présentaient : l’une nommée Traumen, dont le symbole était barré, et l’autre était le « e » d’Internet Explorer.
Le curseur voleta de l’une à l’autre, puis resta en suspension au dessus de l’icône en deuil Traumen. Et Il Se mit à siffloter.
« Il va être temps que j’entre en scène. »
4 Voyage
Il referma soigneusement la porte de sa demeure et fit quelques pas en arrière, la contemplant. Il Se demanda s’Il reviendrait ici une fois le rapt effectué. Puis il se tourna vers la voiture qui ronronnait. Il s’agissait de faire vite, et bien. La route risquait d’être longue, et il voulait à tout prix arriver juste au bon moment.
« À point nommé, je vais arriver. Tel un surhomme tranchant l’adversité pour sauver la plèbe fort ennuyée. » Il sourit, puis se yeux changèrent, rien qu’un instant. Quelques secondes où il articula d’une voix noire : « Ou tel un balayeur éradiquant ces vulgaires mouches à merde de la surface du globe. »
Le temps sembla s’arrêter, il vit les arbres et la voiture devant lui se dédoubler, puis se détripler. Puis le vertige cessa, et il se remit en route. Il se cala confortablement à l’arrière et dit à son chauffeur :
« Allons-y. Direction Paris. »
3 Discussion.
Alors qu’Il entrait sur l’autoroute, Il sentit IL qui tentait de le joindre, à nouveau. Il ferma Ses yeux et lui répondit.
« Qu’y a-t-il ?
-Rien ne se passe comme prévu… Je ne comprends pas où tout s’est retourné contre moi, mais je ne peux plus rien faire… Je ne sais pas ce que…
-Laisse tomber les explications foireuses, IL. Je me charge du reste. Fais-les tous rentrer, dès que possible.
-Hein ? Quoi ? Rentrer, tous ? Vous voulez dire… …maintenant ? Mais il reste encore la carte Loki, et…
-On ne discute pas Mes ordres, ordonna-t-Il sèchement. Lorsque Je dis de rentrer, c’est que Je sais déjà comment procéder pour rattraper tes multiples erreurs.
-…oui, je comprends. Excusez-moi de Vous avoir déçu, je… Je vais les faire revenir.
-Hâte-toi, je suis en route pour le quartier général des Trauméniens.
-Comment ? Vous êtes en route ? Vous arrivez chez DragonNoir ? Ah, eh bien je… Oui. Oui… Nous serons rentrés, d’accord. Erzébeth se fera maîtriser, je pense, par Thor, Heimdall ou Njörd, si besoin est. »
Il parlait d’une voix mal assurée.
« Donc Séphy-Roshou a laissé tomber sa tueuse en série ici ?
-Oui.
-Ça m’arrange. Nous demanderons à Loki de la faire taire. Quant à toi, fais les décoller avant qu’elle ne dise quoi que ce soit d’important. Tu en as déjà fait assez.
-Oui oui. Je ne pense pas que… »
Il choisit cet endroit, cet instant de la conversation, pour lui envoyer une onde de douleur dans le crâne. IL ne s’y était pas attendu le moins du monde.
« Gnnh… Non, pas ça… Rrrhhh… Arrêtez je… Gnnnh… Khhh… »
Sans le moindre sourire, Il força légèrement la dose.
« Je ne… Gnnnnhhh…
-Tu n’échapperas tout de même pas au châtiment, IL.
-…oui, je saurai apprécier ma punition, je la mérite… » répondit-il, soumis. IL sentit la communication se couper, et le lien télépathique s’envola. La douleur également, et il put rouvrir les yeux. Personne ne l’avait vu. IL essuya d’un revers de manche les larmes qui avaient coulé sur ses joues, puis renifla. La douleur de l’humiliation était plus forte encore que la souffrance physique.
Dans la voiture, Il rouvrit les yeux, satisfait.
2 Pasteqman.
« Chauffeur ! Pourrions-nous nous arrêter un instant ? »
La voiture enclencha le clignotant et se rangea sur la voie de droite, puis sortit sur une aire de repos. Les autoroutes avaient ceci de pratique : On y trouvait de nombreux endroits où se reposer, se délasser, ou téléphoner.
Il sortit du véhicule et s’étira. La chaleur n’était heureusement pas encore excessive, mais il sentait déjà ses vêtements coller à lui. Sa peau pâle était moite, et il s’essuya le front avant de sortir son portable, tout en s’éloignant de la voiture. Le chauffeur, adossé à la portière, le suivait des yeux.
Il s’installa devant une table de pique-nique, chassa une mouche qui voletait innocemment autour de lui, regarda les alentours puis ferma les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, ses pupilles avaient disparu sous d’immenses iris de jais. Un sourire mauvais vint enlaidir son visage. Une autre mouche, ou la même, revint tourner autour de lui.
Le téléphone avait ceci de pratique face à la communication mentale, lorsque son interlocuteur était proche d’autres ‘récepteurs’ possibles : il permettait de ne pas se tromper d’esprit avec lequel s’entretenir. Et là où se trouvait Lord FireFly et Radamenthe, les esprits réceptifs ne manquaient pas.
Il composa donc un numéro de tête sur son téléphone et le mit à son oreille. Au bout de trois sonneries, on décrocha.
« C’est Moi, tonna la Voix. J’ai donné l’ordre à IL de rentrer. Préparez-vous à passer à la phase deux, Je vous rejoins d’ici quelques heures également.
-La Phase deux ? répéta Radamenthe. Nous embarquerons tous les corps présents alors ? À nous trois ?
-Vous serez cinq pour emmener les corps.
-Qui d’autre ?
-Je vais contacter Pasteqman. »
Il raccrocha et envoya un simple message mental à Pasteqman pour lui dire de se tenir prêt. Pasteqman était toujours prêt, et toujours seul, loin des autres. C’est pour ça qu’Il affectionnait tout particulièrement travailler avec lui : Ils se ressemblaient, autant que sur le défunt forum Traumen où Pasteqman avait utilisé le même style de prose que Lui.
« Aucun problème, je serais sur place à temps. » répondit-il.
En dernier lieu, Il contacta le Patron pour obtenir des véhicules pour transporter les corps, et des hommes pour assurer un minimum de sécurité. Les militaires du Patron feraient peur, suffisamment pour que les Trauméniens évitent toute action ridicule. Et si jamais ils résistaient tout de même, alors…
L’excitation lui donna à nouveau la voix d’Ank.
« …alors ils Me sentiront passer. »
1 Arrivée chez DragonNoir.
Le chauffeur bifurqua avenue de Wagram et fit se garer la voiture non loin de la résidence de DragonNoir. Il sortit et vérifia l’adresse. Il était bien arrivé, sans encombre. Personne n’était dans la rue, personne qui pouvait Le reconnaître, aucun Trauménien. À première vue. Seul un homme habillé entièrement en jeans, marchait sur le trottoir. Cet homme Le dévisageait. Pasteqman.
Il détourna le regard et leva les yeux sur l’immeuble. Son humeur s’était quelque peu assombrie depuis son arrêt improvisé sur l’autoroute. Il ne Se rappelait plus vraiment de ce qu’il y avait fait. Son chauffeur lui avait dit qu’il avait passé un coup de téléphone, mais Il ne se rappelait plus à qui, ni pourquoi.
Ce n’était pas la première fois que ce genre d’amnésie passagère Lui arrivait, et cela avait le don de L’énerver passablement. Les meilleurs médecins s’étaient penchés sur son cas, mais sans succès. Il en était venu à l’accepter, mais chacune de Ses absences était pour Lui synonyme de torture : qu’avait-Il fait ? Qu’avait-Il dit ? Qu’avait-Il pensé ?
L’homme vêtu de jeans ralentit à son approche.
Mais Il se voilait la face. Au plus profond de Lui, Il savait pertinemment qu’Ank tirait les commandes lors de ses absences momentanées. Certaines pouvaient durer seulement quelques secondes, d’autres des heures. Et à chaque fois, Il ne Se sentait pas partir. Il Se retrouvait dans divers endroits, diverses situations, parfois compromettantes, et souffrait de vertiges et de nausées. Puis tout ceci passait, et la vie reprenait son cours normal.
Et Ank avait fait des siennes.
Pourtant, Il était sûr d’avoir le dessus sur Lui, et non l’inverse. Il contrôlait l’être qui Se faisait appeler Ank, et, même s’il n’était qu’une autre partie de Lui-même avec des réactions propres, Il Lui faisait néanmoins confiance. Sauf lorsque Ank prenait le contrôle et qu’Il ne savait plus exactement ce qu’Il avait fait.
Il regarda sa montre, et Son cÅ“ur accéléra. Pour la première fois, alors qu’Il Se dirigeait vers l’appartement de DragonNoir afin de les aider, Il Se sentit partir. Réellement partir. Il sentit des doigts froids Lui serrer le cÅ“ur et l’âme, et presser comme un simple fruit. Et Il S’entendit parler à cet inconnu en jeans, juste avant que tout bascule.
« Tu es prêt ? dit la Voix. Allons-y. »
Ils grimpèrent les deux étages sans se presser. Il Se changea le temps de monter les escaliers qui L’auraient essoufflé. Une fois en face de la porte, il envoya son poing trois fois. Trois grands coups qui couvrirent le brouhaha derrière les battants de bois. Un jeune homme ouvrit la porte et Lui demanda ce qu’Il désirait.
« Je voudrais voir DragonNoir. » répondit-Il dans un sourire. Arkh Le dévisagea une seconde ou deux, interloqué. Quelque chose clochait chez cet individu, mais il n’arrivait pas à savoir quoi exactement. Il referma la porte et se dirigea vers le bureau du père de DragonNoir où il s’était réfugié en compagnie de Q-Po et Lord Satana.
Arkh passa simplement la tête et ne prononça que le strict nécessaire. Il ne fit pas part de ses inquiétudes vis-à -vis de cet inconnu, songeant qu’il s’agissait certainement d’un nouveau Trauménien en retard.
« Quelqu’un pour toi, à la porte. »
DragonNoir s’excusa auprès de Q-Po et Lord Satana, puis retrouva le bruit et le mouvement en émergeant du bureau. Il traversa la foule et rejoignit tumultueusement la porte, tout en songeant également que les derniers arrivants devaient être d’autres Trauméniens enrôlés par téléphone pour venir s’amuser.
Il ouvrit la porte sur un petit adolescent replet à la face rubiconde et transpirante, accompagné d’un autre jeune homme habillé entièrement en jeans. L’adolescent exhiba un sourire carnassier.
DragonNoir le reconnut immédiatement.
« T… Toi ?
-C’est exact, DragonNoir. Dis bonjour à Mistrophera ! »
_________________ La vie est faite d'obstacles à surmonter pour progresser...
...moi je passe à côté...
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