Eltanin

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 Sujet du message: Sâbles oubliés
MessagePublié: 13 Nov 2004, 02:16 
Hors-ligne
Songes de louve

Inscription : 09 Juil 2004, 00:25
Message(s) : 496
ne vous y perdez... pas, ou si

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Les Tigres traquent d'autres proies désormais. Des monstres errent dans le désert depuis des années, privant chaque jour ces lieux de leur identité et de leur nature primitive. Je suis un Adrite, un ancien passeur des sables. Je ne peux plus guider personne jusqu'au grand Océan Oriental, désormais lui aussi souillé par de grotesques tentatives de contrôler les forces animales. Le temps des Sp'Rith, les fidèles de l'abomination sans visage est venu. Je sais que des nations puissantes envoient des armées pour les détruire. Mais le désert n'aime pas être envahi. Il a laissé venir les Sp'Rith et les protégera malgré lui.

Je rédige ces lignes ici, à  l'abri d'un modeste abri de pierre sèche. Le sable et l'encre forment le témoignage de ce qu'est le désert, de ce qu'il ne sera plus. Il y a dix jours, je me suis réfugié près d'anciens reliefs, aménagés il des centaines de cycles auparavant en ville troglodyte. Je ne connais rien des premiers habitants du désert. Mais je sais que les sinistres tours enchâssées dans les sables ne sont pas surgies de nulle part.

J'ai fait un songe, un songe long et lumineux. Je préfère le raconter ici avant que le vent et le temps ne l'emportent. Des voyageurs disent que les lieux peuvent garder la trace de ceux qui les ont façonnés ou y ont vécu. D'autres que les dieux parfois vous parlent de ce qu'ils ont connu. Le vent a asséché mes larmes. Pourtant le rêve m'a montré une étincelle de l'ancienne splendeur de ces lieux envahis par un mal sans âme.

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Arrive cette heure ou l'esprit ne sais plus distinguer réalité du rêve. Le froid mordant de la nuit s'engouffre sous les rochers et s'en prend à  moi. Retenant contre mon corps engourdi les maigres couches de tissus rêche qui me séparent du sable, je tente d'oublier le crissement de ce dernier, projeté contre mon abri par des vents incessants. Mais cela me suffit. Le luxe dans lesquels vivent de lointains commerçants n'est pas dans l'ordre de ce monde, et tout a toujours un prix.

Quand je reprends connaissance je titube vers les profondeurs de ce passage creusé dans une roche brunâtre. Je ne le connais pas mais je sais où je me dirige. Mes pieds ne ressentent ni la fraîcheur du sable, ni la piqûre des cailloux éparpillés sur le sol. Et pourtant, je trouve cela si... naturel. Privé de lumière, je me dirige toujours plus profondément dans la cité oubliée, dans un air que je sais cristallin.

Est-ce mon âme qui avance ainsi, ou mon corps, habité par quelque prémonition? Peu importe, car la vue de ces anciens murs, gardiens éternels de fresques lentement détruites me fait oublier l'horreur de ma vie présente. Des plantes, de l'eau... ces gens ont connu une autre vie que celle que nous menons désormais. Seul le sable est déjà  présent, comme s'il ne pouvait en être autrement.

Peut-on sentir une odeur quand on parcourt un rêve? Je ne sais. Celle qui m'entoure est musquée et étrange. Nul animal ne la dégage ici. Ceux qui peuplent les dunes empestent la mort et l'alchimie.

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Moi-même peux sentir la crainte que dégage cet endroit. Petite salle creusée dans les profondeurs de la roche, un ancien puits y mène, laissant choir sur le dallage les rayons d'Yllia. Une fine poussière révèle les faisceaux blanchâtres qui illuminent les dalles, donnant à  l'endroit un aspect irréel.

Mais je n'en ai cure, devant moi se dressent deux silhouettes, d'abord indistinctes puis émergeant peu à  peu de ce nuage de lumière. Je ne les connais pas, mais cet instinct qui m'a envahi me souffle la réponse. Enfants de la lune...

Je ne sais pas si je suis visible, je n'ai même pas tenté d'apercevoir mes membres. Est-ce important? Rien de tout cela n'est réel, car nul n'ignore que le désert ne cache qu'abominations dans ses entrailles.

Un être de grande taille, au corps puissant, sous son vaste habit. Sa cape et sa robe flottent en silence dans ce lieu saint, presque confondus avec l'air lumineux qui y règne. Sa tête est celle d'un chacal, en bien plus imposante et sage. Son regard perçant est souligné par des marques tracés sur son pelage, et mis en valeur par une délicate tiare. L'objet est tressé d'or fin, luisant faiblement sous le regard d'Yllia.

Il contemple sa compagne, fine silhouette à  l'aspect fantomatique. Comment décrire la transparence de ce qui est déjà  évanescent ? Pendant féminin du premier être, cette entité n'a pour vêtements qu'un vaste réseau de bandelettes de lin transparent. Ces dernières flottent dans toute la pièce, s'enroulent autour de son corps gracile, caressant la roche et mon visage. La lumière d'Yllia semble enfouie dans son regard mais aucun bijou ne vient orner ses traits.

Mon sang absent se glace quand le silence enfin se brise. Une voix résonne dans ma tête et se perd dans les profondeur de la caverne. Sa voix. L'homme chacal parle doucement et je comprends ces syllabes rauques et inhumaines.

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Te souviens-tu ma fille de l'histoire de cette enceinte? A l'heure de ton Decaryon, rappelle les faits de la déchirure.
?Oui, père je te la conterai.
?Et tu sauras ce que tu attends, Elmerys.

Les enfants de la lune trouvèrent le monde vide et vierge. Ces premiers cycles furent passés à  imprimer la crainte dans l'esprit de ceux au sang clair, à  jamais. Poursuivis hors de leurs cités taillées dans le bois et la roche, ils redoublèrent de prudence et mirent au point toujours plus d'armes pour lutter contre les enfants divins. Malgré leurs nouveaux et terribles pouvoirs ils ne pouvaient plus contrôler et asservir la nature. Les enfants d'Yllia gardaient les endroits purs et les préservaient de l'Artisan.

L'époque du sang commença sans prévenir, un jour béni. Les cieux se voilèrent à  la vue de tant de massacres, Yllia et Lahn disparaissant des cieux. Et les enfants attendirent... L'eau était suspendue, blanche et légère, tombant sans cesse du ciel. Les nuits les plus froides du désert étaient tièdes en ces temps oubliés.

Les fils de l'Artisan comprirent peu à  peu, et la peur revint

"Et pourquoi revint-elle, ma fille?"

La nuit avait recouvert le monde et les enfants d'Yllia revinrent... Plus nombreux, et avides de sang clair. Les cités étaient désertes, car le monde dormait en ces jours-là . Sans nourriture, les orgueilleux fils de l'artisan erraient, cherchant à  survivre. Et les demi-dieux les trouvèrent, sans armes et sans magie corruptrice. Leurs cris de terreur résonnent toujours dans notre sang, et leur frayeur dans celui de leurs enfants. Le sol buvait le sang, eau blanche mêlée à  la rouge...

Yllia surveillait le mode mourant derrière ses voiles célestes et ce spectacle l'emplissait de joie.

"De joie, ma fille? Et pourquoi?"

Les hommes haïssent la nuit car Lahn ne les protége plus. Les ténèbres servent de repaire aux tueurs et aux créatures malfaisantes. Yllia, déesse de la nuit, a vu les hommes adorer le soleil, et vénérer le feu qui ronge les ombres. Mais les fils de l'Artisan ont voulu propager le feu pour que le jour soit éternel. Alors elle a rit, de son trône céleste, à  la vue de la nuit éternelle, et son rire a glacé le c?ur de ceux au sang clair.

Ses enfants ont bâti leurs premières villes dans le nord. Là  où le froid seul tuait les hommes, et où seuls ses enfants pouvaient prospérer. Les chemins qui menaient aux cieux s'ouvrirent dans les cercles de roches, et l'Artisan semblait oublié. Les enfants d'Yllia se choisirent un nom : Les Aïmes

"Mais les hommes sont revenus, ma fille..."

Lahn attendit longtemps et dans son palais oublié, il s'ennuya des hommes. Alors il écarta ses voiles de nuages et recouvrit le monde de lumière, illuminant l'eau blanche et éblouissant les yeux des survivants épuisés. Saisi d'horreur devant ce spectacle, le dieu igné s'en prit à  Yllia et ses enfants.

Sous son regard bienveillant, les fils de l'Artisan naquirent une seconde fois, et propagèrent à  nouveau le feu de l'espoir et de la connaissance. Privés de leurs armes et de leurs secrets ils se firent plus humbles et évitèrent les forêts. Et peu à  peu ils reprirent les lieux de leur ancienne puissance. De nouveaux peuples étaient venus, d'autres nés, et ils suivirent à  nouveaux les préceptes de l'Artisan.

"Et que firent les fils d'Yllia, Elmerys?"

Ils se retirèrent peu à  peu, car la déesse n'avait pas voulu qu'ils envahissent le monde. Moins nombreux, et sans l'aide de la nuit éternelle, ils reprirent la protection des lieux anciens. Les enfants d'Yllia annoncèrent alors à  leur descendance qu'ils devaient vivre sans leurs conseils et ils apparurent de moins en moins souvent. Les plus sages devinrent les shamans et guidèrent les Aïmes privés de leurs géniteurs. Les plus mystiques devinrent les prêtres et cherchèrent à  parler à  Yllia sans l'aide de ses enfants.

---------

L'homme chacal caresse alors la joue de sa fille, et lui prend doucement le museau pour plonger son regard dans le sien. Les derniers mots de la conteuse étaient moins assurés, et j'ai ressenti comme une grande peine me traverser l'esprit. A présent je sens la caresse de ses habits, et le froid qui règne ici.

Puis prenant sa fille sur ses genoux, il répond de sa voix profonde :

"Je suis content de toi, Elmerys. Raconte la naissance de la forteresse, à  présent
?Oui, père"

Yllia ne supporta pas cette renaissance et vit ses enfants se cacher une nouvelle fois, tandis que l'Artisan reprenait peu à  peu la maîtrise du monde. Les anciens dirent alors que la déesse pleura, et que ses larmes furent disperséessur le monde, en des endroits même inconnus de ses fils. Les plus courageux, ou les plus pieux partirent alors pour recueillir les larmes de leur mère. Les hommes ne savaient pas que c'était là  les pleurs de la déesse, mais eux aussi voulurent les prendre.

"Et pourquoi, ma fille?"

Les larmes du ciel se mêlèrent à  la terre et attendirent la venue des êtres. Les sanglots d'Yllia étaient tels des traits de feu dans la nuit, et tous savaient que seul un dieu pouvait pleurer ainsi. Et de ces larmes pouvaient naître des armes ou des talismans, car celui qui porte sur soi les pleurs d'un dieu n'est plus tout à  fait mortel.

Quand les premiers Aïmes rapportèrent des pleurs, ils furent longuement fêtés. Mais en ces temps là , tous n'étaient plus unis sous le regard des vrais enfants d'Yllia. Les meutes des héros devinrent plus grandes et furent nommées les protectrices des lieux sacrés. Pourtant la plupart des portails s'étaient éteints, et seuls les shamans en connaissaient la clef.

"Pourquoi les ont-ils fermés, Elmerys?"

Eux avaient vu les sanglots d'Yllia, et sa souffrance était si grande qu'ils ne surent pas comment l'aider. Des mortels ne pouvant pas survivre longtemps à  la peine d'un dieu, ils fermèrent les passages pour se protéger eux, et les descendants d'Yllia. Et les Aïmes demeurèrent ainsi, gardiens de la peine de leur mère, et privés de ses conseils.

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La voix légère de la conteuse s'est déchirée dans le silence de la nuit... Elle semble avoir vécu cet abandon et cet échec la veille seulement. Enfant du martyre... Dans la lueur blafarde du songe je vois Elmerys pleurer, et la roche elle-même veut me communiquer cette peine.

Et au milieu de cette douleur sourde qui semble se propager dans ce... sanctuaire demeure le regard de son père, brûlant. Caressant les cheveux de sa fille, il rompt enfin le silence.

"Mais leur tâche à  changé, Elmerys, souviens-toi"

Oui, père. Les fils de l?Artisan rebâtissaient toujours plus vite les monuments de leur ancienne gloire. Et les Aïmes demeurèrent près de leurs sanctuaires, gardiens de portails vides et d?espoirs déçus. Nul ne sait qui commença la tradition, mais celle-ci se répandit comme une traînée de poudre. Désormais les larmes d?Yllia auraient un nom, et celle-ci serait honorée par le travail du métal aux reflets blancs, celui dans lequel se perdent ses rayons. Toute meute voulut avoir sa preuve de dévotion, même si les larmes n?étaient pas nombreuses.

« Et qui porta le plus haut la peine d?Yllia sur ce monde protégé par le feu céleste ? »

Enggar le bafoué prétendit posséder trois larmes et la meute du fleuve jaune demeura longtemps la prime servante de la Lune. Mais Fenlir le mauvais ainsi que Veliox l?ensanglanté eurent aussi leurs sagas éternelles, père.

« Et comment commença la notre, Elmerys ? »

« Grande est la peine d?Yllia et pourtant vous, ses fils ne cherchez qu?à  vous l?approprier », tels furent les mots d?Artemys le sage. Le shaman des pins noirs avait tenté un dernier voyage auprès de mère et ce fut le c?ur empli de honte et de rage qu?il revint. Ses paroles seules suffisaient à  faire plonger ses frères dans une fureur rouge, qu?ils tournèrent contre eux-mêmes.

Les arrogants maîtres des pleurs décelèrent en Artemys un ennemi mortel. Lui qui avait ordonné à  ses frères de revêtir des parures de joie et non de peine, fut accusé d?honorer Lahn. Sans que jamais les fils de l?artisan n?en sussent rien, les shamans nocturnes débutèrent une guerre sainte contre le traître solaire. Pour éviter que le sol de glace ne boive trop de sang, Artemys et les siens durent partir.

« Toi qui a trahi mère pour honorer l?astre de feu, pars, et va dans les terres où ton nouveau seigneur vous ôtera lentement la vie. Les terres enflammées sont à  toi et tes fous de frères ! »

Et désormais les descendants d?Artemys vécurent dans la terre de Lahn. Eux qui n?avaient jamais servi l?astre de feu durent subir la lente agonie qu?il s?amusa à  leur infliger. Mais chaque nuit, Yllia nous protège et nous donne la force de vivre.

« Bien, Elmerys? Et comme tu le sais, mon diadème est celui d?Artemys, signe de félicité pour la lune. Nous sommes les gardiens de la joie, et devons nous cacher à  la vue de Lahn, qui n?a toujours pas pardonné. »


Ainsi? vivre dans mon cher désert n?aurait été pour ces êtres qu?une? punition ? Ce froid qui règne ici, est-il celui qu?Elmerys et son père, devrais-je dire leurs ancêtres, ont perdu ? Mon instinct me pousse à  la révolte, mes entrailles se tordent à  cette idée. Pourtant, les ziggourats surgies des sables, les anciennes tours et leurs horreurs n'évoquent-elles pas toutes quelque terrible cachot?

Et malgré tout les belles paroles d'Elmerys sonnent étrangement aux oreilles de son père. Le regard de l'homme-chacal est brûlant d'une fièvre que je ne parviens à  reconnaître. Anxiété ou impatience?

"Elmerys, ma douce Elmerys... Sais-tu combien survivre à  l'exil est dur?
?Père je ne connais pas le pays de l'eau blanche et je ne sais...
?Ce n'est pas grave, écoute donc au plus profond de ton c?ur..."

Le feu du ciel vit les enfants de la Lune à  sa merci, dans les rocs et dans les sables. Son ardeur lui permettait de châtier les corps et terrifier les esprits. Pouvait-il martyriser les fautifs jusqu'à  leur faire maudire leur mère et leur guide? Le sage ne pouvait pas souffrir de voir les forces de l'artisan ôter leur courage à  ceux qui l'avaient suivi.

"Père les nuits sont si claires dans le pays de Lahn, et chaque soir Yllia est là  pour nous... ne sommes-nous pas gardiens de sa joie?"

Les larmes d'or furent accusées d'être issues de Lahn, car les fidèles virent dans ses reflets dorés la chaleur de l'astre de feu. Ne les vois-tu pas dans mon diadème, Elmerys, ces flammes de puissance qui irradient du métal sacré? Elles dansent, vivantes et lumineuses de jour, et semblent s'éteindre sous la pâle lumière de Mère.

La silhouette d'Elmerys se penche vers son père et frôle de ses doigts diaphanes le bijou complexe qui orne son front. Je m'attends à  quelque réaction, un cri ou un arc de lumière... mais rien ne survient. Tandis que mon corps frisonne je lis pourtant l'irruption de la panique dans les yeux de la conteuse, et une fois de plus mon ventre se révolte en silence.

"Je sens la chaleur...
?Mais tu as raison, les nuits sont bien froides"

Artemys le banni ne voulut pas voir sa branche disparaître sous les coups de Lahn, dans ces terres ingrates. Alors il s'adressa à  l'astre ennemi, en des termes qui furent oubliés. Le feu céleste aurait désormais sa part de dévotion, et sa chaleur bénie serait elle aussi portée par les enfants d'Yllia. Les larmes dorées ornent depuis nos corps, rappelant le pacte interdit. Mais celui qui sauva l'Artisan n'exige plus de sang clair...

Et Artemys revint avec le savoir de Lahn. Les enfants du sable purent enfin survivre à  son ardeur, trouver les grottes fraîches, l'eau enfouie, les proies camouflées. Quand Artemys retourna auprès d'Yllia, la forteresse avait presque surgi de terre. Gardiens de joie, les fils des sables avait consenti à  porter les symboles du jour pour subsister.

"Nous adorons Yllia, père... pourquoi me tourmenter ainsi?
?Tu as lu dans ma tiare et dans mes yeux la vérité. Et vient le moment que tu attendais."

Nul ne sait comment Yllia reçut Artemys en son royaume, mais pendant près d'un cycle, la lune se teinta d'une lueur violette. Les premiers guides prirent peur, sentant venir la réponse d'Yllia à  tant de blasphèmes. Certains furent tués par leurs propres bandelettes, entendit-on dire, tandis que le peuple des sables se terrait dans le sanctuaire de roche, en proie à  la peur du divin. Pardon et pitié sont d?amusantes sottises aux yeux des puissances.

La savoir de Lahn était en nous, pouvait-il en être autrement? Les Aïmes des terres arides se débaptisèrent en Aïres et certains entendirent les cris de rage de leur mère. La fureur rouge revint alors chez les gardiens de joie. La roche et le sable burent à  satiété du sang, des Aïres eux-mêmes et de toutes les créatures qui vivaient en ces lieux. Lahn lui-même fut pris de rage et se mis à  châtier impitoyablement ceux qui avaient fait de ses terres un chaos.

Mais les guides survivants avaient, eux, la même force que le sage, celle de l'instinct de survie offert par Yllia elle-même. Ils parvinrent à  racheter leur honneur auprès de celle qu'ils révéraient. "Ces terres sont gouvernées par le feu, laisse-nous le satisfaire et l'endormir pour que nous puissions encore te servir". Et dans les profondeurs des monts asséchés, Yllia leur rendit sa bénédiction.

-------------------

Elmérys quitte l'étreinte de celui qu'elle ne reconnaît plus et recule, une expression horrifiée dans ses yeux irréels. Ankylosé, je ne parviens pas à  éviter le spectre qui se réfugie loin de son père. Fermant les yeux, je me prépare à  subir sa caresse glacée, et à  sentir ma vie m'abandonner au contact de cet être.

Qu'elle n'est pas ma surprise de sentir une douce chaleur, la chaleur d'une conteuse vivante ! Et pourtant mes doigts gourds ne peuvent que traverser les fragiles bandelettes, la fourrure pâle... seule sa chaleur me parvient.

La voix du père s'est faite grave et c'est d'un geste lent qu'il retire sa tiare.

"Je dois t'offrir quelque chose, Elmerys...
?Pourquoi m'infliger pareille souffrance?
?Par amour... Je ne voulais pas te faire découvrir ton destin sans que tu ne puisses savoir. Tu m'aurais haï."

Nous sommes les gardiens. Mais l'or n'est pas joie, il n'est que soumission à  Lahn, maître du feu et du désert. Yllia nous pardonne... Nous lui avons offert de quoi étancher sa peine et sa ranc?ur. Et tu en seras l'une des clefs, ma douce Elmerys. Les mâles ne doivent pas avoir connaissance des tourments d'Yllia, car l'astre de feu le saurait aussitôt. Nous assurons la survie et tu assureras le pardon.

"Je...
?Bientôt je t'offrirai la dernière larme des Aîres, celle faîte du métal des cieux, haï de Lahn et envié des fils de L'Artisan. Mais tu ne seras plus tout à  fait des nôtres... Je t'aime.

Le centre de la tiare luit d'un éclat bleuté, comme vivifié par la faible lueur nocturne. Ma vision s'estompe... Elmerys est contre moi, et une larme coule lentement sur sa joue. Le jour est là .

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Je serre dans ma main l'objet arraché à  ce sable oublié. La beauté et la pureté du métal ne font aucun doute.

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J'ai écrit, malgré le sable, malgré la soif. Nous, passeurs, ne faisons que raconter nos histoires. Ou nous contentons de les vivre. Lahn laisse enfin ses terres, et je sens la fraîcheur nocturne envahir mes dunes. J'ai du mal à  tracer ces mots, moi qui n'ai appris les signes que par chance. Mais peut-être n'ai-je plus le temps de faire autre chose.

Je ne suis plus le même. Cela fait presque dix jours que je chemine vers les miens. Chaque jour le soleil dévore un peu plus mes yeux, et le sable me tire de précieuses larmes. Je crains de devenir aveugle. Aveugle? Non, je quitte le monde des hommes...
Les nuits sont devenues si claires... Chaque bruit, le crissement du sable, le bruissement des rares arbustes, est comme amplifié par le silence nocturne. Je n'ai aucun mal à  éviter les tigres, je les perçois avant qu?eux-mêmes ne puissent le faire. Et je me sens si bien dans cette obscurité glacée. Que Lahn se lève et je me sens à  l'article de la mort, qu'Yllia surgisse et je deviens plus fort que dans mes vertes années.

Alors je dois écrire... Mes nuits sont emplies de souvenirs. Recroquevillé dans un abri, je sens sa présence. Ces derniers jours, j'ai même senti son souffle, léger et doux sur ma nuque. Je ne sais qui éprouve la plus grande crainte, cette pauvre conteuse condamnée ou celui qui garde son bien. Cette nuit... Je n'ai jamais eu la force d'ouvrir les yeux, serrant contre moi le bijou, son souffle contre ma peau. Mais cette nuit, je plongerai mes yeux dans ceux d'Elmerys.

Alors peut-être vais-je quitter mon cauchemar, ou plonger avec délice dans un autre rêve.


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MessagePublié: 15 Nov 2004, 04:10 
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Pamplemousse Panchromatique
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Inscription : 28 Avr 2004, 01:00
Message(s) : 6475
Localisation : Paris, France.
Les notes supplémentaires ajoutées après la publication par PhénixNoir sur Traumen au sujet de ce texte sont intriguantes, mais précieuses :

PhénixNoir a écrit:
précision : Yllia = Lune, Lahn = Soleil, Artisan = force du progrès, voire l'Homme

[...]

Ceci devrait signer la fin de mon temps passé à  écrire sur Confrontation. Et de toute fanfiction, d'ailleurs. En esperant que ça vous plaira



Il est curieux que cette oeuvre de PhénixNoir soit appelée "Sable brûlant" sur Traumen et "Sâbles oubliés" sur Eltanin. Une évolution de la volonté de l'auteur ?

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MessagePublié: 19 Nov 2004, 11:59 
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Songes de louve

Inscription : 09 Juil 2004, 00:25
Message(s) : 496
sable brûlant était plus un titre de travail... bien qu'employé lors des parutions initiales.

Je l'ai rebaptisé juste pour tenir compte que ceci est une version encore un peu plus corrigée de fautes et mauvaises tournures.


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MessagePublié: 20 Nov 2004, 03:18 
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Le Fou et le Fitz
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Inscription : 28 Avr 2004, 02:17
Message(s) : 296
Localisation : Trèfle à  trois feuilles
j'aime bien cette histoire là .
les loups du désert m'attirent bien. est ce du au fait qu'ils vivent dans un pays chaud comme moi?
en tout cas, le rythme me porte toujours aussi bien quand je lis les Sables Oubliés.
j'adore, quoi.

_________________
Pouffe qui l'assume.


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MessagePublié: 24 Nov 2004, 20:01 
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Songes de louve

Inscription : 09 Juil 2004, 00:25
Message(s) : 496
ça à  le mérite de moins capter l'attention que les autres production, ça permet de rester pur


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