"Entre entre, je t'en prie ! Ne t'inquiète pas, le gnome armée de sa clé, ne te suivra pas jusqu'ici... Depuis le temps qu'on tient le coup ici, on a appris à s'organiser.
Allez, ne reste pas planté là comme ça, prend une chaise ! Qu'est-ce qu'on te sert ? Un petit Kanakan peut-être ? Ne fais pas attention au bruit, je suppose qu'ils sont encore en train d'argumenter sur l'âge véritable de Jeane ou l'origine de la rune du faucon.
Et toi alors ? De quel côté tu te situes ? A te voir, comme ça... Harmonien non ? La guilde des Hurlements peut-être ? Moi ? Oh, plutôt Serraïste, tendance Valério-Kikasienne, je dois avouer. Tu peux rester là aussi longtemps que tu veux, il y a toujours de la place, à côté de la tablette aux étoiles."
C'est ça, la touche Suikoden. Ce sont des jeux, non pas pantouflards, mais dans lesquels on se sent chez soi. Loin de l'esthétisme glacé d'un Final Fantasy, de la foisonnance d'un Star Ocean, Suikoden, c'est un monde véritable, dans lequel chaque volet ammène son lot de questions. On guette les références aux épisodes précédents, on sourit en revoyant des personnages connus, et on observe les nouveaux avec une curiosité pleine d'espoir. Et voilà que Suikoden aligne déjà son cinquième volet, après un épisode qui était loin de faire l'unanimité. Alors, qu'attendre, vétérans de la Guerre de la Rune du Passage ou petits nouveaux ? Accrochez-vous c'est parti.
Suikoden V prend place dans le royaume de Falena, un pays prospère et agréable, dirigé depuis toujours pas une dynastie de reines. Le pouvoir falenien ne se transmet que par les femmes, la plus haute dignité masculine consistant à être l'époux de la souveraine et le capitaine de ses gardes.
La reine actuelle, Arshtat, a permis à son royaume d'émerger sans trop de dégâts d'une guerre civile, grâce au pouvoir de la rune du Soleil, qui confère à son porteur des pouvoirs extrêmement puissants. Cette guerre a cependant laissé des stigmates, sur lesquels le pouvoir n'a pas le temps de se pencher, l'un d'entre eux étant Lordlake, village presque anéantit par la puissance de la rune du Soleil.
Afin de ne pas perdre l'estime de son peuple; Arshtat envoie à Lordlake, deux figures mineures de la royauté : sa soeur, Sialeeds, et son fils (incarné par le joueur). Ils sont accompagnés d'un chevalier vétéran, Georg Prime, et de la garde du corps du prince, Lyon. Arrivés sur place, Sialeeds et le prince découvrent que la guerre qu'a connu Falena a eu des répercussions bien plus graves que prévues. La reine semble presque discréditée, et un coup d'état est imminent. De qui viendra l'estocade ? Des nobles, toujours préoccupés par leur statut ? Des chevaliers ?
Impossible d'en dire plus sans dévoiler les premières heures de ce jeu-fleuve qu'est Suikoden V. Car on ne peut le nier : l'histoire est gigantesque, tant au niveau du temps de jeu (j'ai mis une soixantaine d'heure à le terminer, ma moyenne étant trente pour la plupart des RPG), que des ramifications de l'histoire. Le héros et sa tante, de part leur statut, occupent une place privilégiés dans l'action, pouvant se déplacer sans être handicapés par le protocole, ce qui leur permet de mieux saisir l'étendue des problèmes du royaume.
Car c'est un véritable méli mélo politique dans lequel le joueur est plongé, chaque allié potentiel défendant avant tout ses intérêts. Si la série des Suikoden n'a jamais versé dans le manichéisme, on atteint ici des sommets : impossible de savoir à qui se fier, du moins durant la première moitié du jeu, à tel point qu'on finit par développer une légère paranoïa à chaque rebondissement.
L'intrigue est servie par un système de jeu qui rappelle beaucoup le deuxième volet de la série. Le héros se déplace accompagné de cinq alliés, prêt à se battre en cas de mauvaises rencontres. Les combats sont on ne peut plus simples : le bon vieux tour par tour prédomine, pas de barre d'action ou autre fantaisie. Mais bizarrement, les combats n'ont rien de lourdaud, du fait de divers petits détails amusants : possibilité d'arranger la formation de l'équipe à sa convenance, sorts magiques très variés, système de compétence plus subtil qu'il en a l'air... Suikoden V se repose sur des bases on ne peut plus connues, mais en profite pour créer ses propres variations, et l'idée se révèle payante.
Niveau graphisme, c'est du Suikoden : à savoir qu'ils semblent toujours un peu datés par rapport aux technologies actuelles. Mais, encore une fois, on ne peut qu'applaudir la maîtrise technique de Konami : villes variées, séquences animés très convaincantes (en particulier les expressions faciales nettement plus réussies que celles d'un FFX), postures de combats différentes pour chacun des soixante dix et quelques combattants...
La musique, elle est un peu décevante comparée au volet précédent. Les thèmes n'ont pas la même originalité, en particulier l'introduction, et les morceaux de bataille n'ont pas l'efficacité de celui de Suikoden IV.
Autre point noir du jeu : les temps de chargement. Deux ou trois secondes, ce n'est pas long, mais lorsque ça se reproduit à chaque changement d'écran (sans parler des combats aléatoires), ça devient très vite fastidieux.
Heureusement, le plaisir de jouer l'emporte rapidement sur ce qui est à mon avis le plus gros défaut de Suikoden V. La variété du parcours du Prince et les rebondissements auxquels il s'expose collent littéralement à l'écran, dans cette nouvelle quête de cent huit alliés tous plus improbables les uns que les autres.
Encore une fois bienvenue dans le monde de Suikoden . Cinquième volet, différent des autres, mais commun dans une chose, une chose essentielle : la connivence.
Le Prince voyage toujours très bien entouré.