Boudiou ils ont osé. Les petits gars de Monolith Software ne reculent absolument devant rien : donner une suite - ou plutôt une préquelle, pour reprendre cet horrible mot à la mode - à cet espèce de rêve poétique et kitsch qu'était Baten Kaitos relevait de la haute voltige. Et pourtant, sans aucun complexe, voici que nous arrive Baten Kaitos Origins, qui se met en tête de nous narrer une histoire se passant une vingtaine d'années avant les aventures de Kalas, Xhela et leur improbable équipe. Récit d'une nouvelle plongée dans cet univers, à présent unique deux fois, après une dizaine d'heures de jeu.
Oui, vous connaissez déjà ce jeune poseur... Cherchez bien...
Au commencement, donc...
Au commencement, nous avons peu de choses. Trois personnages jouables en tout et pour tout, qui font tous leur apparition dans la première heure et demi du récit. Nous trouvons tout d'abord le héros, Sagi.
Première observation superficielle, au niveau du design : Sagi est un type banal. Une bouille tout à fait commune, des vêtements n'atteignant en rien l'excentricité de ceux de Kalas et des ailes - car presque tous les humains de BK en possèdent - évoquant un pigeon. A ses côtés, une première surprise : Guillo, un automate de combat. Guillo est un être bizarre, une machine androgyne plutôt faible qui maîtrise la magie et possède l'amusante particularité de parler avec deux voix superposées, une masculine et une féminine.
Nos deux larrons sont membres des services secrets d'un seigneur de l'Empire d'Alfard qui projette rien moins que d'assassiner l'empereur. Dépêché pour cette mission, Sagi s'infiltre dans le palais mais trouve l'empereur déjà mort... Manque de chance, c'est pourtant le jeune homme qui sera désigné coupable. Sagi et Guillo ne doivent leur salut qu'à Milliarde, une jeune fille qui se présente elle même comme une riche damoiselle décidée à découvrir le monde. Notre trio se retrouve rapidement impliqué au centre d'une intrigue qui décidera du sort de l'empire et des autres continents : vont-ils opter pour un futur entièrement mécanisé ou un retour aux traditions ancestrales ? Ce choix se double d'un problème plutôt préoccupant : la capacité de Sagi à voyager dans un monde étrange et inconnu, menacé par un tyran qui, peu à peu, change son peuple en fantômes...
Vous ne comprenez pas vraiment au tour de qui c'est ? Normal.
Et le Pullitzer est donc décerné à ...
Première observation, avant même de remarquer un design, à nouveau inventif et féérique, un système de combat complexe et pêchu ou une multitude de quêtes annexes : Baten Kaitos Origins est un jeu extrêmement bien écrit. La chose est assez rare pour mériter d'être soulignée. Mis à part KOTOR II et peut-être certains passages de Suikoden V, j'ai rarement vu, dans un jeu vidéo, des dialogues aussi cohérents, corrects et naturels. Le fait que l'équipe se réduise à trois personnage y est pour beaucoup. On évite ainsi le syndrome fréquent dans beaucoup de RPG qui consiste à vouloir faire parler chaque personnage tour à tour. Ici, Sagi s'intrerroge, Milly et Guillo s'engueulent le plus naturellement du monde et on y croit. On y croit d'autant plus que, comme dans le premier opus, le joueur incarne l'esprit protecteur de Sagi, celui qui le guide et lui dicte de sages conseils... Bref, le procédé d'immersion dépasse, de par l'effort d'écriture, le premier Baten Kaitos.
Le scénario, s'il part sur des bases, n'ayons pas peur de le dire, bien clichées, assume totalement ce côté (témoin Milly : "Vous savez bien, je suis une de ces filles riches qui rêvent de voir le monde et qui savent parfaitement se battre malgré leur enfance surprotégée") et ne tarde pas à nous projeter dans un tourbillon d'événements qui relèvent grandement l'intérêt de l'intrigue.
Milly n'est pas une fille qui a du caractère. C'est une chieuse. Gentille hein ! Mais chieuse.
Chaque village, chaque rebondissement est l'occasion d'en découvrir un peu plus tant sur les héros que sur un monde que, depuis Baten Kaitos, on croyait parfaitement connaître.
J'en suis encore à la phase classique "où le héros ne se pose pas de questions et où tout le monde cache quelque chose", mais les quelques indices dévoilés (en particulier l'apparition d'un ange gardien "concurrent") laissent planer l'ombre d'alléchantes révélations. Niam niam.
C'est quoi, Validectory ?
Cette histoire bien léchée est servie par une interface qui a peu changée depuis le premier Baten Kaitos. C'est au niveau des combats qu'apparaît le gros changement. Ici, les trois héros, s'ils se battent toujours au moyen de cartes nommées Magnus partagent tous les trois le même jeu.
Ce système, qui évite de longues périodes de reconfection intensive des pioches, laisse également une plus grande part à la défausse (d'autant plus que les cartes défaussées sont simplement placées au fond du paquet, prêtes à resservir), et est accompagné d'un dynamisme bien plus grand au niveau du choix des cartes : il faut ici planifier très rapidement ses suites de cartes pour avoir une chance de faire des dégâts conséquents à l'ennemi.
Je ne rentrerai pas dans le détail de ce nouveau système (par pur flemme), me contentant d'avertir tout le monde que, pour éviter d'avoir en permanence le nez collé sur les cartes, il vaut mieux choisir le mode de combat "facile" (qui n'a de facile que le nom), et que ce nouveau système, bien qu'assez différent de l'ancien, devient assez jouissif une fois qu'on le maîtrise... Il n'en reste pas moins que certains passages imposent un peu trop de batailles, ce qui en devient lassant à la longue...
Oui bon, nous sommes quand même dans un RPG, il faut remplir le quota de pauses classes.
Non, le monde n'est pas mon huître !
Un reproche souvent adressé à Baten Kaitos était son peu de quêtes annexes : ici, on bascule presque dans l'excès inverse. Les concepteurs nous ont préparé toute une tripotée de tâches auxiliaires à accomplir, de batailles dans une arène à enquêtes variées, afin d'optimiser l'équipement des héros, ou tout simplement d'en apprendre plus sur l'histoire. A tel point qu'un guide des quêtes annexes débloquées est présent dans l'inventaire du groupe.
Même si ce procédé un peu naïf peut faire sourire, il n'en reste pas moins que ces missions coupent agréablement de trop longues périodes d'explorations dans des donjons humides ou des caves brûlantes (les niveaux sont assez clichés, oui oui...). D'autre part, il offre une profondeur supplémentaire à cet univers décidément très riche, permettant au vétéran de retrouver des personnages connus, tels Almarde ou même Geldoblame.
Guillo, automate attachant et inquiétant... Surtout lorsqu'il démolit à lui tout seul des bestioles comme celles que vous voyez derrière lui !
Origins, malgré une certaine lourdeur au niveau de l'exploration des donjons, se révèle donc, pour le moment, à la hauteur de son prédécesseur, et sans doute supérieur au niveau scénaristique (je précise également qu'il est tout à fait possible d'y jouer sans avoir toucher au premier opus.). Il est d'ailleurs plaisant de voir que cet aspect n'a pas totalement été délaissé et que des héros de jeux vidéos peuvent s'exprimer autrement que par de grands adages grotesques tels que "Le pouvoir de l'amitié, c'est achement puissant, tu vois !" (Zut alors, moi qui m'était promis de ne pas parler de KHII... )
BKO est un jeu qui, pour reprendre les termes d'un internaute anglophone, "hurle dans son histoire et son design, qu'il a été fait avec passion et délicatesse". Avec, ça et là , quelques vrais morceaux d'art. Alors même si, d'un coup, je découvre que ce jeu est nul passé le point où j'en suis arrivé, il aura quand même gagné sa place au paradis. Amen. Et encore merci à MS pour sa campagne "créons des jeux qui font du bien." Ca me manquait...
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