"La fin du vingtième siècle fut marqué par un conflit sans précédent, entre les humains et les monstres. Ce fut une guerre totale. Et lorsqu'elle s'acheva, les monstres furent les vainqueurs. Le temps passa... et peu à peu, les hommes oublièrent la mélodie..."
Ainsi commence Melody of Oblivion, anime produit par JC Staff (Utena, Excel Saga) auquel a, de loin en loin, participé Gainax (Evangelion, pour ne citer que son monstre). Une intro pour le moins classique, ce qui semble être confirmé par le synopsis.
Depuis la fin du conflit entre monstres et humains, les hommes sont condamnés, pour survivre, à sacrifier leurs enfants à l'appétit de ces créatures immortelles. Cependant, de temps à autres, un Guerrier Melos, apte à combattre les monstres, fait son apparition. Ces guerriers ont à mener deux combats de front. Tout d'abord libérer les popuiaces du joug des dévoreurs d'enfants, mais également fuir les humains "normaux" qui, finalement, tirent leur parti de ce monde dans lequel ils ont trouvé une place.
Bocca fait parti de ces élus, à qui la Mélodie de l'Oubli s'est manifesté. Devenu Bocca Sérénade, il part sur les routes, accompagné de Saiyoko, une jeune pickpocket et aidé de deux autres guerrières Melos. Son voyage va l'opposer non seulement aux monstres mais également aux représentants de la Monster Union, groupe au service des nouveaux maîtres de la planète.
Et voici la fine équipe. De gauche à droite et de haut en bas : la Mélodie de l'Oubli, le guerrier Kurofune, Coco (une réincarnation de Chibi Moon), Bocca, notre héros, Tooune et Saiyoko (gentiment surnommée "la chaudasse" par certains)
Bref, un synopsis bête à pleurer pour l'anime sans doute le plus gonflé de l'histoire, et je vous jure que je pèse mes mots.
Ce qui frappe à la vision des premiers épisodes, c'est le style graphique choisi pour cet anime techno-fantasy : on a le droit à des couleurs qui offensent toute rétine normalement constituée, les visages sont plus lisses qu'une toile cirée, tous les garçons sont des bishonen sexys et les filles sont dotées d'une poitrine qui ferait pâlir de jalousie Lara Croft.
Et puis, après quelques minutes, Melody of Oblivion sort la grosse artillerie : il ne se passe pas une séquence sans que l'on ait le droit à des scènes pour le moins suggestives : les filles excercent sur Bocca un véritable harcèlement sexuel, lui se retrouve (forcément) vulnérable à leur atteinte, les méchants humains sont tous des sado-masochistes finis, etc etc... Cette sarabande d'allusion sexuelle se retrouve même dans les scènes d'action. Je m'explique : un guerrier Melos, pour combattre les monstres, est armé d'un arc et de flèches. Il doit frotter sa flèche sur un tatouage magique pour que celle-ci ait une quelconque efficacité au combat. Or, si Bocca porte son tatouage sur le biceps, Tooune, une de ses collègue, l'a, elle imprimée sur l'intérieur de la cuisse, très haut. Et donc quand elle frotte sa flèche... bref, je ne vous fait pas de dessin.
Une banale rencontre... et c'est le début d'une aventure qui opposera Bocca à des souris géantes, des singes sadiques, et des filles déguisées en vaches qui jouent au ballon... c'est beau, la vie de héros...
Bon, tout ceci est bien beau mais une intrigue classique et des allusions graveleuses n'ont jamais fait un anime digne de ce nom. Il faut cependant avouer que Melody of Oblivion s'en sort avec les honneurs. L'intrigue principale, pour aussi simple qu'elle soit, est en réalité subdivisée en une multitude de petits cycles, de deux ou trois épisodes. On découvre à chaque cycle de nouveaux personnages, des univers inédits, comme cette ville plongée dans une nuit perpétuelle, ou cette vallée, dirigée aux grés d'une femme capricieuse.
D'autre part, si Bocca est un personnage plutôt neutre, c'est avant tout pour mettre en avant ceux qu'ils rencontrent, alliés ou ennemis, qui ne tombent jamais au grand jamais dans la simplification excessive. On va se pencher sur leurs sentiments, leurs motivations, leurs douleurs intimes... avant de copieusement les tourner en ridicule, eux et les clichés qu'ils représentent.
Car c'est cela avant tout, melody of Oblivion. Une atomisation complète et définitive de tout ce qui peut constituer les clichés de l'anime. Démoli le fan-service, ridiculisés les méchas, à mort les méchants dâârks et charismatiques. Melody of Oblivion a choisi de destructurer le genre auquel il appartient, que ce soit à travers le graphisme, les personnages ou l'intrigue. Non content de transgresser ces règles, l'anime recourt à un système de symbole étrangement érudit pour le contexte. Le miracle est que, malgré ces tirs de mortiers, l'histoire parvient à se dérouler sans trop de heurts.
On notera également la bande-son, plutôt originale en ceci qu'elle utilise énormément de violon solo, ce qui donne bizarrement un côté sobre à certaines scènes.
Etre un guerrier Melos signifie essentiellement lutter contre des mégalomanes dans des méchas ridicules... le topos classique, quoi...
Bien entendu, cette mélodie n'est pas exempte de fausses notes (faut que j'aille la déposer, celle-là ) : 24 épisodes, c'est court pour une série aussi ambitieuse, et certaines parties de l'histoires sont laissées dans l'ombre. Si ce manque apparaît parfois comme volontaire, il y a des moments où on a l'impression que la production était tout simplement pressée par le temps. D'autre part, les épisodes du début sont très mal montés, souffrant d'ellipses très malheureuses, qui coupent le dynamisme de la série. Enfin, beaucoup d'épisodes commencent par un flashback sur ce qui s'est passé entre deux épisodes, au lieu de rentrer directement dans l'action, ce qui aurait, à mon avis, été profitable à l'intrigue. On notera pour en finir avec les reproches, une fin un peu paresseuse.
Cependant, Melody of Oblivion est un anime à voir. Absolument. Ne serait-ce que trois ou quatre épisodes, pour le culot, l'inventivité et la virtuosité dont elle fait preuve, en assumant totalement son ridicule et son côté malsain. Je tiens quand même à préciser qu'il vaut mieux prendre pas mal de recul vis-à -vis de certaines scènes chaudes, l'une d'entre elle m'étant apparu comme pouvant véritablement choquer (moi pas, mais il est de notoriété public que je suis un pervers débridé, youpi youpi et allez donc).
Bref, un autre anime qui classe définitivement JC Staff au rang des créateurs les plus brillants mais aussi les plus étranges de ces dernières années dans le domaine de l'anime. Melody of Oblivion, tout en massacrant le genre dont elle est issu, nous montre que ce même genre peut être le théâtre de toutes les inventions et de tous les excès.