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"Edward aux Mains d'Argent" de Tim Burton
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Auteur:  Raphychou [ 07 Mars 2006, 00:13 ]
Sujet du message:  "Edward aux Mains d'Argent" de Tim Burton

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"Edward aux Mains d'Argent", un bien curieux titre français pour une oeuvre dont le nom original, "Edward Scissorhands", est bien plus logique et parlant. Mais cette dénomination n'en retranscrit pas moins la poésie du film.

Pour beaucoup, ce long métrage reste non seulement le meilleur de Tim Burton, mais son seul vrai film. L'unique dans lequel il se soit totalement impliqué, dans lequel il n'ait pas métamorphosé son imaginaire pour le mettre au service d'autrui ou le rendre plus accessible aux spectateurs. Le verdict est peut-être sévère au regard de toutes les merveilles exotiques que compte la filmographie de Burton (comme le dit Jean-Pierre Putter, "On sait bien que Tim Burton ne fait pas du cinéma, il fait du Tim Burton !"), il n'en est pas moins tentant, tant cette création opère comme la synthèse de toutes les obsessions burtoniennes.
On retrouve dans "Edward aux Mains d'Argent" les contes, la neige, la fascination pour un univers lugubre hérité des plus anciens films d'horreurs, approche ténébreuse mêlée à  des images enfantines, à  l'image des contours fluides des sculptures végétales. On y voit des choses aussi diverses que la souffrance, les relations de domination et la transfiguration du kitsch, du coloré, du pimpant. On y retrouve Vincent Price, acteur qui a toujours fasciné Burton (il a sans doute adoré le convaincre à  plusieurs reprises de se joindre à  ses projets). Et bien sûr, on découvre dans toute sa gloire la figure du Monstre qui n'est qu'effleurée dans le reste de ses films.



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Edward dessiné par Tim Burton.[/center]



[spoiler]Magnifiquement interprété par Johnny Depp, le Monstre est l'élément central du film, jusque dans le titre. C'est non seulement le héros, mais l'élément autour duquel tout s'articule, le révélateur de tout ce que la petite ville est véritablement. A ce titre, l'oeuvre ne nous épargne rien et elle se révèle non subversive, mais authentiquement enragée autant que triste. C'est un véritable brûlot de l'humanisme auquel nous avons droit ici, mais un brûlot froid, à  l'image des sculptures qui deviennent, au final, la grande occupation de l'être malheureux, du martyr du propos de Burton. Edward est sacrifié aux préjugés, au laxisme d'une police faisant preuve de bonne volonté mais n'allant pas au fond des choses, aux paradoxes d'une famille américaine qui aime mais "pas trop"... Tim Burton ne diabolise rien, ne jette la faute sur personne, il ne fait que fournir un regard triste sur les errances humaines.

Ce film est un conte, et non un conte philosophique. Il ne s'agit pas de réflexion, mais d'émotion, et c'est pourquoi je serai bien en peine de livrer une critique plus profonde. Les meilleurs alliés de Burton, Danny Elfman, Johnny Depp et Vincent Price, font des merveilles, la photographie est splendide et tous les acteurs sont excellents, dirigés de main de maître ; impossible de se méprendre sur ce qu'ils disent ou pensent à  un moment ou à  un autre.
Un film qui montre tout, mais ne dit rien. Un film qui se ressent.[/spoiler]



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Auteur:  Morgan Kane [ 07 Mars 2006, 00:43 ]
Sujet du message: 

Je n'ai pas vu Edward aux mains d'argent mais ce qui me gêne chez Tim Burton est que sous des dehors transgressifs, le dernier mot revient toujours à  la morale conventionnelle et à  l'ordre établi.

L'étrange noël de M Jack, Charlie et la chocolaterie et son dernier dessin animé dont j'ai déjà  oublié le nom en constituent des exemples typiques.

Je ne nie ni son talent, ni son imagination ... j' exprime un regret !

Auteur:  Raphychou [ 07 Mars 2006, 00:58 ]
Sujet du message: 

Justement, en sortant d'une projection des "Noces Funèbres", j'exprimais peu ou prou le même regret au sieur Rosiel : "Il y a quelque chose que je déteste dans les derniers Burton, c'est qu'avant, il prenait fait et cause pour le Monstre, et que maintenant, à  la fin de l'histoire, le Monstre prend ses cliques et ses claques et rentre chez lui, chacun chez soi et les cochons seront bien gardés".
Ce syndrome s'exprime au plus haut point dans son film "Big Fish". Autrefois, Burton se serait attaché au pauvre type toujours perdant dans le sillage du héros qui réussit toujours, du grand sportif aux dents blanches. Aujourd'hui, c'est à  ce dernier qu'il s'intéresse, c'est le Gagnant, le Chevalier qu'il sacralise. C'est à  la morte-vivante de regagner sa tombe, il n'est pas possible que le héros des "Noces Funèbres" s'y attache, parce qu'elle est un cadavre.

Ce travers a augmenté avec le temps et n'est absolument pas présent dans ses premières oeuvres. Dans "Bettlejuice", même si le bio-exorciste Betelgeuse est finalement puni par un sorcier, il n'en a pas moins semé le chaos avec un bel entrain (aspect subversif proche de celui de "Gremlins" de Joe Dante, quand on y pense). Dans le court métrage d'animation en pâte à  modeler "Vincent" (hommage à  Vincent Price), on ne cesse de suivre l'enfant anormal jusqu'à  sa fin tragique.

[spoiler]Je pense que la conclusion de "Edward aux Mains d'Argent n'est absolument pas "normalisatrice". Certes, Edward finit par regagner son refuge et son malheur, mais Kim s'en est épris et a clairement choisi de le rejoindre à  plusieurs reprises, n'hésitant plus à  frapper son ancien petit ami devenu immoral, violent et même meurtrier. Comme dans tout mélodrame classique, c'est l'Ordre qui l'emporte... on n'en prend pas moins fait et cause pour le Monstre.[/spoiler]

Auteur:  Mistrophera [ 19 Mars 2006, 14:46 ]
Sujet du message: 

Ce n'est pas le chef d'oeuvre que je pensais. Un film dont la principale qualité, au final, est d'être drôle. Il est amusant de voir que Tim Burton, bien que faisant mine de promouvoir des valeurs totalement à  l'opposée des valeurs traditionnelles, pense exactement comme n'importe quel être humain. Je suis donc déçu, mais "le meilleur film de Tim Burton" est à  voir. Beau jeu de Johnny Depp, et de bons moments.

On lui préfèrera cependant Nightmare Before Christmas (L'Etrange Noël de Mr Jack), ne serait-ce que pour les musiques (et l'interprétation en tant que Jack chanteur! ) de Danny Elfman, le travail incroyable pour l'époque des animateurs et l'histoire, possédant cette fois une véritable portée.

[spoiler]La fin d'Edward Scissorhands n'est pas triste, du moins pas pour Edward. Ne pouvant vivre parmi les humains, la création "incomplète" crée à  son tour, et trouve sa complétion, non dans la reconnaissance sociale, dont elle se fiche éperdument, mais dans la satisfaction de faire du beau.
Cet "handicap" est en réalité ce qui rend Edward exceptionnel et intéressant, et il ne peut témoigner de l'amour qu'au travers de la sculpture, incapable qu'il est de caresser ou d'étreindre.
Enfin, Edward est un personnage éternel, incomplet mais inoxydable, tandis que la jeune fille, elle, vieillit et dépérit. Ne reste que l'image que l'artiste en a gardée (CF la Charogne, de Baudelaire: l'artiste offre la vie éternelle à  la beauté périssable) et qu'il représente en des figures de glace (donc éphémères aussi), inlassablement, perpétuant le souvenir de cette beauté.
Edward ne retourne aucunement dans son malheur. Il retrouve au contraire le bonheur de la solitude et de la création, il est son seul spectateur. Il porte le témoignage pur de la beauté, alors que dans la société, il n'aurait servi qu'à  coiffer des bonnes femmes et des clebards. La fin du film est donc exactement celle qu'il lui fallait (excepté peut-être le meurtre, pas franchement indispensable, même s'il montre que dans la société, les outils magiques d'Edward ne deviennent que des armes de mort), et elle est surtout probablement ce qui lui donne quelque intensité.[/spoiler]

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