La Légende de Korra est la suite d'
Avatar, le dernier maître de l'air. Cette série animée devrait durer deux saisons, de douze et quatorze épisodes. Sa diffusion est encore en cours à l'heure où je rédige ce message.
Korra, le nouvel avatarDans la mesure où la série demeure inachevée, mon objectif n'est pas de procéder à une présentation de cette oeuvre ou à sa critique globale. Je souhaite simplement en parler et donner mon avis sur son contenu.
Ce sujet est appelé à contenir du spoiler, soyez prévenus.Pour entamer le sujet, je commencerai par le personnage de Kora elle-même. Malgré des débuts quelque peu caricaturaux dans l'épisode 1 - que ce soit dans l'introduction alors qu'elle est encore toute petite ou dans sa relation avec ses mentors du Lotus blanc durant le reste de l'épisode - le personnage s'avère intéressant. Contrairement à ce qu'il s'était passé dans la première série, où l'avatar qui lui donnait son nom partageait le devant de la scène avec d'autres personnages souvent bien plus complexes et intéressants que lui, nous avons cette fois-ci un avatar dynamique, qui attire à lui les regards et focalise notre attention.
Derrière une apparence "pile électrique" qui au premier abord lui avait attiré une légère antipathie de ma part - Dieu sait combien je n'apprécie guère les personnages qui se résument à "De l'impulsivité ! Plus d'impulsivité ! Encore plus d'impulsivité !" - elle se révèle un avatar parfaitement en adéquation avec son époque et les enjeux mis en scène par le scénario : à quelle place doit-elle prétendre dans une société plus moderne, où la la maîtrise des éléments elle-même est remise en cause ? Quel visage doit prendre l'harmonie dont elle est la garante dans un monde où le vieux modèle de séparation des quatre nations n'a plus cours ? Korra doute, ne se raccroche pas au passé et à l'ancien système et ce faisant embrasse l'avenir et ses incertitudes, prenant part de ce fait à la quête d'un nouvel équilibre adapté à son temps.
Là où, dans la première série, l'avatar s'est chargé de corriger les errements des cent dernières années et de ramener le monde à une situation antérieure vertueuse et équilibrée, ici l'avatar fait fi des traditions et cherche à s'adapter, à adapter son rôle, au monde tel qu'on l'a fait évoluer. Le processus n'est pas facile ni évident et c'est dans ses questionnements et ses tâtonnements que réside l'intérêt de Korra.
Korra, un avatar qui ne manque pas de chien (désolé, fallait que je la place)Parlons justement du monde. Ou plutôt du monde de Korra - car, tranchant encore une fois avec la série antérieure, celle-ci se déroule pour l'heure dans un cadre géographique unique (si on excepte l'introduction sise au pôle sud) : Republic city.
Republic city nous offre un dépaysement radical par rapport aux décors visités jusqu'à maintenant du monde de l'avatar : nous entrons de plein pieds dans une métropole moderne, trépidante d'activité, tendant vers le steampunk par moment.
Disons-le tout net : Republic city, c'est le New-York des années 1920 avec un vernis asiatique.
Ca rappelle bigrement Manhattan et l'embouchure de l'Hudson, tout ça...Dans la catégorie similitudes topographiques, ajoutons la statue de l'avatar Aang qui fait écho à la statue de la liberté, toutes deux sises sur une île au milieu de la baie.
La ressemblance ne s'arrête bien sûr pas à la disposition des lieux. Republic city est un melting-pot de gens originaires des quatre nations - même si évidemment la nation de l'air, avec ses membres se comptant sur les doigts d'une main, fait un peu pâle figure... - et constitue une véritable jungle urbaine que la police a bien du mal à dompter. La ville est un "monstre", incontrôlable malgré les efforts du conseil dirigeant pour lui conférer un semblant de stabilité, en proie à une criminalité bien implantée (ici, les triades, à la place de la mafia dans le modèle d'origine).
Pour compléter le tableau, parlons du mouvement anti-maîtrise. En lieu et place de communistes/anarchistes revendicatifs, Republic city doit faire face à des "non-maîtres" qui se plaignent d'une oppression des maîtres élémentaires à leur encontre et qui, au fil de la série, utilisent des méthodes de plus en plus violentes pour faire avancer leur cause.
Notez que je ne prétends rien "dénoncer" en établissant ce parallèle Republic city/New-York des années folles : il est revendiqué par les auteurs eux-mêmes qui ajoutent le Shangaï de la même époque à leur inspiration.
Ce cadre est bien dépeint et intéressant, mais pour moi il pose un sérieux problème : l'identité de la série. En effet, le monde d'Avatar est un monde asiatique ; les cultures visitées durant la première série ne cachaient absolument pas leur source d'inspiration et collaient d'assez prêt à leurs modèles respectifs (inuit pour l'Eau, tibétaine pour l'Air, chinoise pour la Terre et japonaise pour le Feu).
Ici, comme je l'ai dit, nous avons un
vernis asiatique : le look des satomobiles, avec ses motifs caractéristiques, par exemple. Mais la société, elle, est fondamentalement occidentale, tout comme le modèle d'urbanisation de Republic city avec ses gratte-cieux. Idem pour le mouvement anti-maîtrise et son idéologie sous-jacente.
Le mouvement anti-maîtrise pose d'ailleurs un problème de fond concernant la cohérence de l'univers d'Avatar. Cela fait des siècles, que dis-je, des millénaires que la maîtrise des éléments se pratique dans le monde d'Avatar (la tortue-lion géante qui conseille Aang à la fin de la première série lie explicitement l'apparition de l'avatar et celle de la maîtrise élémentaire, et quand on voit le nombre impressionnant de statues d'avatars ayant précédés la tête de flèche...) ; il a du y avoir plus que son lot de maîtres abusant de leur pouvoir inné (Chin le conquérant semble un bon candidat) avant que finalement des modèles sociaux stables, où ce talent possédé par certains et inaccessibles aux autres ne constituait pas un problème, se mettent en place.
De ce qu'on voit de Republic city, les maîtres qui y résident ne sont ni pires ni meilleurs que ceux qu'on a pu croiser dans la première série aux détours du chemin d'Aang et de sa petite troupe : certains utilisent leurs facultés avec noblesse, d'autres avec égoïsme... mais il semble difficile de qualifier Republic city "d'élémentocratie" où un système organisé permettrait aux maîtres d'exploiter les autres.
Dès lors, pourquoi un mouvement comme celui d'Amon apparaîtrait-il maintenant ? Ou, si on admet qu'il y a toujours une extrême minorité de jaloux ne supportant pas les maîtres, pourquoi ce mouvement-ci atteint-il un aussi large public et connaît-il un tel succès ?
Ce sont là les deux reproches que je fais à La légende de Korra : malgré sa qualité, malgré la sympathie et l'intérêt que suscite chez moi son personnage principal, je trouve que l'univers est trahi et son scénario, quoique bien ficelé, peu logique si on y réfléchit un tant soit peu. Je continuerai à regarder pour voir comment ça tourne...