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Ma vieille guimbarde m?exaspère. Le moteur a lâché en plein milieu d?une route assez fréquenté, ce qui m?a valut une nuée de klaxons frénétiques. Je n?ai même pas cherché à comprendre les raisons de la panne, j?ai purement et simplement laissé le véhicule sur la route, ce qui en plus des klaxons m?a valut bon nombre de doigts d?honneur. Sans but, je me balade dans la ville, je cherche à recruter, mais je sais que si je passe une annonce, seul des cinglés à tendance nihiliste et fasciste me répondront. Ce n?est pas ce que je veux. Les personnes que je recherche sont indescriptibles en fait, je les reconnais comme ça, au premier coup d??il, et je sais que c?est le bon. Un peu comme un coup de foudre. Je passe devant l?agence nationale pour l?emploi. Il y a un parking à l?arrière, je m?y rends. Dedans se trouve une belle Audi rouge. Je la pique, et la démarre en faisant jaillir une étincelle entre les deux fils sortant de la colonne de direction. Par rapport à mon épave précédente, cette voiture est un luxe que je n?aurais jamais pu obtenir sans voler.
C?est alors qu?en sortant du parking, je le vois. Lui, avec sa peau aussi blanchâtre que la mienne, ses yeux bleus cerclés de cernes et ses cheveux bruns en bataille. Je me gare, laissant le moteur tourner et je vais vers cet homme. Coup de foudre. C?est lui que je dois recruter. Il me tourne le dos, je pose une main sur son épaule pour signaler ma présence.
_Alors, tu cherches un emploi?
Question idiote, mais bon, il faut bien introduire la conversation. Après tout, je ne peux pas le recruter sans lui parler au préalable.
_En effet.
Réponse évidente.
_Si tu veux, je peux te mettre en contact avec le patron d?une chambre funéraire. Il recherche un embaumeur. T?as la gueule de l?emploi en plus.
Ma petite vanne ne produit aucun rictus de sourire sur son visage froid et rugueux. Quel austère personnage.
_Alors, ça t?interesse?
J?insiste et il acquiesce d?un hochement de tête. Je lui dis de monter dans mon véhicule. Docilement, il obéit. C?est lorsque je prends le chemin menant chez Bob qu?il se met à parler. Il me dit qu?il s?en fout si je le kidnappe ou le tue. Il dit qu?il n?a plus rien à perdre.
_Lénine s?est appuyé sur les prolétaires pour faire sa révolution. Les prolétaires n?avaient rien à perdre. On a vu le résultat.
Cet homme m?a vraiment l?air parfait pour le boulot que je compte lui confier. Il semble avoir une pensée similaire à la mienne. Un peu plus désespéré peut être, mais bon, il vient peut être de se faire larguer ou de perdre son emploi, ou un truc bien déprimant de ce genre.
_Tu comptes faire une révolution? Moi je suis partant.
Je suis toujours prêt à rendre service en renversant une démocratie ou une dictature. Manifester. Annihiler tout forme de pouvoir. Et si cela peut se faire sans aucune violence, ce serait encore mieux. Voilà mon doux rêve, mon utopie.
On quitte la banlieue, et je décide d?étaler mon savoir en sorte de l?impressioner.
_ Si tu veux obtenir du napalm, mélange de l?essence et du jus de fruit surgelé à parts égales. Tu peux aussi mélanger l?essence à du Coca light ou de la litière à chat réduite en poussière dans l?essence de façon à obtenir une bouillie épaisse.
Alors, ça l?impressionne le petit? Je comptes enfoncer le clou en lui disant la méthode de fabrication de la nitroglycérine, mais il prend la parole avant moi.
_ Le syndrome malin secondaire de Marfan est un syndrome de la plus haute gravité survenant au décours d?une angine diphtérique. Il est caractérisé par la pâleur, l?asthénie, une paralysie du voile du palais, un collapsus cardio-vasculaire avec dilatation du c?ur et hypertrophie du foie, une albuminurie avec azotémie. Il évolue vers la mort en une dizaine de jours.
J?ai rien pigé, mais ça a l?air d?un sujet qu?il maîtrise à merveille. Chacun ses connaissances. Je riposte donc avec la recette de la nitro.
_Prends de l?acide nitrique fumant concentré à quatre-vingt-dix-huit pour cent et ajoute trois fois sa dose d?acide sulfurique. Faut opérer dans un bain de glace. Ensuite tu ajoutes la glycérine goutte à goutte et tu obtiens de la nitroglycérine. Mélange ça à de la sciure ou de la paraffine pour avoir un petit explosif bien sympa.
Peroxyde de baryum et poussière de zinc. Nitroglycérine. Nitrate d?ammonium et poudre d?aluminium. Les outils idéaux du terroriste en herbe.
_L?hétéresthésie est un trouble de la sensibilité provoqué par la commotion de la moelle cervicale. Il consiste dans la modification de la qualité des sensations perçues dans les segments radiculaires qui composent le territoire cutané sous-lésionnel.
J?ai affaire à un chirurgien au chômage ou quoi? J?aurais bien continué le duel en palabrant sur les armes à feu, mais nous sommes déjà arrivé à la chambre funéraire de Bob. Je sors de la voiture. Il fait de même.
_Comment t?appelles-tu?
Je marque un temps d?arrêt. Dois-je lui dire mon véritable prénom? Je pense que je ne cours aucun risque avec lui. Je décline donc mon identité.
_Whitness.
Je remonte ensuite l?allée principale et rentre dans la bâtiment. J?ouvre la porte de celui-ci et gueule à l?intention du patron.
_Bob, je t?ai trouvé quelqu?un.
Et c?est ainsi que je cessai d?être embaumeur, laissant ma place au chirurgien chômeur.
-4-
Il s?est pris une balle. Ce con, il se promenait dans la rue et il arrive à se prendre une balle. Vraiment fort ce mec. Il est tombé au sol, inconscient, le sang s?écoulant sur le trottoir et il fut transporter d?urgence en ambulance. Je me rendis donc à l?hôpital, cela tombait bien, car, j?avais un petit quelque chose à y faire aussi. Un travail pour Bob. C?est dans le hall d?entrée que je rencontre Max, en uniforme de service.
_Qu?est ce que tu fous là ?
Un de ses collègues avait dû se prendre une balle et il s?inquiète car le commissariat est pour lui sa seconde famille. A moins que ce ne soit sa première? dure à dire, je ne le connais pas assez pour n?affirmer que des hypothèses.
_Un mec m?a sauvé la vie en interceptant une balle qui m?était destinée.
C?est tout lui ça. Il s?interpose héroïquement pour sauver le flic. Un pur produit d?Hollywood, Il faudrait qu?un jour, je lui dise que ce qu?on voit dans les films, on a beau essayer de les réaliser, ça marche pratiquement jamais. Et là , on se dit, notre vie n?est pas assez réaliste, alors qu?en fait, c?est le film qui se vaut être trop éloigné de nous, c?est à lui de se rapprocher de nous, pas le contraire.
_Il est dans quel chambre ton sauveur?
_312, pourquoi, tu le connais?
_Disons qu?il s?agit d?un ami.
En y repensant, Max ayant été sauvé par l?autre gugusse s?amusant à s?attirer les balles, celui-ci est responsable de Max à jamais car il lui a sauvé la vie. Une autre belle coutume diffusé à travers nos écrans de télévision.
_Au fait, tu connais son nom?
_Non, pourquoi, il y a un problème?
_Il n?avait aucun papier sur lui, pas de portefeuilles, nada. Pour le moment, c?est moi qui paye les soins, mais au vu de mon misérable salaire, j?espère sérieusement qu?il est en mesure de me rembourser au moins en partie.
Je ne lui répond pas et monte à la chambre 312 via de belles marches en marbre. Quand on pense que tout le monde utilise l?ascenseur, confiant sa vie à de machines. De toute façon, dans un hôpital, la vie est toujours entre les mains des machines, sans elle, il n?y aurait pas eu de progrès dans la médecine.
J?ouvre la porte de la chambre portant donc le numéro 312 et je le vois, allongé sur le lit d?hosto, un gros bandage blanc immaculé à l?épaule. Je l?interpelle d?office.
_Tu sais que tu n?avais aucun papier sur toi, heureusement, quelqu?un a payé tes soins à ta place.
Son visage jusqu?ici ne reflétant aucune expression exprime désormais une sorte d?étonnement.
_Qui est-ce?
_Le flic que t?as sauvé.
_Sympa.
Et maintenant, abordons le sujet du dédommagement. Quelque chose me dit que ce sera moins agréable à attendre.
_Pas si sympa que ça justement. Il a parlé d?un éventuel remboursement de ta part.
_Je dois avoir de quoi payer.
Je n?arrive pas à croire qu?il est prêt à rembourser un flic qui en plus, travaille pour une sorte de mafia pour arrondir ses fins de mois. Il lui suffit juste de s?enfuir, personne ne connaît son identité. Faut encore que tonton Whitness lui enseigne des trucs apparemment.
_Mais t?as rien à craindre. Tu ne débourseras aucun sou. Je te sortirai d?ici avant que ce flic ne vienne te rendre visite.
Sur ce, je me dois de partir. Premièrement parce qu?une infirmière m?annonce que les visites sont terminées, et deuxièmement parce que je dois faire le petit travail de Bob. Celui-ci consiste à parler à un chirurgien répondant au nom d?Antoine. C?est un ami de Bob. Il doit me dire où se trouve les produits que je dois remmener à la chambre funéraire. Bob m?a prévenu qu?une petite diversion serait utile. Voilà pourquoi, j?avais un peu de nitroglycérine dans mon coffre.
_Tout est mis dans un petit sac à l?endroit où l?on stocke les médicaments.
Antoine me dit aussi qu?il n?a pas pu faire sortir les médicaments car parmis ceux-ci se trouvent de la morphine et que les entrées et les sorties de ce produit sont extrêmement surveillées.
_Dans ce cas, j?aurais du mal à le faire sortir aussi.
Il acquiesce devant mon implacable logique.
_Vous pouvez m?aider à faire une petite diversion?
Il accepte, alors je le mène à ma voiture et je lui montre la nitroglycérine. Il est d?accord à condition que les dégâts ne soient pas trop important. Ce sera le cas, juste un début d?incendie pour faire évacuer une partie de l?hosto.
A 21 heures, Antoine et moi-même profitons que le personnel de nuit prenne la place du personnel de jour pour placer les explosifs dans des endroits discrets, on allait pas les foutre au beau milieu du couloir non plus. Je jette un coup d??il à ma montre, plaquée or soit dit au passage et j?amorce les bombes. Le chirurgien m?indique où se trouve le sac que je dois récupérer. Un garde en tenue d?infirmier surveille l?entrée de cet endroit. Il me regarde d?un air suspect lorsque je rentre avec mon camouflage constitué d?une blouse, mais il me laisse entrer. C?est sûrement à la sortie qu?il va me fouiller. En tout cas, je trouve facilement le sac. Je l?ouvre et tombe sur divers produits dont la fameuse morphine, ainsi que de multiples perfusions. A quoi cela allait-il servir à Bob? Aucune idée, mais ce ne sont pas mes affaires. Je mets la sacoche en bandoulière et je sors. Comme je m?y attendais, le garde-infirmier m?arrête en me barrant la route avec son bras droit tendu. Grosse erreur. Il ne faut jamais tendre complètement son bras, en cas d?attaque, cela facilite le cassage de ce membre. J?aurais donc pu le lui péter, mais dans ma clémence infinie, je ne fais que le basculer avant de m?enfuir en courant dans les couloirs à l?odeur de formol de l?hôpital.
Je pénètre dans une chambre, la 312. La nitroglycérine va pas tarder à exploser. Le mec est toujours là , dans le lit, avec son gros bandage à l?épaule. Je m?approche de lui et lui chuchote au creux de l?oreille.
_ Prends de l?acide nitrique fumant concentré à quatre-vingt-dix-huit pour cent et ajoute trois fois sa dose d?acide sulfurique. Faut opérer dans un bain de glace. Ensuite tu ajoutes la glycérine goutte à goutte et tu obtiens de la nitroglycérine. Mélange ça à de la sciure ou de la paraffine pour avoir un petit explosif bien sympa.
Puis je garde un ?il fixé sur ma monde tout en faisant un décompte.
_5.
_4.
_3.
_2.
_1.
Je maintiens le 1 jusqu?à ce que l?explosion ait lieu.
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