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Killer 7, le test.
(Note : ce test est loin d'être aussi bien que je l'aurais voulu, ni même à la hauteur de ce que le jeu aurait mérité. Tant pis.)
Killer 7 est pour moi une étape du jeu vidéo qui est passée inaperçue. Si l’on effectue une courte rétrospective, on voit qu’il y a quand même une évolution au jeu vidéo, autre technique : il tend à être de plus en plus scénarisé, contextualisé. Au début, le jeu vidéo, c’est juste un « jeu » : le joueur doit tuer des ennemis avant qu’ils ne le tuent, le joueur doit finir premier de la course, etc. Les premiers jeux, originaux, ne laissaient pas transparaître les limites et les avantages de cette « pureté ». Plus tard virent les titres à licence, où il était bien plus question d’adapter une formule standard de jeux vidéo à un univers, plutôt que de plier l’univers à devenir un jeu vidéo : on ne compte plus les jeux à licence sous la forme de plate-forme/action… pourtant, je n’ai aucun souvenir que dans Star Wars il faille traverser de grandes étendues en tuant des ennemis et en sautant sur des rochers qui volent (un exemple, comme ça, au hasard). Cet enfermement dans les concepts de base était mit en exergue par ce type de jeu. Puis les choses ont sensiblement changé. Peut-être due à une certaine lassitude et une volonté de renouvellement purement « commerciale », une évolution s’est profilée : l’apparition d’un contexte réel, d’une intrigue, d’un scénario, d’un univers – plus ou moins – cohérent, une sorte de prise de pas du jeu « de simulation » sur le jeu « d’arcade ».
Killer 7 me paraît être un prolongement de cette évolution. Peut-être qu’il est simplement trop en avance sur son temps, ce qui expliquerait son relatif flop (même si je l’ai vu plutôt bien noté ça et là ). Voyons en détail de quoi il retourne pour être qualifié ainsi.
La première chose que l’on remarque, fatalement, c’est la réalisation graphique. C’est d’ailleurs la seule chose que l’on perçoit sans y avoir joué. « Cell-shading » est peut-être inadapté, puisque ce titre ne se limite pas à ça : au niveau du décor, cela semble avoir été conçu comme un tout qui aurait différents niveaux de zones d’ombre, et une unique texture, plus un dégradé qui évolue en fonction de la progression du personnage. C’est une description plutôt étrange, mais il me semble que ça soit la plus fidèle, sinon la plus adaptée. En tout cas, un dépouillement, mais en aucun cas par fainéantise. Le graphisme paraît justement être très détaillé, puisque l’absence de « texture » permet d’afficher plus d’objets, et surtout parce que le décor est comme « suggéré », composé d’ombres plus propices à faire imaginer ce qu’il y a à voir qu’une représentation « réaliste » mais néanmoins éloignée de la réalité.
Les personnages ont également subi un certain traitement, une sorte de limitation des couleurs, pour permettre leur intégration dans les décors. Seule fausse note à mon goût, certains effets spéciaux (comme le feu) sont très mal intégrés.
La jouabilité, maintenant. On s’attaque à une des particularités du titre : une interactivité entre le joueur et le jeu plutôt limitée. Les personnages sont fichés sur des rails. Une touche pour avancer le long de ces rails, une touche pour faire demi-tour, une pour utiliser des capacités spéciales relatives aux personnages, le champignon droit pour recharger, et une touche pour passer en mode combat. Lorsque plusieurs directions sont disponibles, un menu contextuel apparaît, et on choisit à l’aide du champignon gauche la direction voulue. Ensuite, quand on entend le rire d’un ennemi (c’est à peu près leur seul moyen d’expression), on maintient R1 ce qui fait passer le jeu en mode subjectif, puis on appuie sur L1 pour « scanner » le champ de vision et ainsi faire apparaître les ennemis, qui sont sans cela pratiquement invisibles et surtout intouchables. Puis, on peut utiliser la touche triangle pour amener le viseur sur l’ennemi le plus proche, tirer directement via la touche X, utiliser une capacité propre à chaque personnage (tir chargé, volée de couteaux, utilisation de la lunette, etc.…) ou recharger. C’est tout. Voilà toute l’emprise quel le joueur a sur le jeu. Pas de possibilité de bouger la caméra, pas de mouvement libre (parfois même il est impossible d’aller à certains endroits, bien qu’il y ait un chemin), pas de déplacement lorsqu’on tire, pas de subtils mouvement d’esquive. Non, tu avances, tu shootes. Et bizarrement, la recette peut fonctionner : le jeu est bien moins ennuyeux que certains autres à la jouabilité « conventionnelle ». Après, cela fonctionne différemment selon les joueurs, mais ce côté simpliste ne m’a pas gêné. Cependant, Capcom fait quelques bourdes facilement évitables : présence de moonwalk (!!), menu qui ne s’ouvre pas aléatoirement…
Maintenant, on attaque le « pourquoi ce jeu ? ». Je n’ai pas évoqué l’évolution et la contextualisation dans l’introduction pour rien. Si ce jeu n’est pas réellement valable d’un point de vue ludique, alors quel est son intérêt ? Tout simplement sa mise en scène, son scénario, son contexte, le tout digne d’une Å“uvre d’art. Chaque cinématique, chaque petit dialogue, chaque situation – ou presque – donne envie de voir ce qui se passera ensuite. Intrigue politique de haut niveau, schizophrénie, et sentai (entre autres) se mêlent parfaitement pour donner au final quelque chose qui nous fait réfléchir, même après avoir arrêté de jouer. Et quand le générique a fini de défiler, on reste là , bouchée bée, bras tombants, cherchant à comprendre. Peu de jeux ont mis en scène un scénario aussi captivant. Je me rends compte que j’ai moins de choses à dire sur le principal intérêt du jeu que sur son support, mais à part faire dans le dithyrambe, il n’y a pas grand-chose d’autre à dire.
Pourquoi cette étape est-elle passée inaperçue ? Je ne sais pas. Pourtant, pas mal d’ingrédients du succès étaient réunis : Shinji Mikami vaguement aux commandes, un jeu attendu de longue date qui a su marquer les esprits dès ses premières images, un jeu globalement bien noté sur les sites spécialisés… ou alors, cela était voulu, ou du moins assumé : ce jeu n’est que partis pris, et aucune concession au joueur ou au sacro-saint marché. Un jeu par un artiste pour ceux pour qui le *jeu* vidéo ne suffit pas ? Peut-être. Peut-être que l’essentiel est que le public pour lequel ce jeu a été destiné réponde présent. Jusqu’à une prochaine étape de l’Evolution ?
(Encore un sujet voué à passer inaperçu. Ah, monde de merde.)
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