On l'avait quitté avec un sacré pincement au coeur, notre Phoenix Wright. Mais aussi une certaine satisfaction. Après tout, à ses côtés et à celui de son mentor, on avait vécu des moments sacrément trépidants (et aussi des période d'ennuis relatifs), fait connaissance de tout un tas de gugusses attachants, et débarrassé la planète du boss final le plus maléfique de l'histoire du jeu vidéo.
On avait lié, durant les aventures de cet avocat, une connivence qui s'approchait de celle que l'on noue avec les héros de romans feuilletonants, Phoenix Wright, mousquetaire du barreau. Oui. Avoir le bon goût de finir ainsi, c'était bien.
Objection ! Objection, bien entendu ! La série ne pouvait pas s'éteindre, trop de cas restaient à résoudre, trop d'accrocs se retrouvaient en manque. C'est ainsi que débarque le jeune Apollo Justice, qui réussit la double performance de multiplier par deux le ridicule onomastique et capillaire du personnage principal. Ce sera donc dans la peau de ce jeune homme fringuant mais tout aussi maladroit que son prédécesseur que l'on prendra la défense de divers gugusses.
Premier constat quant à cet épisode sur DS : le sacrifice aux nouvelles performances techniques de la console a été on ne peut plus minime. Ace Attorney reste Ace Attorney. Les arrières-plans ont été refondus, les sprites sont un poil plus fins et on a le droit à quelques secondes de 3D durant les scènes d'introduction de chaque enquête. Pour le reste, l'interface reste la même : similaire à des jeux de point'n click durant les phases d'enquêtes et proposant de quoi interroger vos témoins durant les procès. Ajoutons à cela un nouveau "talent" plutôt intéressant lié au nouveau héros : le jeune homme est capable de percevoir les trics nerveux des menteurs durant les interrogatoires, et de les décrypter. Sans donner une autre dimension au jeu, cela permet de comprendre que les choses ont changé.
Vraiment changées ?
A vrai dire non. Il faut croire que, plus que les joueurs, les scénaristes n'ont pas réussi à faire leur deuil de Phoenix Wright. C'est ainsi que, dès la première affaire, l'avocat (qui entre temps, a raccroché), apparaît et ne disparaît plus vraiment. Et, à vrai dire, c'est cela le problème.
Eclipsant totalement le jeune Apollo (personnage moyen mais assez sympathique au demeurant), nous avons un personnage qui phagocyte littéralement l'intrigue, marionnettiste invincible au service de la justice, que le joueur ne fera souvent qu'accompagner pour servir ses desseins. Pire encore, il s'agit d'un Phoenix désincarné, séphirotisé devrais-je même dire, énigmatique, froid, et détaché de son environnement ultérieur. Disparus, Mia, Maya, Edgeworth et les autres, sans un mot d'explication.
Ce choix pour le moins hasardeux court-circuite ce qui, jusque là , faisait l'une des grandes qualités du jeu : sa chaleur, sa proximité avec le joueur.
Reste qu'Apollo Justice reste un jeu d'enquête futé, bien pensé et pas trop mal écrit. Les personnages secondaires versent peut-être trop dans la caricature (ce procureur... CE PROCUREUR ! J-popeur dans l'âme, fringué comme une icône de la mode minet...) mais restent crédibles et amusant. Cependant, la transition avec l'ancienne génération est vraiment maladroite, donnant un produit à l'intrigue bancale, qui hésite entre un retour aux sources et un nouveau départ. Une sorte de pat que les développeurs devront régler dans les prochains volets, s'ils veulent qu'Apollo puisse déployer ses ailes et que Phoenix puisse faire partie de nos chers souvenirs, de ces romans interactifs que l'on pourra lire et relire sans que les pages ne se fânent.
