A ce jour, l'excellent univers de White Wolf, le Monde des Ténèbres, et plus précisemment sa gamme la plus étoffée, celle consacrée aux Vampires, a connu deux adaptations en jeux vidéos.
A la base, on peut se dire que c'est un pari assez... risqué. Vampire est tout de même un univers qui se base - en théorie, vous trouverez facilement des joueurs bourrins... - sur l'ambiance et l'interprétation, le ressenti... On se demande comment le support informatique pourrait se montrer à la hauteur. Voyons cela.
Vampire : la Mascarade - Rédemption
"Comment le support informatique pourrait se montrer à la hauteur" ? Ici, c'est simple : il ne peut pas. Oh, Rédemption n'est pas un mauvais jeu ; mais comme adaptation, il est calamiteux - un peu comme les films sur le Seigneur des Anneaux, vous voyez...
Nous incarnons Christphe, croisé quelque peu égaré du côté du Pragues - mais après tout, les Slaves sont des païens comme les autres, ils auront donc droit au même traitement - qui suite à de graves blessures est laissé sur place par son régiment, le temps qu'il se remette. Il est confié aux bons soins de Soeur Anezkha, fort charmante nonne dont il va s'éprendre... amour partagé, mais bien évidemment rendu impossible par leurs conditions respectives : lui croisé appelé par la route vers les champs de batailles, elle promise à la vie monacale.
La situation se complique lorsque Christophe, bien malgré lui, attire l'attention des vampires de la cité suite à un coup d'éclat - la destruction de l'une d'entre eux. Il est alors Etreint (transformé en vampire) par l'une des factions et se retrouve ainsi entraîné à son corps défendant dans le jeu politique, les ennemis de "sa" faction devenant ses ennemis... Dans le même temps, Christophe n'a pas oublié Anezkha ni ce qu'il éprouvait pour elle et tente tant bien que mal de la revoir.
Il y parvient et a lui laisse entrevoir sa nature ; mal lui en prend car notre courageuse nonne quitte alors son couvent pour partir à sa recherche et se rapproche dangereusement du monde des vampires...
Pas trop mauvais, n'est-ce pas ? Il faudra bien s'en contenter, vous avez là une version quasi-intégrale du scénario. Tout cela prend environ un cinquième du jeu.
Par la suite - et en parallèle - vous effectuerez diverses missions, plus ou moins de bonne grâce, pour le compte des puissants vampires qui vous entourent et vous utilisent, tandis que Christophe ne cesse de soupirer après Anezkha. Le jeu donne très bien - pour l'époque - une illusion d'interactivité sociale, vous avez en général le choix lors des dialogues entre vous exécuter avec enthousiasme, vous exécuter sans enthousiasme et refuser d'obéir - on vous y contraindra alors soit avec le couple carotte/bâton, soit carrément par pouvoir vampirique psychique.
Ces fameuses missions consiste tout simplement à "donjonner". Une zone plus ou moins labyrinthique vous est désignée, peuplée de monstres errants qu'il vous faudra soit contourner si vous avez développé les pouvoirs pour, soit éliminer ; la seconde option rapporte plus de points d'expérience, évidemment. Car oui, nous avons un système de progression lui aussi très donjonnesque : chaque ennemi abattu vaut sa prime en points d'expérience, plus ce que vous rapporteront les quêtes accomplies.
Vous aurez accès, progressivement, à un équipement guerrier - protection et armes - de plus en plus vastes qui, combiné à vos pouvoirs vampiriques tous revus pour avoir une utilité en combat, vous permettra de vous tailler un sanglant chemin dans les hordes de vampires qui pullulent dans ces trous à l'architecture compliquée et tentent de vous entraver.
En résumé, un Diablo version Monde des Ténèbres. Il est plutôt bien fait et assez sympathique, mais... ce n'est tout simplement pas le Monde des Ténèbres - à a rigueur, la vision qu'en ont les loups-garou, mais en aucun cas les vampires...
Dommage, car il contient quelques bonnes idées, comme par exemple utiliser le mécanisme de la Torpeur - le sommeil presque morturaire dans lequel un vampire peut être plongé dans certaines circonstances et qui peut durer... longtemps ! - pour projeter notre moyennageux Christophe à la fin des années 1990. Mais ces quelques bonnes choses sont proprement phagocytées par le massacre de l'univers, aussi bien dans l'esprit que dans les mécanismes. Mention spécial au loup-garou qui attaque à la sortie de la Tour de Londres, je cherche encore la raison de sa présence ici et de son attaque : absolument rien ne laissait présager que les siens étaient impliqués dans la mission en cours, et il n'y a pas de raison inhérente à cela... A croire que les développeurs se sont rendus compte, en bouclant le jeu, que les loups-garou étaient évoqués dans le manuel et qu'on les disait très dangereux pour les vampires - couplet classique - et qu'ils se sont demandés en catastrophe où en caser un.
Vampire : the Masquerade - BloodLines
La seconde adaptation. Qu'en dire ?
Que du bonheur. Si si.
Vous interprétez une Etreinte "sauvage", c'est à dire un vampire qui a été créé sans autorisation. C'est bien simple, la scène d'introduction consiste en votre jugement - et celui de votre créateur - et la destruction de ce dernier... le prince de Los Angeles s'apprêtait à vous faire subir le même sort quand il se "ravise" et vous accorde gracieusement la vie sauve assortie d'un poste de larbin.
Tout de suite, on entre de plein pieds dans la saine ambiance qui caractérise le petit monde des vampires.
Vous avez été Etreint à Los Angeles, ville dont la situation politique est justement plutôt... explosive. A l'origine, Los Angeles est un territoire contrôlé par la faction Anarch, des vampires qui rejettent la société hiératique et figée de la Camarilla et mettent en avant ce que l'on pourrait appeler les "libertés individuelles". Malheureusement pour eux, la Camarilla qu'ils détestent tant a récemment repris pieds en ville et instauré un Prince qui est nominalement le maître absolu de la ville. Pour ajouter à la confusion, d'étranges vampires orientaux sont venus de l'autre côté du Pacifique et ont établi une tête de pont, et les rapports entre cousins ne sont pas vraiment au beau fixe. Ajoutez à cela l'autre grande secte vampirique, le Sabbat, inhumaine et martial, en embuscade... et vous aurez une idée du guêpier où vous avez été projetté sans parachute.
BloodLines vous offre une considérable liberté dans vos actions et vos engagements. Vous pouvez vous rallier à pratiquement toutes les factions présentes, les trahir et en rejoindre d'autre si vous jouez bien, ce n'est qu'au moment de la fin du jeu qu'on vous demandera de faire définitivement votre choix.
En attendant, vous allez vous balader dans Los Angeles. Quatre zones urbaines sont établies : Santa Monica, où vous êtes envoyé - avec l'empreinte de la botte du Prince sur le pantalon - pour remplir la première mission que votre "bienfaiteur" vous a confié ; Downtown, le centre ville, et ses gratte-ciel écrasants ; Hollywood et son strip ; et enfin Chinatown, embrumé et mystérieux.
Vous accéderez à ces quartiers au fur et à mesure que vous progresserez dans l'histoire principale, au service du Prince.
Mais parallèlement à ce job ingrat, le simple fait de mettre le nez dehors vous conduira à rencontrer plein de gens avec qui vous pourrez interragir et lancer des quêtes secondaires, qui étoffent l'univers, vous donnent aussi des opportunités à saisir et tout simplement donnent véritablement vie à votre environnement. La quasi-totalité des quêtes a au moins deux solutions possibles, souvent d'avantage si vous satisfaisez aux critères techniques - une bonne persuasion par exemple vous donnant accès à des dialogues inaccessibles aux brutes épaisses incapables du moindre effort rhétorique.
Il est possible de régler pratiquement toutes les quêtes sans faire appel à la violence. Utilisez les moyens sociaux à votre disposition de façon intelligente (persuasion, intimidation, séduction... voire vos pouvoirs vampiriques agissant sur l'esprit !) et montrz-vous discrets et astucieux - empruntant des bouches d'aération ou les égoûts - et vous pourrez faire plein de choses et surtout avoir le plaisir de vous montrer fin et rusé. Contrairement à Rédemption, BloodLines ne récompense pas le carnage ; vos points d'expérience vous viendront de l'accomplissement des quêtes, et non des ennemis massacrés, et résoudre une quête de manière subtile rapportera souvent plus que tronçonner tout ce qui a le malheur de vous croiser.
Bon, je ne vous mentirai pas, le final du jeu est une confrontation avec un, voire plusieurs, des grands manipulateurs de la ville qui ont tenté de vous utiliser ; pour en découdre, il sera préférable que vous ayez appris à vous servir efficacement d'au moins une technique de combat...
De manière général, BloodLines se montre très fidèle au jeu de rôle originel. Déjà , nous ne croulons plus sous la population vampirique, ravalée à l'état de monstres errants, comme dans Rédemption ; ici, les vampires sont peu nombreux et généralement ce ne sont pas eux qui se salissent les mains... Au niveau des interractions, vous ne discuterez pas qu'avec des vampires. Fort logiquement, vu qu'ils sont peu nombreux, vous parlerez avec beaucoup d'humains, qui au niveau scénaristique seront souvent aussi important que les monstres immortels. Et vous aurez intérêt à préserver le secret de votre nature, la Mascarade étant la loi cardinale des vampires...
Riche en possibilités, complexe dans sa résolution, BloodLines est véritablement un excellent jeu et une excellente adaptation, et je vous encourage à le prendre si vous avez la chance de le trouver dans le bac des occasions à 10€. Je vous conseille vivement d'aller sur
ce site pour y télécharger
ce patch qui vous épargnera bien des tracas, car s'il y a bien un défaut à BloodLines, c'est dans sa partie technique qu'il se trouve, buggé jusqu'à la moëlle, le jeu a été sorti au bas mot trois mois trop tôt...
Allez, pour terminer ce gros message, un extrait de la bande-son de BloodLines, l'excellent
Swamped de Lacuna Coil.
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