Eltanin

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 Sujet du message: Mad Aventure
MessagePublié: 05 Juin 2004, 10:13 
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Pamplemousse Panchromatique
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Mad Aventure


DragonNoir











1



L'homme errait dans la jungle.
Il ne savait pas pourquoi il était là . Ni comment il y était arrivé.
Il y était, voilà  tout.
Il écarta une liane de son chemin. Ses mains étaient zébrées d'écorchures. Il y avait des heures qu'il ôtait les lanières végétales qui lui barraient la route. Il n'avait jamais pensé que les lianes puissent être couvertes d'épines. Il s'était trompé.
Si son esprit se fixait sur la végétation, sur les troncs biscornus parmi lesquels il cheminait, c'était parce que c'était là  le seul indice dont il disposait pour connaître sa position géographique. Il regrettait à  présent de ne s'être jamais intéressé aux plantes. Tout ce qu'il pouvait dire de ces arbres, c'est que ce n'étaient pas des conifères.
Il fit halte. La lumière solaire suintait dans l'atmosphère moite de l'épaisse voûte verte. Au-dessus de la jungle, l'astre du jour devait être à  son zénith. Il s'était réveillé dans l'obscurité la plus totale. Il avait donc marché toute une matinée.
Mais avant ? Il portait une tenue simple, mais il n'avait pas le souvenir de s'être habillée. La journée précédente avait été des plus ordinaires. Rien n'avait auguré d'un réveil brutal dans cette jungle.
- Identifiez-vous !
Il sursauta. Un inconnu émergeait des taillis face à  lui. Il avait un treillis et tenait un M-16.
- Qui êtes-vous ? fit-il.
- J'ai le flingue, dit l'individu, je pose les questions.
- Je n'ai aucune raison de vous donner mon vrai nom. Appelez-moi Plissken.
- Plissken, hein ? Etrange coïncidence, cette jungle grouille de serpents.
L'inconnu armé esquissa un sourire.
- Moi, c'est Peter Pan. Tu es bien Plissken du forum Mad Movies, hein ?
- C'est le pseudonyme que j'ai choisi là ?
- Bordel. J'avais raison.
Peter Pan porta la main à  sa ceinture et en dégagea un pistolet.
- Prends ça. Pointe le canon vers le bas.
Il tendit l'arme à  Plissken ; celui-ci s'en saisit.
- Je suis en train de rêver, hein ? s'enquit Plissken.
- Possible. Peut-être pas. Aucune envie de vérifier. Le seul moyen de savoir est de crever. Et si on est dans la réalité, on va beaucoup regretter d'y passer.
- Peter Pan, tu en sais plus que moi. Tu as dit que tu " avais raison ".
- J'en parlerai plus tard. Le Rex est lâché. Et nous sommes trop près de son territoire.
Plissken vacilla.
- Le quoi ? Tu dé?
- Tyrannosaurus Rex, coupa Peter Pan. Huit mètres de haut, douze de long, ça te dit quelque chose ?
Il redressa son M-16 et se mit à  courir.
- " Suis-moi, si tu ne veux pas mourir ! "
Plissken lui emboîta le pas.
Il eut un pressentiment atroce.
Il fonça.
Grand bruit derrière lui.
Il ne regardait pas, il courait. Il voyait presque la patte énorme broyer des arbres, et loin au-dessus, le piège à  loup qui tenait lieu de mâchoires au tyrannosaure. Il y eut un second son et il accéléra l'allure.
Plissken ne pensait pas qu'il lui soit possible de courir plus vite. Pourtant, il réussit lorsque les bruits de troncs changés en sciure se multiplièrent, au point de former un rythme tétanisant, le pas de la Mort qui écrasait tout sur son passage.
Il courait, courait, courait.
Le premier rugissement envoya des vrilles de souffrance rouge dans ses tympans. Il ne s'arrêta pas, parce qu'il fallait fuir, échapper à  ce prédateur monumental.
Il courait, courait, courait, parce que trébucher, hésiter, ralentir n'aurait qu'un effet.
Le souffle du mastodonte le submergea. Un point de côté lui perça les côtes. Il ne faiblit pas.
Plissken ne voyait plus Peter Pan. Il avait dû détaler à  grande vitesse. Ou il avait chancelé. Ce qui signifiait qu'il n'était plus que charpie dans l'estomac du tyrannosaure.
Les crampes arrivèrent. Il courait.
Son esprit se détachant de la situation, il prit conscience de son corps comme s'il se précipitait dans le néant, lui-même battant tous les records de vitesse et d'endurance sur un fond noir. Il était enveloppé par une pellicule de sueur.
Il revint à  lui juste à  temps. Un tronc abattu au milieu de sa trajectoire.
Il bondit.
Il reprit sa course. Détonation ; Plissken vit à  sa gauche l'arbre qui volait, la patte du dinosaure l'ayant projetée vers l'azur.
Il accéléra. Les battements de son c?ur s'amplifièrent, sa circulation sanguine martelait le rythme de sa vie éphémère à  ses tempes. Son muscle cardiaque battait la mesure, et comme en écho, il percevait la course de la chose qui le poursuivait.
Il courait, courait, courait.
La bête le toucha. Il sauta au contact du museau, hurlant, ses pieds touchèrent les crocs, claquement derrière lui, le Rex avait refermé sa gueule trop tôt, Plissken fit un dernier effort.
Le sol disparut, il bascula.
La dernière chose qu'il vit fut la paroi de la falaise se déroulant ; il chutait.

- Il pourra le garder ?
- Nan.
- Merde, merde, merde ! On a pas besoin d'un infirme !
- Je fais ce que je peux avec ce que j'ai ! Il n'est pas mort, c'est déjà  ça !
Plissken gémit et revint à  la conscience.
Le blanc du néant laissa la place aux ténèbres. Puis il ouvrit les yeux.
- Assieds-toi, c'est pas grand-chose?
Plissken s'exécuta. Partout, des douleurs.
Il était dans une grotte. Devant lui, Peter Pan et un autre homme, lui aussi en treillis.
- T'es tombé dans le lac, expliqua Peter.
Il désigna la sortie de leur refuge : une étendue scintillante bordée par une falaise calcaire.
- Tu as échappé au Rex, c'est déjà  ça?
Plissken procéda à  un examen sommaire de sa personne. Il n'avait que quelques ecchymoses. Et son bras droit était couvert de bandages, sanguinolent, tordu et plaqué contre une attelle.
- Tu es invalide, confirma Peter Pan.
- Putain.
- J'ai mis ma salive sur les plaies.
- Quoi ? Mais c'est dégueulasse !
- Monsieur est douillet ? On a pas de désinfectant, pas de sparadrap, rien. C'est pourquoi tu as si mal. Pas d'anesthésiques non plus. La salive, ça désinfecte? un peu. Ca réduira tes chances d'attraper la gangrène.
Plissken soupira.
- Tu peux expliquer ça ? Hier soir, je m'endors dans un bon lit? aujourd'hui, je me réveille au Crétacé et un T-Rex manque de me bouffer.
- On n'est pas au Crétacé. On est à  Jurassic Park.
Plissken fut pris d'une crise d'hilarité. Ses nerfs avaient lâché. Il mit du temps à  faire cesser son fou rire.
- De mieux en mieux, hoqueta-t-il. Maman, bobo, les hommes en blanc doivent venir me chercher !
- Si tu es fou, moi aussi, cracha Peter Pan.
Leur compagnon s'avança.
- Et moi aussi. C'est Rinaldo. Toujours du forum Mad Movies.
- Quel rapport le forum entretient-il avec cette histoire ? De fous, c'est le cas de le dire.
Plissken rit encore. Son bras cassé le rappela à  son bon souvenir ; il hurla.
- C'est complètement?
- Si tu crois qu'on dit des conneries, l'interrompit Peter, tu peux aller dire bonjour au Rex.
- Pourquoi portez-vous ces tenues militaires ? Et vos M-16 ?
- Justement parce qu'on est à  Jurassic Park. Ces trucs, on les a trouvés dans un abri. On a juste commencé à  explorer l'île. Et c'est dangereux, tu penses. On s'est rendus compte qu'on était dans l'enclos du Rex quand Blunt s'est fait croquer.
Plissken fixa Peter Pan dans les yeux.
- Mais au fait, comment? ? Tu prétendrais que tu m'as retrouvé par hasard ?
- Tu es un miraculé. J'ai entendu des hurlements pendant toute la matinée. Je pense qu'il y a des tas d'habitués du forum Mad Movies qui se sont faits balancer dans la zone et que le Rex les a tous gobés. Je t'ai interpellé juste à  temps.
- Nous sommes à  l'abri dans cette grotte, ajouta Rinaldo. C'est hors de son territoire.
Plissken secoua la tête.
- Une minute. Vous ne voulez pas réfléchir à  la manière dont on a pu se retrouver dans cette galère ? Jurassic Park, c'est un parc d'attractions fictif, d'accord ? Nous venons de la réalité. De la réalité?
- Tu me fais penser au type de l' " Antre de la Folie ", lança Rinaldo.
Peter Pan baissa la tête.
- On n'a pas assez d'éléments pour expliquer comment on est arrivés là , dit-il. Peut-être ne les obtiendra-t-on jamais. On a une chose à  faire.
Il rajusta son treillis.
- Survivre.

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MessagePublié: 07 Juin 2004, 11:01 
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Peter Pan a quitté son pays du monde immaginaire. Sinon parfois ca m'a fait pensé à  Chroniques Alternatives, avec Plissken et son forum.

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Avec le smiley :parkko: on dirait que je suis marocain, mdr !


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MessagePublié: 07 Juin 2004, 23:14 
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Pamplemousse Panchromatique
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Normal, cette fan-fiction fait partie du même cycle que "Chroniques Alternatives". Chronologiquement, elle est située après la conclusion de la trilogie. :wink:

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MessagePublié: 15 Juin 2004, 21:47 
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Pamplemousse Panchromatique
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2



Nager avec un bras cassé était des plus pénibles. Plissken voyait un nuage rouge se déployer dans son sillage. Il songea que c'était sa vie qui s'écoulait ainsi au fil de l'eau.
Peter Pan et Rinaldo le distançaient.
- Mais attendez-moi ! hurla-t-il.
Il les rejoignit au pied de la falaise. Cette paroi couleur de craie encerclait le lac, mais c'était là  le seul endroit où des échelons métalliques y étaient fixés.
- Magnifique, maugréa Plissken. Monter une échelle dans cet état.
Pris d'un doute, il fixa le sommet.
- Le Rex ne nous attend pas là -haut, hein ?
- Ce n'est pas son territoire, dit Rinaldo. Le lac est situé à  la lisière de son enclos. On ne va pas employer la rivière pour s'échapper parce qu'elle passe par son terrain de chasse, en amont comme en aval. En plus, Peter est passé par là  pour te chercher. Le Rex doit avoir reniflé son odeur et avec notre chance, il doit être à  l'affût sur la rive.
- Qu'y a-t-il de l'autre côté du lac ?
- Un terrain vierge. Pas d'enclos, pas de route.
Plissken acquiesça. Il entendit un tintement quand Peter Pan se hissa jusqu'en haut.
Rinaldo grimpa à  son tour.
- Pas grave, dit Plissken pour lui-même. Dix mètres à  monter. C'est?
Reniflement.
Sous le choc, Plissken faillit se noyer. Il battit des pieds et des mains, fit volte-face.
Le Rex était là , de l'autre côté du lac.
Plissken déglutit.
La falaise faisait dix mètres de haut. Il distinguait le dinosaure penché sur le rebord avec une précision photographique, chaque muscle se dessinant sous l'épiderme écailleux.
Il fit ce que tout homme aurait fait : escalader l'échelle sans tenir compte de son bras et de ses nerfs. Un hurlement gonflait sa gorge, il ne le libéra qu'arrivé au sommet. Comme en écho, le tyrannosaure rugit.
Plissken s'effondra sur le calcaire. En entendant un bruit d'éboulement, il jeta un coup d'?il au creuset rocheux abritant le lac. La falaise ovale était bel et bien située dans l'axe de la clôture et deux défilés en partaient avant d'être avalés par la jungle. Là  était le dinosaure. Il avait reculé.
Pour prendre de l'élan.
L'impensable arriva : le Tyrannosaurus Rex chargea.
Leurs cris ne semblaient qu'exciter davantage le prédateur. Il ne marqua pas de temps d'arrêt en parvenant à  la falaise d'en face, bondit.
Un instant, la masse obscurcit le ciel.
Plissken connut alors la terreur pure.
Peter Pan le tira en arrière. Il ne sentit pas son bras cassé. La gueule du tyrannosaure se fracassa sur le rebord où l'infirme avait été couché un instant auparavant.
Le dos reptilien se ploya et disparut dans le trou. La tête le suivit.
- Trop loin, gloussa Rinaldo. Trop lourd. Je savais qu'il...
Un cri rauque l'interrompit.
- Bon, je sais que c'est notre seule bombe, dit Peter Pan en portant la main à  sa ceinture, mais c'est trop tentant.
Il dégoupilla une grenade et la lança.
- A la tienne, le Rex ! C'est ma tournée !
Le sol vibra sous l'effet de la déflagration.

La plaine s'étendait en tous sens. Dans cet espace libre couraient les vélociraptors, fins et dynamiques, le bruit de leur galop semblable à  un tsunami.
Plissken, Peter Pan et Rinaldo rejoignirent en hâte le pylône planté là , incongru.
- Ils chassent quelque chose, constata Rinaldo.
La bourrasque précédant la meute se dissipa. C'était une jeep beige, usée, bringuebalante : les volutes filant du capot indiquaient qu'elle maintenait cette allure depuis des kilomètres.
- On y est ! vociféra quelqu'un. Combien de chargeurs ?
Ils pouvaient à  cette distance distinguer les passagers. Un homme et une femme, celle-ci s'acharnant sur un objet noir à  l'arrière de la voiture.
- Vingt ! Ca ira ?
- Ca tiendra ! Allez, Tempête ! Fais-leur goûter tes foudres !
La nommée Tempête glissa sa main sous l'objet? une mitrailleuse sur trépied.
La voiture bondit en un dernier sursaut de vitesse. Les raptors étaient à  cent mètres derrière elle.
Peter Pan escalada le pylône.
- Du piment, comme si on en avait besoin.
Il parvint au sommet et cala son arme sous son épaule. Rinaldo jeta Plissken sur ses épaules et ils le rejoignirent. Le point apical du pylône était une plate-forme argentée dont le trio n'aurait su déterminer la fonction.
Fusillade.
Les gens de la jeep avaient ouvert le feu sur leurs poursuivants. Dix raptors furent fauchés par la rafale ; la mitrailleuse cessa de tirer et les corps tombèrent. Lorsque Tempête reprit les hostilités, la horde avait gagné dix mètres. Ils prenaient la voiture de vitesse.
Crépitements ; nouveaux dinosaures occis.
Plissken visa un raptor.
- Pas comme ça, l'avertit Peter Pan.
Il lui prit son arme et fit basculer la sécurité.
- Ca devrait mieux marcher? mais ne tire pas !
- Pourquoi ? Pourquoi ! Ces horreurs vont bouffer les types de la jeep !
- Ils sont trop loin, Plissken. Tu veux gâcher des balles ?
Peter rendit son pistolet à  Plissken.
- Alors, on attend et on se tait !
Le véhicule parvint au niveau du pylône ; sa mitrailleuse oeuvrait toujours, mais les raptors étaient nombreux et gagnaient du terrain. Il freina, le tir s'arrêta. Tempête et son compagnon descendirent, équipés de carabines.
Les raptors se rapprochaient, leur charge se déroulant dans le plus grand silence. Leurs yeux ne bougeaient pas. Plissken aurait pu croire qu'ils étaient en plastique, tant leur cuir était lisse. Des peaux de batraciens.
- Vous savez tirer ? s'enquit l'homme qui accompagnait Tempête. Ca va chier des bulles !
Plissken se pencha par-dessus le rebord et cadra la base du pylône entre les deux protubérances à  l'extrémité de son arme. Une tête de serpent apparut, il pressa la détente.
La détonation fut le signal du massacre. Peter Pan et Rinaldo laissèrent leurs M-16 parler à  leur place. Le pylône était submergé par une structure chaotique, sans cesse en mouvement, de griffes, de dos, de crocs. Les éclairs et les balles se mêlèrent au ballet pour enrichir cette danse de flots écarlates.
Dans cette apocalypse, Tempête arriva au sommet du pylône et chargea sa carabine. Son compagnon se hissa à  son tour?
Sifflement, l'homme bascula.
- Chacal !
Tempête se rua sur lui, mais elle fut retenue par Plissken.
Les mains de Chacal agrippèrent la plate-forme.
- Chacal ! Chacal !
Rinaldo fonça, mais les doigts glissaient. Chacal était aux prises avec deux raptors qui avaient entrepris de lui arracher la jambe.
Plissken reprit ses tirs pour épauler Peter Pan. Leurs armes dégageaient le terrain autour du pylône.
Les raptors étaient trop près. Pas question de tirer. Jurant, Rinaldo fixa son M-16 en bandoulière et saisit un bras de Chacal.
- Sauve-moi ! Sauve-moi et je te donne tout mon fric ! Ma maison, tout !
- C'est gratos.
Le torse dans le vide, gardant ses jambes sur la plate-forme, retenant Chacal, Rinaldo saisit son arme de sa main libre.
- Vous voulez quoi ? demanda-t-il aux raptors en contrebas. Ses pompes sont si cools que ça ?
En tirant, il comprit son erreur. Son M-16 était réglé en rafale. Pas au coup par coup. Le flot de balles partit et emporta les raptors, mais le déséquilibra.
- Putain d'merde !
Ce furent ses derniers mots. Rinaldo tomba, la horde de raptors se referma sur lui. Pas un cri. Gargouillement. Les raptors sifflèrent.
Chacal se jucha en haut du pylône, agitant sa carabine.
- Salauds de monstres !
Il envoya ses deux cartouches dans le carnage. Un raptor tomba, certains de ceux qui dévoraient Rinaldo s'en détournèrent pour dépecer leur semblable.
A court de munitions, Chacal reçut deux cartouches dans la main.
- Allez ! fit Tempête.
Elle resserra sa prise sur son propre fusil. Ils firent feu. Le M-16 de Peter Pan et le pistolet de Plissken se joignirent à  leurs tirs. Ils canardèrent tant et si bien qu'il n'y eut plus que brume et cris.

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MessagePublié: 18 Juin 2004, 07:49 
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Pamplemousse Panchromatique
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3




Rinaldo fut enterré au pied du pylône.
Une fois qu'ils eurent érigé en guise de sépulture un petit tumulus, ils restèrent immobiles. Et Plissken eut le sentiment que c'était bien, que c'était rendre honneur à  feu leur compagnon que de l'inhumer et d'observer une minute de silence. Il se sentait mieux d'avoir procédé à  ce rituel funèbre.
" La mort, c'est quand les monstres vous attrapent. " Une réplique de Mark Petrie dans " Salem ". Plissken se dit que King avait toujours voulu exprimer, à  travers ses livres, le rapport particulier qui liait l'être humain à  la mort. Les animaux n'avaient pas conscience de l'ultimatum qui leur était alloué dès qu'ils accédaient à  l'existence. L'homme le savait, lui, et c'était là  sa malédiction.
Pourquoi Rinaldo était-il mort ? Il n'y avait aucune justice. Aucune.
Il ne compta pas le temps qui s'écoula avant qu'ils ne montent dans la jeep et ne partent.
Tempête finit par rompre le silence.
- Pourquoi des Madnautes ? Pourquoi des habitués du forum Mad Movies ?
Personne ne lui répondit.
Le véhicule roula des heures durant dans la plaine. Deux fois, ils durent s'arrêter pour recharger le réservoir. Ils virent des traces de meutes de raptors et l'angoisse étreignit leurs c?urs.
Enfin, la voiture parvint à  la barrière qui cernait le territoire des raptors. Devant la clôture d'épais câbles électriques était tendu un grillage aux mailles resserrées.
A la base de l'obstacle, le socle de béton portait une plaque " Warning " où brillait un voyant vert.
- Quelqu'un a-t-il une idée pour nous tirer de ce piège ? fit Plissken.
- Moi.
L'homme apparut derrière la barrière, un sourire aux lèvres. Plissken remarqua la jeep derrière lui, sur la route.
- Je vous ai trouvés avec le GPS, dit l'inconnu. Déclinez vos identités.
- Peter. Peter Pan.
- Je suis Tempête.
- Vous pouvez m'appeler Plissken.
- Mon nom est Chacal.
- Voilà  une joyeuse troupe, approuva l'homme. Des Madnautes, bien entendu.
Plissken crut entendre un sifflement. Il jeta un regard à  la plaine. Rien.
Son c?ur battait très fort.
- On pourra en discuter de l'autre côté, non ? fit-il. C'est que notre situation?
- Oh. Veuillez m'excuser.
Leur interlocuteur fouilla dans son gilet de chasse bardé d'armes, puis leva triomphalement un talkie-walkie.
- Ici Charlton Heston. J'en ai encore trouvé un groupe.
Un grésillement.
- Je me fiche de ce que vous pensez. Ils sont dans le périmètre des vélociraptors et des deinonychus. Coupez le courant dans le secteur G-59.
Dernier grésillement.
Charlton rangea l'appareil et fit face à  l'équipe.
- Hammond coupe le courant.
Le voyant passa au rouge.
- Grimpez, reprit Charlton. Vous avez dix minutes.
- Oh non, grinça Peter. On va se refaire la scène de l'électrocution de Tim façon barbecue? Dieu que je hais ce film !
- Grouille-toi au lieu de bavarder.
Charlton sortit une sorte de fusil à  lunettes.
- Je peux en aligner pas mal aux PSG-1, mais vous êtes très demandés.
Plissken, le pied posé sur un câble, considéra le territoire d'où ils venaient. Des points noirs se rassemblaient à  perte de vue.
- Hammond retient ici un bon millier de raptors. Voilà  pourquoi ils ont autant d'espace. Grouillez-vous !
Autour de Plissken, tous escaladaient la clôture.
Il se hissa. Son bras gauche s'habituait à  ce genre d'exercice. Il cala ses pieds dans le grillage superposé aux câbles électriques, puis lança sa main et s'accrocha avant d'être déséquilibré. La montée fut laborieuse et stressante, entrecoupée des sifflements des raptors et des détonations du PSG-1.
Plissken parvint au sommet. Après tant de difficultés, il ne pouvait croire qu'enjamber le dernier câble serait si simple. Il y arriva.
Et en se suspendant de l'autre côté, il jeta un coup d'?il à  sa montre.
Plus qu'une minute avant que le courant ne revienne.
Plissken serra les dents et leva les yeux? pour voir la horde à  deux pas.
Sur un cri, il lâcha.
Les raptors foncèrent.
Plissken ne vit plus que le ciel. Il toucha le sol. Dos en compote. Pas le temps de s'apitoyer sur soi-même. Il s'assit et brandit son pistolet, remarquant au passage qu'il s'agissait d'un Beretta.
Les raptors escaladaient la clôture avec une célérité stupéfiante. Il croyait voir des lézards courant sur un mur. Plissken tira. Il entendit un cliquetis : il n'avait plus de munitions. Comme son bras droit était en écharpe, il posa son arme pour saisir un chargeur. Il le mit en place frénétiquement.
Autour de lui, ses compagnons couraient sur la route. Les M-16 distribuèrent leurs rations de trépas en rafales, les carabines tonnèrent.
Plissken vida tout le chargeur sur la vague de raptors qui submergeait la clôture. Il y eut des étincelles et les flammes fusèrent. Un second voyant rouge, réplique de celui qui était de l'autre côté de la base de la barrière, avait viré au vert. Les raptors carbonisés roulèrent jusqu'à  s'écraser au sol.
Ils étaient passés. Ils étaient sauvés.
Plissken se leva, éprouvant le contact de ses pieds sur la route. Dans la plaine, leurs ennemis reculaient. Plus aucun dinosaure ne se précipitait contre la barrière.
" Ils ont compris ", songea-t-il. " Saloperies ".
Les yeux fixes des raptors ne reflétaient que le néant. Ils s'alignèrent à  un pas de distance de l'obstacle. Un mètre séparait les humains de leurs prédateurs.
Combien de centaines de raptors étaient-ils en rang ici ? Combien gisaient à  leurs pieds, leurs carcasses consumées ?

- Situation sous contrôle ? répéta Peav.
- Complètement.
Hammond s'assit sur une table et joua avec sa canne couronnée d'un bloc d'ambre.
- Charlton Heston a retrouvé le dernier groupe. Les autres sont réunis dans une dizaine de camions qui viennent par ici.
- Et vos dinosaures sont saufs.
- Et mes dinosaures sont saufs, confirma Hammond sans comprendre le sarcasme de Peav.
- Toujours aucun indice, Hammond ?
- Pas le moindre. Comment pourrais-je savoir comment vous êtes arrivés ici ?
Peav se rapprocha. La salle de contrôle parut tout à  coup exiguë. Les ombres s'étirèrent.
- Vous êtes le seul capable de faire une chose pareille.
John Hammond réprima un gloussement.
- Pourquoi ? Pourquoi balancerais-je les habitués d'un forum français dans mon Jurassic Park ?
La main de Peav lui étreignit la gorge. Il gémit et tenta d'aspirer de l'air. Les yeux de son agresseur se réduisirent à  des fentes.
- Je vous hais, Hammond. Vous n'existez même pas. Comment osez-vous sourire alors que tant de gens sont morts ?
Peav lâcha le vieillard. Hammond secoua la tête.
- Ca vous coûtera cher.
- Je n'ai pas de comptes à  rendre à  un être fictif !
- Votre notion de la réalité est perturbée, Peav? vous avez besoin de repos.
- Ca me regarde.
- Vous souffrez de paranoïa et de pulsions meurtrières à  cause d'un environnement qui subit un changement auquel vous n'étiez pas préparé. Revenez sur Terre. Qu'est-ce que ça a de si inhabituel, la résurrection des dinosaures ? Ce n'est qu'un banal clonage.
Peav serra les poings.
- Rien de tout ça n'est réel !
- Pouvez-vous faire confiance à  vos souvenirs, Peav ? Ils vous indiquent qu'un film du nom de " Jurassic Park " est sorti. Comment ? Pourquoi ? Je n'ai jamais entendu parler de ce Michael Crichton et de ce Steven Spielberg. Et aucun acteur d'Hollywood ne possède mon faciès.
- C'est un film. " Jurassic Park " est un film.
- Un film ne peut prendre vie, Peav.
- Un film?
- C'est absurde. Pourquoi ne pas remettre en doute vos souvenirs ? Vos certitudes ? Plutôt que de croire que le monde a été altéré ou que vous avez été immergé dans un univers de fiction ?
Peav ferma les yeux.
- Je? je sais ce que je crois ! Je sais ce qu'est la réalité !
Hammond ricana.
- La réalité absolue est une fable.
- Et ça, c'est réel ?
Hammond sursauta. Sur l'un des écrans de la salle de contrôle, le GPS indiquait les déplacements d'un animal. Vers le bâtiment où ils étaient retranchés. Les lettres " T-REX " clignotaient.
- C'est impossible.
- Je croyais qu'il fallait remettre en doute ses certitudes ? lança Peav, ironique.
- Mais? le Rex ne peut sortir de son enclos. Il est trop?
Peav et Hammond se penchèrent sur l'écran.
- Voyez la faille, vieil homme. L'enclos du Rex est accolé à  celui des raptors.
- Et? ? C'est le site B. Tout l'espace est consacré aux dinosaures.
- Il y a un lac en travers des deux clôtures. Pourquoi n'a-t-il pas été contourné ?
- Il est trop grand? et cerné de falaises. Peav, ni le Rex ni le raptor ne peuvent sortir par là . Et même si c'était le cas, ils ne feraient que passer d'un enclos à  l'autre.
Peav donna un coup de poing dans l'écran.
- Si c'est parfait, pourquoi le Rex est-il tout près du centre du site B ?
Hammond ajusta ses lunettes, se saisit du clavier, pianota.
- Peut-être? oh, merde ! Merde ! Merde !
Des mentions énigmatiques défilaient sur l'écran. " WARNING FAILURE ", " FREE D ", " YOU ARE DEAD GUYS ".
Le vieillard se tut. Peav mit sa main sur son épaule. Le créateur du Jurassic Park renifla et enfouit sa tête dans ses bras.
Après quelques sanglots, Hammond souffla :
- La clôture des raptors a moins de voltage que celle du Rex. Ca l'a chatouillé. Sans plus.
- Et avec la brèche qu'il a ouvert en s'échappant, les raptors peuvent se répandre sur l'île.
- Merde !
- Le Rex arrive.
- Merde ! Merde ! Merde !
Hammond frappa le moniteur. L'écran bourdonna.
- Merde !

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MessagePublié: 23 Juin 2004, 00:31 
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Pamplemousse Panchromatique
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- Les raptors vous attendent.
Les visages blêmes des trois hommes étaient à  peine visibles dans l'obscurité. Shogun arborait une expression décontenancée de rigueur. Rottweiler avait un sourire hystérique qui faisait ressembler son visage, dans la lueur lunaire, à  un masque de théâtre Nô. De Skaybax, on ne voyait que la bouche grande ouverte sur un cri silencieux.
Le locuteur secoua la tête, reprit :
- Ils ont détruit tous les camions, hein ? Tous les Madnautes sauvés? ils les ont?
- Qui êtes-vous ? le coupa Rottweiler.
- On m'appelait David Dunn, il y a fort longtemps de cela. Ils arrivent.
L'homme prit appui sur le sol. Claquement. David Dunn vola vers eux. Shogun se baissa d'instinct.
Un raptor fut fauché en plein saut par un pied de David. Skaybax se dit que sans cet homme, la bête leur aurait lacéré le dos.
Le dinosaure roula dans l'herbe. Dans la nuit, on ne vit que de manière indistincte le dos de David Dunn qui s'approchait du raptor.
- Avada Kedavra !
Ils eurent beau fermer les yeux, la lumière verte perça à  travers leurs paupières.
Sifflements. Soupir amusé de David.
Grimaçant, Skaybax ouvrit les yeux. Plus de traces du raptor trépassé. Deux têtes serpentines apparurent dans la nuit.
- Magie, magie, fit David Dunn. Et vos idées ont du génie !
Un bouquet de flammes jaillit de chacune de ses paumes. Les faisceaux foncèrent sur les raptors qui galopaient déjà . Il n'y eut pas de déflagration. Les bêtes cessèrent de siffler, se tordirent dans la géhenne et s'effondrèrent.
- Comment avez-vous pu? amorça Shogun.
David Dunn le considéra, et il lut dans ses yeux le gouffre qui les séparait.
- Vous devez faire route par ici, lança leur sauveur en désignant une direction. La Porte apparaîtra devant le centre tactique du site B, le repaire d'Hammond. C'est moins vaste que le complexe touristique d'Isla Nublar, vous ne devriez pas vous perdre.
- La Porte ? fit Rottweiler. Et ensuite ?
- La Porte, c'est la sortie. Elle marquera la conclusion de votre périple. Ne désirez-vous pas sortir de ce cauchemar ?
Le trio hocha la tête. Ils s'engagèrent sur le sentier parmi les fougères.
- N'ayez crainte, poursuivit David Dunn. Il n'y a plus de raptors? hâtez-vous !
Près d'une heure après le départ de Shogun, de Skaybax et de Rottweiler, l'homme restait encore debout dans la clairière faiblement éclairée par la lune. Ses bottes de cuir s'imbibaient de la rosée dégouttant de l'herbe. Son profil se découpait dans des tons d'argent sélénite devant le feuillage d'ombre.
Bruissement.
La tête de David Dunn pivota vers la gauche.
- Tiens. Jeroboam.
L'être sourit. Il aurait pu passer pour un homme si une corne légèrement courbe, d'un vert émeraude, ne surgissait pas en plein milieu de son front. Ses yeux de félin étaient un indice supplémentaire pour le détacher d'une espèce avec laquelle sa ressemblance était toute superficielle.
- David Dunn. Pourquoi as-tu indiqué à  tes amis Madnautes la direction de la Porte ? Pourquoi, si tu t'opposes à  nous ?
- Parce que je ne veux pas qu'ils meurent. Ils trouveront là -bas le seul refuge possible. Dis-moi, Jeroboam? c'est toi qui es responsable de l'évasion des dinosaures ?
Jeroboam ricana.
- Le Rex n'aurait pu s'extirper du lac si je n'avais pas démoli la falaise. Après, il a décidé tout seul de prendre le large au lieu de chasser du raptor. Je conviens du fait que la situation actuelle sert mes desseins. S'ils sont traqués par les prédateurs, les Madnautes emprunteront la Porte.
- Je les en empêcherai !
- Alors pourquoi leur as-tu indiqué cette direction, David ?
- Pour les protéger. Mais s'ils tentent de franchir la Porte, je m'y opposerai.
Les pupilles verticales de l'être le fixaient avec une intensité inquiétante.
David Dunn se précipita sur lui. Jeroboam poussa un cri et lança une boule de feu que son adversaire esquiva d'une roulade. David se releva et frappa. Une seule fois.
Le corps de la chose fut déchiqueté. Ses viscères à  l'aspect et à  la configuration déroutants se déroulèrent sur l'herbe. Une mare de sang apparut sous Jeroboam.
Ca me fera gagner du temps, pensa David Dunn. Mais si peu.
Des tubes verts et jaunes s'agitaient dans la cage thoracique fracassée. Une main se ferma en poing.
David fila dans la jungle ; derrière lui, l'être se régénérait.

- Les raptors n'ont même pas pris une journée pour se répandre sur le territoire insulaire, gémit Peav.
Il enfonça une touche du clavier.
- Et d'autres barrières se sont rompues sur le Site B. Pas au hasard. Hammond, quelqu'un libère tous les spécimens agressifs. Dilophosaures, carnotaures, procompsognathus.
- Les compys ? s'étonna Hammond.
- Ils secrètent un venin aux propriétés somnifères. Ces bestioles endorment leur proie avant de la dévorer vivante.
- Saloperies !
- Comme vous dites, Hammond.
- Peav, comment savez-vous ça ?
- J'ai lu les livres " Jurassic Park ", j'ai vu les films.
Hammond soupira.
- N'espérez pas que je vais vous croire, Peav. Vous êtes un névrosé.
- Croyez ce que vous voulez. Mais regardez ces graphiques. Si vous mettez le nez dehors, on n'entendra plus jamais parler de vous.
Pour la énième fois, Hammond traversa la salle de contrôle et vérifia la fermeture de la porte blindée. Puis il prit une bière dans le frigo juste à  côté.
- Plus de communications téléphoniques, grommela-t-il. Plus de satellite. Plus rien. Qui a coupé tout ça ?
- Les camions amenant les survivants ont été attaqués par une meute de raptors, dit Peav.
Il déglutit et se renversa dans sa chaise.
- Il reste la jeep de Charlton.

Plissken regarda sa montre. Elle indiquait minuit. Il ne savait pas s'il pouvait se fier à  l'heure. Il ne savait pas s'il pouvait se fier à  quoi que ce soit.
Ils avaient roulé toute la journée. Charlton Heston leur avait expliqué comment employer les armes de leur arsenal et leur avait fait un bref exposé de la situation. Il leur faudrait du temps pour parvenir au seul bâtiment de l'île susceptible de devenir un abri, le centre tactique du Site B, où John Hammond et Peav les attendaient. C'était une sorte de bunker ne comportant que trois pièces, la douche, les toilettes et la salle de contrôle, laquelle contenait les couchettes, le frigo, le micro-onde et bien sûr les ordinateurs nécessaires pour tout superviser.
Selon Charlton, les premiers intrus avaient surgi deux jours auparavant. Ils avaient déterminé le dénominateur commun entre tous ces gens d'âges et de milieux divers qui se réveillaient sur l'île sans savoir comment ni pourquoi. Ils fréquentaient le forum " Mad Movies ". Tous. En règle générale, ils préféraient qu'on les appelle par leurs pseudonymes dans cet environnement inconnu. Certains étaient quasiment devenus fous, d'autres se croyaient dans un rêve.
Comme quatre-vingt-dix pour cent du terrain était occupé par les enclos du Jurassic Park, où les dinosaures grandissaient avant d'être envoyés sur Isla Nublar, la majorité des Madnautes s'étaient fait croquer ou piétiner. Douze Madnautes, menés par Peav, avaient rejoint par pur hasard le centre tactique. Là -bas, Hammond déplorait la disparition de ses employés et la coupure des communications : il était perdu dans sa propriété. Mais il avait fourni des armes et des véhicules aux intrus pour qu'ils cherchent les autres rescapés.
Leur voiture n'était plus qu'à  cinq cents mètres du centre tactique.
Plissken fut arraché à  ses réflexions par le crissement des freins.
- Qu'est-ce que? gémit Charlton.
Plus loin sur la route, de grandes masses enflammées crépitaient.
- Non?
- Ne descendez pas de la voiture, fit Peter Pan.
Il se releva et arma son M-16.
- Roulons par là . Prudence.
Tempête plia et déplia ses bras avant d'ouvrir une fenêtre et de poser le canon de sa carabine sur le rebord.
- On peut y aller ? demanda Plissken.
Charlton baissa la tête et la jeep frappée du logo Jurassic Park repartit.
En s'approchant, ils virent qu'il s'agissait d'une dizaine de camions. Ils étaient renversés et anéantis de toutes les manières possibles et imaginables.
Chacal serra les dents. Plissken vit les flammes qui dévoraient les carcasses se refléter dans ses yeux. Le feu brûlerait toujours chez Chacal, au plus profond de son âme. Et Plissken sentit une semblable fournaise naître dans les tréfonds de son intellect.
C'était ça, vivre. C'était comprendre que tôt ou tard, on perdait tout. Ces camions contenaient des Madnautes, Plissken le savait d'instinct. Quelques raptors calcinés aux alentours étaient la cause du désastre. Combien de personnes dans chaque camion ? Il ne voulait pas le savoir. Il pensait aux gens dévorés, brûlés vifs, morts dans les explosions. Il ne parvenait pas à  en dégager un nombre.
Plissken essuya ses larmes.
- Charlton. Chacal. Tempête. Peter Pan.
Ils le regardèrent.
- On doit continuer.

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MessagePublié: 29 Juin 2004, 08:23 
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Pamplemousse Panchromatique
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Hammond jonglait avec sa canne.
- Quel espoir nous reste-t-il ? Tout contact avec InGen est coupé. Nous sommes isolés du monde. Nous n'avons que des jeeps, rien qui nous permette de quitter cette île du diable. Mon rêve est devenu un immense cauchemar.
Peav s'apprêta à  proposer l'idée de construire un radeau. Mais au moment où il ouvrit la bouche, il se rendit compte que c'était exclu. Trop de prédateurs alentour.
- C'est notre fin, poursuivit Hammond. Nous n'avons pas assez de provisions pour tenir plus d'un mois. Nous n'avons pas assez de munitions pour nous payer un génocide de dinos.
- Cela me surprend de la part d'un optimiste tel que vous.
- Je pense que la situation est irrécupérable, Peav. Mais après tout, ce n'est qu'un petit drame. Tout ce qui subsistera, ce sera Isla Sorna? le site B, peuplé de bêtes d'un autre temps. J'aurai donné ma vie pour créer ce monde perdu.
Peav se surprit à  siffloter la musique de " Jurassic Park ".
- Nous aurions fait une véritable fortune avec ce parc, reprit le milliardaire. Une véritable fortune. Les investisseurs auraient pris confiance, et j'aurais vu les yeux écarquillés des enfants? les enfants adorent les dinosaures.
- Et alors ? Qu'est-ce qu'il reste à  faire ? Attendre notre fin ?
- Peav. Celui qui se bat sans espoir de victoire est un imbécile.
- Et celui qui renonce à  son bien le plus précieux, la vie, en présumant du futur, est un incapable. On a toujours une chance.
Peav se leva et gagna la table la plus proche. Il caressa le cylindre massif qui y reposait.
- Le Rex est proche, Hammond. Donnons-lui de quoi manger.
Il souleva le bazooka, gémissant sous son poids, et le cala sur son épaule.

La voiture de Charlton Heston, reconnaissable à  l'arsenal qui en débordait, arriva en vue du centre tactique.
- Nous ne sommes pas encore sauvés, rappela Charlton. Il faut contacter le continent. Une embarcation, une radio de fortune? on trouvera quelque chose.
L'édifice était bâti sur le modèle d'un bunker, mais il ne semblait pas blindé. Il était plus petit que ce que Plissken avait imaginé. En observant l'unique porte, il vit qu'elle avait un volant de valve en guise de poignée.
Soubresaut de la voiture.
- Ils pourraient mieux entretenir cette route, grinça Tempête.
- Ce n'est pas la jeep? dit Peter Pan. C'est un séisme.
Il gratta son crâne glabre.
- Et Isla Sorna n'est pas dans une zone volcanique.
- Le Rex ! s'exclama Chacal.
Ils levèrent leurs armes.
Charlton Heston pressa l'accélérateur.
- Il est encore loin, à  en juger par le bruit, fit Plissken.
- Ces bestioles, ça dévore vite les kilomètres, rétorqua Peter.
- On n'a qu'à  arriver avant lui.
- Et qu'est-ce qu'on fera, après ?
Charlton eut un sourire mauvais.
- Il y a un bazooka dans le centre tactique. Et avec le GPS, il y a toutes les chances que nos amis sachent que le Rex charge.

Hammond empoigna le volant de valve. Il crissa en pivotant.
Rugissement.
Peinant, Peav s'arrêta devant la porte.
- Il est fort aimable, il vient par l'ouest. Face à  nous.

- Le centre tactique ! s'écria Shogun.
Rottweiler s'essuya le front.
- On y est? presque.
- On dirait que David Dunn n'avait pas compté avec cette jeep. Ceux dans les camions sont peut-être morts, mais il y a des survivants.

Plissken tendit le bras.
- Là -bas? vous voyez le trio ?
- Ceux qui sortent des buissons à  côté du centre ?
Plissken acquiesça.
- Avec Hammond et Peav, ça fera dix survivants, c'est mieux que c'qu'on pouvait espérer.
Il reporta son regard sur le centre tactique. Le volant se tournait.

Hammond fit un dernier effort. La valve coulissa.

- Ils ouvrent la porte, constata Skaybax.
- On le voit comme toi?
- La ferme, Shogun ! Ces tremblement de terre, c'est un dino qui arrive?
Rottweiler secoua la tête.
- J'aime pas ça.

Chacal vérifia son arme. Ils n'étaient plus qu'à  dix mètres du centre tactique. Tandis que les pas du tyrannosaure faisaient vibrer le sol et leur véhicule, ils voyaient la porte s'ouvrir et un petit vieillard apparaître dans l'embrasure.

Hammond tira le battant.
Peav exécuta un mouvement du bras pour se détendre les muscles. Sentant une appréhension l'étreindre, il tourna la tête vers l'un des écrans. Où se trouvait le Rex ?
Le moniteur qui faisait coïncider les informations du GPS et celles du système de capture de mouvements affichait plusieurs symboles. Le Rex était encore dans le bosquet de l'autre côté de la route.
Il y avait deux autres signaux.
Etiquetés CARN.
Peav hurla.
- Hammond !
John Hammond lui adressa une moue intriguée, revint à  la porte ouverte? mouvement dans l'air. Une gueule s'ouvrit au milieu du néant, des mâchoires rugirent.
Peav releva le bazooka.
Hammond recula. Son expression d'incrédulité devait rester figée.
Le dinosaure fondit sur lui ; le camouflage se voila. Une énorme bête de brume renversa Hammond, envoya ses crocs massacrer sa gorge, sa poitrine, son visage. La gueule se releva sur un cou musclé, se détendit comme un élastique et s'abaissa à  nouveau pour dévorer. De grands jets de sang vinrent asperger l'épiderme aux capacités mimétiques, la silhouette se concrétisa.
Peav cria, cria, cria. Le carnotaure arbora un rictus avant de se remettre à  arracher la viande. De grandes bouchées cramoisies disparaissaient dans sa gueule.
Un second prédateur, à  peine visible avec les motifs de ses écailles imitant le ciel, le chambranle de la porte, le sol, le feuillage de la forêt plus loin, se profila. Une goutte rouge vint souligner la courbe de ses cornes. Les théropodes cornus grognèrent en signe de reconnaissance ; l'un se remit à  bâfrer, l'autre avança vers l'homme en vie.
Peav savait qu'il ne devait pas perdre son sang-froid. Mais il ne savait pas comment procéder. La Faucheuse venait le chercher, elle était là , c'était un cliché et il le savait, mais pourtant la mort était devant lui, c'était une saloperie de mini-Rex caméléon, et il allait mourir, il ne se souviendrait plus, il n'existerait plus.
Son doigt se crispa sur la détente du bazooka.
Le carnotaure bondit.

Le centre tactique fut pulvérisé par une orchidée de feu vif qui laissa la place à  une rose orangée. L'explosion ravagea les alentours et renversa la jeep sur le flanc.
Plissken se leva. Il comprit que le craquement qu'il avait entendu était sa jambe gauche lorsque la douleur survint. Ne pouvant retenir une larme, il ouvrit la portière au-dessus de lui et se hissa.
Trois personnes l'aidèrent à  descendre de la voiture. Il entendit à  peine les noms qu'ils lui fournissaient? Shogun? Rottweiler? Skaybax.
Chacal sortit à  son tour, l'air abattu, soutenant Tempête.
Une jambe défonça le pare-brise. Charlton Heston et Peter Pan bondirent par là . Tandis que leurs six compagnons fixaient le brasier qui s'était substitué au bâtiment, hébétés, les deux combattants levèrent leurs armes vers la nouvelle menace.
Le tyrannosaure.

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MessagePublié: 30 Juin 2004, 01:46 
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Il était là , le prédateur suprême du Crétacé, le plus grand des théropodes. Plissken avait toujours trouvé ses petits bras ridicules. Il n'avait plus envie de rire.
L'un des flancs du Tyrannosaurus Rex était ravagé, changé en cratère bordé de charpie à  demi cautérisée. C'était l'effet de la grenade de Peter Pan. Ils ne distinguaient pas ses pupilles, les globes oculaires n'étaient que des étoiles glacées.
La mâchoire inférieure tomba, dévoilant un double râtelier de crocs d'une taille peu engageante. Ensuite, le rugissement les submergea, un cri de défi qui les fit chanceler.
- On se tire, suggéra Shogun.
Plissken secoua la tête.
- Aucune chance. Il court plus vite que nous.
- Et si on se disperse ? Chacun dans une direction !
- Ca marchera pas.
Le tyrannosaure se tourna vers eux.
- C'est toi le boss final ? lança Skaybax.
Charlton Heston sortit de la voiture les armes qui y étaient restées. Il remit avec précaution une grenade à  fragmentation à  Peter Pan. Plissken comprit qu'ils seraient tous morts si la voiture avait bougé un peu plus. Remarque, pour ce que ça changeait dans la situation actuelle?
- On peut se cacher, dit Tempête.
- Avec nos blessures, son odorat lui permettra de nous détecter sans problème.
Charlton remit avec célérité des M-16 à  Skaybax, Shogun et Rottweiler.
Et le Rex chargea.
A partir de cet instant, Plissken n'eut que de vagues impressions. Rottweiler le hissa sur son dos, sa jambe et son bras cassés craquèrent. Il leva son M-16 vers l'adversaire qui n'était déjà  plus qu'à  deux pas. D'autres tiraient en même temps, parmi les flammes et les rugissements.
Il se sentait comme engourdi dans le feu de l'action. De toutes parts, les armes vomissaient les balles par rafales. Le tyrannosaure était couvert de sang, mais il ne faiblissait pas. Il arriva, ils s'écartèrent. Une patte titanesque plia la jeep. Un brasier vint s'ajouter à  l'incendie.
Violence. Plissken sentit une souffrance supplémentaire. Il volait. Contact rugueux sur sa face, ses bras, son torse.
Retombant, il vit que la queue de la bête l'avait fauché en fouettant l'air.
Il heurta le sol et ne sentit plus son genou. Et une jambe en moins, une.
Plissken ne pouvait plus se mouvoir. Il employa son unique membre valide pour caler son M-16 et tirer sur la chose au loin. Il vit qu'aucun Madnaute n'était encore mort. Ils tournaient autour du tyrannosaure et vidaient des chargeurs entiers dans ses écailles.
- Visez les yeux ! cria Charlton Heston. Visez les yeux !
- Tu nous demandes de viser ? répliqua Tempête. Reste en place une seconde et tu verras !
Elle cessa de tirer et se mit à  courir, zigzaguant entre les flammes. Un instant plus tard, une patte vint fouler le sol là  où elle était. Spectacle surréaliste que de voir, à  ses côtés, au-dessus de soi, des masses telles filer dans l'air.
La gueule s'abaissa, toucha le sol. A côté de Tempête. Elle sursauta et courut encore plus vite. Le tyrannosaure releva la tête, l'abaissa. Une seconde fois, la jeune femme évita de se faire gober. La troisième fois, le museau l'effleura. Elle poussa un juron, braqua son M-16 devant un ?il du monstre et tira.
Tempête recula, escomptant une réaction dévastatrice. Le tyrannosaure sursauta, se tordit en tous sens. Puis il reprit la chasse, plus rapide, plus enragé que jamais.
L'arme de Plissken tournait à  vide. Il voulut la recharger et s'aperçut qu'il n'avait plus de munitions.
Là , résigné, il attendit sa mort.
Et ses yeux furent accrochés par une silhouette.
Un homme se tenait dans la jungle en bordure de la route, là  d'où venait le dinosaure, derrière une barrière de flammes. Grand et mince, il était vêtu d'un costume vert à  la coupe raffinée. Au-dessus d'un médaillon frappé d'un sigle étrange, un visage pensif observait la scène. Plissken ne parvenait pas à  déterminer ce qu'il avait d'insolite. Plissken interpella l'homme.
- Venez nous aider !
Puis il vit la corne. D'un vert émeraude, tendant sur le sombre là  où elle jaillissait du front, belle et courbe, effilée, elle était plus grande qu'un doigt.
Ce n'était pas un homme.
Deux yeux de chat le fixèrent.
- Je ne peux intervenir, dit l'être. C'est votre épreuve finale. Je ne peux fausser l'examen.
Il se retira dans la pénombre.
Plissken reporta son attention sur le combat. A cet instant, le tyrannosaure referma les mâchoires sur Rottweiler. Il redressa la tête et engloutit deux jambes arrachées. Des moignons de cuisses de sa victime jaillissait le sang, en arcs d'un rouge vif.
- Ca ne peut pas continuer, dit Peter Pan.
Il agita les bras devant la bête.
- Allez, viens me chercher. La pâtée est servie.
Plissken déglutit. Il vit un tressaillement à  peine perceptible dans les bras de Peter. Une grenade apparut dans sa main droite.
Le dinosaure chargea, à  ce rythme hypnotique qui était l'apanage des grands prédateurs. Il baissa la tête et ouvrit sa gueule. Sa mâchoire inférieure racla le sol alors qu'il rejoignait Peter.
- Tu la veux, ta dragée ?
Peter lança la grenade et se jeta sur le côté.
Plissken sentit son c?ur s'arrêter. L'image du crâne pulvérisé du tyrannosaure devait rester gravée dans son esprit. L'organisme, privé de son chef, vacilla et s'effondra sur la route. Les feux de l'incendie gagnèrent le corps massif.
Tous vainquirent leur mutisme pour sauter de joie. Même Plissken forma le V de la victoire. Rottweiler, quant à  lui, s'était évanoui en devenant cul-de-jatte.
- On l'a eu ! s'exclama Shogun. Putain de saleté !
- La Porte va apparaître.
C'était l'être à  la corne verte.

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MessagePublié: 07 Juil 2004, 03:25 
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Plissken tenta de s'éloigner de la chose qui émergeait de l'orée de la forêt. Ce n'était pas un homme, mais quelque chose qui en avait l'apparence. Il frémit. Tempête et Shogun vinrent le tirer hors de portée.
L'être franchit les flammes sur son chemin. Elles ne semblaient avoir aucune prise sur son organisme. Même le vert de ses vêtements ne noircissait pas.
Chacal serra les dents. Plissken comprit qu'il reportait sur l'inconnu toute cette situation absurde, qu'il transférait ses émotions négatives sur lui. Pour son compagnon, c'était cet être le responsable de tout. Mais était-ce si improbable ?
- Qui êtes-vous ? s'enquit Chacal.
- Ce nom ne signifierait rien pour vous.
- Fournissez-le quand même.
- Jeroboam.
- Quelle est cette Porte dont vous parlez ?
- Une brèche interdimensionnelle et votre dernière échappatoire. Vous êtes pris au piège. Les autres dinosaures ne tarderont pas à  arriver.
Sifflement. L'équipe se retourna. A côté des restes du centre tactique était apparue une sphère de lumière éblouissante. Pas un portail à  la " Sliders ", mais un soleil en miniature riche en arcs d'énergie, en flammes et en éclairs. Plusieurs anneaux étincelants tourbillonnaient autour de lui.
Au sol, la boue s'écarta en dépression et l'herbe vola, soufflée par le vent. Quelques flammes s'éteignirent.
- Vous ne pouvez aller nulle part, susurra Jeroboam. Nulle part, sauf là .
- Si on rentre dans ce truc, on va être réduits en cendres ! protesta Tempête.
- C'est tout sauf incandescent. Cette Porte ressemble-t-elle pour vous à  un brasier ordinaire ? Quel intérêt aurais-je à  vous mentir ?
Ils détournèrent une nouvelle fois les yeux de l'être cornu pour fixer la Porte. Elle palpitait à  présent et prenait des tons doux, comme pour les séduire.
Lorsqu'ils se tournèrent vers Jeroboam, celui-ci avait disparu.
Long silence.
- Pas grand-chose d'autre à  faire, finit par conclure Peter Pan.
- On ne peut faire confiance à  cette? créature ! cracha Rottweiler.
- Tu es trop méfiant.
Rottweiler ricana.
- On m'a toujours dit de me méfier des inconnus. Mais alors, ceux qui ont une corne, des yeux de chat et un costume vert bizarre? je ne leur tournerais pas le dos un seul instant, de peur de m'y faire planter un couteau !
- Mais si cette " Porte " n'est qu'une boule de feu, qu'est-ce que ça lui apporterait qu'on se jette dedans ? argua Skaybax.
Plissken progressa jusqu'à  eux à  l'aide de son bras, prit appui sur son coude.
- Si cette Porte mène à  un monde parallèle? qu'y trouverons-nous ? déclara-t-il. L'Enfer ou le paradis ?
- Ca sera toujours mieux que le Jurassic Park, rétorqua Peter Pan.
- " Si ", que des " si ", fit Tempête. Franchement, les mecs, il est temps de penser à  autre chose qu'à  des éventualités. On passe dedans un par un. Si ça ne fait pas brûler le premier, les autres sauront que ça conduit bien à  une autre dimension. Et on ira tous. Ca ne peut qu'améliorer notre situation.
- Autant balancer un infirme, suggéra Plissken. Envoyez-moi là -dedans. Mes jambes sont fracassées et j'ai un bras cassé? plus grand-chose à  perdre.
Ils reculèrent.
- Plissken, dit Shogun. On ne peut pas te faire passer devant.
- Si les raptors attaquent maintenant, je serai le premier à  me faire bouffer.
Sur ce, il prit appui sur son coude, vainquit la douleur et quitta la route. La Porte étincelait à  un mètre devant lui. Shogun secoua la tête et le saisit par le bras droit. Skaybax s'empara de son autre bras. Ils le soulevèrent, le portèrent péniblement, contournèrent les flammes, se figèrent devant la sphère. Elle faisait la taille d'une chaise et flottait au-dessus du sol sans à -coups.
- Courage, fit Plissken. Mon seul avenir passe par là .
Il sourit quand Shogun et Skaybax le jetèrent dans la Porte. Il se sentit comme englouti par un tourbillon d'eau glacé, puis se dédoubla et disparut de cet univers.
Skaybax écarquilla les yeux.
- Même brûlé? il aurait dû réapparaître de l'autre côté. C'est bien une?
- Ne franchissez pas cette Porte !
L'homme qui venait de se précipiter à  leur rencontre lévitait au-dessus du sol.
- Ma parole, c'est le défilé des phénomènes de foire ! railla Peter Pan.
Shogun et Skaybax fixèrent le magicien. Ils savaient de quels maléfices il était capable. D'un commun accord, ils foncèrent dans la Porte. Lumière aveuglante.
- Tout le monde ira, dit Tempête. Nous n'avons pas d'autre choix.
- David Dunn, grommela Rottweiler. Comment vas-tu ?
- Mieux que toi, dirait-on?
Chacal hissa Rottweiler sur son dos, ignorant les moignons de jambes sanguinolents.
- Nous devons passer par la brèche, dit-il. Les dinosaures vont nous dévorer. Et nous n'avons nulle autre possibilité. C'est un faux choix.
- Chacun a le choix, fit David Dunn.
Il atterrit au sol.
- Si je dois vous tuer pour vous empêcher d'emprunter la Porte? je le ferai.
Son manteau cessa de claquer.
- La mort est préférable à  l'autre alternative.
- C'est à  nous de décider de ce qui est bon pour nous, dit Tempête en levant sa carabine. Tu n'as pas à  penser à  notre place.
- Mais je dispose de davantage d'éléments que vous.
David Dunn avança vers la Porte.
- Si vous franchissez ce seuil, vous serez blessés. Anéantis. Vous ne mourrez pas. Mais vous serez soumis, asservis. Les instruments de la volonté d'une entité. Brisés et lobotomisés. Vous ne serez plus jamais les mêmes, physiquement et moralement. Vos familles, vos amis tomberont, votre monde basculera dans les flammes. Tout ça à  cause d'un choix égoïste.
- En somme, tu nous promets l'Enfer et davantage, grinça Peter Pan.
Le mage fit volte-face.
- Je suis là  pour vous en sauver. " Il y a d'autres chemins à  emprunter ", comme dirait Boromir.
- Boromir n'est pas un exemple de loyauté et de franchise, David.
Tempête ouvrit les hostilités en tirant dans le pied de David Dunn.
- David !
Sa chaussure dégouttant de sang, leur opposant leva une main. Un flux de flammes vertes s'en échappa. Tempête esquiva et la frappe vint se dissiper au sol en créant un cratère indigo.
- Les dimensions permettent d'apprendre bien des tours de prestidigitation ! cria David.
Une nuée d'éclairs déferla sur eux. Ils disparurent brutalement, un nouveau coup de carabine ayant déconcentré le mage.
Chacal profita de l'accalmie pour courir dans la Porte avec Rottweiler. Bruit de tonnerre.
- Vous courez à  votre perte ! hurla David Dunn.
Il balança une boule de feu qui cueillit Peter Pan à  l'épaule. Il tomba en arrière, son M-16 déchargeant trois rafales dans le ciel.
Sur la route et ses bas-côtés parsemés de flammes, Tempête et Charlton Heston commencèrent à  courir. Restant mobiles, ils évitaient les sortilèges de leur nouvel ennemi.
Peter se leva.
- Moi, on ne m'amoche pas !
Vociférant, il fondit sur David Dunn. Celui-ci fit dévier le coup de crosse d'une onde de choc magique. Ca ne l'empêcha pas de récolter un choc à  la joue.
David Dunn attrapa le canon à  pleine main et psalmodia quelques mots. Peter lâcha son M-16 avec un juron : l'arme était devenue brûlante. Lorsqu'elle tomba à  terre, elle se mit à  fondre. Il envoya un direct que David évita sans peine, puis un crochet ; cette fois, il atteignit son but. L'adversaire répondit par un coup de pied en pleine rotule. Peter Pan hurla, cela laissa le temps à  David de lui assener une frappe en plein ventre.
Charlton Heston visa leur ennemi, mais Tempête secoua la tête.
- On risque de toucher Peter !
- Ne vous occupez pas de moi ! rugit Peter. La Porte ! Foncez !
- On ne peut pas te laisser ! répliqua Tempête.
David Dunn lança une boule de feu à  bout portant. Peter Pan explosa. Charlton Heston ne put que songer qu'il n'aurait jamais plus l'occasion de vaincre des Rex. Il tira le bras de Tempête et ils se précipitèrent vers la Porte. Un sortilège complexe dessinant des pentagrammes flamboyants dans l'air les suivit, mais ils furent assez rapides pour lui échapper.
En pénétrant dans la Porte, ils crurent être engloutis par une avalanche.
Lumière. Tonnerre.
Ténèbres.

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MessagePublié: 11 Juil 2004, 17:34 
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Pamplemousse Panchromatique
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Plissken émergea de l'inconscience en remontant à  travers des strates de douleur pareilles à  des nappes de brume rouge. Au dernier palier, il se rendit compte du silence qui régnait aux alentours avant de cligner des yeux.
Il était dans une salle majestueuse évoquant, par sa vastitude et sa perfection architecturale, quelque cathédrale perdue. L'édifice était caractérisé par un style d'identification difficile. Tout, en effet, était sculpté. Des piliers, dotés de contours d'anges entassés et entremêlés en étreintes obscènes, à  la voûte représentant des démons aux ailes déployées.
Il n'y avait pas de vitraux. La lumière semblait sourdre de la pierre.
Aucune trace des autres Madnautes.
Plissken remarqua la double porte de sortie. Elle était trop haute pour qu'un homme puisse l'ouvrir. Même si ses jambes n'avaient pas été brisées, il ne serait pas parvenu à  atteindre la poignée.
Les dimensions démesurées de cette cathédrale païenne lui revinrent à  l'esprit.
A quel genre d'être était destiné le bâtiment ?
Il rampa vers la nef. Il avait appris à  refouler la douleur de ses membres cassés.
Aucun ornement, pas d'autel ou de symbole particulier. Juste un homme vêtu de vert.
Il se retourna, comme percevant la présence de Plissken.
- Bienvenue. Vous avez fait le bon choix. Le seul possible.
- Jeroboam? où sont mes amis ?
- Ils arriveront en temps et en heure. Nous avons le temps de discuter. L'entretien que j'ai avec vous, mon ami? quel est votre nom ?
- Plissken suffira.
- Plissken, cet entretien se reproduira avec chacun de vos compagnons. Il vous faut faire votre choix.
Plissken baissa la tête.
- Je savais que c'était un traquenard.
Jeroboam avança et s'arrêta à  un mètre de lui.
- Un traquenard ? pouffa-t-il. Alors que je vous accorde le choix le plus décisif que vous avez jamais eu à  effectuer ? L'opportunité la plus colossale ?
- Cessez ces phrases pompeuses.
- Navré, Plissken. Mais on n'en fait jamais trop.
- Jeroboam, où sommes-nous ?
- Au carrefour ultime, là  où toutes les routes commencent. Dans les tréfonds de l'île maudite connectée à  votre réalité. Autour de ce lieu s'étendent tous les mondes. Une infinité de dimensions que j'ambitionne de conquérir.
L'être leva ses yeux de félins vers la clef de voûte.
- Et je vous ai choisi? pour être mes lieutenants !
- Vous déraillez complètement !
- Pourquoi ? Est-ce si insensé ? Ces mondes parallèles peuvent m'appartenir. Ils doivent m'appartenir.
- Fou mégalomaniaque ! lança Plissken.
- Si je ne le fais pas, quelqu'un d'autre le fera ! Autant que ce soit moi. Je ne fais confiance à  personne d'autre qu'à  moi-même. Si j'ai découvert comment créer des Portes, d'autres y arriveront. Le danger est trop grand. Aussi je choisis de revendiquer ce pouvoir pour moi seul plutôt que de lâchement en laisser le fardeau à  une autre personne, laquelle serait à  coup sûr moins bien intentionnée. Je cherche des subordonnés.
Jeroboam sourit.
- Et c'est le rôle qui vous est échu. Ainsi que la raison de vos tourments antérieurs.
Plissken comprit. Il voulut se jeter sur l'être cornu, ses membres le trahirent ; il retomba dans une déflagration de douleur sourde.
- Oui ! jeta Jeroboam. C'est moi qui vous ai transportés dans le Jurassic Park ! Je vous ai fait quitter votre monde, et vous êtes apparus là  !
- Pourquoi ? explosa Plissken. Nom de Dieu, pourquoi ?
- J'avais besoin de lieutenants fidèles pour conquérir les dimensions en mon nom. Mes capacités me permettent de créer des corps vivants. Mais j'avais un problème? un guerrier avec un esprit neuf, un esprit de guerrier, ne sert à  rien.
- Un démon comme vous doit disposer d'âmes par milliers !
- Oui, j'aurais pu transvaser n'importe quel spectre de passage dans les réceptacles appropriés? cependant, là  encore, il y aurait eu un inconvénient. Leurs karmas et leurs dépouilles n'auraient pas été au diapason. Si les gens connaissent si bien leurs corps, c'est parce que leur psyché s'est développée en même temps que lui.
Jeroboam caressa sa corne machinalement.
- Il me fallait des supports. Des êtres vivants - pourquoi pas des humains - basiques, avec des réflexes acquis et une harmonie entre âme et enveloppe charnelle.
- Pourquoi ? Pourquoi nous ?
- Ah, là  encore, rien n'est simple, mon cher Plissken. Ces êtres vivants devaient répondre à  des critères particuliers. Les caractéristiques primordiales que je recherchais étaient un entraînement au combat, afin de ne point trépasser quand je les lâcherai dans des dimensions inconnues pour affronter je ne sais quelles entités, ainsi qu'une aptitude à  gérer une situation inconnue. Un guerrier ordinaire, envoyé dans un monde parallèle, verrait sa raison s'écrouler dans les plus brefs délais. Je ne voulais pas de déments incontrôlables. J'ai donc choisi des Madnautes.
Plissken ne trouvait plus aucun commentaire à  faire. Il garda le silence tandis que Jeroboam déambulait autour de lui, lissant les manches de son étrange costume.
- Le magazine Mad Movies est axé avant tout sur le cinéma fantastique, argua l'être. Connaissant Internet et ses forums, je savais qu'il existait une communauté correspondante sur la Toile. Et je savais aussi que des habitués du forum Mad Movies seraient plus à  même d'affronter des voyages inter-dimensionnels que l'homme de la rue. Moins de chances de disjoncter.
Il eut un large sourire.
- Cette phase de sélection préliminaire achevée, je me suis emparé de la plupart des Madnautes et je vous ai tous balancés, créant des Portes au hasard, dans le Jurassic Park. J'avais auparavant pris soin de couper tous les contacts de Hammond avec le reste de sa planète et d'anéantir les dispositifs de sécurité. Le Jurassic Park constituait le parfait terrain pour y organiser votre entraînement. La sélection naturelle fit effet et seuls les meilleurs s'en sortirent.
- Et si nous étions morts ?
- Mes plans ne tolèrent pas les erreurs de mes futurs serviteurs. J'aurais recommencé l'exercice avec un autre forum. Vous avez survécu. Malgré David Dunn qui m'a mis des bâtons dans les roues, vous avez vaincu tous les dinosaures qui croisaient votre chemin et vous avez remporté l'épreuve finale en anéantissant le tyrannosaure. Mon expérience est arrivée à  maturité, comme le bon vin, et la matière première est entre mes mains.
Silence.
- Vous, Plissken, et vos compagnons? un par un, je vous expliquerai ça ainsi que votre destin. Devenir mes lieutenants. Je vais modifier votre nature, altérer vos corps et vos âmes. Votre futur, tout ce qui constitue votre être, votre karma, en somme, sera façonné selon mes buts. Vous conserverez votre passé, vos personnalités, votre libre arbitre. Mais vos organismes vont se changer en des choses bien plus fortes et plus résistantes. Vous serez les lieutenants de Jeroboam.
Pas de réponse.
- Plissken ? Plissken. Pas de réplique à  cette tirade ?
- Une seule.
Les mains ensanglantées de l'homme se fermèrent en poings.
- Il n'est pas question que je me soumette !
Il eut un soubresaut et agrippa la cheville de Jeroboam. Celui-ci se dégagea d'un coup de pied, recula.
- Vous êtes invalide, Plissken. Et si vous aviez vos deux jambes, ça ne changerait rien. Je suis bien trop puissant. Vous ne sauriez m'atteindre.
- Enfoiré !
- Ne jamais forger d'arme qui pourrait nous pourfendre.
- Salaud?
- Salaud ? Je vous offre une chance de faire quelque chose de votre vie, Plissken ! L'humanité n'est qu'un marais putride. Seuls les conquérants font l'Histoire, Plissken ! Pas les grains de poussière ! Je suis de l'espèce des vainqueurs, parce que je fais passer mes objectifs devant mes moyens ! Je ne me cache pas sous une morale hypocrite et je sers avant tout mes propres intérêts ! Et ne venez pas me parler d'égoïsme ! Connaissez-vous plus égoïste que vous et vos semblables, Plissken ? Avez-vous vu votre monde ? Je suis allé dans bien des dimensions, mais j'ai rarement vu plus répugnant et plus hypocrite ! Le mot " individualisme " ne cache que les éléments des masses tentant de se rassurer en professant le caractère unique de chaque personne, tandis que tous sont victimes des ravages de la mode ! Etre gentil, être sociable? mais au fond, tout le monde reste derrière son propre point de vue ! Le politiquement correct ne fait que dissimuler votre ignominie ! Et le plus amusant, c'est votre tolérance intolérante ! Chacun peut faire ce qu'il veut, mais ne vous avisez pas de vous vêtir en violet ou vous serez la risée de chacun. Chacun peut dire ce qu'il veut, mais insultes, critiques et jurons sont bannis. Chacun peut penser ce qu'il veut, mais il y a certaines choses au sujet desquelles on n'est pas autorisé à  réfléchir. Chacun peut écrire ce qu'il veut, mais le lyrisme passe pour de la faiblesse, le sentimentalisme pour de l'eau-de-rose et le cynisme pour du nihilisme.
Jeroboam fit volte-face, et Plissken ne vit plus son visage convulsé par la rage.
- Dans un tel environnement, les gens ne pensent plus qu'à  enlever la poutre de l'?il du voisin. C'est toujours à  autrui de se remettre en question, jamais à  soi-même. Les faux-semblants ont pignon sur rue et on les taxe de vérités absolues. Et l'amour? Plissken, savez-vous ce que signifie l'amour ?
L'intéressé ferma les yeux.
- Oh oui, Plissken, vous croyez le savoir. Mais vous allez le découvrir. Et je compte là -dessus pour m'assurer de votre docilité.
Soulevant les paupières, Plissken vit Jeroboam reculer jusqu'au fond de la nef. Il toucha l'extrémité de sa corne verte, courbe et acérée. Un éclair en jaillit et alla frappa le sol, juste devant Plissken. Les dalles de la cathédrale insolite virèrent au noir et acquirent d'étranges reflets. C'était à  présent semblable à  un liquide. Des vagues vinrent faire onduler la zone circulaire et ténébreuse au sol. En tendant le bras, il aurait pu toucher la substance.
De nouvelles décharges d'énergie fusèrent. Le liquide parut s'enflammer, prendre des contours bestiaux. Et un dragon en sortit. Une bête énorme aux écailles grisâtres. La chose emplit la nef, déployant ses ailes membraneuses. Elle avait la beauté terrible d'un tigre aux aguets.
Plissken plongea son regard dans celui du dragon gris.
- Voici Bahamut, annonça Jeroboam. L'un des espers que je peux invoquer. Si je crée une Porte, il peut rejoindre votre univers particulier et votre planète précise d'ici dix minutes. Et anéantir tous les êtres humains dégageant des phéromones quelque peu semblables aux vôtres.
La gorge de Plissken devint sèche.
- Jeroboam. Vous n'allez pas?
- Votre famille. Vos amis. Tous vos voisins. Tout ce que vous connaissez, tous ceux que vous aimez. Tout cela, et bien plus encore, sera anéanti.
Il sentit une larme couler sur sa joue. Sa vue se brouilla. Il ferma les yeux et se coucha à  terre.
Il entendit le ricanement de Jeroboam.
- Pensez à  l'amour, Plissken ! Je vous avais dit que vous découvririez ce que cela signifie. Pas l'amour de l'âme s?ur, mais l'amour de sa propre vie - car Bahamut vous tuera après vos pairs, n'en doutez pas - , l'amour des autres, du quotidien, de ce qui constitue votre existence. L'amour de vos biens, l'amour de vos parents. Et même si vous n'éprouviez rien de tout cela, pensez que des innocents vont être assassinés.
Plissken n'était que désespoir. Ses entrailles étaient dévorées par les flammes de son chagrin. Il tombait dans un gouffre sans fin.
- Vous êtes un monstre?
- Tout ce que j'aime moi-même peut être sacrifié à  ma cause. J'ai déjà  tout perdu. Vous avez le choix, Plissken. Pensez à  ceux que vous aimez, pensez que vous pourrez éviter que Bahamut ne les supprime en devenant mon lieutenant.
Sanglot.
- Vous pourriez vous tuer, bien sûr, Plissken. Mais même dans ce cas, votre famille et vos amis mourraient. C'est le moyen de pression le plus efficace qui soit.
Il y avait une seule issue. Mais il ne voulait pas. Se soumettre à  Jeroboam, c'était se ranger au plus mauvais parti.
Que préférait-il ?
Ses idéaux ou sa famille ?
Sa foi en certaines choses ou la sauvegarde de vies ?
Plissken entendit une voix au plus profond de lui.
Ca te rendrait fort ? Crois-tu puiser la moindre force en sacrifiant ceux que tu aimes à  tes idées ? Tu ne serais qu'un salaud, rien de plus.
Personne ne devrait avoir à  faire de tels choix. Ca me rappelle les nazis qui demandaient aux Juifs, dans certains camps de concentration, de choisir, dans une liste, les gens qui devaient être exécutés, sans quoi tous mourraient.
Je ne serai pas responsable de leur mort ! C'est Jeroboam qui est la cause de tout ! C'est Jeroboam qui enverra Bahamut les tuer ! Jeroboam, Jeroboam, Jeroboam !

- Jeroboam ! Jeroboam !
Plissken se rendit compte qu'il avait crié le nom.
Il n'ouvrit pas les yeux.
Mais si tu acceptes, ils ne mourront pas. Tu le sais. C'est un mal indirect et ce salaud fait du chantage. Malgré tout, si tu refuses l'offre de Jeroboam, si tu ne deviens pas son lieutenant et qu'il te tue, tu te suicides et tu condamnes du même coup les autres. Tu meurs damné.
Y a-t-il une vie après la mort ? Verrai-je autre chose ?
Il vaudrait mieux pour toi qu'il n'y ait pas de vie après la mort. Si c'est le cas, ta famille, dont tu auras précipité le trépas, aura des projets pour toi.
Ce n'est pas un véritable choix.
Refuse ! Tu ne vas pas faire ça ! Te laisser domestiquer par ce salaud !
Et si j'attendais pour vaincre Jeroboam plus tard en feignant de me soumettre ?
Ca s'appelle de la trahison.
Il est le seul fourbe dans l'histoire !
Tu te mens à  toi-même !
C'est un cauchemar. Comment ai-je pu me retrouver dans une situation si? ?
Tu vas te réveiller, je vais me réveiller.
Non.
Et mes autres compagnons ?
Cauchemar, cauchemar, cauchemar.
Tu ne résoudras rien en pensant ça.
Faut-il hésiter à  s'avilir pour sauver les autres ?

Plissken poussa un seul cri
Il ouvrit des yeux baignés de larmes et les fixa sur Jeroboam. Le dragon Bahamut avait disparu.
- Tu refuses, hein ? Bahamut est parti tuer?
- J'accepte ! hurla Plissken. J'accepte ! Rappelez votre dragon !
Jeroboam claqua des doigts. Une gueule reptilienne apparut un bref instant. Puis des volutes de fumée montèrent.
- J'ai révoqué Bahamut. Bienvenue dans ma légion.
- Je vous maudis ! Je vous maudis !
- Je sais, fit Jeroboam. Et j'aime ça.
Il s'approcha de Plissken et se pencha sur lui. L'homme remarqua combien il était beau. Même sa corne nacrée dégageait la magnificence.
La beauté du diable, songea Plissken.
- Je dois te modifier avant que toi et tes compagnons - eux aussi accepteront de devenir mes lieutenants, j'en suis convaincu - ne partiez pour divers mondes.
Il se crispa.
- Plissken, je ne te mentirai pas. Ca va te faire très mal.
La souffrance afflua. Plissken hurla. Il ressentait plus de douleur que jamais. Son supplice crût en intensité. Il finit par s'évanouir tant la souffrance était forte.
Dans son esprit qui sombrait dans un trou noir, une seule pensée surnageait. Une conviction aux consonances de désespoir.
Tout était fini.

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