En fait, Tolkien décrit bel et bien les Orques à plusieurs reprises, mais à sa manière propre : par de brèves indications, du genre d'un détail ("tronc courbe", "yeux plissés", "jambes torses", "dents jaunes") toutes les dix mille pages. Quand on est chanceux, on peut trouver deux ou trois adjectifs qualificatifs sur les Orques. Il les a également dépeints, de manière toute aussi brève et floue, dans ses lettres.
J'ignore si l'objectif de notre cher John Ronald Reuel était de simuler une réalité zoologique de ses créatures en s'abstenant de les décrire (dans notre monde, qui a besoin qu'on lui décrive un éléphant ou un cochon ?), ou d'accroître ainsi leur potentiel terrifique : il visait probablement à faire d'une pierre deux coups... ou plus vraisemblablement ne s'intéressait pas du tout à ses monstres ! Il paraît davantage fasciné par ses hobbits, ses elfes et ses nains que par Ungoliant, Morgoth, le Seigneur des Anneaux et Cie.
Dans tous les cas, quelle qu'ait été sa volonté, ça ne marche pas des masses, non, pas des masses, en tout cas à mon oeil. J'ai d'autant plus de mal à pardonner à Tolkien de s'enfuir à toutes jambes dès qu'il est question de description d'un monstre... qu'il lui arrive de se contredire dans ce qu'il raconte ! Chez les Orques plus que toute autre espèce, d'ailleurs.
Anecdote croustillante : établir une origine canonique aux Orques est un doux rêve (et de toute façon, le professeur étant mort avant d'achever son oeuvre, toute vision véritablement canon de l'univers en est un, aussi). Ils connaissent pas moins de quatre versions différentes de leur genèse, et AUCUNE ne fonctionne.
1) Golems de Morgoth : Ha bon, Morgoth peut créer des êtres autonomes, maintenant ?
2) Elfes torturés et corrompus : Mais c'est super, alors pourquoi ils sont pas immortels, ou tout du moins dotés d'une certaine longévité ?
3) Humains corrompus : Ouais, ça a l'air de tout arranger... Sauf que les humains, ils apparaissent après.
4) Hybrides elfes-humains corrompus : cumulation des problèmes 2 et 3, bravo, professeur...
Bref, pour le physique, c'est pareil, Tolkien n'a pas arrêté de changer ces éléments tout en ne les indiquant que par d'obscures références, la taille varie, le teint de peau aussi, les Orques sont, selon les passages, dégingandés ou plutôt courtauds, et histoire d'arranger les choses, les cartes sont brouillées par le Subterfuge des Gobelins, de sinistre mémoire.
Tout ce qu'on sait clairement des Orques d'Arda, la constante qui jamais n'a changé, c'est qu'ils sont laids. Très laids. Hideux autant qu'ignobles.
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