Jadis -et c'est fait prouvé, il n'y avait point de télévision. Et si le bon peuple paysan, travaillant ses terres de l'aube jusqu'au crépuscule afin de nourrir sa fidèle épouse et les fruits de ses reins, s'endormait en ne ressentant nul besoin de futilités; amplement satisfait de l'oeuvre quotidienne et plusieurs fois séculaires accomplie, il n'en allait pas de même avec les gens des villes. La cité rythmait comme elle l'entendait l'existence de sa populace, qui l'heure creuse ou le soir oisif s'ennuyait ferme.
Faute de Jean-Pierre Pernault, les justes souverains soucieux du bonheur de leurs petites gens eurent à innover. Ce qui est chose faisable quand on a le sang bleu, généralement. Et ainsi s'accomplit le mot d'ordre de la noblesse, "Fais ce que dois": On fit édifier des échafauds, des gibets et des potences sur les grand' places pour y châtier les malhonnêtes et les dégénérés devant la plèbe soucieuse de divertissements.
Tonneliers, maçons, ratiers, artisans, tous unis dans la même torve contemplation d'une quelconque vermine se balançant au bout d'une corde. Mais les plus subtils de nos aïeux se lassaient souvent fort promptement de cette longue appréciation. Tout cela ne manquait-il pas d'interactivité?
Est-il besoin de vous rappeler qu'à l'époque les jeux vidéo n'étaient pas encore de ce monde? Qu'à cela ne tienne, on créa des piloris pour satisfaire les attentes du Tiers-état, qui se défoulait volontiers quelques instants durant en se débarassant de leurs diverses déjections domestiques dument lancées à l'affreux faciès d'un butor coincé entre deux lourdes planches de bois soucieuses d'équité.
Attention, n'allez pas imaginer de malsain sadisme dans cette vindicte populaire et naturelle! La ville porteuse de vices engendre bien souvent violence et moeurs dissolues dans les esprits de ses enfants; et ces belles inventions étaient avant tout le réceptacle de bien mauvais sentiments ainsi extirpés de la classe travailleuse, qui l'âme reposée par cette félicité si caractéristique du brave ayant contribué de quelque manière qu'il soit à la justice, de la plénitude de l'homme sain et libre rentrant chez lui dormir de son saoul, conscient des bienfaits de sa civilisation, forgeant l'harmonie entre les cycles de la nature et les aléas de la technologie.
_________________ « On ne fait rien de grand sans fanatisme. » (Flaubert)
|